Chapitre 88
Malgré la tranquillité du manoir et la douceur des moments qu'il passait avec Derek et Amelia, Stiles en était revenu malgré lui à une idée qui ne le quittait pas depuis un moment. Elle semblait même gagner en puissance au fur et à mesure des jours. Ses cauchemars n'étaient pas les plus récurrents qui soit : ce qui prédominait en lui, c'était cette angoisse latente. Cette chose qu'il savait toujours présente en lui et qui atténuait la puissance que pouvait avoir un évènement heureux sur sa mémoire. De façon générale, elle rendait son humeur un peu moins joviale sans toutefois la faire disparaître. Cet effet-là était difficilement décelable dans la mesure où Stiles ne faisait pas semblant de profiter des moments qu'il partageait avec Amelia et Derek – il en ressentait juste un peu moins la puissance. Et sa jambe qui guérissait si lentement l'agaçait de plus en plus, au point qu'il força dessus à plusieurs reprises en partant du principe que s'il la forçait un peu, elle fonctionnerait à nouveau normalement.
Derek avait été le premier à pointer du doigt l'idée qu'il lui faudrait sans doute une rééducation. Sans doute n'avait-elle pas pour vocation d'être très longue, mais elle n'en serait pas moins nécessaire. Et Stiles avait beau savoir que son compagnon avait raison, ça ne lui allait pas.
Il fallait que les choses aillent vite – plus vite en tout cas que leur rythme actuel. Et ce besoin de plus en plus fort d'accélérer les choses le bouffait sans qu'il en ait réellement conscience. Accélérer, tout en ralentissant. Sa vision des choses était particulière, peut-être un peu contradictoire... Mais c'était la sienne et il vivait avec.
Ainsi, au lieu de se confier à son compagnon sur cette chose-là, il la garda pour lui et dans l'ombre, elle grandit. Stiles l'envisagea donc de plus en plus sérieusement jusqu'à décider du moment où il mettrait son plan – très simple et peu sophistiqué – à exécution. Sauf que ce jour-là tomba un samedi et qu'il fut tout, sauf tranquille car une partie de la meute avait décidé de lui rendre visite. Elle se composait de Lydia, Jackson et Isaac. Les autres étaient occupés, pour la plupart. Scott ne l'était pas, mais il n'osait pour l'instant pas revenir vers lui. Il avait besoin de temps pour accepter l'inacceptable et se pardonner quant au fait qu'il n'avait rien vu pendant des années – se pardonner également pour ce jour où il lui avait fait peur au lycée. Stiles avait beau ne lui en vouloir pour rien, Scott avait bien du mal à l'imaginer. Il faisait donc les choses à sa manière.
Mais même si l'hyperactif apprécia grandement la visite de ses amis, il ne put s'empêcher de se sentir quelque peu... Ailleurs, et pas réellement à sa place. En fait, il s'était passé tant de choses dans sa vie récemment qu'il peinait à avoir des échanges normaux avec eux. Il se sentait un peu en décalage et c'était d'autant plus vrai concernant Isaac et Jackson, avec qui il traînait moins que Lydia. Mais ils se montraient présents à leur manière et ne firent aucune remarque concernant sa faiblesse actuelle ou sa mine sans doute affreuse. Ce fut d'ailleurs uniquement pour ne pas l'incommoder, parce qu'ils ne pouvaient ignorer tous les changements qui s'étaient opérés ne serait-ce que sur son visage depuis le début de cette histoire.
Si on leur montrait une photo de Stiles quelques mois plus tôt et qu'on le mettait à côté, ils verraient encore plus nettement la différence. Car ses traits se creusaient un peu et une sorte de dureté s'était ancrée dans son visage. Le pire, c'était son regard : l'on eût dit qu'il ne s'agissait plus du sien tant il était différent de celui qu'ils avaient connu.
Mais Stiles se détendit un peu et, la petite Amelia sur les genoux, il discutait avec eux sans chercher à s'enfuir – même si l'envie ne manquait pas. A force d'être seul avec son compagnon et la petite, il avait commencé à perdre l'habitude de voir des gens, y compris ceux qu'il connaissait et... L'exercice lui fut difficile, d'autant plus que leur discussion finit par prendre une tournure plus sérieuse – à laquelle il s'attendait. Par chance, la petite choisit ce moment précis pour aller à l'étage, histoire de jouer un peu dans sa chambre. Elle disait qu'elle avait eu son lot de grandes personnes aujourd'hui et qu'il lui fallait un peu de calme, le tout d'un air si candide qu'elle n'en était que plus adorable. C'est alors que Stiles prit la décision de parler de son plan à ses amis, couvé par le regard de Derek.
- Une plainte ? J'aimerais te dire que c'est une mauvaise idée, mais ce serait mentir, avoua Lydia à contrecœur.
Parce que la meute avait besoin d'une erreur, de quelque chose de concret pour avancer. Le problème c'est qu'avec la justice humain, elle était pieds et poings liée... D'autant plus qu'Emile Chabrier était un de ses rouages. Les choses seraient sans doute plus faciles s'il n'était qu'un homme lambda, un marginal – mais la vie avait voulu que les choses soient ainsi. De même, personne à part Parrish ne pouvait l'approcher sans attirer l'attention du shérif, qui le quittait rarement. Aucun doute, les deux étaient bel et bien amis – depuis des années, qui plus est – ce qui compliquait tout.
- Les choses commencent quand même à bouger, lui rappela Isaac. Le shérif a compris qu'il y a une taupe chez eux.
Une lueur d'intérêt s'alluma dans les yeux de Stiles et Derek. L'attention de l'hyperactif, happée par cette information passablement importante, en oublia momentanément son besoin de se réguler. Son idée, c'était d'augmenter son traitement en douce – ça viendrait plus tard.
- Il l'a dit à Parrish, ajouta le bouclé. Apparemment, il avait des doutes concernant les dossiers de son affaire actuelle et les a faits vérifier auprès de son médecin légiste.
- Je suis quand même prêt à parier qu'il lui en a parlé, ne put s'empêcher de maugréer l'hyperactif.
Et par « lui », il entendait son perfide meilleur ami, l'instigateur de tous ses malheurs. Il lui paraissait totalement invraisemblable que, aveugle comme l'était son père, celui-ci ne confie pas ses doutes à l'autre homme. L'avantage, c'est qu'il n'était pas le seul à faire partie de son cercle de confiance – heureusement que Parrish faisait partie de la police. Il agissait certes en tant que taupe, mais il n'était pourvu que d'excellentes intentions.
- C'est certain, et ça peut aussi bien tourner en notre avantage que nous mettre des bâtons dans les roues.
Il était étrange pour Stiles d'entendre Jackson parler de manière aussi posée et de prendre également cette histoire pour lui. Il se sentait réellement concerné alors qu'il y a quelques mois... Leur relation n'était pas au beau fixe. Loin d'être catastrophique, elle témoignait néanmoins de leurs différences et d'un long travail de paix. Avant, ils se détestaient et grâce à la meute, ils avaient laissé tomber leurs différends pour mieux s'allier.
Stiles pourrait même dire qu'ils s'entendaient bien. Pire encore : il n'aurait jamais imaginé pouvoir penser cela un jour, mais il était certain qu'il pourrait lui confier sa vie sans problème. Jackson en prendrait tout autant soin que les autres.
Et même si la discussion dura et que l'on mit sur la table toutes les options que l'on avait, c'est bien l'idée de Stiles qui fut retenue à l'unanimité. Elle faisait grimacer, grincer des dents, mais il s'agissait de la meilleure. Dans ce cas-là, le fait qu'Emile soit au courant des doutes du shérif perdait son importance : mis en lumière par sa future plainte, il serait obligé d'agir autrement et, si l'on avait de la chance, de faire une erreur.
Il ne restait donc à Stiles plus qu'à prendre son courage à deux mains pour décider du jour où il se jetterait à l'eau... Dans la gueule du monstre.
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