Chapitre 24
Une main me secoue avec douceur, m'éloignant ainsi de mon sommeil.
Les yeux mis-clos, je parviens à distinguer ma mère penchée au dessus de mon lit, un regard protecteur qu'elle pose sur moi.
Je me retourne vers ma table de chevet et regarde l'heure sur mon réveil.
5h16.
- Maman... Dis-je d'une voix à peine éveillée.
- Tout va bien ma puce, dit-elle pour me rassurer, avec Annie et Célia nous allons aller voir le lever du soleil.
- Célia? Pourquoi on y va toute les trois et pourquoi vous m'avez pas prévenu?
- Parce qu'il y a des choses que l'on a pas besoin de savoir, me dit ma mère d'une voix douce.
Habilles toi et rejoins nous dans la cuisine. N'oublie pas de prendre une veste, il fait froid dehors!
Ma mère se relève lentement et quitte ma chambre. Je m'assoie sur mon lit en baillant et me frotte le visage.
Ils sont vraiment bizarres! Pourquoi et comment Annie et surtout Célia se sont retrouvées dans ma cuisine à cinq heures et quart du matin pour aller voir le lever du soleil?
Je laisse toute ces questions de côté, et vais m'habiller. J'enfile un vieux jeans troué, un T-shirt pris au hasard dans ma penderie et le gilet gris que j'avais porté à l'enterrement de Samuel et qui depuis était rester sur la chaise de mon bureau. J'enfonce mon visage dans la laine, et sens l'odeur de cette affreuse salle où nous avions évoqué la courte vie de mon frère. Mon coeur se resserre , emprisonné dans les mails du gilet, mon visage engouffré dans la laine de la mort...
J'arrive en traînant les pieds dans la cuisine. Annie et Célia, qui ont l'air tout à fait réveillées , sont entrain de discuter calmement autour de la table. Ma mère, un peu plus loin, boit son café du matin. Pour être matinal, il l'est!
Je viens m'asseoir à coté des filles.
- Salut! Me dit joyeusement Annie.
- Salut... Dites? Vous étiez au courrant pour ce matin vous?
- Oui... Et non! Dit Célia.
Je baisse la tête, intimidé de me trouver ainsi devant elle.
- Comment ça "Oui et non", je demande.
- Ben ça s'est prévu un peu à la dernière minute si tu veux!
- Ah... Et ça vous dérange pas de venir ici si tôt?
- Bah non!
- Bon! Intervient ma mère.
On y va? Estelle tu déjeuneras en revenant. Je prends les clefs de la voiture et c'est parti!
- Hein? On prend la voiture?
- Eh! Fait Célia.
Arrête de poser des questions et suis nous!
Elle me prend par la main et nous sortons ensemble dans le jardin.
Sa peau froide caresse la mienne et je sens mon corps devenir bouillant. Mon coeur battre à mille à l'heure et mon envie de vivre grandir, toujours plus forte!
Je presse sa main et elle presse la mienne en retour. Dans un océan de sensations, j'en oublie tout! L'heure, le froid, la raison de cette sortie matinale. Car j'apprends et je découvre la définition du mot... Amour!
Nous nous installons à l'arrière de la voiture, sans nous lâcher les mains. Tant pis pour la ceinture! Ma sécurité se tient tout près de moi.
Annie est à l'avant avec maman.
La voiture démarre et je me sens rapidement bercée par le bruit du moteur.
La fenêtre s'ouvre derrière moi, et une légère brise pénètre dans la voiture, faisant voleter les longs cheveux de Célia.
Nos deux mains toujours l'une dans l'autre, nos regards n'en faisant plus qu'un. Ses yeux à la fois sombres et clairs, tout comme elle, s'imprègnent dans les miens et inversement.
Les battement de mon coeur sont si rapides, que j'ai peur de faire une crise cardiaque.
Je suis comme hypnotisée, noyée, aspirée dans un bonheur infini!
Son pouce caresse ma peau et je voudrais m'imprégner de son ADN pour toujours.
J'ai tout à coup une folle envie de me serrer contre elle, de toucher ses cheveux, de prendre ses deux mains pour être sûr qu'elles sont bien réelles. J'ai envi de connaitre l'origine de cette mélancolie toujours en elle, D'effleurer ses joues, ses lèvres! J'ai envi de lui redire cette phrase, lui crier... JE T'AIME!
La voiture se gâre sur le côté d'une route à l'extrémité du village. Ma mère coupe le moteur et ouvre sa portière.
De tout le trajet nous n'avons pas bougé...
Dans un silence, magnifique silence, nous nous détachons l'une de l'autre. D'habord par nos mains qui se quittent, puis par notre unique regard qui s'arrache.
Je reprends mes esprits et ouvre la portière. Célia sort de l'autre côté et nous nous rejoignons.
Le peu de lumière présente, me donne l'impression d'être à côté d'un ange.
- J'ai vu le futur... Dis-je dans un murmure.
- Moi aussi!
Oui. J'ai enfin vu dans le futur. Vous savez? Celui où je me voyais sourire...
Nous marchons côte à côte, moi entre Annie et Célia. Ma mère pour je ne sais quelle raison, est restée à la voiture.
On peut apercevoir à l'horizon, le ciel se teinter d'orange annonçant l'arrivée du soleil.
Arrivées sur un petit chemin, je le reconnais immédiatement et sais où il conduit.
L'endroit que je m'étais promis de ne plus visiter avant très longtemps. Bizarrement, je me sens assez prête pour retrouver le lieu de mes angoisses.
- Je croyais qu'on devait y aller cet après-midi!
- Je sais... Dis Annie, mais le soleil ne se lève pas l' après midi!
Nous marchons encore quelques mètres sur le centier conduisant au haut de la colline, avant d'arriver devant le grand portail du cimetière.
- Je vous laisse là!
Dit Annie en repartant.
Je me retrouve alors seule en face de Célia.
- Tu sais... Je ne rentrerai pas avec toi.
- Pourquoi? Demandais-je avec inquiétude.
- Parce que c'est à toi que reviennent les rayons du soleil!
Tu en as besoin!
Je ne dis rien. Je ne peux rien dire. Parfois je me sens atrocement égoïste! Comme si j'étais légitime à recevoir moi et pas quelqu'un d'autre, les rayons de soleil.
Elle prend alors mes deux mains, me relève la tête et me sourit.
Comme un au revoir , le plus naturellement du monde, je m'approche d'elle, et dans un geste imprévu, l'embrasse!...
Des centaines d'aiguilles semble se planter tout au fond de moi au moment où nos lèvres se rencontrent.
Des lèvres de filles s'aimants très fort!
Je sens mon coeur qui fait des bons dans ma poitrine, et ma respiration reste calme.
Mes yeux clos s'avourent ce moment où je m'autorise le bonheur.
Je me sens toujours plus légère, vidée de mes peurs.
N'ayant plus peur de l'inconnu!
Voulant même l'apprivoiser, apprendre à l'aimer.
Ou bien... Réapprendre à vivre!
Un baisé simple, sans prise de tête.
Doux.
Légé.
Comme de l'air.
Un noir profond.
Un esprit vide et nourit.
Un oubli total du temps et de l'espace.
Un silence frôlant la perfection...
Deux coeurs battants!
Je ne me l'imaginais pas comme ça...
Je ne l'imaginais pas vraiment bien, et pas vraiment mal.
Peut-être même que je ne me l'imaginais pas du tout!
Après ce qui me semble être une éternité, mais qui en vrai ne se résume qu'à quelques secondes, je me détache de Célia, fais glisser mes mains hors des siennes, et dis tout bas:
- Merci... Merci d'avoir fait décoller ma vie. Mais je dois lui dire au revoir.
Elle sourit,
et je pousse la porte du portail.
Le vent arrachant la peau de ses cadavres.
La pierre régnant sur son territoire.
Les urnes contenants les cendres.
Le cimetière.
Je pousse la lourde porte derrière moi. Elle ne produit aucun grincement sinistre, ne dévoile aucune ombre étrange.
Non! Ici, nous sommes bel et bien dans la réalité.
Il n'y a plus que moi, et le tas de terre qui sert de maison à mon frère.
Je m'avance lentement, avec cette sértitude au fond de moi que ce que je m'apprête à faire, est nécessaire. Je regarde à ma droite et suis émerveillée part ce que je vois. Ce pourquoi je suis vennue...
Le ciel dévoilant un magnifique dégradé de couleurs. Toutes plus lumineuses les une que les autres! Et ce soleil! Ses rayons me transcendent, sa lumière m'éblouie! Ce soleil qui commence à peine sa course dans le ciel, qui nous éclaire, nous réchauffe, nous permet de nous nourrir! Dites moi... Qu'elle est la dernière fois que vous vous êtes concentré, que vous vous êtes rendus compte de l'importance et de la beauté de cet astre, au dessus, là haut, très loin de nos têtes?
En tout cas moi, cela faisait beaucoup trop longtemps.
Je sens ma peau qui se réchauffe centimètre par centimètre. Comme un léger voile de chaleur et de bien-être qui me recouvrirait toute entière.
Je sens la terre trembler sous mes pieds en recevant toute cette énergie. Chaques cellules de chaques parcelles de mon corps se mettent à tourbilloner de bonheur, en recevant cette dose de vitamine D!
Je laisse mes yeux se fermer et m'assieds sur le sol. Parfois, des petites bêtes viennent me chatouiller les mains. Et ces petites bêtes deviennent uniques!
Je prends soudain conscience de Tous ce qui m'entoure. De toute la vie qui m'était inexistante et pourtant si présente....
Et je trouve ça beau putain!
Insectes, plantes, chaques oiseaux qui passent laissant au passage son cri de victoire!
Je me sens si ben ici...
Entourée de toute cette vie!
Non... Je n'ai jamais été seule!
En pensant à lui, j'oubliais ceux qui étaient encore là...
Je me souviens ce temps... Il n'y a pas si longtemps. Où j'allais, je m'envolais. Et pourquoi? Pour voir ça!
Je me sens si égoïste...
Comme si j'avais décidé que l'avenir du monde dependrai de moi et seulement moi!
Toujours les yeux clos, je fais glisser mes mains dans les poches de mon gilet et sens quelque chose.
Je le prends entre mon index et mon pouce, et le sors de ma poche droite.
C'est une feuille pliée en quatre.
Lentement, je la déplie et me rappelle ce qu'il est écrit dessus...
Je parcours les lignes des yeux, me rappelant que je ne l'ai aient jamais prononcé à haute voix.
Je ris en me rappelant avoir dit "quelques lignes". En vérité ce dresse devant moi un grand paragraphe écrit d'une écriture tremblante. D'une voix chevrotante d'émotions, je lis ces mots qui me paraissent maintenant hors du temps.
"Que devrai-je dire de plus sur la vie de mon frère? Mise à part qu'elle fut simple, courte... Quel adjectif devrai-je donner pour vous décrire la fabuleuse personne qu'il était? A part... Parfaitement imparfait. Comment savoir ce qu'il me reste! Alors qu'il était tout!"
Cette dernière phrase sort de mes cordes vocales dans un cri de douleur interminable. Je sens mon coeur se rompre sous le poids de mes mots. Il ne me reste plus qu'à présent, le silence du matin et ce bout de papier pour combler les trous qui se forment en moi.
" Il était tout!"
M'écriais-je encore une fois.
"Et en partant... Il m'a laissé le néant."
Je pose la feuille à ma droite, et tant bien que mal, essaie de me calmer. Mes larmes incontrôlables ne cessent de couler et mes cris de détresse ne sont que plus profonds.
Ma main gauche glisse vers la feuille et d'un coup, d'un seul coup! je me mets à la froisser, l'écraser!
Ma main se ressert toujours plus. Mais qu'est-ce que je cherche à faire bordel! Comme si broyer ce texte aller empêcher mon coeur de se désintégrer. Pourtant, je ne peux m'arreter de refermer ma main sur ces mots du passé. Ces mots provenants d'une petite fille se sentant délaissée, se sentant abandonnée.
Non!
Non je ne peux pas! Il l'a mérite!
Je me relève d'un bon dépliant mon texte et hurlant:
"NON!"
D'un pas décidé je marche... Non, je cours! Et arrive devant elle...
"Samuel privat"
1995-2014
Mes yeux la parcourt. La pierre installée depuis peu, lisse, glaciale. Je ne sens auccune larme venir. Je me sens prête! Je me dresse face à elle, et d'une voix forte comme de la roche, j'ouvre enfin la porte de mon coeur.
"Tu m'as vu grandir... Tu m'as fais grandir! Et tu me laisses, tu pars, sans signe de départ, sans date de retour. Comment dois-je le prendre? Comment pourrai-je guérir?"
J e m'arrete dans ma lecture, et relève les yeux vers le ciel. Vers l'aube de tous mes espoirs. Le soleil m'éblouit, encore... Et je me mets à hurler pour déchirer, pulvériser ce silence qu'à présent je ne supporte plus.
Je hurle...
Sans fin,
sans retour possible.
Ma tête se met à tourner, et c'est comme si je sentais mon corps lâcher. Et mon Dieu! Je me sens tellement bien! Le poids de ma cage thoracique s'envole. C'est comme si tous mes vêtements n'étaient plus que de l'air. Rien d'autre! De l'air pur... Je laisse tomber ma feuille par terre, prends une grande bouffée d'air frais, et dans un seul et même écho, une seule et dernière seconde de douleur, avant de m'envoler et ne plus jamais ratterir, je dis:
" Tu as écris avec moi le premier chapitre de ma vie. Alors ne m'en veux pas si je décide d'être l'auteur des péripéties de mon avenir. Adieu... La vie, continuera.
FIN
A ma maman, Florence
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