Chapitre 80
Le temps n'allait pas en s'améliorant et pourtant, le moral de Stiles continuait de s'alléger. Dehors, ça tonnait. Et lui, il souriait. Face à lui, le feu crépitait, faisant danser ses ombres sur l'âtre ouvert. Le mouvement, dont le rythme possédait une multitude de variations, le fascinait. Stiles aimait beaucoup ce qu'il voyait, ce qu'il fixait depuis quelques minutes déjà. Outre le fait que les flammes produisaient une chaleur qu'il ressentait fort bien depuis le canapé moelleux dans lequel il était installé, il aimait savoir que ce genre de phénomène existait, tout comme il aimait se dire... Qu'il était une petite flamme, lui aussi. Il brûlait, répandait sa chaleur quand il le pouvait et... Vivait malgré la combustion. Au pied des flammes de l'âtre, des bûches qui peu à peu se calcinaient et des cendres brûlantes. Celles de Stiles étaient froides, glaciales. Elles dataient. Mais les flammes étaient sublimes. Elles vivaient. Il survivait. La différence, il la connaissait fort bien et il devait avouer qu'il enviait ceux qui s'étaient débarrassés du préfixe. Celui-là lui faisait l'effet d'un boulet accroché à sa cheville car vivre et survivre étaient deux idées différentes en tous points. Et Stiles faisait partie intégrante de la seconde tout en aspirant à dériver vers la première.
Son sourire était léger, presque invisible pour quiconque ne lui jetterait qu'un simple coup d'œil à cet instant. Cette remarque pouvait d'ailleurs se faire de façon générale pour n'importe laquelle de ses attitudes ou expressions puisque Stiles... Devenait discret, à sa manière, sans réellement le faire exprès. Il ne se retenait pas à proprement parler, mais... Chaque émotion qui transparaissait sur son visage n'était qu'un échantillon de ce qu'il ressentait et qui s'échappait de lui sans qu'il s'en rende véritablement compte. C'était comme si sa personne dans son entier avait perdu de son éclat mais que celui-ci n'avait pas complètement disparu. En cela, on pouvait considérer Stiles comme éteint. Or, le jeune homme ne faisait rien de plus que se reposer, enfin. Il n'avait pas beaucoup de temps devant lui pour cela, mais... Il s'agissait de la première fois qu'il sentait son corps se détendre de la sorte et ses pensées virevolter dans sa tête sans qu'aucune d'elles ne prenne une place démesurée ou empiètent les unes sur les autres. C'était d'autant plus vrai concernant les plus sombres d'entre elles, lesquelles restaient pour l'instant en retrait.
Très honnêtement, Stiles ne savait pas ce qui le prenait, mais il était néanmoins certain d'une chose : Derek avait très bien choisi leur lieu de « vacances ». Et même si la durée de leur séjour ici était relativement court, l'hyperactif savait qu'il profiterait au maximum de l'endroit et... De son atmosphère. Unique. Elle avait cela de particulier qu'elle était naturellement douce et c'était là une chose que Stiles avait ressentie dès son arrivée. Elle lui faisait l'effet d'un air nouveau, pur dans son entier et dépourvu de toutes ces émotions négatives qui s'accrochaient à chacun des murs du manoir. Car Stiles avait beau avoir un odorat parfaitement humain, il était persuadé que l'odeur de son malheur avait dû s'incruster partout dans cette maison légendaire – ce qui le rendait triste. Elle avait été le foyer de Derek, un endroit de réunion et de partage... Jusqu'à ce que Kate y mette le feu et, par ce simple geste, détruise des vies, une famille. A bien y réfléchir, le passif du manoir faisait sans doute que celui-ci... Contenait un air lourd, difficile à respirer. En tout cas, c'était de cette façon que Stiles voyait les choses – et qui pourrait expliquer ses difficultés à faire autre chose que broyer du noir. Ici, penser de façon négative n'était pas si facile.
Un exemple flagrant de ce fait résidait en une simple boîte d'Adderall que Derek avait caché dans leurs affaires et que Stiles... Avait d'ores et déjà repérée. Pourtant, il ne ressentait pas le moindre besoin de réitérer sa bêtise du manoir, de surdoser sa prise pour basculer dans un monde où l'absence de conscience empêchait toute réalité de persister. Une dimension entre le sommeil et l'éveil, là où la frontière était si mince qu'il était difficile pour Stiles de faire état du temps qui passait.
L'idée même de chercher à échapper à la réalité ne lui effleurait même pas l'esprit tant la façon dont cet endroit lui permettait de l'aborder était douce. Que ce soit le logement, la zone géographique, l'ambiance intérieure, extérieure... Et ce temps, si mauvais mais paradoxalement si agréable. Stiles faisait partie de ces gens qui aimait beaucoup le fait de regarder vents et pluies se déchaîner tout en se sachant au chaud. C'était quelque chose qui le détendait et qui lui donnait l'impression... Non pas de dominer les éléments, mais d'assister à leur déploiement naturel. Un délice pour ce jeune homme qui avait parfois l'impression de voir un reflet de ses émotions et ressentis... Se matérialiser dans la réalité, d'une certaine façon du moins. Il y voyait là un effet un effet un peu cathartique qui lui faisait un bien fou... En douceur.
Alors avec ce feu qui crépitait dans la cheminée, autant dire que Stiles profitait pleinement de ce moment sans se triturer l'esprit d'aucune manière. Pourtant, il avait largement de quoi faire. Les traumatismes, comme les souvenirs, ne manquaient pas.
- Quel temps...
Stiles tourna la tête vers son homme, posté devant la baie vitrée. Les bras croisés sur son torse, Derek arborait un air passablement ennuyé. De toute évidence, la météo lui plaisait beaucoup moins qu'à Stiles.
- Il était prévu qu'il fasse meilleur, continua Derek, sans détourner les yeux de ce ciel si sombre où perçaient parfois quelques éclairs.
Il râlait à sa manière. Doucement, sur un ton posé, sans laisser transparaître le moindre agacement poussé. Pour quiconque le verrait et l'entendrait pour la première fois, l'ancien alpha avait l'air de ne faire qu'un simple constat.
- Le temps importe peu, lui fit remarquer Stiles, même si la vue de ces phénomènes météorologiques on ne peut plus naturels le fascinaient sans doute presque autant que les flammes chaudes qui dansaient dans l'âtre.
- Je voulais t'emmener dehors... Te permettre de faire tellement de choses.
Stiles sentit un petit quelque chose le réchauffer de l'intérieur et sans être capable de poser un nom sur le phénomène, il devina fort rapidement de quoi il s'agissait. Une chose était certaine, le lien d'union qui le reliait à Derek lui réservait encore bon nombre de surprises... Comme cette onde douce et chaude qui lui donnait l'impression que son compagnon l'étreignait à distance. Amour.
- Ce n'est que partie remise et puis... J'aime bien. J'aime l'idée de nous savoir au chaud, dans un endroit splendide et de pouvoir voir la nature s'exprimer comme elle le fait actuellement.
Derek tourna lentement la tête dans sa direction. Au même moment, le regard de l'hyperactif se fixait sur cette petite tempête à l'énergie incroyable. Pourtant, ni le mouvement ni son intensité ne lui faisaient peur, bien au contraire. La vision continuait de l'apaiser.
- Je ne fais pas partie de ces gens qui doivent obligatoirement multiplier les activités pour profiter d'un séjour et d'un endroit. Je vais plutôt avoir tendance à être... Le mec un peu nul qui voyage à l'autre bout du monde pour simplement lire un bouquin au balcon de sa chambre. Regarder le paysage, c'est le genre de trucs qui me suffit.
Et c'était d'autant plus vrai en ce qui concernait son mood actuel. Derek ne cessait de lui dire et Stiles ne cessait lui-même de le penser : il avait besoin de calme. Cette idée gagnait en importance si l'on prenait le contexte en compte – les différents éléments qui rendait sa vie si instable. Bien sûr, Stiles savait que Derek ne voulait rien de plus que le meilleur pour lui. Il commençait à connaître son compagnon... Lequel ne s'embarrassait pas de tournures détournées pour lui faire comprendre le fond de sa pensée. De plus, Derek était toujours très transparent dans ses intentions, très souvent pures, en particulier lorsqu'elles le concernaient lui. C'était d'ailleurs très mignon cette façon qu'il avait d'agir avec lui. Stiles savait fort bien que le Sourwolf qu'il avait connu n'avait pas disparu, puisqu'il s'agissait ni plus ni moins que d'une partie de la personnalité de Derek. Mais la façon dont il agissait avec lui... Reflétait simplement l'homme qu'il était dans l'intimité. Stiles savait d'ailleurs pertinemment que cette pensée lui était on ne peut plus naturelle... Et qu'elle venait de son cœur, lequel ressentait des choses qu'il ne comprenait pas vraiment. En outre, ses souvenirs et sa réflexion n'étaient pas les seuls à parler : son instinct et ce lien surnaturel l'aidaient à y voir clair concernant l'ancien alpha. Il ne savait pas trop comment ces choses-là marchaient, mais il partait du principe que ressentir au plus profond de lui des choses aussi positives que celles-ci ne pouvaient rien lui apporter de négatif.
- Tu sais, continua l'hyperactif, je suis déjà heureux d'être ici, avec toi. Je n'ai pas besoin de plus.
Et ces mots-là, il n'avait pas peur de les dire, contrairement à ces si nombreux « je t'aime » qu'il pensait sans jamais prononcer. Quoiqu'il le faisait parfois... Un peu trop rarement, certes, mais pouvait-on lui reprocher sa retenue lorsque celle-ci n'était rien de moins que le fruit d'un trop plein de réflexion perpétuel. Si l'endroit tendait à le détendre tant son atmosphère était propice à cet effet, il ne dissiperait pas tout le brouillard de son esprit d'un coup de vent. Et Stiles... Ressentait un amour certain et sans véritables limites envers Derek – et ce n'était pas demain la veille qu'il nierait une telle évidence. Pourquoi gaspiller son énergie dans des revendications aussi stupides ? Stiles ne repousserait pas Derek, ni l'amour qui adoucissait leurs cœurs. Depuis qu'ils s'étaient rapprochés, il ne l'avait pas fait une fois. Inutile. Pourquoi se compliquer la vie alors que celle-ci avait déjà son lot de problèmes ? Quoique si ce n'était pas Derek, si ç'avait été quelqu'un d'autre – ce qu'il n'arrivait pas à imaginer – peut-être qu'il ne se serait pas autant ouvert. Peut-être qu'il n'aurait pas appris à faire confiance. Peut-être qu'il aurait continué de garder le silence.
Et qu'il en serait mort, tué de ses propres mains, ou de celles d'Emile.
Stiles regarda son homme décroiser ses bras et avancer lentement dans sa direction sans pouvoir s'empêcher d'apprécier sa démarche, de détailler sa silhouette solide, ainsi que cette aura si particulière qu'il dégageait en permanence. Et Stiles se retrouva fasciné par le charisme naturel qu'il dégageait par sa simple façon de se déplacer. Derek ne faisait pas le moindre effort pour se rendre à la fois imposant et tranquille, il l'était naturellement. Cet homme, si précieux à ses yeux... Était avec lui. Et si Stiles avait intégré depuis un moment le fait qu'ils soient en couple, il y avait des fois, comme celles-ci, où il n'en revenait pas de se dire que... C'était réel. Il ne s'agissait pas d'un rêve, d'un fantasme.
Derek s'installa doucement à côté de lui et passa sans attendre un bras autour de ses épaules et de le rapprocher de lui. Stiles, complètement détendu, laissa un léger sourire étirer ses lèvres et laissa celles-ci partir en douceur à la rencontre de leurs consœurs.
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