Chapitre 11
J'ai ajouté Élodie sur Facebook. Elle m'a accepté dans la minute.
« Salut, c'est Jake ! » dis-je pour démarrer la conversation.
Je tournai en rond dans ma chambre, incapable de faire redescendre l'adrénaline. J'avais prévu attendre une réponse de la part de Hyde en ce qui concerne Élodie – je n'avais pas envie de jouer sur sa vie ou ma santé – mais là, je n'avais plus le temps d'attendre.
« Je sais, je vois ton nom », répondit Élodie, toujours aussi rapidement. « Non, en fait, je vois Jacob, mais on va faire avec. »
« Ça te dit, un road Trip ? »
« Quoi ? On se connait depuis à peine cinq heures et tu veux déjà me kidnapper ? »
« Je t'aurais pas demandé ton avis pour un kidnapping. Je veux seulement aller à Bathurst. »
« Venant de toi, ça me fait tout autant peur. Si on va à Bathurst, je pourrais magasiner ? »
« Peut-être bien. Ça va dépendre si on a le temps. »
« Appelle-moi. »
Élodie m'envoya ensuite son numéro de portable. Je le copiai dans mes contactes et, aussitôt sa fiche créer, quoique incomplète, car je n'avais même pas son nom de famille, je l'appelai. Elle répondit aussitôt.
- C'est quoi, cette histoire de road trip ? demanda-t-elle.
Entendre sa voix me fit aussitôt sourire comme un débile. Parler de road trip à voix haute faisait remonter mon adrénaline d'un cran.
- Eh bien, c'est le terme courant pour « voyager en voiture », dis-je. Enfin, je sais pas. Voyager en bus se fait toujours sur une route, alors peut-être que ça se dit là aussi.
- Plus j'apprends à te connaitre, plus je te trouve débile.
- Tu apprends vite, dans ce cas. Alors ? T'es partante ?
- Vas me falloir plus de détail. Quand veux-tu y aller, et pour combien de temps ?
- J'avais prévu y aller le plus tôt possible. Genre, ce soir. Et ce sera peut-être pour toute la nuit. Peut-être le jour d'après. En fait, je sais même pas ce que je dois faire là-bas.
- C'est mystérieux. Tes parents savent que... heu... je veux dire, tes tuteurs légaux, ils savent ce que tu fais ?
- Ouais, je viens tout juste d'en parler avec eux, ils sont d'accord. Ils vont me prêter leur voiture, et tout.
- Vraiment ?
- Bah ouais, pourquoi tu doutes ?
- Oh, pour rien, c'est juste un tout petit peu bizarre.
- Y'a rien d'illégal, promis.
Je grimaçai, le « promis » m'ayant échappé. Au même moment, j'entendis quelqu'un frapper à ma porte.
- Jake, tu me laisses entrer ? demanda mon oncle.
- Une minute ! répondis-je.
- Quoi ? demanda Élodie depuis l'autre bout du fils.
- Pardon, c'était mon oncle... je te rappelle plus tard ? Tu me donneras ta réponse. Oh, et puis... c'est totalement légal, mais n'en parle pas à tes parents, OK ?
- Ouais, c'est pas suspect du tout.
- À plus !
J'accrochai la ligne et glissai le téléphone dans ma poche avant d'aller ouvrir la porte à mon oncle, essayant de faire disparaitre l'excitation de mon visage. Derrière la porte, mon oncle avait la tête baissée et les mains dans le dos, l'air profondément désolé.
- Je suis profondément désolé, dit-il (comme je m'en étais douté). Je voulais juste m'assurer que tu ne m'en voulais pas, pour avoir parlé d'hypnose.
- Ouais, ça va, dis-je en baissant la tête.
- Est-ce qu'il y aurait un moyen pour que je puisse me racheter ?
Je dus me mordre la lèvre pour m'empêcher de sourire. Sa question n'aurait pas pu mieux tomber.
- Un bon ciné me remontera le moral, dis-je en toute innocence. Mais j'ai plus un sou.
C'était faux, j'avais encore au moins cent dollars dans mon portefeuille. Sans parler de mon héritage que je ne toucherais qu'à mes dix-huit ans, il y avait quand même un peu d'argent qui avait été retrouvé un peu partout dans la maison.
Mon oncle esquissa un sourire, puis sortit son portefeuille et me tendit un billet de vingt. Je pris timidement l'argent, le regardant d'un air blasé.
- J'aurais invité une amie, dis-je platement.
- OK, soupira mon oncle.
Il sortit cette fois un billet de dix. Je grimaçai en secouant la tête.
- C'est assez pour les entrés, mais on pourra même pas avoir de popcorn, ni de bonbons, ni de boissons...
- Tu coutes cher, grogna-t-il en reprenant le dix et me donnant à la place un deuxième billet de vingt.
- C'est déjà mieux, mais... après film, on aurait pu trainer au Tazza Café, juste à côté.
- Ça coute rien de s'assoir dans un café.
- Mais le café...
- Coute un dollar quatre-vingt-dix, format petit. T'en auras assez.
- Oui, mais pour un repas ?
- Tu dineras avant de partir !
- OK, soupirai-je.
- C'est une chance que tu fais pitié, soupira mon oncle en quittant la pièce.
Je fis une grimace derrière son dos, puis, curieux, regardai sur mon téléphone l'horaire des films de ce soir. Il n'y avait rien d'intéressant. Je haussai les épaules, ajoutant les quarante dollars supplémentaires à mon portefeuille. Ça me fera un petit plus pour le road trip.
Après le diner, j'allai au cinéma pour m'acheter un popcorn, et allai au café pour les manger en même temps qu'un chocolat chaud. Rien que pour laisser des traces de mon passage, mais je n'avais jamais prévu d'aller au ciné ce soir. J'allai au deuxième étage du café, où il y avait une seconde salle avec des fauteuils, des ordinateurs et des livres, allai m'assoir dans un coin et sortie mon téléphone pour appeler Élodie.
- Salut, dit-elle après la deuxième sonnerie. Je me doute de ta question, et c'est oui. J'ai lu un jour un livre de psychologie qui disait qu'il fallait toujours dire oui aux propositions, sinon on allait manquer beaucoup d'opportunité.
- Génial, dis-je dans un rire. Et t'as rien dit à tes parents ?
- Seulement que j'allai passer la nuit chez Amy pour réviser. Tu parles d'une excuse clichée... Mais ils ont dit OK. Et toi, je suppose que t'es en pleine planification ?
- J'ai déjà tout planifié. Je suis seulement coincé au ciné parce que j'ai soutiré de l'argent à mon oncle en disant que je voulais voir un film. Au final, j'ai dépensé quatre dollars pour en gagner quarante.
- Ingénieux, dit-elle dans un rire.
- Merci, dis-je avec un grand sourire, même si elle ne risquait pas de s'en rendre compte. Oh, et puis, je t'ai vengé. Sabrine est privée de sortie.
- Quoi ?!
- Privé de sortie, répétai-je innocemment. T'inquiètes, j'ai pas m'entonné ton nom. J'en ai pas eu besoin, parce que... parce que c'était évident...
- Merci, dit-elle après un soupir. Mais t'aurais pas dû. Elle va me le faire payer.
- Eh bien, elle a hurlé « Jake, tu va me le payer ! » alors, je crois que c'est moi qui vais payer, pas toi.
- On va payer tous les deux.
- Bah, ça nous fera une activité de couple.
- Ah, parce qu'on est un couple, maintenant ?
- Je t'avais avertie que je suis pas gay.
- Et t'as décidé ça quand ?
- Eh bien... Je les pas décidé, ça c'est imposé en moi, si je peux dire.
- Je parle pas que tu sois gay ou non, mais qu'on soit un couple.
- Oh ! Il y a trente secondes.
- Tu sais quoi ? Je ne me suis pas encore décidée, à ton sujet. On reste amis.
- Ouais, pour commencer. Hé, je répète ce que tu as dit, c'est tout ! dis-je alors qu'elle éclatait de rire dans le téléphone.
- Et sinon, c'est quoi le plan ?
J'avalai une gorgée de chocolat chaud, mal à l'aise. Je ne savais pas encore ce que j'avais le droit de dire ou non à Élodie, Hyde ne s'étant pas encore emparé de mon esprit et de mon téléphone depuis que je lui avais posé la question.
- Il est pas encore totalement au point, dis-je vaguement. Mais, pour sûr, je vais avoir besoin de ton adresse, dis-je dans un rire. Pour passer te chercher.
- Je te l'envoie en message texte, répondit Élodie. Je suis un peu avant le pont de Tracadie.
- Parfait. Heum... Je te rappelle dès que j'ai un vrai plan, OK ?
- OK, à plus...
Je coupai la ligne et, à peine dix secondes plus tard, je reçus l'adresse. Je l'entrai dans Google Map et vis qu'elle était effectivement de l'autre côté du pont. Je regardai par la fenêtre du café, qui était tout près de la rivière. Sa maison était parmi celles que j'arrivai à voir, de l'autre côté.
Je branchai mes écouteurs sur mon téléphone, que je gardai toujours au fond de mes poches, et sélectionnai une chanson douce. Je m'enfonçai dans mon fauteuil.
Vas-y, Hyde. J'ai besoin d'une réponse.
Je pris une gorgée de chocolat, le reposai ensuite sur la table à côté de mon sac de popcorn, puis fermai les yeux.
C'est bon. Pas de problème.
J'ouvris les yeux, regardant autour de moi. J'étais toujours seul au deuxième étage. Je rêve, ou j'avais entendu une voix dans ma tête ?
- Hyde ? murmurai-je. C'était toi ?
Personne ne me répondit. Je sentis mon cœur s'affoler, et j'avais l'impression que le sucre dans mon chocolat n'en était pas la cause.
Je pris plusieurs grandes inspirations, essayant de calmer les battements de mon cœur. Il frappait si fort que j'avais l'impression que ma cage thoracique allait exploser.
C'est normal, essayais-je de me convaincre. Il a confiance en moi, il n'essaie plus de me faire disparaitre en deuxième plant pour me parler. Ce qui veut dire qu'on pourra parler sans l'aide de mon téléphone. C'est génial, en fait.
Exact. Aujourd'hui, ça fait une semaine tout juste que tu connais mon existence. J'osais espérer que depuis le temps, tu saurais le supporter.
Je fermai étroitement les yeux, une plainte s'échappant de mes lèvres closes. Je serais les mains sur les accoudoirs, espérant les empêcher de trembler.
- J'aime pas ça, murmurai-je. Va-t'en.
Tu voulais une réponse, ou non ? Je te dis que te donne le droit d'emmener Élodie. Tu peux lui parler du meurtre, mais pas de moi. C'est clair ?
J'essayai de répondre oui, mais ma bouche ne parvint qu'à produire un étrange gargouillis. Je hochai la tête, sentant les larmes sur le point de tomber.
Si tu parles de moi, ou laisses seulement couler quelques subtils sous-entendus, je vais tuer Grizzli. Et maintenant, arrête de pleurer, quelqu'un arrive.
Je hochai la tête à nouveau, réprimant le sanglot qui me coinçait la gorge. Je m'essuyai les yeux, essayant de respirer, puis regardai vers l'escalier où un employer du cinéma venait dans ma direction. Arrivé en haut de l'escalier, il tourna à droite, direction opposée de la salle où j'étais, pour ce diriger vers une porte indiquée « employé du cinéma Péninsule seulement ». Mais avant de tourner, ses yeux croisèrent les miens. Je baissai aussitôt les yeux vers mon sac de popcorns, que j'attrapai pour enfourner une grande bouchée de popcorns. L'employer continua son chemin. En ouvrant la porte, j'aperçus brièvement les machines servant à projeter le film.
Ce genre de comportement, ça entre dans la catégorie « sous-entendu », souffla Hyde dans mon esprit. Refais encore un truc débile dans ce genre, et je te jure que les petits animaux ne vivront pas longtemps.
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