Chapitre 59
La main de Derek allait et venait sur la hanche de Stiles. Il sentait la douce peau blanche frissonner alors qu'elle n'était pas couverte, frissonner parce qu'il faisait un peu frais. Les draps avaient été maltraités et repoussés à leurs pieds après un énième round impromptu, ne restait que la housse du matelas ainsi que leurs oreillers. Contre lui, Stiles se reposait. Il ne dormait pas, mais baignait dans cet agréable état de semi-conscience qui lui permettait de goûter à la plénitude. Un sourire posé prit place sur les lèvres du loup qui regardait son aimé d'un œil différent.
Ils étaient complets. L'un et l'autre. Et tout cet amour qu'il ressentait déjà à travers le lien d'union... C'était presque surréaliste. Jamais le loup n'aurait cru que l'on éprouverait de tels sentiments à son égard, jamais il n'aurait pensé qu'on l'aimerait pour ce qu'il était et non pour ce qu'il avait à donner en tant que loup. Cet hyperactif, contre lui, c'était son compagnon, son âme-sœur, sa moitié. Cette partie qui faisait de lui un homme comblé. Un homme que plus rien ne pourrait arrêter. Ses blessures disparues, il lui faudrait toutefois une ou deux nuits entières pour retrouver sa forme complète. Mais c'était déjà bien mieux. Ainsi, il savait qu'il pourrait à nouveau protéger Stiles. Il en était capable. Plus que jamais. Et puis, l'hyperactif ne le savait sans doute pas, mais le lien donnait déjà des ailes à son loup qui se sentait revivre. Être complet était une sensation bien particulière, mais diablement agréable. Il ne put s'empêcher de nicher sa tête dans le cou de son humain avant de l'en parsemer de petits baisers amoureux aussi légers que des papillons, mais remplis d'un amour infini.
Stiles rit. Il rit doucement, parce qu'il était fatigué, mais c'était une bonne fatigue, qu'il accueillait avec plaisir et qu'il ne repoussait pas le moins du monde. Il n'en avait pas besoin, tout simplement parce qu'il n'avait pas à être sur ses gardes. Il était nu, oui, mais c'était son choix. Contre son loup, tout aussi nu. Ils avaient fait l'amour, encore et encore. Il en avait redemandé malgré toutes ses appréhensions et ses peurs de mal faire, d'échouer, d'être obnubilé par ses traumatismes. Mais il y était arrivé. Il avait réussi à ne pas y penser. Il n'avait pas vu Emile à la place de Derek, n'avait pas souffert le moins du monde. Ça, bien sûr, c'était l'œuvre de son compagnon qui lui avait pris sa douleur, oui, mais ce n'était pas rien et pour lui, ça signifiait beaucoup. Derek était pour l'heure la seule et unique personne à connaître l'entièreté de son histoire et surtout, le premier à l'avoir débloqué dans son mal-être. Oh, rien n'était pour autant réglé, ses traumatismes n'allaient pas disparaître en un claquement de doigt. Mais maintenant, Stiles se disait qu'il avait une chance d'arriver à vivre avec. Si son compagnon continuait de l'épauler malgré tout, c'était possible. Il fallait toutefois que Derek soit conscient d'une chose : ils s'aimaient, étaient liés au plus profond de leur être, mais cela ne voulait pas dire que la vie avec Stiles serait facile. Pour le moment, il allait bien, arrivait à rester là, nu, près de lui, mais rien ne garantissait que cela serait toujours le cas. La santé mentale de l'hyperactif tenait sur un fil. Les évènements avaient eu tendance à s'enchaîner dans sa vie, dernièrement. Autant dire que chacun d'entre eux l'avait fragilisé.
Derek l'enlaça un peu plus confortablement et posa sa main en coupe sur son visage avant de poser ses lèvres avec tendresse sur les siennes. Une tendresse dépourvue de toute excitation, de tout spectre sexuel. C'était juste... Un baiser d'amour comme il y en avait déjà eu entre eux, comme il y en aurait encore. Derek n'était pas naïf et avait conscience de la portée symbolique de ce qu'ils avaient partagé. Stiles lui avait ouvert le pan le plus intime de sa vie et de son corps : il respectait cela plus que tout autre et admirait son homme pour le courage dont il avait fait preuve. Pour autant, il savait que cela ne lui donnait pas le droit de trop lui en demander. Stiles avait fait un grand pas en avant, mais n'importe quoi pouvait le faire reculer. Dans un sens, ils avaient fait l'amour parce que c'était nécessaire puis parce qu'ils en avaient envie. Stiles avait découvert un monde nouveau, un monde dont il avait eu une vision faussée à cause d'un seul être qu'il ne voulait même plus nommer tant il était monstrueux. Un être qu'il retrouverait et qu'il tuerait de ses mains s'il le fallait.
Mais pour l'heure, l'humeur légère de Stiles apaisait le loup et l'humain en lui. Derek soupira de bien-être. Pour la première fois de sa vie, il se sentait à sa place, avec la personne qu'il aimait le plus au monde. Cette personne, c'était la bonne. Et il savait d'ores et déjà qu'il la chérirait plus que tout au monde.
Au bout d'un long moment d'un doux repos, Derek décida qu'il fallait bouger. Être nus, c'était bien, et l'on ne pouvait nier le côté agréable de la chose. Toutefois, les draps étaient sales, son corps et celui de son amant collaient, empestaient le sexe. Par endroits, le sperme avait plus ou moins séché et cela n'était pas forcément beau à voir, encore moins agréable à sentir, pour un loup. Surtout lorsque ledit sperme s'était mélangé à la sueur. Ainsi, le loup commença à émettre l'idée de, peut-être, partir se laver un coup. Au regard noir de Stiles, il fut obligé de préciser « tous les deux ». Si l'expression de l'hyperactif se radoucit, ce dernier décida toutefois qu'il était trop bien pour bouger, ce à quoi Derek répondit que ce n'était pas une raison. Alors, Derek dut carrément traîner Stiles à la douche. Le lit était confortable, impossible de le nier, mais il était important qu'ils se décrassent, puis qu'ils changent les draps. Au moins ça.
- Après, on retourne au lit si tu veux.
C'était tout ce que Derek pouvait céder à son humain qui finit par se montrer un peu plus coopératif malgré la douleur du bas de son dos, douleur qui s'était réveillée dès ses premiers pas sur le plancher du manoir. Stiles grimaça : le sexe, ça paraissait sympa quand c'était bien fait et désiré des deux côtés, mais il avait oublié que la douleur succédait au plaisir après l'acte... Si celle-ci faisait quelques échos à son passé, Stiles ne fit pas l'amalgame, tout simplement parce que la situation qui avait mené à l'éveil de cette douleur était tout à fait différente de ce qu'il avait vécu autrefois. Ainsi, il n'eut pas à expérimenter de réminiscence désagréable, pour l'instant en tout cas. A vrai dire, il en profita : vivre simplement, sans se retourner sans arrêt vers ses souvenirs, c'était aussi agréable que reposant. Bien évidemment, sa mémoire étant ce qu'elle était, il n'oublierait jamais. De même, l'on ne pouvait pas affirmer qu'il était remis de la chose. Néanmoins, il pouvait se reposer sur le fait que là, ça allait. A l'heure actuelle, c'était tout ce qui comptait.
L'eau chaude qui s'écoula sur le corps joyeusement endolori de l'hyperactif fit pousser à celui-ci un soupir d'aise.
- Tourne-toi.
La voix chaleureuse de Derek fit que Stiles s'exécuta sans hésiter, sans même qu'il ne lui demande la raison de cet ordre pour le moins particulier. Pour lui faire plaisir, il ne s'appuya que sur sa jambe valide. Intérieurement, l'hyperactif espéra tout de même qu'il ne s'agissait pas de ce qu'il pensait : il avait certes beaucoup apprécié ces heures de luxure mais c'était tout nouveau et il voulait maintenant pouvoir faire le point. Ce n'était pas parce qu'il avait fini par se donner – en toute connaissance de cause – qu'il était prêt à enchaîner. Il faillit d'ailleurs le dire à Derek, mais il se retint au dernier moment, par peur de le froisser.
Mais Derek n'eut aucun geste indécent ou intime à son égard. Du moins, pas dans le sens qu'il l'imaginait. Si le loup se mit à genoux, cela ne fut pas pour titiller son cercle de chair ou s'amuser avec lui d'une quelconque manière, mais bien pour lui masser sommairement le bas du dos. Stiles ne dit rien mais prit appui contre le carrelage du mur alors qu'il se sentait défaillir de bien-être.
- C'est sommaire, je ferai mieux quand on sera de nouveau au lit, entendit-il.
- C'est parfait, Der, souffla Stiles.
Hum, au vu de l'intensité de la douleur et de la manière dont le loup devait appuyer dans ses massages, ils n'avaient pas dû y aller de mainmorte. Mais Stiles n'avait aucun regret. Il avait aimé. C'était nouveau et un peu étrange par moments, mais il avait aimé.
Au bout d'un moment, Derek remonta à son niveau et le câlina, le papouilla tout en le lavant. Il se montra doux, à l'écoute et aux petits soins pour lui. Et jamais il n'eut un geste trop bas. Par instinct et conscience, il respectait les limites tacites de Stiles qui, s'il avait dépassé cette épreuve qu'il redoutait tant, n'irait sans doute pas réitérer la chose tout de suite. L'hyperactif avait beau ne pas lui avoir dit, c'était quelque chose que le loup sentait et respectait. De toute manière, ce n'était pas pressant le moins du monde.
Stiles éclata de rire lorsque son loup s'amusa à le chatouiller sous la douche et râla lorsqu'il coupa l'eau. L'hyperactif lui fit carrément la tête alors qu'il se retrouvait saucissonné dans une grande serviette par son homme, qui, une fois qu'ils furent tous les deux secs, le porta jusqu'à la chambre. Là, ils se rhabillèrent et Derek lui interdit de se lever du fauteuil qu'il lui attribua le temps qu'il fasse le lit. Pour le coup, Stiles n'eut pas la force de le contredire : les courbatures de son corps étaient de moins en moins agréables, comme si celui-ci se réveillait doucement. Enfin, savoir que ces douleurs découlaient de quelque chose de désiré rendait la chose plus sympathique. Ce fait fut d'autant plus vrai que quelques minutes plus tard, Stiles se retrouva à gémir de bien-être alors que Derek respectait sa promesse : sur le lit, il était bien plus aisé de le masser correctement, en appliquant une crème qui semblait chauffer au contact de sa peau. Et même si ce n'était pas son genre, Stiles accepta de bonne grâce d'être choyé, cocooné par ce compagnon qu'il aimait tant.
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Stiles soupira en regardant l'heure pour la dixième fois de la matinée. Depuis qu'il s'était levé, impossible pour lui de tenir en place. Il était trop pressé. Une main chaude se posa sur son épaule dénudée – un autre pull de Derek un peu trop large pour lui.
- Calme-toi, elles vont bientôt arriver.
La veille, juste avant qu'ils aillent se coucher, Lydia avait envoyé un message à l'hyperactif, lui communiquant l'heure à laquelle elle ramènerait Amelia.
- Ouais je sais, mais elle me manque, râla l'hyperactif en se calant un peu mieux dans le canapé.
Rester assis dans ses habitudes, mais ses douleurs ne l'avaient pas entièrement quitté. Sa jambe, quant à elle, guérissait doucement – Derek veillait à ce qu'il ne pose pas le pied par terre plus de temps que nécessaire – et les bleus qui lui restaient devenaient moins visibles. Néanmoins, il continuait d'avoir cette mauvaise habitude que Derek lui reprochait : ne pas prendre assez de temps pour lui. En fait, les deux amants n'avaient pas reparlé de ce qu'il s'était passé la veille, comme si ce n'était pas nécessaire. Pourtant, Derek savait qu'il le fallait. Même si Stiles avait apprécié la chose en elle-même ainsi que la manière dont il l'avait traité, le loup avait perçu une certaine tension chez lui, de temps à autres. Son odeur se teintait également parfois très légèrement de peur, en particulier lorsqu'ils étaient nus, l'un contre l'autre ou quand ils se douchaient. A cause de sa jambe, l'hyperactif avait besoin d'aide et Derek se portait toujours volontiers volontaire pour le soutenir et l'amener dans la douche. L'ancien alpha n'était pas idiot et avait bien une petite idée de ce que cela signifiait. Il ne s'en offusquait pas, parce qu'il n'y avait pas matière à s'offusquer. Il était conscient que Stiles savait qu'il ne lui ferait pas de mal, mais l'on n'effaçait pas sept ans de secrets et toute une série d'agressions comme cela, surtout que certaines étaient récentes. Des réminiscences, il en aurait toujours. Il faudrait simplement qu'ils continuent de s'apprivoiser, tous les deux. Il s'agissait de la première réelle relation de Stiles et même s'ils étaient compagnons, Derek savait qu'il ne devait pas s'attendre à quelque chose de simple. Mais qu'importe. Il l'aimait, son humain, d'un amour aussi tendre que fou.
Si le ciel était bleu, il n'en était pas moins tacheté de nuages d'un gris pâle.
Derek esquissa un léger sourire, aussi léger que son humeur malgré tout et s'installa à côté de son aimé, autour duquel il passa un bras.
- Elle me manque aussi.
Et ces paroles, aussi simples que peu nombreuses, firent naître une lueur de tendresse dans le regard ambré de l'hyperactif, qui avait retrouvé de maigres étincelles. Derek sut d'instinct à quoi il pensait. Quelque chose d'abstrait, de coloré et en même temps de très précis avait filtré à travers leur lien d'union. Le loup sut reconstituer le mot que cet amas pouvait former.
Famille.
Si les choses s'étaient déroulées différemment, Derek aurait argué que Stiles était trop jeune pour penser à cela. Mais l'enfance de son humain lui avait été volée. Il avait grandi seul, aux côtés d'un père qui avait brillé par son absence de soutien, un père qui avait involontairement laissé les ombres de la douleur grignoter son fils. Stiles n'irait jamais dire qu'il n'avait pas été aimé. Simplement, il avait cruellement manqué d'aide et de justice, et cela l'avait conduit mourir à petits feux à l'intérieur de son propre foyer. Alors qu'il songe à une famille et à tout cet amour qu'il avait à donner était on ne peut plus normal. Ce qu'il avait vécu avant n'était pas une vie, mais un cauchemar qui s'était étendu sur de longues années de silence. Derek posa une main sur la joue de son hyperactif. Oh oui, le sien. Et quand il voyait la chance qu'il avait d'avoir cet humain incroyable comme compagnon, Derek sentait une bouffée de tendresse l'envahir. Les douces caresses qu'il effectua sur sa peau encore un peu bleutée firent leur effet. Stiles ferma les yeux et se blottit contre lui avec douceur, histoire de ne pas réveiller la douleur bienheureuse logée en bas de son dos. La sérénité que lui apportait Derek était folle.
Et même si rien n'était oublié ni terminé, Stiles pouvait d'ores et déjà continuer de se dire que ça allait.
Sa nouvelle vie venait de commencer.
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