Chapitre 82

Stiles hoqueta violemment et le retour à la réalité le frappa presque physiquement tant il fut dur à assumer. Sa jambe blessée lui faisait mal, certains de ses muscles le tiraient, une certaine fraîcheur plus que désagréable lui caressait la peau... Et c'était à peu près tout ce dont il était capable de se rendre compte à cet instant. Emerger était une chose : se réveiller en était une autre, si bien qu'il mit un temps monstrueux à se rendre compte de... Cette chaleur autour de lui, si forte qu'elle lui donnait froid. De la fraîcheur générale de la pièce. De cette présence qui ne s'éloignait pas de lui.

Du simple fait que des mots lui parvenaient bassement, presque sous forme de chuchotis... Doux, très doux. Oui, douceur, c'était bien le seul mot capable de qualifier la teneur de la voix émettrice de ces mots, laquelle lui faisait se sentir en sécurité. Stiles n'était pas encore complètement rassuré, mais il comprenait qu'elle pouvait l'aider à le calmer parce qu'il la connaissait et qu'elle avait l'habitude de le toucher au plus profond de son être. Il le savait... Sans toutefois s'en rendre complètement compte. Sa perception humaine passait bien après l'instinct que lui octroyait ce lien et qui dépassait tout ce qu'il pouvait imaginer en termes de logique. Fût-ce cet avantage discret durant un moment, le voilà qui s'éveillait réellement et qui commençait à étendre ses ramifications ici et là partout dans son esprit. Stiles avait besoin de cet ordre contre le chaos dans sa tête, toute cette noirceur qu'il ne savait comment faire partir. Cette chose-là s'était installée... Ou plutôt imposée sans qu'on lui ait donné les armes pour la combattre. Sans qu'on lui donne ne serait-ce que l'idée de le faire. Et Stiles avait grandi.

Le voici pantelant, à la fin d'une crise qu'il n'avait pas vue venir... Et dont il ne se rendait pas vraiment compte. Il se réveillait péniblement, reprenait lentement conscience de la présence de Derek et de son environnement, bien plus calme et chaleureux que celui qui l'avait torturé alors qu'il s'était perdu dans le monde des rêves. Le lien continua d'agir par salves d'ondes qui achevèrent de l'apaiser au bout de longues minutes, des salves ajustées au rythme des caresses et des mots rassurants de Derek, lequel ne s'arrêta pas. Rien ne lui garantissait que Stiles était complètement sorti de son cauchemar, de ce monde si sombre qui l'avait englouti si longtemps. Qu'il s'agisse d'heures ou de minutes, peu importait : il s'en était allé suffisamment de temps pour l'inquiéter. Derek en avait toujours la gorge serrée, les entrailles douloureuses. Mais son visage ne trahissait rien de son trouble des plus puissants, mis à part cette inquiétude manifeste qui refusait de s'invisibiliser. Elle aussi, commença à s'apaiser dès lors que le regard de Stiles perdit cette lueur folle qui lui allait si peu, laquelle semblait lui empoisonner le regard chaque fois qu'elle y élisait domicile.

Le couple finit par se serrer simplement l'un contre l'autre, sans rien faire de plus. Stiles devait reprendre pied et Derek, retrouver le parfait contrôle de lui-même car maintenant que son humain était de retour, il lui fallait user de toute son énergie pour éviter de lui faire ressentir cette angoisse qu'il avait fait naître en lui.


Car la crise de Stiles avait été terrifiante à observer, peut-être plus encore que ne l'avaient été les précédentes. Derek n'avait aucune honte à l'avouer – il ne le ferait juste pas devant Stiles, pas maintenant en tout cas. Pour être très honnête, c'était dans ce genre de moment que la peur de le perdre s'accentuait. Et s'il faisait quelque chose de mal ? L'un de ses gestes, l'une de ses précautions avait-elle le pouvoir de précipiter cette chute qu'il était terrifié à l'idée de ne pas réussir à lui éviter.

En cela, il avait hâte que cette histoire se termine, que cette ordure d'Emile Chabrier paie pour ses crimes au fin fond d'une cellule glaciale... Pour que Stiles puisse avoir la possibilité de reprendre le cours de sa vie sans avoir peur qu'il cherche à la lui détruire de nouveau. Et à ce moment-là, oui, à ce moment-là... Il entamerait cette thérapie qui lui ferait tant de bien, celle dont il avait si désespérément besoin.

- Pardon.

Un murmure ténu, à peine audible, comme tous ceux qu'il réussissait à sortir dans ce genre de situations.

- J'ai niqué ta nuit.

Encore, toujours le même genre de chuchotis, avec une franchise un peu plus prononcée qu'auparavant – accompagnée toutefois par des tremblements qui ne plaisaient guère au loup-garou.

- Elle n'est pas terminée, articula-t-il d'une voix rauque.

Il avait mal à la gorge, mal à la tête, mal à l'âme. Mal de voir et sentir son compagnon souffrir autant, torturé par une blessure béante, jamais guérie. Mal de la ressentir aussi fort et de savoir que tout cela n'était l'œuvre que d'un seul homme – que Derek ne désirait même pas considérer comme tel.

- Elle est niquée quand même. Je ne veux plus dormir et toi, tu vas vouloir me suivre.

La voix de Stiles gagnait lentement en assurance, au fur et à mesure qu'il reprenait pied dans la réalité. Grâce aux mots de Derek, à sa présence, à la force et à la puissance du lien qui se révélait lentement à lui.

- On peut très bien discuter, proposa l'ancien alpha.

- Tu vois ? Tu me suis, releva l'hyperactif, du regret dans la voix.

Mais Derek s'amusa de cette tournure de phrase, pour la simple et bonne raison qu'elle était vraie. Suivre Stiles, il le ferait toujours. Dans tous les cas, il ne supporterait pas de se rendormir tout en sachant que son compagnon, de son côté, lutterait contre le sommeil, par peur de sombrer à nouveau dans un énième cauchemar. D'ailleurs, Derek espérait de tout cœur que Stiles lui confierait de lui-même le contenu de celui qui l'avait fait plonger. Le loup-garou considérait la parole comme salvatrice et chaque confession, utile pour sa guérison future. Dans un sens, elle l'avait déjà sauvé. Stiles était encore là, non ? Il dansait en équilibre sur un fil aussi fin qu'un cheveu, mais il tenait le coup.

- Tu es mon compagnon, répondit laconiquement Derek, comme s'il s'agissait d'une phrase magique...

... Qui répondait à beaucoup de problématiques malgré tout.

Par souci de confort pour son humain – mais pas que –, le loup-garou lui demanda s'il pouvait allumer la lampe de chevet. Après que Stiles eut répondu par la positive, Derek s'exécuta... Non sans crainte. Par avance, il passa sa main dans ses cheveux châtain, laissa ses doigts en démêler certains. Il savait que Stiles adorait ça.

- Je ne serai jamais dérangé par un peu de sommeil en moins, encore moins si c'est pour être avec toi et t'aider, tu le sais ? Lui demanda Derek, juste au cas-où.

- Oui, je sais, maugréa Stiles, que l'intention gênait malgré tout.

Quelque peu pantelant suite à son cauchemar qui avait entraîné une crise sans précédent – dont il n'avait pas encore conscience –, l'hyperactif se savait un peu plus à fleur de peau que d'ordinaire et chaque démonstration d'affection, d'amour ou simplement de support émotionnel était difficile à accepter. Pas qu'il soit foncièrement contre, mais dans ce genre de moments, qui plus est au milieu de la nuit, Stiles ne se considérait pas des plus légitimes et se disait qu'il ne méritait pas un tel soutien.

Un tel diamant.

Il avait l'habitude des secrets, de l'ignorance. D'avancer sans rien dire, d'encaisser et de sourire. Seul. Entouré, mais seul.

Or, il ne l'était plus... Et peinait encore à s'en rendre pleinement compte. Il ne connaissait pas réellement l'ampleur du concept d'éternité, ni de ses effets. Il se savait lié sentimentalement et émotionnellement à Derek, s'était un minimum renseigné sur cette histoire pour ne pas être complètement ignorant. Prendre conscience de ce que tout cela impliquait, c'était encore autre chose. Alors forcément, la peur de finir abandonné lui effleurait encore l'esprit de temps à autres. Quelques semaines, quelques mois ne pouvaient pas agir miraculeusement contre un conditionnement ayant duré des années... A croire que l'on n'était rien, que l'on n'avait aucune valeur... Que l'on méritait sa situation, sa solitude. Que sa propre parole n'avait pas lieu d'être. Qu'elle n'était rien de plus qu'une vérité à cacher, un mensonge à entretenir.

- Par contre n'imagine pas que je te repousse, mais j'aurais besoin de t'installer ailleurs cinq minutes, le temps de refaire le lit, l'informa Derek sans cesser ses caresses.

Et si Stiles l'avait regardé dans les yeux à ce moment-là, il y aurait vu et reconnu une lueur étrange, particulière. Cette crainte que Derek tentait au mieux de dissimuler ou, au moins, de ne pas lui faire ressentir.

- Refaire le lit ? Répéta l'hyperactif, perplexe, avant de se redresser.

N'ayant pas particulièrement fait attention à sa jambe blessée, Stiles grimaça suite à la petite décharge douloureuse qui le traversa un instant. Mais son regard balaya le lit dans son entier. Impossible d'ignorer le chaos qu'il avait sous les yeux ni de ne pas faire le lien entre cette sensation de fraîcheur qu'il ressentait par endroits et... Ça. Ce fatras sans nom. Ce bordel net.

Tout était défait. La couette ne recouvrait plus grand-chose de leurs deux corps et l'un de ses coins traînait largement sur le sol. Son propre coussin était... Il ne le voyait même pas. Où avait-il fini ? Et le drap-housse... Ne servait plus à grand-chose. D'un coup, Stiles comprit mieux la raison pour laquelle Derek désirait refaire le lit. Y dormir à nouveau y était tout bonnement impossible et pour être honnête, Stiles ne se sentirait pas à l'aise d'y discuter si tout restait ainsi.

- J'ai merdé, articula-t-il, plus que perplexe.

- Non, tu as juste... Un peu bougé, tempéra Derek pour le rassurer.

Stiles n'avait pour ainsi dire... Aucune idée de la façon dont il était censé réagir mais l'absurdité de la phrase de Derek lui extorqua un rire. Nerveux, mais un rire tout de même.

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