Chapitre 24

J'avais à peine terminé ma demande que l'autre reprit le dessus. Il ferma la porte de chambre et courut vers la mienne, prit mon sac de cours et vida son contenu au sol avant de mettre un chandail, un jean, la recharge de mon téléphone et mon portefeuille, le tout en moins de quinze secondes. Une fois terminé, j'allai ouvrir ma fenêtre pour sauter, mais au même moment, ma porte de chambre s'ouvrit sur mon oncle, qui ce précipita pour m'attraper à bras le corps et m'éloigner de la fenêtre pendant que je me débattais à battant des bras et des jambes en hurlant. Ma tante était restée dans le cadre de porte, sans rien comprendre.

- Jacob, bon sang, calme-toi ! Qu'est-ce qui te prend ? demanda mon oncle.

- Je veux pas de séance d'hypnose ! J'en veux pas !

- Décide-toi, merde, tu viens tout juste de nous dire que tu en voulais une !

- J'EN VEUX PAS !

Je continuais de me débattre, mais mon oncle était trop fort pour moi.

C'était un combat autant à l'extérieur, contre mon oncle, qu'à l'intérieur, contre Hyde.

Arrête ! essayai-je de lui dire, mais il était tellement de prise contre mon oncle qu'il ne m'entendait même plus. Hyde avait les larmes aux yeux, et au bout d'un moment, il arrêta enfin de se débattre, remarquant enfin que c'était une cause perdue. Je me laissai tomber dans les bras de mon oncle en reniflant, les yeux dans le vague. Mon oncle me força à m'assoir sur le lit avant de s'assoir à côté de moi. En levant les yeux vers la porte, je vis que ma tante n'était plus là.

- Tu peux m'expliquer ce qui vient de se passer ? demanda mon oncle d'un ton doux.

- Non, dis-je platement.

Ma tante revint dans la pièce, un poing fermé et un verre d'eau dans l'autre.

- Tu n'as pas pris ton médicament aujourd'hui, non ? dit-elle en ouvrant le poing pour montrer une pilule d'antidépresseur.

- Faut la prendre le matin, c'est pas le moment, dis-je en lui envoyant un regard noir.

- Je veux que tu la prennes tout de suite.

- Je la prendrai pas !

Je sentis la peur de Hyde affluer en moi. Je n'avais pris ce médicament qu'une seule fois, mais ça avait su faire taire Hyde pour une bonne partie de la journée.

Sans faire attention à mon refus, ma tante vint se poster devant moi pour me présenter le médicament et le verre d'eau. Je me levai devant elle pour empoigner le verre d'eau et le balancer contre le mur de toutes mes forces. Le verre explosa en un million de morceaux qui virevoltèrent un peu partout dans la pièce. Ma tante et mon oncle sursautèrent en me regardant de travers.

- Je ne veux pas prendre ce médicament, dis-je en détachant bien chaque syllabe. Il ne me sert à rien !

- Je vais te le faire bouffer de force, dit ma tante qui bouillait de rage. Non, mais qu'est-ce qui te prend, Jake ?!

- J'ai pas besoin de médicaments, répétai-je.

- Prouve-le !

Je restai bouche bée à la demande. Je n'avais aucune idée comment prouver ça.

- Je peux au moins savoir pourquoi tu as changé d'avis aussi rapidement ? demanda mon oncle. D'abord, tu dis que tu veux une séance d'hypnose au plus vite, et qu'il faudra probablement t'attacher et te droguer. Maintenant, tu essaies de te sauver et tu refuses de prendre ton médicament. Ça n'a aucun sens, ce que tu fais !

Hyde ne répondit rien, se contentant de bouder, les yeux fixés sur une coulisse d'eau sur le mur. Moi – la version de moi enfui à l'intérieur du cerveau – essayai par tous les moyens de reprendre le dessus. C'était tellement facile pour Hyde, mais moi, je n'y arrivai pas. Tout ce que j'arrivai à faire était de lui donner des frissons. En baissant les yeux vers mes bras croisés, je remarquai que j'avais la chair de poule.

Rends-moi mon corps.

Oh non, tu vas pas recommencer !

- Jacob, prends ce médicament, dit ma tante, à bout de patience.

- Il va me falloir un verre d'eau, dis-je en lui lançant un regard noir.

- T'auras qu'à lécher le plancher. Avale-moi cette foutue pilule !

Allez, fais-le, merde ! Y'a pas moyen que tu t'en échappes, de toute façon.

En rageant, Hyde arracha la pilule des mains de ma tante et la mit dans sa bouche. Il la cacha sous sa langue, sans avaler. Je voyais clair dans son jeu ; attendre qu'elle fonde pour ensuite la recracher. Mais mon oncle aussi voyait que je n'avalais pas, et alors que je ne m'y attendais pas, il me prit le menton pour me forcer à lever la tête, puis me donna une grande claque sur la poitrine. Surprit, je me pus m'empêcher d'avaler, m'étouffant à moitié. Je portais une main à ma gorge en toussant.

- Hé, elle aurait pu rester coincée, j'aurais pu m'étouffer et mourir ! m'énervai-je.

- Ah oui, bien sûr, dit mon oncle sans y croire un seul mot. Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre que ça agisse.

- Environ une demi-heure, dit ma tante.

- Quoi, vous allez rester là à m'observer tout ce temps ? Vous attendez à quoi, au juste ? Ces médocs ne sont bons qu'à calmer mes ardeurs. Il va pas se passer de gros truc, là, c'est pas comme si j'étais Hulk et qu'on attendait patiemment que je redevienne Banner !

Hyde qui redevient Jekyll, c'est plutôt dans le même genre.

La ferme, Jek... Jake.

- On va seulement attendre que tu te calmes, dit mon oncle. Et que tu nous expliques ce qui se passe dans ta tête, parce que là, on n'y arrive plus.

J'allai m'assoir au fond de mon lit pour m'appuyer contre le mur, puis croisai les bras en dévisageant mes tuteurs à tour de rôle.

On va voir combien de temps je saurais garder le dessus, pensa Hyde en tournant la tête pour regarder l'heure sur le réveil, qui indiquait plus de minuit et demi.

Sans compter sur moi qui te hurle dessus ?

Non.

RENDS-MOI MON CORPS, RENDS-MOI MON CORPS, RENDS-MOI MON...

OK ! La ferme, seigneur ! Mais, sérieux, pourquoi tu veux tout leur dire, maintenant ? Avant, tu ne comptais pas le faire.

Avant, j'avais peur d'aller à l'asile.

Plus maintenant, peut-être ? T'es convaincu que je suis le meurtrier, ce sera encore pire comme punition, si disons que ce soit vrai.

Si disons ? Je sais que c'est vrai. Je m'en fous de l'asile, j'en ai marre de ne pas savoir ce qu'il s'est réellement passé. Et puis justement, le fait que tu sois le meurtrier, ça veut dire que tu as encore la possibilité de tuer plein d'autres gens, en particulier Sabrine.

Hyde garda le silence un long moment, continuant toujours de regarder le réveil. 00 :37.

Je peux te montrer ce qu'il s'est passé. Laisse-moi une dernière chance. Juste une... Tu ne le regretteras pas. Mais je te jure, je n'y suis pour rien.

Si tu n'y es pour rien, pourquoi tu ne voulais pas me montrer le bon souvenir ?

Tu n'étais pas prêt. Et je crois toujours que tu ne l'es pas.

Pourquoi tu voulais que je cherche le coupable si tu ne veux pas m'aider ?

J'en sais rien. J'étais encore sous le choc de ce qui s'était produit, je croyais qu'on avait une chance de faire quelque chose.

Je grimaçai en me frottant les bras, toujours parcouru de chair de poule. Les médicaments commençaient à faire effet ; Hyde avait de plus en plus de difficulté à garder le contrôle de mon corps.

Je te dirais tout à mon retour. S'te plait, Jekyll, abandonne l'idée de te faire hypnotiser. Tout ce que tu sauras récolter est de caqueter comme une poule dès que quelqu'un dira « œuf bouilli ».

Sur ces paroles sages, un frisson me parcourut l'échine et je fermai les yeux en grimaçant à nouveau. En les ouvrants, Hyde était complètement parti. Il n'y avait plus que moi dans ma petite tête. Et mon oncle et ma tante dans ma chambre, qui me regardaient toujours attentivement.

- Je crois que ça fait effet, là, dis-je en détournant les yeux. Je suis soudainement très fatigué. On en reparlera demain pour l'hypnose, OK ?

- Pour l'hypnose, oui, dit mon oncle. Ou a la limite, un psychologue.

- J'ai déjà un psy...

- Faut croire qu'elle est pas assez douée dans son métier, parce que visiblement, il se passe un truc avec toi, et on veut savoir ce que c'est. On veut seulement t'aider, est-ce que tu peux comprendre ça ?

- Oui, soupirai-je. Je comprends.

- Demain, je vais appeler le psy pour qu'il te fasse un rendez-vous. Avec ou sans hypnose, mais je te jure que tu vas aller voir cet homme et que tu vas lui vider ton sac.

- Oui...

C'était peut-être la faute du médicament, mais je me sentais complètement à plat. J'appuyai ma tête contre le mur, les yeux dans le vague. Mon oncle posa doucement sa main sur mon épaule pour capter mon attention.

- C'est ta dernière chance, Jacob. Si tu nous fais encore un truc dans le genre, il va falloir qu'on prenne d'autres mesures pour ton cas.

- Quel genre ? demandai-je en relevant la tête.

Mon oncle tourna la tête pour croiser le regard de ma tante, rien qu'une seconde, avant de ramener son attention sur moi. Il prit un petit moment, avant de lâcher :

- On ne pourra pas te garder avec nous si tu es un danger contre Sabrine.

- Vous allez me placer en famille d'accueil ?

Je sentis les larmes me venir aux yeux à l'idée de perdre la seule famille qu'il me restait. C'était trop pour moi. Remarquant ma peine, mon oncle me prit dans ses bras pour me réconforter. Je levai les yeux vers ma tante, derrière mon oncle, pour qu'elle le démente, mais elle n'en fit rien. Bien sûr, leur fille passait avant moi.

- Je ne veux plus que tu fugues comme ça au milieu de la nuit, dit mon oncle. Si tu veux aller quelque part, demande-nous la permission. C'est pas plus compliqué que ça, OK ? Et bien sûr, je ne veux pas que tu touches à un seul cheveu de Sabrine. Fais l'un ou l'autre, et tu pars d'ici. C'est clair ?

Je répondis par un sanglot, que j'étouffai en m'enfonçant le visage au creux du cou de mon oncle. Je le savais ; Hyde saura bafouer l'une ou l'autre de ses règles en un rien de temps.

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