Chapitre 21

Aucune question, aucune allusion  à nos paroles de ce matin. Et merci! Je ne l'aurais pas supporté. Aujourd'hui, j'ai décidé que je voulais sourire! Avant que le regard froid de Célia ne l'emporte à tout jamais.
J'attends l'arrivée d'Annie en tapant mes deux pieds sur le bas de mon lit, créant une rythmique que je ne saurais arrêter. Ma mère m'a suggéré d'inviter Annie et aussi bizzare que cela puisse paraître, j'ai trouvé que cela était une bonne idée. Depuis toute petite, l'idée qu'un ami vienne chez moi ne m'a jamais vraiment enchanté. Je l'ai déjà fait c'est vrai! Mais j'ai l'impression d'être emprisonnée. De devoir jouer un rôle... Le plus douloureux, c'est de savoir que devant cette personne, je ne peux pas me montrer faible. Je me l'interdis!  Et j'ai besoins de rester seul... Ça n'a jamais changé.

Entraînée par le rythme produit par mes pieds contre le matelas, mes mains s'animent elles aussi et je me retourne sur le ventre pour permettre à mes paumes de mains, de frapper elles aussi. Je m'amuse à créer de nouveaux sons avec les différents tissus, et petit à petit ma main gauche glisse sur le côté du lit. Le bois lisse résonne et fait vibrer mon corps. Mon coeur s'accélère et je bouge dans tout les sens à la recherche de nouvelles tonalités, de nouvelles sensations... 
Les rythmes de plus en plus forts, de plus en plus puissants, s'imprègnent en moi. Je danse aux milieu de tout ces gestes à la fois gracieux, fermes, lents, rapides! A la parfaite synchronisation de mes gestes, je créer... La musique!

C'est fou tout ce que l'on peut faire avec le corps. Ne serait-ce que ces trois petits coups frappaient à la porte d'entrée.

- Annie est là! Crie ma mère depuis le salon.

Je me lève, et me dirige vers l'entrée. Mes pas lents, caressent le parquet et s'arrêtent devant la porte. Annie se tient devant, abordant un sourire resplendissant. Elle a attaché ses cheveux blonds, en une belle natte lui retombant sur l'épaule.
Ses joues sont rougies par la chaleur de l'extérieur et j'ai l'impression de la redécouvrir.

- Waw! Fais-je, Est-ce que madame la marquise, Annie peut- elle prendre la peine d' entrer dans cette humble demeure?

Annie élargit son sourire jusqu'aux oreilles et prennant son air supérieur dit:

- Oh, très chère! C'est avec grande joie que je vais laisser mes délicates chevilles s'avancer chez vous!

Nous éclatons de rires, et sans aucune grâce, Annie se précipite à l'intérieur pour se jeter dans mes bras.  Je retrouve son odeur perdue depuis longtemps, sa douceur et cette façon qu'elle a d'être toujours réconfortante.

- Bonjour Annie! Lance ma mère, comment tu va? Ça fait longtemps!

Annie se dirige alors vers ma mère, lui fait la bise et dans un geste imprévu, enroule ses bras autour d'elle.

- Très bien Clarisse! Je vais très bien!

- Alors c'est parfait!

Annie s'éloigne et me rejoins. Je la regarde avec beaucoup de tendresse. Annie et moi ne nous connaisons que depuis le début du collège, mais elle a toujours été proche de ma mère. En sixième, elle a découvert des choses sur sa famille et elle quand elle était toute petite. Des choses qui lui ont fait beaucoup de peine... Et elle a voulu s'éloigner de tout ça le temps d'y réfléchir. Ma maman était là...
Elle l'a réconforté, l'a écouté, elle était un peu sa seconde maman pendant quelque mois. Annie venait parfois à la maison, quand sa joie s'évaporait... Je me souviens parfaitement de ces petits rituels! Quand en sortant des cours, Annie me disait "secour?" Et Je lui répondait oui avec un grand sourire. Ce mot voulait tout dire. Nous nous rendions chez moi, et une fois la porte passée, nous hurlions dans la maison "Secour! " Ma mère arrivait, nous préparions le thé, je prenais toujours du thé vert,  et Annie celui de noël. Elle disait que ça lui mettait une bonne ambiance de petite fille. Au fond c'est ce qu'elle pensait être ...  Mais une petite fille qui boit du thé de noël, n'avait pas à cacher toutes ses peines!
Nous nous installions toute les trois, nos tasses à la main et parlions.

Je n'ai pas du tout étais jalouse. Au contraire!  J'étais heureuse que quelqu'un d'autre que Sam et moi puisse connaître la femme formidable qu'est ma mère. Et avant tout, Clarisse!  Elle est forte... Incroyablement forte. Et je suis fière d'être sa fille!




- Au fait? Tu as eus combien à la rédac de Français? Demandais-je à Annie.

- Seize! Ça va! J'suis plutôt contente je m'attendais à pire!
Oh! Tu sais ce qu'elle m'a dit?

Le visage d'Annie s'éclaire et elle se met à rire.

- Elle m'a écrit, je cite, hum! : "Très bon vocabulaire et belle présentation, cependant faites attention, votre sujet déborde trop sur des faits historiques."

- Sérieux!? Tu as juste fais une référence à l'époque de la Renaissance!

- Ouais!... C'est bizzare !

- Je trouvais ça hyper beau moi de mélanger une époque comme symbole à une émotion !

- Sans doute oui... Et toi? Ta eus combien?

- Ben... elle m'a mis dix-huit parce que d'après elle je n'ai pas respecté la consigne de base!

- Hein? Bah justement! La consigne de "base"! 

Elle se lève de mon lit et se dirige vers mon bureau.

- Mais qu'est-ce que tu fais Annie?

Elle se met debout dessus et se met à tourner.

- Mais fais gaffe! Tu va te prendres mon étagère!

- Bon! Alors... Tu vois la table de ton bureau?

- Euh... oui?

- Et ben cet endroit où tu travaille même si il est vraiment en bordel!

- Eh! Je voulais ranger aujourd'hui!

- Oui c'est ça... Bref! La table, c'est la base.

- Bah non! La base c'est les pieds!

- Mais! Tu va te taires oui?

- Tu m'épuise, dis-je en riant

- Donc! La table c'est la consigne de base...

- Ah mais t'en es toujours à là?

- Laisse moi expliquer!
Toi, tu as commencé à écrire ta rédac sur cette table. Donc, à la base. Tu me suis?

- Oui mais j'ai commencé à l'écrire dans la cour du collège!

- Roh! Mais on s'en fiche! C'est une image!

Elle me regarde avec ses yeux colériques et je ne peux retenir le rire au fond de moi.
Je ris tellement que j'ai du mal à respirer!

- Mais quoi? Qu'est-ce que j'ai fais?

- C'est que!
Je reprends ma respiration.
C'est que tu prends ça tellement au sérieux! On dirait que ta vie tient sur cette explication!

Je me remets à rire de plus bel et Annie se laisse retomber sur la chaise en face du bureau.

- Mais le prends pas mal! C'est drôle c'est tout!

- Mouais...

- Arrête! Ta tête de chien battus me donne encore plus envie de rire!

Annie tourne la tête vers le grand miroire de ma chambre et au bout de quelque secondes de silence, elle se met à rire tellement fort que je fais un bond en arrière.

Après cet interminable fourire, Annie revient s'assoir à côté de moi.

- Bon! Et c'était quoi la fin de l'histoire du coup?

- Bah je voulais juste dire en gros que t'es partis d'en bas et que t'es allez j'usque dans le ciel! Ou bien... que tu es encore en chemin...

Elle baisse la tête, et je me retiens de lui faire remarquer qu'il y a un plafond et que si je m'étais envolée, je me serais cognée.
Annie, honteuse attend une réaction de ma part.

- Sortez les violons! M'écriais-je en sotant sur le lit.

- Estelle ! Ta le dont de gâcher tout les moments forts!

- C'est parce que je sais jamais comment réagir...

- Ben... Tu peux juste dire un truc simple!

- Et quoi comme "truc simple"?
C'est toi la pro des Disney pas moi!

- Aha très drôle!
Et moi je pense que si tu sais pas comment réagir c'est tout simplement parce que ta eu ta dose de moments forts...

Ces dernières paroles finissent en murmures comme si elles étaient interditent.

- Ouais, Peut-être...

- Estelle ... Je sais que tu va faire l'autruche comme d'habitude, mais j'aimerais qu'on parle de Samuel...

- Je! Oui... si tu veux.

- Ça va?

Cette question aurait pû paraître bête... Mais elle sonnait si profonde, si importante, que je ne savais même pas répondre...
Cela faisait déjà quelque temps que je me faisais cette réflexion. Dans notre quotidien, nos habitudes on pose cette question. Ce simple "ça va?" Mais la plus part du temps, on ne réfléchis même pas à notre réponse.
Je ne sais combien de fois j'ai répondu "oui" alors que cinq minutes plus tôt j'étais entrain de me cacher pour pleurer...

- Je ne sais pas... Mais pour une fois Annie! Je peux te dire que ça va mieux!

Un grand sourire vient faire fondre cette inquiétude sur son visage et je ne serais dire si ce sont mes neurones miroir, mais je me mets à sourire aussi fort.

- Mais Annie?...

- Oui?

- Et toi... Ça va?

J'attends sa réponse et le silence s'installe. Tout à l'heure, ma mère lui a bien posé cette question... Mais peut-être bien, que sa réponse était comme beaucoup d'autre réponses... Fausse! Comme ces mêmes affirmations... que font les jeunes adolescents.... Avant qu'on ne les retrouve le lendemain à l'hôpital.

Ses yeux se mettent à briller mais aucune larme ne s'en échappe. Annie... Depuis quand ne t'avais-je pas poser cette question... Cette question si simple! Si banale...

D'une voix engourdie et à peine audible, elle me répond:

- secour?

Et comme une habitude que je n'aurais jamais perdu, je réponds:

- Oui!

Mais au lieu de m'arrêter là, je décide de dire et de dénoncer ce qu'il y a au fond d'elle.

- Direction la cuisine! Mais cette fois Annie! Interdiction de redevenir une petite fille fragile... Tu es forte!

Et comme un retour en arrière datant de pas si longtemps, de deux années auparavant, nous crions dans la maison, vers ma maman:

" SECOUR"!








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