1 -
Je crois que je ne t'aime plus... Je ne pensais qu'à l'embrasser... Je n'ai plus la force de me battre.
Margot éloigne ces pensées de son esprit. Elle range les livres qui jonchent son bureau dans un carton, les yeux rivés vers la rue. Il y a longtemps qu'elle ne s'est pas autorisée à y penser. Un nœud au ventre lui lacère l'estomac. Un an qu'elle s'évertue à laisser le passé derrière elle. Et il aura suffit d'un message pour tout ébranler.
« Ils ont choisi de le faire interner ce matin. Il s'est laissé faire. Il est resté silencieux jusqu'au moment de monter dans la voiture. Et puis il a prononcé ton nom. »
Margot est capable de réciter le message mot pour mot. Elle l'a relu des centaines de fois depuis sa réception. Pour être certaine de bien comprendre. Pour tenter de donner un sens à la situation. La jeune femme fait un bref retour en arrière. L'espace de quelques minutes elle brise la promesse qu'elle s'est faite, de garder les pieds ancrés dans le présent en permanence.
Elle s'assoit au ralenti sur la chaise de bureau, comme assommée par le poids des souvenirs. Elle prend son visage entre ses mains et se souvient.
- Je n'ai plus la force de me battre.
Le visage enfouit dans son oreiller, Nico sanglote. Margot reste un moment en retrait au bout du lit. Il ne l'a pas habituée à de telles effusions d'émotions. D'ordinaire il refoule les larmes, il ravale ses blessures. Mais ce jour-là il pleure comme l'enfant apeuré qu'il semble être à l'intérieur. Margot prend de grandes inspirations pour s'insuffler la force nécessaire afin d'affronter la situation. Elle se rapproche de Nico pour venir l'enlacer tendrement. Elle est terrifiée. Les propos du jeune homme sont graves. Il s'engage sur la voie de l'irréparable.
- Tu es fort, tu es toujours parvenu à remonter la pente.
Il s'accroche aux mains de Margot. Elle n'est plus seulement sa petite-amie. Elle est également la bouée qui lui permet de ne pas se noyer dans ses idées noires. Nico pose sa tête contre la cuisse de la jeune femme. Il est à bout de souffle. Il tremble de tous ses membres. Margot caresse doucement son dos, incapable de trouver les mots adéquats pour soulager sa peine immense.
- Tu n'es pas seul, on peut gagner ce combat à deux.
- Tu ne m'abandonneras pas, hein ? Tu seras là quoi qu'il arrive ?
Il a peur. L'idée qu'elle le laisse derrière elle l'effleure et ça commence à le dévorer de l'intérieur. Il considère qu'elle a le droit de s'en aller. Personne n'a à supporter la souffrance d'autrui.
- Je suis là. Je ne vais nul part.
On frappe à la porte de l'appartement. Margot sort de ses souvenirs pour se précipiter dans l'entrée. Nathaniel est planté sur le paillasson, un bouquet de fleurs à la main. Le sourire qui étire ses lèvres en dit long sur la joie qu'il ressent à l'idée de passer cette soirée en compagnie de Margot.
- Tu as une petite mine, tu as passé une mauvaise nuit ?
Margot referme la porte et s'adosse à cette dernière pour fixer Nathaniel. Le jeune homme comprend par le regard soutenu de sa petite-amie que quelque chose ne va pas. Et ses yeux qui se baissent honteusement vers le parquet lui apprennent ce qui ne va pas.
- C'est Nico, pas vrai ?
- Ils l'ont fait interner en hôpital psychiatrique ce matin. Apparemment il m'a demandée.
Nathaniel perd ses couleurs. Il est habitué à la présence de ce fantôme. Ils vivent en permanence avec le risque de voir l'ombre de Nico s'immiscer dans leur histoire. Ce jour est venu plus vite qu'il ne l'avait imaginé.
- Qu'est-ce que tu comptes faire ?, demande-t-il.
Son ton est plus dur qu'il ne l'aurait souhaité. Margot ne lui en tient pas rigueur. Elle hausse les épaules. Elle souhaite se réfugier dans les bras de Nathaniel et trouver le moyen d'oublier cette période de sa vie. Celle durant laquelle elle ne vivait plus. Celle durant laquelle elle se sacrifiait pour un homme qui n'avait rien à lui apporter. La période de sa vie qui l'a détruite pour ensuite lui permettre de mieux se reconstruire.
- Tu devrais y aller. Pas pour lui. Pour toi. Si tu y vas tu auras l'occasion de te confronter à ce passé que tu cherches à fuir à tout prix depuis un an. C'est le meilleur moyen de faire ton deuil de cette histoire.
Margot sort de son mutisme pour s'élancer dans les bras de Nathaniel. Le jeune homme la réceptionne contre son torse pour lui offrir la protection qu'elle a besoin. Alors qu'elle niche son visage dans son cou, il se dit qu'il n'a jamais vu une femme aussi forte avoir aussi peur d'être abandonnée.
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