Chapitre 55


- Isaac, s'il te plaît...

Les bras croisés, le bouclé regardait son vis-à-vis d'un air ahuri. Rêvait-il où Stiles lui demandait de laisser tomber sa protection ? Il secoua la tête. Derek et Stiles n'avaient pas été épargnés par la vie, surtout récemment et étaient tous les deux encore blessés. Le pire, c'était que l'ancien alpha guérissait à une vitesse atrocement lente. La parole accompagna son mouvement de tête négatif :

- Non, Stiles, c'est trop dangereux. Je ne peux pas dire oui à ça.

- Mais pour faire ce que j'ai à faire, je... Je serai plus à l'aise si t'es pas là, insista Stiles en mettant ses mains en position de prière.

Il était adorable avec ses petits yeux ambrés et sa petite moue mignonne, mais Isaac croisa les bras sur son torse, pas vraiment décidé. Haussant un sourcil à la Derek Hale, il demanda :

- Et qu'est-ce que tu as à faire qui nécessite mon absence ?

- Crois-moi Isaac, tu n'as pas envie que je sois franc avec toi... Et pour tout te dire, j'ai pas envie de l'être non plus. Non, vraiment, n'insiste pas. Je t'assure que tu ne veux vraiment pas savoir. Non, ne me fais pas cette tête trop mignonne, de toute façon ça ne marchera pas !

Isaac rigola un peu : il avait tenté sa fameuse technique des yeux de biche couplée à la moue qui faisait craquer n'importe quel membre de la meute, y compris Stiles autrefois. Mais là, l'enjeu était trop grand pour que l'hyperactif se laisse charmer par le côté adorable de son ami bouclé.

- Plus sérieusement Stiles, je vois que tu y tiens, mais tant que tu ne me présenteras pas une raison valable, je ne bougerai pas.

Stiles capta néanmoins quelque chose d'important dans les paroles de son ami : d'un « non » catégorique, il était passé à un « non à moins que ». Et ça, il allait devoir l'exploiter. Profitant du fait que Derek dormait à l'intérieur du manoir, Stiles se prépara mentalement. Il allait avouer ça à Isaac. C'était gênant, diablement gênant. Il avait tout sauf envie d'en parler, mais s'il fallait en arriver là... Bordel, tuez-moi. Jamais l'hyperactif n'avait été aussi gêné de sa vie. La honte, l'humiliation, la souffrance, ça, il avait connu. Mais la gêne en elle-même, aussi forte et pure, jamais.

- D'accord, je vais te la donner, la raison, mais viens pas te plaindre après si t'es traumatisé !

Sur ces paroles qui camouflaient un peu sa fébrilité, Stiles se rapprocha d'Isaac et lui chuchota quelques mots à l'oreille. La réaction du loup bouclé ne se fit pas attendre : ses joues devinrent rouges à une vitesse hallucinante. Ses yeux étaient exorbités et ce fut à son tour d'être gêné. D'un coup, il comprit pourquoi Stiles avait autant insisté pour ne pas lui dire mais au moins... Désormais, il comprenait mieux... Pourquoi il ne devait pas rôder trop près du manoir. Mon dieu, ses pauvres oreilles...

- Je ferai en sorde de... De faire ma ronde assez loin, articula Isaac, au comble de la gêne.

Stiles sourit malgré lui et finit par glousser en se reculant. Un Isaac rougissant n'était pas seulement un Isaac mignon, mais également drôle. Ayant envie de l'embêter un peu et de se venger pour avoir été forcé d'avouer ses véritables intentions, l'hyperactif eut une petite idée, tirée de ce qu'il savait déjà. Un air espiègle s'inscrivit sur son visage alors qu'il se rapprocha à nouveau et lui glissa avec un sourire mutin :

- Tu peux toujours demander à Peter de t'accompagner, ce sera certainement plus fun à deux...

- Raaah, mais tais-toi !

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Stiles se regardait dans le vieux miroir de la salle de bain qu'il venait de finir de nettoyer. Bien qu'encore blessé, il restait plus en forme que son loup qui dormait maintenant depuis trois heures – il s'était endormi vingt bonnes minutes avant la discussion de l'hyperactif avec Isaac. Les plans du fils du shérif étant prévus pour la soirée, il avait, en attendant, du temps à perdre. Et ce temps, il l'exploitait au lieu de le perdre. Avancer avec une béquille pour compenser sa cuisse blessée n'était pas chose aisée, mais Stiles voulait arranger un peu l'ancien manoir des Hale. S'il était effectivement habitable, son manque d'occupation était clairement visible alors pour le lycéen, c'était mission ménage. De plus, récurer ce qu'il pouvait lui permettait de contrôler un minimum ses émotions en vrac.

Parce qu'assumer ce qui l'attendait n'était pas chose facile. Qu'il en ait envie ou non, il allait devoir affronter ses peurs et traumatismes pour compléter le lien d'union et sauver son compagnon. Voir Derek guérir à nouveau et retrouver sa forme de jeune loup, c'était ce qu'il voulait le plus au monde. Pour l'instant, il continuait de dépérir lentement et les blessures qu'il lui avait volées n'aidaient pas à le laisser reprendre sa forme. Chaque jour qui passait, Derek luttait pour rester éveillé, mais il se laissait régulièrement happer par le sommeil et il était toujours difficile de l'en sortir tant il s'affaiblissait. Alors, forcément, Stiles avait l'angoisse chevillée au corps.

Et en même temps, il avait envie de passer une étape avec lui. Si elle pouvait paraître dérisoire aux yeux de n'importe qui, elle gardait une importance capitale pour le jeune homme et ce, pour plusieurs raisons. Faire l'amour avec Derek, c'était un doux rêve qu'il avait sincèrement envie de réaliser. Sans prendre en compte le côté sauvetage de cet acte, Stiles voulait vraiment essayer. Contrairement à beaucoup de gens, il n'avait connu que la soumission et dans son enfance. Emile la lui avait pourrie, c'était certain. A cause de lui, Stiles avait grandi trop vite et s'était presque mis à diaboliser le sexe. A ses yeux, c'était juste synonyme de douleur et de perdition.

Mais pour beaucoup, faire l'amour était un fantasme, une envie, quelque chose de plaisant. Si le sexe avait une telle répétition, c'était bien pour une raison. Et puis, Stiles avait sincèrement envie de retenter l'expérience, avec cette fois-ci une différence de taille : il serait consentant. Il ne hurlerait pas, ne se débattrait pas, ne chercherait pas à fuir celui qui se trouverait au-dessus de lui.

Deux choses faisaient toutefois peur à l'hyperactif. D'un côté, il était terrifié à l'idée de ne pas arriver à vivre le moment à sa juste valeur. Lorsque Derek entrerait en lui, Stiles n'aurait-il que des réminiscences de son passé morbide ? Commencerait-il à avoir peur de son loup ? Souffrirait-il ? Cet acte allait-il changer sa vision biaisée du sexe ? D'un autre côté, la peur de ne pas réussir le tiraillait. Et si s'unir à Derek ne fonctionnait pas pour le sauver ? Stiles secoua la tête. Non, il était hors de question qu'il soit pessimiste. Tout va bien se passer, se dit-il alors qu'il était partagé entre deux choses.

L'envie et le devoir.

Mêler ces éléments était très particulier et la discussion qu'il avait eue avec Peter sur le sujet lui revint en mémoire. L'oncle de son amour lui avait montré que le devoir seul ne comptait pas. Stiles devait également penser à lui, à son propre bien-être et ses propres envies. Et oui, bordel, il voulait Derek à tous les niveaux. Le loup réussirait-il à lui faire oublier ses peurs ? Stiles savait que son compagnon avait déjà eu envie de lui. Mais il s'était contrôlé. Avait fait attention à ses ressentis, à ne pas l'incommoder. Derek s'était réfréné pour privilégier son bien-être. Alors non, savoir qu'il l'avait déjà excité ne lui faisait pas peur. De manière générale et malgré ses questionnements, Stiles savait qu'il ne pourrait pas réellement finir par avoir peur de Derek. Il était trop gentil, trop bon, trop doux.

Et de plus en plus faible.

Néanmoins, Stiles tenait à faire sa véritable première fois. Il aurait bien aimé que celle-ci se passe dans d'autres circonstances, mais s'il sortait indemne de cette histoire de tueur en série et de liste de victimes, sans doute aurait-il l'occasion de redécouvrir la chose...

Un bruit de sonnette le fit revenir à la réalité. Stiles laissa tomber ce qu'il était en train de faire et descendit péniblement au rez-de-chaussée à l'aide de sa béquille. Il grimaça : se déplacer dans son état n'était pas une mince affaire mais il arrivait à se débrouiller. Il arriva finalement à la grande porte et ouvrit à Lydia, qu'il salua chaleureusement malgré sa nervosité avant de la laisser entrer.

Stiles avait tout prévu : l'éloignement d'Isaac, et l'absence d'Amelia. Il était hors de question qu'elle entende quoi que ce soit, ou bien qu'elle risque de les déranger en pleine acte, qu'ils ferment à clé ou non. Mieux valait pour la petite qu'elle soit gardée par la banshee, en ville. Qu'elle s'amuse. Et puis, une présence féminine ne lui ferait pas de mal. Amelia en avait besoin, sa mère lui manquait. Lydia la rassurait, elle savait y faire.

- Elle est en haut, dans sa chambre, l'informa l'hyperactif.

- Je la prends dans quelques minutes. Tu permets que je me serve un café ?

L'hyperactif hocha la tête, s'excusa et lui dit qu'il l'attendait dans le salon, histoire de discuter un peu avec elle avant qu'elle s'en aille avec sa petite princesse. Mais il y avait une raison à cela et il avait clairement saisi la perche lancée inconsciemment par la jeune femme. Lydia était intelligente, douce et compréhensive. Sans l'odorat d'un loup, elle était toutefois douée pour capter les émotions des gens. En l'attendant, il partit s'assoir confortablement sur le canapé et posa son pied là où trônait le coussin laissé par Derek, qui avait eu une excellente idée en le mettant là un peu plus tôt. Il grimaça un peu en se plaçant ainsi, sa cuisse le tirant un peu trop. Il avait mal, mais ça allait, c'était largement supportable.

Lydia finit par faire son apparition, une petite tasse de café à la main. Elle n'en avait pas fait à Stiles, sachant parfaitement que celui-ci ne pouvait pas en boire à cause de son hyperactivité. Elle s'installa avec grâce sur le fauteuil en similicuir face à lui et soupira d'aise. Le meuble avait beau être vieux, il n'en restait pas moins confortable. Elle pourrait presque s'endormir dessus. Attentive et observatrice, elle remarqua que la tension qui crispait le corps de l'hyperactif ne cessait d'augmenter. Il était mal à l'aise et ne pouvait pas le cacher le moins du monde. Tout ce qu'il s'était passé dans sa vie ces dernières semaines l'avaient épuisé mentalement et elle s'en rendait compte. Ainsi, elle préféra aller droit au but :

- Et si tu me parlais de ce qui te torturait l'esprit ?

Parce qu'il était trop silencieux mais son hyperactivité était toujours là, faisait tourner les rouages de son cerveau à mille à l'heure. De son doux regard céruléen, la jeune femme le toisa et attendit qu'il parle. Elle le vit se mordre la lèvre inférieure, se triturer les doigts. Stiles n'était définitivement plus capable de jouer la comédie. L'hyperactif jeta un œil aux escaliers avant de revenir sur la jeune femme. Profitant du sommeil de Derek à l'étage, il se lança directement, sans aucune hésitation :

- C'était comment, ta première fois ?

La question était osée et s'ils étaient proches, jamais ils n'avaient parlé de ce genre de choses. Stiles espéra que la banshee ne trouve pas cela déplacé, il avait fallu qu'il ose parler tant qu'il en avait encore le courage.

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