Barton observait le paysage, il ressemblait à peu près à celui qu'il avait traversé durant son allée. Il perçut en lui, de la fierté, et de la sérénité. Bien que de nombreuses heures d'interrogations de garde à vue se profilaient, l'homme savait qu'il serait relaxé. Il connaissait ce milieu bien mieux que tout le monde.  

La route du retour semblait assez rapide. Une fois au commissariat, non pas en tant qu'employé, mais en tant que coupable, l'homme fut conduit dans la salle des interrogatoires.

Sans rechigner, il dévoila tout ce qu'il savait à l'homme en face de lui, qui n'était autre que son ancien collègue :

"— Bonjour M.Herrenson, vous êtes considéré pour le moment comme le coupable présumé de l'affaire "Brenswon". Vous êtes accusé d'avoir partagé sur les réseaux sociaux des preuves diffamantes et fausses à l'égard du maire M.Brenswon. Contestez-vous ces accusations ?

—Je ne conteste pas avoir dévoilé ces preuves contre le Maire, mais elles ne sont en aucun cas diffamantes ou fausses.

—D'accord. Comment pouvez-vous le prouver ?

—Tout a commencé, il y a maintenant quelques années, le 13 juillet2018. Environ 2 mois après l'affaire des 5 femmes retrouvés à moitié nues dans l'Illinois. A l'un des commissariats de Chicago, une jeune femme aux cheveux bruns et aux beaux yeux amande bleutés franchit la porte. Elle parut tout de suite timide. 

—Vous me racontez un roman d'amour ou les faits que vous reprochez à M.Brenswon ? S'impatienta l'officier.

—Un peu de patience Monsieur ! Je croyais que dans ce milieu, tous les détails sont d'une importance qu'on ne peut soupçonner n'est ce pas ?

—Ne jouez pas à ce petit jeu avec moi, évitez les détails inutiles.

Barton avait un don pour provoquer subtilement n'importe qui. En faisant ça, il dominait le dialogue.

— Elle était venue faire une démarche courageuse, elle pensait être sauvée, mais malheureusement, elle se tuait sans le savoir. Quel dommage, c'était une fille intelligente, un avenir prometteur lui tendait la main. L'un des hommes qui se trouvait au commissariat l'écouta attentivement, surpris mais restant professionnel, il prit sa plainte. Ce jeune commit une erreur irréparable. Il dit tout, mot pour mot de ce qu'il avait retenu, au principal suspect. Il affirma qu'une certaine Elena Wilson avait subi un viol le 7 mai 2018. Elle voulait se rendre à une soirée et demanda donc à un chauffeur de taxi, à peu près la quarantaine, de la déposer au lieu. Celui-ci accepta bien évidemment, mais il décida bizarrement de prendre la deuxième sortie du rond-point, alors qu'il était préférable de se rendre à la troisième. On peut supposer qu'elle n'y fit pas attention, cette femme était polie, respectueuse, et réservée. Mais alors qu'elle regardait davantage ce qui l'entourait, elle remarqua que le chauffeur n'était autre que le futur maire de la ville ; M.Brenswon. On aurait dit qu'il aurait voulu se camoufler car, contrairement à son habitude, il portait des lunettes de vue et une barbe mal taillée. Sans le savoir, le maire l'emmena peu à peu chez elle... Je n'ai pas la suite des détails, je ne me base après tout que sur des vidéos de caméras de surveillance. Alors l'innocente subit un véritable traumatisme d'un homme sans pitié au besoin sexuel inconsolable et incontrôlable.

—Je vous arrête tout de suite Monsieur, mais comment pouvez-vous prouver qu'il l'a violé ? 

—Je sais bien que dans ce milieu, une preuve est rapidement ignorée. Alors, j'en ai trois. Il faut savoir que j'étais déjà, à cette époque, dans la brigade de Chicago. Malgré mes demandes, je n'ai pas été impliqué dans cette investigation. Il faut croire que les policiers ont rapidement bâclé le travail, peut-être en échange de primes... En tout cas, je suivais dès le début, cette curieuse affaire, et sentait que quelque chose clochait. L'affaire, qui avait été rendu publique par la presse, est vite devenue étouffée par la justice, et peut être même la police. Le dépôt de plainte de Mme.Wilson rends alors cette histoire davantage étrange, et son suicide le soir-même alourdit les preuves contre le Maire. Il ne suffisait plus que d'affirmer ces rumeurs à l'aide de preuves. Alors, j'ai donc décidé de mener ma propre enquête, seul. Vous pourrez m'inculper car j'ai agi seul, sans prévenir quiconque de la police, mais je savais très bien que si je le faisais, tout le monde allait paniquer. Car il ne fallait pas que ça se sache. Comme je l'ai dit, trop de boulot et trop de pression, et cela entraînerait la mise en examen de bien d'autres gens ayant touché des primes, pour garder le silence.

—Pour l'instant, votre histoire tient la route. Mais comment avez vous récolté ces vidéos de caméras de surveillance ?

—J'étais enquêteur, donc j'ai simplement demandé à tous les commerces les images de leurs caméras des 3 derniers mois, pour essayer de retracer son parcours lors de ce fameux 7 mai 2018. 

—Très bien, et qu'en concluez vous ? Je veux dire, connaissez vous son parcours exact ?

—Oui, j'ai pu retracer son parcours exact, mais je ne pourrais vous dire tout de suite, je ne m'en rappelle plus. Donc, j'en suis venu à la conclusion que le Maire avait bel et bien violé Elena. 

—D'accord, nous aurons le temps d'en parler davantage dans les heures qui suivent. Et qu'avez- vous à dire sur ce 13 Juillet ?

—Lorsqu'Elena porta plainte, elle était ensuite rentrée chez elle, vous pourrez vous en assurer en regardant les images des caméras. Vers 22h00, un livreur de pizza arrivait à son immeuble. Il était camouflé, et on ne pouvait confirmer son identité. Mais un détail trahit ce soit disant livreur. Il avait oublié de cacher son reconnaissable grain de beauté, situé juste en dessous de son nez. Cela faisait un point commun physique avec le Maire de Berwyn. Il entra dans l'immeuble, et, quelques minutes plus tard, Elena était retrouvée morte sur le trottoir. Le médecin légiste était pourtant formel, Elena avait reçu un terrible coup à la tête, avant son suicide. Mais encore une fois, cette preuve d'assassinat a été secrètement endormie, en échange d'argent. Le maire ne pouvait se permettre d'apparaître dans de telles histoires, quelques jours avant les élections municipales. Son violeur l'avait assassiné, espérant éviter les accusations grâce à sa popularité. Ce violeur, cet assassin, c'est Brenswon."

Après ces déclarations, l'homme quitta la salle et resta provisoirement dans une cellule. Ce fut alors le début de trois longs jours d'interrogations, pour le maire comme pour le témoin. En voulant entraîner la chute du Maire, Barton s'était fait bien des ennemis. Ceux qui avaient secrètement pactisés avec le Diable se retrouvaient maintenant inculpés.

Barton ne savait pas que le 13 juillet 2018, sa vie allait changer. Lorsqu'Elena Wilson porta plainte, l'enquêteur se trouvait dans ce même commissariat. Le policier lui avait également raconté ce mystérieux dépôt de plainte. Le lendemain, quand il sut par ses collègues le suicide d'Elena Wilson, il comprit que l'histoire devait être étudiée.

Lorsque Barton eut assez de preuve, il les posta sur Twitter, via ce vieux hangar, avec un ordinateur de l'ancien temps, qui ne l'appartenait même pas. À partir de ce moment, il ne devait point être découvert .

Son étrange comportement à la suite de l'annonce du maire provenait de l'anxiété engendré par cette manifestation qu'il avait lui même organisé. L'enfer de ces derniers jours cessaient enfin. Mentir devenait une torture psychologique. Ses excellentes capacités de déductions ont encore une fois démontré que l'homme était pourvu d'un talent exceptionnel.

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Alors, c'était la fin, ou plutôt le début de la fin. Une fin encore très longue, mais une fin qui n'aurait sûrement jamais eu lieu sans Barton. Il fut donc relaxé et grâce à lui, la justice fut rendue ; 32 ans de prison pour Brenswon, pour séquestration, viol, et assassinat. 

Cette affaire lui avait ouvert les yeux sur bien des choses qu'il ignorait. Il avait maintenant comme projet de réintégrer la brigade de Berwyn, pour garder, le temps d'un moment, de quoi nourrir sa famille. Enfin, il avait une bonne raison de haïr l'humain. L'Homme est muni d'une âme. Chez certains, cette âme est utilisée à bon escient, chez d'autres, elle n'existe que par sa perversité et sa cruauté.

FIN