Chapitre 64


Derek passa une main lasse sur son visage fatigué. Malgré cet intense besoin de ne pas s'éloigner de Stiles, il avait ressenti la nécessité de s'isoler une minute. Juste une.

Dire qu'il n'avait pas beaucoup dormi était un euphémisme. A vrai dire, il s'était effondré à l'aube, après avoir passé des heures à veiller son compagnon qui, après sa crise des plus intenses, avait enchaîné les cauchemars, tous plus horribles les uns que les autres. De plus, il avait fait une terreur nocturne et Derek avait tout donné pour le calmer, tout donné également pour qu'il fasse le moins de bruit possible. Parce que Stiles n'était pas le seul dont il se préoccupait. Non loin de leur chambre se trouvait celle d'Amelia et... Elle n'avait pas besoin d'inquiétudes supplémentaires, elle qui, déjà, se faisait un souci monstre pour son « Tonton Stiles ». Et puis il y avait ses problèmes à elle aussi. Derek se servit et but un verre d'eau qu'il avala sans tergiverser. Deux trésors. Deux âmes pures. Deux amours blessés par la vie.

Amelia s'était confiée à lui. Durant la journée que Stiles avait passée avec ses amis, Derek avait eu l'occasion d'en apprendre beaucoup sur elle, ses sentiments, ses traumatismes, ses ressentis. Elle ne lui avait rien caché et pourtant, elle était assez maline pour le faire. Mais elle avait confiance en lui, en eux. Elle les aimait d'un amour pur et avait désespérément besoin qu'on l'aide, qu'on s'occupe d'elle. C'était déjà le cas, mais elle n'était qu'une enfant et par ce qu'elle avait déjà vécu, avait besoin de plus. Derek était complètement d'accord avec cela et c'était pour ça qu'il lui avait fait comprendre que parler était une bonne chose, la meilleure qui soit. Elle ne devait pas hésiter à recommencer. Il était là pour elle, Stiles aussi. Cependant, il préférait qu'elle s'adresse à lui uniquement pour l'instant. Parce que son compagnon avait besoin de repos, réellement. Cette nuit, même s'il n'en avait pas énormément de souvenirs, ne l'aidait pas. Préoccupé par l'état de son humain, Derek le rejoignit bien vite en faisant son possible pour effacer toute trace de préoccupation de son visage. Une fois à sa hauteur, il l'enlaça, purement et simplement, continuant de lui apporter cet amour véritable dont ils avaient tous les deux besoin. Stiles sourit doucement, l'embrassa avec douceur et laissa son loup le transporter jusqu'à la cuisine. Là, il mit tout ce dont ils avaient besoin sur la table et déposa un doux baiser sur la tempe de son aimé avant de le prévenir qu'il allait réveiller Amelia. Stiles hocha la tête et commença à préparer son petit-déjeuner. Derek changeant plus ou moins souvent de « menu » en fonction des jours, il laissa à celui-ci le soin de se faire son petit casse-croûte.

Derek se retrouva à l'étage en moins de temps qu'il ne le fallait pour le dire. Il se fit d'ailleurs la réflexion que son énergie lui avait manqué : se mouvoir, parler, faire des choses... Tout était bien mieux ainsi. Fut un temps – plutôt récent – où le moindre effort l'essoufflait, où Stiles, malgré ses problèmes, avait dû veiller sur lui. Arrivé devant la porte qui l'intéressait, Derek entra sans frapper. La pièce était plongée dans la pénombre mais les yeux du loup voyaient chaque détail avec une netteté alarmante pour un humain, complètement normale pour un être lupin. La petite silhouette d'Amelia se détachait du décor, adorable enfant recroquevillée sur elle-même dans le lit, serrant entre ses bras fins un petit ours que Derek fut étonné de trouver là. Etonné, surtout parce qu'il le connaissait. Avec une délicatesse hors normes, l'ancien alpha s'assit près d'elle et attrapa l'ourson qui, il le savait, présentait des traces de suie sur le côté et avait l'oreille droite manquante. Les traces de brûlures assombrissaient le tissu chocolat au lait, mais le petit ours gardait un air adorable. Derek serra entre ses doigts le doudou qui, déjà, lui serrait le cœur. Des souvenirs, il en avait avec lui et la plupart des objets qu'il lui restaient de ce temps-là se trouvaient dans le grenier... La seule partie encore un peu instable du manoir. Partiellement rénové, il n'allait pas s'effondrer, néanmoins... Le plancher du grenier ne tenait pas très bien. Ainsi, il devina que la petite fouine qui dormait encore était allée s'aventurer dans un endroit qui aurait pu et pouvait toujours se retrouver dangereux pour elle. Et même si revoir cet ours ranima en lui de vives émotions, il en bloqua la plupart. Se faire du mal ne faisait pas partie de ses objectifs, d'autant plus qu'en ce moment... Derek ne pouvait pas se permettre de se laisser aller à ce qu'il apparentait à des faiblesses. Pas qu'il considère l'émotion comme cela, simplement... Il devait gérer, pour sa petite famille. Gérer sur tous les fronts. Être un pilier pour son compagnon, et la fillette qui dormait innocemment dans ce lit beaucoup trop grand pour elle. Ensuite, il pourrait se laisser aller, mais seulement lorsque le danger serait définitivement écarté. Tant qu'Emile serait une menace, il devrait se montrer fort. Les protéger, tous les deux.

- Petite marmotte, fit-il doucement en lui caressant les cheveux. Debout.

Amelia rabattit instantanément la couette sur sa tête. Derek esquissa un faible sourire et se leva, le petit ourson toujours dans ses mains. Il le posa sur la table de nuit et ouvrit les rideaux. Il entendit une plainte pathétique provenir de sous la couette et son cœur se retrouva légèrement réchauffé.

- Amelia, il faut se lever, dit-il à nouveau d'un ton doux alors qu'en lui, sa douleur se laissait difficilement mater.

- Flemme, répondit la couette.

Mais déjà, la petite pansait ses blessures sans le vouloir, ni faire grand-chose de spécifique. Sa simple présence et sa fourberie habituelles calmaient ce torrent intérieur qu'il contenait comme il le pouvait.

- Stiles est déjà là, avança le loup. Il me semble que tu voulais profiter de lui.

- Oui et je l'adore, hein, mais le lit... Il me rappelle, je te laisse, tenta la petite, toujours cachée.

Derek ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amusé avant d'attraper la couette et de la tirer vivement. Amelia le regarda, l'air outrée, avant de prendre un air boudeur auquel le loup ne put s'empêcher de réagir. Un petit rire passa la barrière de ses lèvres. Comment faisait-elle pour le dérider ainsi ? Il n'en avait aucune idée, mais il la prit dans ses bras pour l'encourager à abandonner l'idée de dormir et à affronter cette nouvelle journée qui s'annonçait. Elle tira la langue à son attention, mais n'essaya pas de regagner le paradis que représentait son lit. Mieux que ça, elle passa ses bras autour de son cou et se lova contre lui avec une confiance totale. Derek ne s'autorisa qu'un mince sourire alors même que le loup et l'humain fondaient et se sentaient émus d'un tel abandon. Elle était là, la pureté enfantine, couplée à tout l'amour que des proches pouvaient partager. Derek ne se considèrerait jamais comme son père : ce serait là un affront qu'il ne se permettrait pas, et il savait que Stiles pensait comme lui. Néanmoins, tous deux agiraient comme tel, parce que cette petite avait besoin d'une famille et eux l'avaient déjà adoptée. Alors, Derek lui caressa les cheveux avec une douceur toute particulière, tout en sachant qu'il serait sans doute appelé à être de corvée coiffure d'ici quelques heures.

Ainsi, il se leva, son précieux fardeau dans les bras et descendit.

A leur arrivée dans la cuisine, Stiles releva la tête dans leur direction et presque aussitôt, ses yeux ambrés semblèrent s'éclairer d'une douce lueur d'amour qui recouvrait une joie plus sauvage encore. Une joie qu'il ne laissait s'exprimer que dans une moindre mesure. L'air de rien, sa crise de la veille l'avait bien ébranlé, et c'était d'autant plus vrai depuis qu'il se souvenait de quelques bribes. Néanmoins, voir son compagnon et la petite Amelia aussi proches et complices... Cela lui mit du baume au cœur.

Et il sourit.

xxx

Cet après-midi-là, Stiles le passa à s'occuper d'Amelia et Derek n'eut aucun doute quant au fait qu'il était excellent dans son rôle. De manière générale, il était à l'aise avec les gens, enfants compris, et cela se ressentait. Ce qu'il percevait aussi, c'était cette retenue subtilement dissimulée, accrochée à cette peur toute particulière dont Derek ne connaissait l'origine que parce qu'il connaissait bien son compagnon et que celui-ci lui en avait déjà touché un mot... Quand ils étaient encore au loft. Quand tout n'avait pas encore complètement déraillé. Quand Amelia n'avait pas encore été témoin de l'agression de l'hyperactif qui, lui-même, avait manqué d'y rester. Muselant sa culpabilité, Derek porta une attention toute particulière à son compagnon. La petite ne craignait rien avec lui et le loup en était parfaitement conscient. Ce qui l'inquiétait, c'était cette peur. Toujours cette même peur. Pendant un temps, il l'avait oublié, mais son intelligence la lui avait rappelée au moment opportun.

Si Stiles était à l'aise avec Amelia, il continuait d'avoir peur de lui faire le moindre mal. Bien évidemment, Derek savait que cela n'arriverait pas : maintenant, restait à convaincre son compagnon qui, s'il avait bien avancé à ce niveau-là, n'était pas complètement convaincu. Stiles lui avait dit, il n'y avait pas si longtemps que cela, que Derek ne serait pas ainsi avec lui s'il représentait la moindre menace. S'il ne l'avait pas exactement déclaré en ces termes, le loup avait retenu l'idée. Néanmoins, ce dernier savait à quel point l'humain débordait d'insécurités, ayant quasiment toutes la même origine.

Son enfance sordide.

Ainsi, Derek garda son sang-froid et dissimula la moindre de ses inquiétudes derrière un sourire léger mais sincère, et une affection sans limites pour les deux êtres qu'il couvait du regard. Son compagnon et cette petite qu'il considérait, dans un sens, comme sa fille, même si elle ne le serait pour ainsi dire jamais. Alors, il fit en sorte d'encourager son hyperactif dans chaque action qu'il effectuait tout en restant subtil et n'hésita pas à mettre la petite dans ses bras. Les craintes de Stiles étaient légitimes, mais Derek savait que jamais il ne sombrerait dans cette horreur-là. Son loup lui-même était sûr de lui, et pas juste parce qu'il s'agissait de son compagnon. Stiles était intelligent et lucide : il avait également eu la « chance » de ne pas subir ce cauchemar durant toute son enfance. S'il n'avait connu que cela, la question aurait pu se poser, mais le fait qu'il ait simplement « peur » de lui faire du mal voulait dire beaucoup. Et Derek plus que quiconque pouvait comprendre cette peur de faire souffrir. Néanmoins, il lui laissa de l'espace, s'éclipsa de temps à autres pour leur laisser du temps tous les deux, avançant deux-trois tâches de son côté. Il apportait son soutien, sans étouffer, sans être présent à outrance. Il n'y avait que comme ça que Stiles comprendrait qu'il pouvait définitivement se faire confiance.

De manière générale, Derek se devait de l'aider à remonter la pente et il avait déjà commencé. Cependant, cette progression comportait plusieurs points-clés, plusieurs blessures, plusieurs insécurités – les principales. Déjà, et même si ce n'était pas ce qu'il aurait fait en premier – mais la situation l'avait malheureusement exigé –, Stiles avait réussi à faire l'amour avec lui. Cela paraissait n'être qu'un détail, il s'agissait cependant de tout un monde, tout un univers auquel il pensait n'avoir jamais accès et qu'il n'avait longtemps jamais voulu connaître. Emile Chabrier avait fait en sorte de le dominer dans tous les sens du terme, de sorte à être le seul à pouvoir le posséder. Il ne l'avait jamais dit clairement mais Derek était persuadé qu'il s'agissait de cela, tout comme il était clair pour lui qu'il agissait de la même manière avec ses autres victimes, à un détail près : de par sa position dans la liste du monstre humain, Stiles semblait revêtir un intérêt spécial à ses yeux, et c'était sans doute ce qui le terrifiait le plus. Ainsi, Derek avait beau profiter de chaque moment passé en famille, ou simplement la petite, ou juste son compagnon, il restait prudent, les sens aux aguets. Jamais il ne permettrait que l'on s'attaque à ses trésors. Il savait qu'il allait bientôt falloir agir contre cette épée de Damoclès permanente, mais Derek était conscient qu'il n'irait pas sur le terrain. L'envie ne manquait pas, cependant... Il préférait être là, protéger sa petite famille contre le cauchemar que représentait ce monstre. Il faudrait d'ailleurs qu'il discute de cela avec la meute et, à vrai dire, il avait déjà une idée. D'une manière ou d'une autre, il voulait faire payer à Emile le fait d'avoir violé, tué, brisé, touché tous ces gens.

Mais aussi et surtout son compagnon.

Il nota alors pour plus tard de prévenir Scott et le reste de la meute, d'organiser une réunion ici, au manoir.

Il allait bien falloir que les choses bougent.

.............

J'vous jure ça va effectivement bientôt bouger

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