Chapitre 45


Lorsque Derek pénétra dans le loft, Peter était déjà parti. Du coin de l'œil, le loup vit Stiles affalé sur le canapé et au lieu d'aller le saluer comme il le voudrait, il resserra ses doigts sur sa poche de course et se força à ne pas le regarder. C'était douloureux, mais il avait bien compris que Stiles avait besoin d'espace. Il le lui avait bien fait comprendre ces cinq derniers jours, en esquivant ses étreintes et ses baisers, en lui parlant le moins possible. Ils dormaient ensemble mais ne se touchaient plus. Stiles évitait le plus possible de se retrouver proche de lui. Il avait peur. Alors, Derek s'accommodait. Il acceptait en silence la distance et la froideur de Stiles sans se plaindre, parce qu'il savait que c'était difficile pour lui. Il était si obnubilé par ses pensées et le contrôle de sa douleur intérieure qu'il ne remarqua pas que l'odeur de son humain avait légèrement changé. Qu'il n'avait plus non plus l'air aussi fermé. Qu'il le regardait et ne se contentait pas de lui jeter un bref regard avant de fixer un point dans le vide comme il le faisait si souvent ces derniers jours.

Sans prêter attention à quoi que ce soit d'extérieur, Derek alla dans la cuisine et commença à sortir ses courses de la grande poche dans le calme le plus complet. Son visage qui se voulait impassible ne l'était pas vraiment. La peine pouvait s'y lire, mais il la contrôlait. De toute manière, Stiles ne le regardait plus vraiment et était plus absent qu'autre chose alors pourquoi jouer parfaitement la comédie ? Il souffrait, c'était certain et, seul dans la cuisine, il se permettait un petit relâchement. De temps en temps, son loup grattait à la porte de son esprit, glapissait de désespoir. Il avait besoin de son compagnon jusque dans ses tripes et son éloignement le tuait. Au sens propre du terme. Alors qu'il sortait un stock de yaourt de la poche, Derek se redressa un peu vite et sa vue se fit floue un instant. Son cœur se mit à battre à un rythme un peu trop rapide et il prit appui sur le plan de travail, sur lequel il avait vite déposé ses achats. Il était essoufflé. Essoufflé alors qu'il n'avait pas fait grand-chose de sa matinée. Juste... Quelques courses. Il avait conduit, aussi, s'était levé tôt pour ne pas affronter la présence absente de Stiles. Et là, il... Ne faisait que ranger ses courses. Ça va aller, s'encouragea-t-il intérieurement. Derek avait besoin de Stiles, c'était viscéral, physique, mais il luttait contre cette force qui le poussait à aller vers lui. Pour son bien. Parce qu'il avait besoin d'espace et qu'il ne désirait pas être proche de lui en ce moment. Derek ferait tout pour contenter Stiles alors s'il le fallait... Il supporterait cet éloignement douloureux autant de temps que l'adolescent le désirerait.

Derek garda les yeux fermés quelques secondes, enfin selon lui. En réalité, cela dura deux bonnes minutes durant lesquelles son essoufflement se faisait réellement bruyant.

- Der...

Cette voix, si douce et tant rêvée, obligea Derek à se dire qu'il devait retourner se coucher, dormir un peu. Les hallucinations auditives, c'était rarement bon signe. Alors, il ne répondit pas et resserra ses doigts sur les bords du plan de travail. Il flanchait un peu, alors même qu'il commençait tout juste à se sentir un peu mieux.

- Der !

Cette fois, Derek ouvrit les yeux, ces yeux si fatigués qu'il ne demandaient qu'à rester fermés. Il fallait qu'il s'active, qu'il range tout ça correctement et... Quoi ? Que faisait Stiles ici, dans la cuisine ? A même pas un mètre de lui ? Non, il était là, à ses côtés, une main douce posée sur son avant-bras droit. Ses pupilles ambrées le regardaient avec une inquiétude non dissimulée. Mais Derek préféra ne pas espérer inutilement et demanda d'une voix un peu rauque :

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Derek, je... Enfin...

Son air gêné, hésitant, timide le faisait craquer. Derek rêvait de passer sa main sur son visage, cette bouille trop mignonne, de caresser cette joue constellée de grains de beauté qu'il savait douce. Cela faisait seulement quelques jours qu'il ne l'avait plus touché, mais pour le loup cela semblait beaucoup plus long. Quelle douce torture que d'avoir l'homme qu'il aimait sous son toit mais de ne pouvoir lui témoigner d'affection.

- Tu as besoin de quelque chose, ici ? Tu veux que je sorte ? Lui demanda-t-il, le mettant à l'aise.

Parce que c'était le plus probable. Cependant, Stiles eut l'air réellement surpris, voire... Blessé. Mais Derek se reprit bien vite. Stiles ne pouvait pas l'être, c'était lui qui avait voulu cette distance et lui, en bon canidé qu'il était, faisait tout pour le mettre à l'aise.

- Non, non ! Je ne veux pas que tu... Derek, je... On doit parler.

Derek haussa un sourcil mais cela n'eut pas l'effet habituel. Il transpirait la fatigue, si bien qu'il n'avait pas l'air un poil menaçant ou juste dur.

- Tu veux que je dorme sur le canapé ? Que je te laisse un peu plus d'espace ? Demanda le loup en évitant de le regarder, car c'était trop dur.

Prononcer ces mots était une torture, mais Derek était capable de comprendre et d'accepter. Stiles n'avait pas eu une vie facile et continuait d'enchaîner les déboires malgré tout le soin que prenait Derek pour le protéger et le mettre à l'abri du danger. Si Stiles avait tendance à vouloir se sacrifier pour son bonheur, Derek commençait à faire la même chose sans vraiment s'en rendre compte.

Pourtant, Stiles sembla s'affoler à ces mots :

- Non, non, surtout pas ! Der, je... Juste, viens, s'il te plaît.

Stiles commença à sortir de la cuisine et Derek se vit obligé de le suivre, tout en se retenant comme un dingue de lui prendre la main. Il haussa un nouveau sourcil en le voyant monter les escaliers mais le pire, ce fut quand l'hyperactif posa la main sur la poignée de la porte de la chambre. Leur chambre. Il se força à garder son calme. Les discussions qui avaient lieu dans cette pièce étaient toujours plus importantes que les autres. Amelia ne s'aventurait jamais dans ce coin-là, elle préférait attendre que le couple vienne la voir plutôt que d'y aller, elle. Alors si Stiles l'emmenait ici, cela voulait dire qu'il ne voulait pas être surpris. Derek se tendit mais fit son possible pour garder un visage stoïque. Lorsqu'ils furent tous deux dans la pièce, Stiles ferma la porte et invita Derek à s'assoir, ce qu'il fit. Peu à l'aise, il était au bord du lit, droit comme un piquet et regardait les doigts de Stiles s'entremêler. Il était stressé, nerveux et Derek donnerait tout pour le calmer. Mais dans sa position, le loup ne se voyait pas faire ça. Il ne voulait pas empiéter sur son espace vital alors que Stiles faisait tout pour l'éloigner. Et puis sinon, Derek ne pourrait s'empêcher de le toucher, de le prendre dans ses bras. Alors, il se contint et attendit que Stiles se décide à parler. Le bêta baissa le regard sur ses propres mains. Calleuses, grandes, des mains qui aimaient caresser. Puis, Derek sentit plus qu'il ne vit l'hyperactif s'approcher.

- Ecoute, Derek, je... En fait, tu sais... Oh, et puis merde hein...

Derek sentit deux mains prendre son visage à moitié tuméfié en coupe et eut à peine le temps de voir le regard ambré de Stiles que celui-ci scella leurs lèvres avec une rapidité étonnante pour un humain. Et Derek sentit tout un tas de choses exploser en lui. Il ferma les yeux et passa d'instinct ses bras autour de la taille de son compagnon. Compagnon qui avait désormais ses mains fourrées dans sa chevelure ébène et se fichait totalement de les décoiffer. L'amour submergea le loup qui ne put empêcher un petit gémissement rauque de bien-être de colorer leur baiser, mélange de tendresse et d'empressement. Le manque. Voilà ce qu'il traduisait. Un manque énorme, celui du lien des compagnons à moitié formé, mais déjà suffisant pour exacerber cette sensation. Sans pouvoir se contrôler, Derek le serra fort contre lui et Stiles le poussa, jusqu'à l'allonger sur le lit et se retrouver au-dessus de lui, à l'embrasser encore et encore, tout en restant dans une parfaite décence. La bouche de Stiles ne faisait que batifoler avec la sienne avec amour, et juste ça. Derek apprécia peut-être plus que de raison le fait que le jeune homme était carrément allongé sur lui, s'appuyant sur son coude pour continuer de déposer de parfaits baisers sur ses lèvres en manque.

Lorsqu'enfin, Stiles se recula avec une lenteur folle, Derek vit de légères étincelles dans son regard ambré, des étincelles qui diffusèrent une agréable chaleur dans tout son corps. L'adolescent, se redressant un peu plus sur ses coudes, esquissa un sourire timide avant de complètement se coller à lui et de nicher sa tête dans son cou, respirant fortement cette odeur qui lui avait manqué. Il avait beau ne pas être un loup, il possédait tout de même un odorat et la fragrance de Derek était toujours aussi apaisante.

- ... Solé.

- Hmm ? Marmonna Derek, très bien à cet instant, tellement bien qu'il ne l'avait pas écouté.

- Je suis désolé, reprit Stiles d'une voix peu forte.

En il roula pour se retrouver à côté de Derek, contre lui. La tête sur son torse et une main sur son ventre, l'hyperactif se rendit compte que ces quelques jours avaient été une torture et leur avait fait du mal à tous les deux.

- Je savais pas ce que je voulais et j'avais peur, mais pas de la bonne chose. Et puis... Je crois que je t'en voulais un peu de... De pas vouloir qu'on s'unisse tout de suite. Au début, je voulais juste m'en débarrasser, faire ça vite, mais... Mais tout à l'heure, j'ai compris que c'est pas comme ça qu'il faut raisonner.

D'un geste aussi distrait qu'instinctif, la main de Derek partit se fourrer dans les cheveux de son humain qu'il venait de prendre dans ses bras en inspirant avec ses sens lupins son odeur si particulière, en mettant de côté les émotions qui la modifiaient. Lui faisant entièrement confiance, il ne fit pas le moins du monde attention à ses battements de cœur. De toute façon, il sentait que c'était la vérité. Alors, il ne l'interrompit pas et profita simplement du moment, d'enlacer ce corps qui lui avait tant manqué, d'écouter cette âme qui lui avait, dans le fond, toujours plu. Maintenant qu'il était près de lui, Derek se rendit compte qu'il s'était totalement détendu. Stiles était vraiment celui qu'il lui fallait...

- Je veux te sauver, ça c'est sûr, mais... Tu avais raison. Je dois en avoir envie. Et je crois que c'est le cas.

Derek tourna la tête vers lui et lui lança un regard perplexe, à moitié convaincu. L'ayant perçu et le sentant, Stiles s'empressa d'ajouter :

- Der, je... Je t'aime, tu sais ? Et je veux plus. Je veux plus que ça avec toi. Tu es quelqu'un de formidable, d'exceptionnel et je sais que tu me feras pas de mal, tu m'en feras jamais. T'es pas comme ça. Je sais que je peux te faire confiance. Je sais qu'avec toi, je peux dépasser tout ça, ce qui m'est arrivé et... Les blocages qui vont avec. Je peux y arriver, je pense.

- Stiles, tu...

- Derek, le coupa Stiles. Ne dis rien, juste... Laisse-moi tout te dire d'abord. Tout ce que je t'ai dit, je... Je le veux vraiment. On a le droit d'avoir une vie de couple normale même si ça ne fait pas longtemps qu'on est ensemble, on doit juste... Y aller un peu plus vite que les autres, parce qu'on est des compagnons. Je sais que j'ai besoin de temps, que je ne pourrai pas assumer ça d'un coup. Mais je te le jure, Derek, j'en ai envie. Comment ne pas en avoir envie quand je te vois ? Tu es sexy, beau comme un dieu, sacrément bien foutu et j'en passe. Je veux finir par faire l'amour avec toi. Je veux te sauver. Je veux qu'on... Vive normalement, sans peur de potentiels gestes intimes, ou... Enfin tu vois. Alors je suis vraiment désolé pour... Ces derniers jours. J'ai agi comme un idiot et je m'en rends compte. Je nous ai fait du mal à tous les deux pour rien... Je suis désolé, Der...

- Tu as dit que j'étais sexy ?

Stiles mit un peu de temps à réagir mais lorsque ce fut finalement le cas, il releva un regard outré vers son loup, dont le visage était illuminé par un immense sourire. Un sourire plus grand que tous ceux qu'il avait vus jusque-là.

- C'est tout ce que t'as retenu ? Demanda Stiles, abasourdi.

- Non, mais c'est la première fois que tu me fais un compliment aussi fort et direct concernant mon faciès, répondit Derek avec une fierté non dissimulée. Et je dois dire que ça me plaît beaucoup.

- Mais quel mâle à l'ego surdimensionné... Lâcha l'hyperactif avant de rire. T'as gâché tout mon effet dramatique !

- Il était temps de ranger les violons. Je préfère te voir sourire que de t'entendre t'excuser pour rien.

- C'était pas pour rien !

Derek bascula et se retrouva au-dessus de son humain qui le regardait avec amour et malice. Ses yeux recommençaient à pétiller doucement.

- Plus sérieusement, Der, je... Je veux qu'on le fasse, mais il va falloir qu'on y aille petit à petit, très progressivement... Précisa-t-il toutefois.

Au-dessus de lui, Derek ne cessait de sourire, mais la fierté avait disparu. Il était juste... Empli d'amour. Doucement, il se pencha et embrassa Stiles. Après seulement quelques minutes, ses lèvres lui avaient déjà manqué. Atrocement. Il devait épancher ce manque qui les étreignait tous les deux. Puis, il se redressa légèrement et lui assura :

- Je serai d'une douceur exemplaire. On ira par étapes, à ta vitesse et on s'arrêtera quand tu voudras. Je veux te montrer ce côté de la vie que tu ne connais pas et je pense pouvoir dire sans trop me tromper que tu vas adorer.

- Oh, ça reste à voir, plaisanta Stiles après avoir passé ses bras autour du cou de Derek.

Avec un plaisir certain, le loup parsema le visage de son humain de baisers tout en lui caressant la hanche. La tâche allait être ardue, il en était bien conscient, mais ne pouvait que saisir la chance qui s'offrait à lui. Si Stiles lui en parlait maintenant, c'était qu'il le voulait vraiment et dans ce cas-là, hors de question de le forcer à penser l'inverse. Il fallait qu'il s'en sorte et s'il sentait que c'était le bon moment, tant mieux. Derek était actuellement l'homme le plus heureux du monde, mais pas parce que Stiles lui avait explicitement dit qu'il était d'accord pour, de son plein gré, finir par faire l'amour avec lui. S'il en ressentait l'envie, si ça venait de lui et qu'il ne se forçait pas à le faire par obligation, pas de problème. Mais ce qui rendait Derek heureux au possible, c'était surtout de le retrouver. De l'embrasser. De l'étreindre. De le caresser. De voir ces si petites étoiles dans ses yeux qui retrouvaient un semblant de vie. De voir ce sourire illuminer ce visage qu'il aimait tant. Et ça, ça suffisait à son bonheur. Bonheur qui lui faisait oublier cette fatigue lancinante qui le tiraillait sans arrêt et faisait battre son cœur un peu trop vite.

Toutefois, une question le taraudait et il trouva enfin le moment de la poser après s'être rallongé contre Stiles, qu'il serra pour la énième fois dans ses bras.

- Qu'est-ce qui t'a amené à changer d'avis de cette façon ?

- On m'a donné des conseils qui se sont avérés très instructifs puisqu'ils m'ont permis de mieux réfléchir et de prendre conscience de certaines choses.

- Qui t'a conseillé ? S'enquit Derek, sincèrement curieux.

Sans doute était-ce Lydia, la belle et douce Lydia, ancienne élue de son cœur. Parfois, un avis féminin aidait beaucoup et puis, il s'agissait de sa meilleure amie, après Scott... Scott, à qui il aurait très bien pu parler également, puisqu'ils se connaissaient presque depuis le berceau. De plus, ils s'étaient récemment rabibochés et le quiproquo qui les avait éloignés avait été élucidé. Ils en avaient bien discuté et Stiles lui avait pardonné son élan de violence involontaire. Parce que l'alpha pensait que Derek, bien loin de l'aider, lui avait fait du mal. Mais tout ça, c'était déjà du passé et Stiles recommençait à agir tout à fait normalement avec lui. Pour autant, Derek pencherait plus pour Lydia. Il voyait mal Stiles parler d'une potentielle vie sexuelle à son meilleur ami alors que c'était sans doute clairement ce dont ils parlaient le moins. Du côté de Stiles en tout cas, puisqu'il savait que le latino avait tendance à s'étaler sur ses ébats.

- Oh, juste Peter.

L'information mit du temps à monter au cerveau du loup mais lorsqu'elle le fit, il changea du tout au tout. Derek écarquilla les yeux et eut soudain l'air... Horrifié.

- Tu as parlé de sexe avec mon oncle ? Demanda-t-il, livide.

- Pas vraiment, répondit Stiles, pensif. Enfin, oui, dans un sens. En soi, on a parlé de l'union, donc... Il m'a conseillé.

- Mon oncle t'a conseillé... Répéta l'ancien alpha, absent.

- En tout bien tout honneur, hein ! Tenta de le rassurer l'hyperactif en caressant sa joue toujours tuméfiée.

Derek manqua de s'étouffer avec sa propre salive et Stiles se remit à rire en le voyant aussi déconfit.

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