Chapitre 41
Stiles s'éveilla une première fois aux alentours de deux heures du matin, en sueur. Il avait fait un cauchemar, s'était revu, faible, dans sa Jeep, ses bras et son torse fraîchement brûlés par les quelques mégots de cigarette. Se rendormir avait été difficile, mais il avait réussi. Même chose vers trois heures. Le pire, ce fut à cinq heures vingt. Son réveil fut brusque et violent. Stiles tâtonna fébrilement à la recherche de l'interrupteur de la petite lampe de chevet à l'aide de sa main droite. La lumière, une fois enclenchée, éclaira un jeune homme tout tremblant, la main gauche sur sa bouche, étouffant efficacement ce qui aurait dû être un cri, qu'il s'efforçait de retenir. Ne les réveille pas, ne les dérange pas, se répétait-il comme un mantra. Les larmes coulèrent sur ses joues. Il craquait.
Parce que ce rêve qui l'avait réveillé ou plutôt, cet horrible cauchemar, faisait valser les barrières qu'il tentait désespérément de rebâtir. Il l'avait revu lui, cet enfoiré, terminant son acte avorté dans cette petite salle du lycée. Ensuite, il s'était vu, lamentablement étalé sur le sol les jambes écartées, saisir un coupe-papier et mettre un terme à ses souffrances. Et bordel ça lui... Ca lui retournait l'estomac.
Stiles ne sut pas vraiment comment, mais il réussit à se lever puis se traîner jusqu'à la salle de bain. Il s'aspergea le visage d'eau à l'aide de ses mains tremblantes avant de les ramener vers son cœur qui battait la chamade. Ça n'allait pas. Ça n'allait vraiment pas. Stiles ferma les yeux avec force et ses larmes se confondaient avec l'eau qu'il n'avait pas pris le temps d'essuyer. Sa respiration se faisait sifflante, hachée, aléatoire. Son poignet le brûlait, il... Il voulait le mettre au frais. Stiles rouvrit les yeux, retroussa sa manche en tremblant et tenta de défaire son bandage proprement changé la veille. Lorsque les bandes touchèrent le sol, Stiles vit la profonde entaille scellée par des points de suture résorbables. Sa vision se fit floue et sa tête se mit à tourner. Sa main libre s'accrocha au bord du lavabo avec une telle force et une telle crispation que ses phalanges étaient déjà blanches. Au secours... L'eau froide crachée par le robinet rentra en contact avec la blessure et Stiles gémit. Ça faisait mal et pourtant, cela ne le devrait pas. Tout comme sa plaie ne devrait pas le démanger aussi soudainement. Ne te gratte pas, Stiles, n'y touche pas, se répéta-t-il plusieurs fois, les dents serrées. Pourtant, il en avait diablement envie mais savait que s'il avait le malheur de le faire, il irait fort et serait sans doute incapable de s'arrêter. Hors de question de faire sauter ses points. Il avait manqué de mourir une fois, ce n'était pas la peine d'en rajouter une deuxième à la liste. Mais sa douleur, sa démangeaison, ses tremblements, sa respiration... C'était insupportable. De l'air, il commençait sérieusement à avoir besoin d'air.
Et puis ses jambes lâchèrent. Son corps s'effondra, sa tête rentra durement en contact avec le carrelage glacé de la salle de bain. Des frissons désagréables le parcoururent alors qu'il se recroquevilla sur lui-même en gémissant, son crâne lui faisant mal. Puis, son souffle se coupa brusquement. Il chercha l'air, les mains sur sa gorge qui semblait ne plus servir à rien. Il devint rouge, des sueurs froides se mirent à couler sur son front et ses tempes. Ses ongles grattèrent sa peau, il voulait de l'air, il n'arrivait plus à respirer...
Soudain, des bras forts l'encerclèrent et une étonnante chaleur chassa le froid glacial du carrelage. Au bord de l'inconscience, Stiles se sentit quitter le sol mais la chaleur, elle, ne le lâchait pas. Son bras, avec sa plaie à l'air libre au poignet, pendait, comme sans vie tandis qu'un peu d'air bienvenu s'infiltra à l'intérieur de ses poumons en manque. On lui parlait, mais il ne le savait pas. Il était entre le conscient et l'inconscient, dans cette très fine limite, ce croisement entre deux états contraires. Il sentait, mais ne voyait pas, n'entendait rien. Et il tenta tant bien que mal de se raccrocher à cette chaleur qui le poussait à ne rien lâcher.
La chaleur disparut un instant et il paniqua. Son dos rencontra une surface molle mais pas trop et il sentit qu'on le recouvrait avec il ne savait quoi. Puis elle revint, rassurante, protectrice... Enserra son corps toujours tremblant dans un cocon protecteur.
- Derek... Souffla-t-il sans s'en rendre compte, les joues humides.
xxx
Cela faisait une bonne heure que Stiles était levé. Il était onze heures vingt, Amelia était douchée et avait déjeuné. Là, elle lisait, affalée sur le canapé. Stiles souleva le plateau bien garni qu'il avait longuement préparé et se dirigea vers les escaliers. Une fois arrivé dans la chambre qu'il partageait avec le loup, l'adolescent déposa avec une délicatesse extrême le plateau sur la grande table de nuit. Hors de question de faire du bruit. Son regard se posa sur Derek, profondément endormi dans le lit. Il était encore vêtu du marcel qu'il portait la veille, signe qu'il était venu le rejoindre dans la nuit. Stiles se souvenait parfaitement de ce qu'il s'était passé et son cœur se gonfla à la fois d'amour et de stress lorsqu'il y repensa. Derek avait dû entendre le rythme erratique de son palpitant et venir l'aider en urgence. Enfin, il avait terminé sa nuit avec lui, dans ce lit si grand et si confortable. Sans doute était-il réellement épuisé, puisqu'il n'avait pas entendu Stiles se lever. Le regard ambré de l'adolescent passa de bleus en bleus, de plaies en plaies. Le visage de son loup allait mieux, mais ce n'était pas encore ça et pour être honnête, ça l'inquiétait de plus en plus. Derek aurait déjà dû guérir depuis un bon moment et pourtant... C'était lent, si lent ! Et tout ce que le bêta lui disait, c'était qu'il était fatigué. Foutaises ! Il y avait autre chose, forcément... Assis au bord du lit, Stiles décida finalement de se dévêtir à moitié – il retira son pantalon seulement – et de se glisser dans le lit, aux côtés de son loup. Il alla même jusqu'à se caler directement dans ses bras. Il avait besoin de lui, vraiment. Ce jour-là serait un jour difficile et il fallait que Derek le soutienne.
Stiles était certain de la décision qu'il avait prise et ne comptait pas revenir dessus. Il fallait que les choses changent, mettre un terme à cette histoire qui lui pourrissait la vie. Autrefois, cela aurait été impensable. Il avait essayé de faire éclater la vérité mais seul, cela s'était avéré impossible et lui avait créé des problèmes. A cause de sa tentative de justice infructueuse, son père semblait à deux doigts de le renier. Là, c'était différent. Il avait la meute, il avait... Derek. Scott, aussi. Jordan. Eux trois savaient. Lydia n'allait pas tarder non plus et le reste de la meute allait suivre dans la foulée. Ils le croiraient... Sans doute. De toute manière, il le fallait. Stiles devait dépasser ses peurs, il n'avait pas le choix : autrement, la situation ne bougerait pas et la liste des victimes continuerait de s'agrandir, surtout que l'hyperactif avait des informations qu'il n'avait jamais révélées à qui que ce soit, pas même à Derek.
Stiles laissa échapper un soupir d'aise lorsqu'il sentit son loup passer d'instinct un bras autour de lui et le serrer contre son torse.
- ... 'Jour, marmonna Derek en ouvrant les yeux.
Stiles déposa un baiser délicat sur sa joue et s'excusa :
- Je suis désolé de t'avoir réveillé.
- C'est pas toi, fit Derek d'une voix pâteuse, les yeux à peine entrouverts. J'ai faim.
Une lueur rare apparut dans les yeux de Stiles et il se décolla du loup avant de se pencher vers la table de nuit. Encore un peu endormi, Derek se redressa lentement et découvrit quelques secondes plus tard avec stupeur un plateau sur ses genoux. Stiles s'installa à côté de lui et c'est alors que Derek vit les légères rougeurs colorant ses joues. Un sourire radieux naquit sur ses lèvres qui s'empressèrent d'aller rencontrer leurs semblables avec amour. D'abord la lettre, puis un petit-déjeuner au lit : Stiles était... Il trouvait toujours un moyen de le surprendre. Son mot, il l'avait lu à un moment où il s'était réveillé dans la nuit, la petite Amelia dans ses bras. Avoir des yeux de loup avait ses avantages.
La lettre de Stiles, c'était l'Amour. Ses mots étaient justes, sincères et le jeune homme avait exprimé ses sentiments, ses peurs, ses angoisses, ses envies, sans aucune forme de mensonge. Et surtout, il lui avait dit qu'il avait envie d'être égoïste, envie d'être avec lui. Stiles ne s'était pas étalé : il avait préféré aller à l'essentiel, sans fioriture, sans artifice et Derek avait senti à sa graphie sèche et à ses traits approximatifs, qu'il avait écrit tout ça d'une traite.
En terminant par le plus beau des « je t'aime ».
Alors, se séparant doucement de lui, Derek lui murmura ces mots-là à l'oreille.
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Le loft se replissait petit à petit. Stiles, qui s'était changé, tenait en sa main un papier fin et pas très grand. Des yeux, il chercha, puis trouva la banshee à laquelle il pensait depuis la veille : il tenait à lui remettre la lettre qu'il lui avait écrite avant que tout le monde n'arrive. Peut-être auraient-ils le temps d'en discuter un pu avant que la réunion ne commence. L'anxiété le gagna toutefois : ce qu'il s'apprêtait à vivre, ce n'était pas rien et s'il avait pu l'éviter, il l'aurait fait. Révéler ses secrets à Lydia n'était pas non plus chose facile. En fait, rien n'allait être simple.
Lorsque la rouquine passa la porte du loft, Stiles saisit sa chance et après l'avoir saluée, lui tendit son petit papier en lui disant de le lire, seule. Elle le regarda, un peu perdue et Stiles lui dit simplement ceci :
- Je sais que ça va pas être facile pour toi, mais... Je te fais confiance et cette lettre en est la preuve.
- C'est... Commença-t-elle avant de laisser le début de sa phrase en suspens.
Ce qui était censé être une question fut en réalité une affirmation, car les yeux bleu-gris de la jeune femme étaient éclairés par une lueur nouvelle. De par sa rapidité d'esprit, Lydia avait d'ores et déjà compris que Stiles voulait qu'elle sache. Et même si elle connaissait déjà des bribes à cause de ce qui lui était arrivé récemment, elle voulait savoir ce qui avait rendu Stiles aussi... Abîmé. Sans même avoir commencé à lire, elle fut saisie par ses propres émotions. Elle qui s'était tant inquiétée pour lui et ne l'avait pas revu depuis l'hôpital... Elle s'était rongé les sangs, vraiment. Alors, sans prendre la peine de l'entraîner à part et sans se soucier du regard des autres, elle entoura sa taille de ses bras et posa sa tête sur son épaule. Stiles l'étreignit à son tour, comprenant fort bien ce à quoi elle pensait. C'était un câlin amical qui ne laissa planer aucun doute sur leur relation, surtout que les quelques personnes présentes étaient parfaitement conscientes que Stiles n'avait plus de sentiments pour Lydia depuis belle lurette.
- Merci pour ta confiance, chuchota-t-elle.
- J'aurais dû te l'accorder il y a longtemps, lui confia-t-il à regret.
Puis, il se détacha doucement de la jeune femme et ajouta d'un ton bas que les autres sauraient également très vite, mais qu'il avait voulu qu'elle soit au courant avant, parce qu'il allait avoir besoin de soutien. Elle comprit et après lui avoir déposé un petit bisou sur la joue, elle partit s'isoler pour lire la petite lettre de Stiles. Ca n'allait certainement pas être facile, mais cela le serait sans doute déjà plus que s'il lui avait parlé de vive voix.
Stiles partit retrouver Scott, qui lui demanda si tout allait bien. C'était étrange de lui reparler à nouveau sans crainte. C'était encore tout récent et les deux jeunes hommes n'étaient pas encore entièrement à l'aise l'un avec l'autre, mais leur amitié était toujours là, tapie au fond d'eux. Ils s'adoraient et étaient tout de même soulagés de ne plus être en froid. Et puis merde, Scott lui avait sauvé la vie, même s'il ne le savait pas encore complètement. Il ne fallait pas oublié que même en étant un alpha, le latino gardait son adorable lenteur d'esprit et Stiles ne lui en voulait pas, bien au contraire.
Cependant, lorsque Derek débarqua de l'étage, Scott afficha un air perplexe. Isaac, qui venait de s'ajouter au petit groupe, semblait tout aussi surpris que son alpha. Le Hale aux yeux si particuliers s'approcha d'eux et leur demanda pourquoi ils le regardaient comme ça.
- Tu n'es toujours pas guéri depuis le temps ? Osa finalement demander le bouclé.
- C'est un peu lent, dit simplement Derek, mais la guérison avance.
- Derek, c'est pas normal, lui dit Scott.
Parce que même si la partie gauche de son visage retrouvait un aspect un peu plus lisse, elle restait tout de même tuméfiée par endroits. Seul le côté droit n'avait rien.
- C'est ce que je me tue à lui répéter, soupira Stiles en se rapprochant de Derek.
- Arrêtez de dramatiser, je vais bien, rétorqua la concerné levant les yeux au ciel.
Et il passa, l'air de rien, un bras autour de la taille de Stiles, par automatisme.
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Une bonne demi-heure plus tard, tout le monde était arrivé et Amelia avait été confinée dans sa chambre, avec de quoi s'occuper pendant des heures et l'interdiction d'en sortir pour le moment. Lydia avait refait surface et ses yeux rougis ne trompaient pas. Cependant, au lieu d'aller vers Stiles, elle restait près de Jackson, qui ne comprenait pas son attitude mais la cajolait tout de même. Ils avaient beau ne plus être ensemble, elle restait toujours importante pour lui et inversement. En fait, Lydia digérait comme elle pouvait ce qu'elle avait appris et Stiles n'avait pas manqué sa main serrant sa lettre, qu'elle ne lâchait pas. A côté d'Isaac, il déglutit et se força à ne pas se laisser submerger par ses émotions. Elle n'était pas contre lui, elle avait juste besoin d'un peu de temps pour accepter son histoire, écrite rapidement et sans détail. De son côté, il essayait donc de ne pas prêter attention à la distance qu'elle avait mise entre eux. A la place, il jeta un regard à Derek, adossé contre la baie vitrée. Le loup semblait absorbé par les manipulations que faisait Jordan sur l'ordinateur, pas encore relié à la grande télévision.
La majorité des membres de la meute lui avait posé des questions sur le pourquoi du comment de son état et Derek avait répondu de son mieux, sans entrer dans les détails. Oui, il s'était battu, mais n'avait pas voulu dire avec qui. Oui, ça faisait déjà quelques jours que ses blessures auraient dû disparaître. Oui, c'était lent, mais ça allait. Stiles avait beau savoir que Derek avait affronté son père, il ne lui en voulait à aucun moment, tout simplement parce qu'il gardait une certaine rancune à l'égard de son père, dont il se détachait peu à peu. Les coups portés par Derek avaient sans doute été l'écho des cris passés de Stiles. Des cris que Noah n'avait pas voulu entendre.
Une chose dont Stiles était sûre, c'était qu'il comptait bien obliger Derek à aller voir Deaton. Parce que cette absence de guérison commençait sérieusement à le miner. Il avait eu beau réfléchir, il ne comprenait pas ce qui pouvait empêcher son organisme d'accélérer le processus.
La voix de Jordan le coupa dans ses réflexions intérieures :
- Bien, je pense qu'on va pouvoir commencer.
Tout le monde se tut alors et Jordan Parrish expliqua qu'il n'y avait rien de nouveau au niveau de leur affaire et que ni lui, ni Derek n'avaient demandé à organiser cette réunion. Un murmure d'incompréhension balaya la meute. S'il n'y avait rien de nouveau, pourquoi avoir fait venir tout le monde ?
- Parce que je l'ai voulu, finit par lâcher Stiles après avoir pris une grande inspiration.
Ce qu'il avait redouté se produisit : tous les regards convergèrent sur sa personne. Son anxiété grandit soudainement et il dut faire de son mieux pour ne pas la laisser le gagner entièrement. Il fallait qu'il se montre fort, au moins quelques minutes. Avant de s'effondrer, il devait leur parler, il n'avait pas le choix. Sa vie et celle de trois autres jeunes adultes en dépendaient. Il repensa alors aux messages qu'il avait envoyés à Brice et Spencer quelques jours plus tôt, messages qui n'avaient pas eu de réponses. Il espéra alors ne pas agir trop tard. Refusant de penser au pire tout de suite, Stiles essaya de faire abstraction de tout. Il tourna la tête et vit les regards encourageants de Jordan et Derek. Indirectement, ils essayaient de lui faire comprendre que sa décision était la bonne et qu'ils le soutenaient. Sans doute était-ce également le cas de Scott et Lydia mais Stiles n'eut pas le cœur à le vérifier. A la place, il se leva et alla se placer à côté de Jordan, face à son auditoire, qu'il évita soigneusement de regarder.
- Vous n'êtes pas sans savoir que je fais partie de la liste des sept victimes du tueur en série, que je suis la septième, commença-t-il d'une voix qu'il voulut assurée. Déjà trois personnes sont mortes. Mon amie Meadow, la mère de la petite qu'on garde ici, en fait partie.
Stiles essaya de calmer les battements de son cœur, dont l'accélération fut perçue par les loups présents. Derek s'avança et alla se placer à côté de lui. Ainsi, Stiles se retrouva entre lui et Jordan. Le bêta voulait être près de son humain en cas de problème. Il savait que parler n'allait pas être facile mais qu'il s'agissait d'un mal nécessaire. Et il serait là pour lui. Du coin de l'œil, il le regarda. Sa pommette avait presque repris une teinte normale et les bleus de son coup avaient disparus. Stiles avait guéri plus vite que lui.
- Et je pense... Je pense qu'il est temps de mettre un terme à cette boucherie, continua Stiles, le regard ailleurs.
Il faisait tout pour éviter de regarder sa meute, ses amis. Il se frictionna les bras de gêne, come s'il avait froid, puis il tira ses manches jusqu'à ce qu'elles recouvrent la moitié de ses mains. Avait-il peur que l'on voit le bandage cachant son acte odieux ? Peut-être.
- Tu sais des choses, constata Malia d'un ton bourru et un sourcil haussé.
- Plus que je ne le devrais, soupira Stiles.
Sa phrase jeta un froid sur l'ensemble de l'assemblée. Près de lui, Derek prit un air préoccupé. Il n'aimait pas l'odeur d'anxiété et de peur qui semblait jaillir de ce corps fin et frêle prêt à trembler. Mais Stiles se retenait. Pour l'instant, ça allait.
- Parfois, on dit que la vérité sort de la bouche des enfants. D'autre fois, on dit que les enfants sont très doués pour mentir. Moi, continua-t-il, je dirais que la vérité se trouve dans le mensonge.
Sans réellement s'en rendre compte, il fit un pas sur le côté et se rapprocha inconsciemment de Derek. Face à lui, une bonne partie de la meute le regardait, perdue, sans comprendre. Seuls Scott et Lydia n'avaient pas l'air perplexe. Derek et Jordan gardaient un air plus ou moins fermé. Puisqu'Isaac ne connaissait pas toute l'histoire, il avait simplement l'air inquiet. Jackson, Malia, Théo et les autres montraient clairement leur confusion.
Et personne n'osa l'interrompre.
- Un jour, j'ai protégé quelqu'un de mauvais. Au départ, je l'avais dénoncé. On n'a pas accepté ma vérité... La vérité. Alors, on m'a contraint à mentir et ce mensonge l'a sauvé.
Sa voix avait perdu le peu d'assurance qu'elle avait.
- Et ce quelqu'un... C'est celui qui fait tout ça aujourd'hui, lâcha-t-il fébrilement.
A ce moment-là, son cœur fit une embardée et il ferma les yeux un instant. Il sentit la main de Derek dans son dos et il rouvrit les yeux. Sa vue était un peu floue, mais ça allait. L'angoisse montait toujours, mais il pouvait encore la contenir pour l'instant. Il se força à regarder le sol, parce qu'il savait que la crise de panique viendrait à une vitesse folle si jamais il tentait le diable. Il ne voulait pas voir leur réaction, pas tout de suite.
- Donc tu es en train de nous dire que tu connais l'identité de ce tueur ? Demanda Théo.
- Ouais, je le... Connais bien.
- Et t'as pas trouvé utile de nous le dire plus tôt ? L'accusa Malia, paradoxalement sans agressivité dans la voix.
En fait, elle était confuse, comme la moitié de la meute ici présente. Peter, dans le fond de la pièce, observait la scène en silence. Scott se redressa sur son siège, prêt à défendre son ami, mais Jordan le devança :
- Il n'était pas prêt.
- Et vous êtes en train de nous dire que, parce qu'il n'était pas prêt, ce taré court toujours ? S'indigna Kira.
- C'est quand même sacrément culotté de sa part de n'avouer que maintenant qu'il connait l'assassin... L'appuya Malia, faisant preuve d'une froide logique. Stiles, tu ne serais pas en train de nous mentir ?
- Pourquoi faire ? Demanda Jackson, perplexe et ne croyant pas vraiment en cette possibilité.
- Pour attirer l'attention, répondit tout naturellement la coyote.
Des murmures et chuchotis secouèrent la meute. A ces mots qui trouvaient un écho douloureux en lui, Stiles se sentit défaillir mais il fit ce qu'il pouvait pour tenir bon. Son anxiété était à la limite du supportable. Ne pas regarder ses amis l'aidait à ne pas s'effondrer tout de suite. Et pourtant, et pourtant... Ses défenses étaient déjà en train de se briser, parce que l'on mettait sa parole en doute. On ne le croyait pas. Avait-il fait une erreur ?
- Je cherche pas à attirer l'attention, articula-t-il difficilement.
- Tu pourrais quand même nous regarder quand tu parles, dit Théo, sans aucune agressivité toutefois.
- Non, je... Je peux pas.
La main de Derek se pressa sur sa hanche tandis qu'un air mécontent se peignait peu à peu sur son visage.
- Alors pourquoi nous dire ça maintenant ? Continua Kira. C'est une info essentielle ! Avec ça, on aurait déjà arrêté ce mec !
A ce moment précis, Derek détesta Kira. Scott, non mécontent de l'avoir quittée il y a quelques semaines, se crispa. Il avait envie d'intervenir.
- Kira, arrête, lui dit-il d'une voix sèche.
- Elle a raison, l'appuya toutefois Malia. Pourquoi nous le dire seulement maintenant ?
Derek, de plus en plus tendu face aux accusations, allait prendre la parole pour montrer son ressentiment lorsque Stiles l'arrêta d'un geste de la main, comme s'il avait deviné ses intentions. Puis, sa voix un peu tremblante se fit entendre :
- Au début, je... Je ne savais pas que c'était lui. Je l'ai deviné... Quand Meadow est morte. Et après, je... Il m'a fallu un peu de temps.
Il imaginait déjà les pensées de certains, pensées qui se résumeraient en un mot : égoïste. Et, en soi, il ne l'était qu'à moitié. Stiles avait vécu tant de choses ces dernières semaines qu'il avait pris un peu de temps pour lui, du temps pour essayer de se reconstruire un minimum. Entre le retour de son pire cauchemar, ses agressions, ses crises, le retour puis la mort de Meadow, Amelia, la folie passagère de Scott, sa tentative de suicide ratée... Il était fragile.
- Et pourquoi maintenant ? Pourquoi pas avant ? Répéta Malia, incrédule, comme si ça ne la touchait pas vraiment, comme si elle ne sentait pas l'odeur du pauvre humain qui faisait ce qu'il pouvait pour tenir bon.
Scott, Lydia, Isaac, Jordan, Jackson, Liam, Derek et Jordan allaient protester chacun leur tour, mais la petite voix de Stiles, qui gardait le regard détourné, se fit entendre :
- Parce que vous auriez su... Vous révéler son identité, c'était prendre le risque de vous apprendre des choses sur moi, c'était risquer de vous perdre et ça, je ne l'aurais pas supporté... Mais maintenant, je... J'essaie de dépasser mes peurs. Alors maintenant, je... Laissez-moi juste vous le dire avant que je n'en sois plus capable. Parce que dire la vérité après sept ans de mensonge, c'est pas... C'est pas aussi facile qu'on le pense.
Stiles respira longuement. Il avait envie de s'enfuir, de quitter le loft. Parce que même s'il évitait de jeter un coup d'œil à ses amis, il sentait leurs regards sur lui et ça ne l'aidait pas franchement. Donc oui, il voulait s'en aller, tout abandonner, prendre ses jambes à son coup et s'endormir, peut-être pour ne plus jamais se réveiller. Mais la main de Derek l'ancra dans le présent et le persuada inconsciemment de tenir encore un peu. Ses jambes commençaient à flageoler mais Derek le rapprocha puis le tint fermement contre lui. Fort de ce soutien indéfectible, Stiles n'écouta pas les chuchotements de certains, n'entendit même pas Derek, Lydia et Scott le défendre. Il essaya de faire le vide dans sa tête et cracha avec angoisse et colère les mots qu'il retenait depuis tant de temps avant de ne plus être capable de les prononcer. Et peu importe si c'était décousu, trop direct ou pas assez. Il fallait simplement que ça sorte. Pour lui, mais aussi pour les autres. Ce fut seulement à cet instant que son regard ambré légèrement rougi osa affronter sa meute.
- Il s'appelle Emile Chabrier, c'est un flic, un mec qui a l'air bien sous tous rapports... Un mec qui a une gueule d'ange et un bagout sympathique, un mec qui sait bien manipuler... Il y a sept ans, j'ai tenté de porter plainte contre lui mais l'affaire a été étouffée, parce qu'on ne m'a pas cru. On m'a forcé à m'excuser au commissariat, à retirer toutes mes accusations, parce que j'avais onze ans et que je venais de perdre ma mère. Alors oui, depuis ce jour, j'ai rien dit, jamais ! Parce que j'imaginais pas... J'imaginais pas qu'il viendrait terminer le travail commencé il y a sept ans... Et quand il a commencé à tuer, je savais pas que c'était lui, je savais pas... Je savais même pas qu'on était sept ! S'écria-t-il, la voix un peu tremblante.
Il s'arrêta un instant, le temps de reprendre son souffle. Ses mains tremblaient et il s'appuya un peu plus contre Derek, qui passa d'autorité un bras autour de lui, sentant sa faiblesse augmenter. La main fine de Stiles s'accrocha à l'avant-bras de Derek et le serra fortement. Il devait continuer, mais il avait besoin d'une pause. Cependant, il ne pouvait pas se l'accorder, pas alors qu'il avait commencé et qu'on semblait enfin l'écouter... Alors oui, il allait s'humilier tout seul devant sa famille de cœur, mais il le fallait, c'était nécessaire. Parce que, peut-être, Emile atteindrait son but et Stiles voulait donner le plus d'éléments possible à ses amis avant de, potentiellement, disparaître. S'il avait réussi à presque le kidnapper une fois, il pourrait très bien réussir une autre fois. C'était un flic, il avait de la ressource... Et il fallait qu'on l'arrête.
- L'autre jour, il était là, au lycée... Il s'est débrouillé pour m'isoler, me coincer. Il m'a agressé, dit-il en tremblant, sans révéler la nature de son agression. Il m'a agressé et il allait m'emmener... M'enlever. Et Scott a été là, il m'a sauvé.
Le regard ébène du latino se posa sur l'hyperactif et se teinta d'une compréhension nouvelle.
- Attends, tu veux dire que... Commença-t-il.
- Oui, acquiesça l'hyperactif, un peu calmé. C'était lui et il avait un complice.
Pour autant, il s'appuyait complètement contre Derek, parce qu'il restait instable et ses jambes menaçaient de plus en plus de le lâcher. Faire ces aveux, bien que partiels, l'épuisait. Il n'était pas encore remis de son agression, ni de sa récente tentative de suicide. Parler ne l'aidait pas, mais il le fallait. Il sentait qu'on commençait à le croire, mais ce n'était pas encore ça.
- Il y a sept ans, j'ai pas réussi à l'arrêter, parce que j'étais seul alors je vous en supplie, fit-il fébrilement, aidez-moi... On peut pas le laisser continuer. Il brise des vies avant d'y mettre définitivement un terme... C'est pas juste un tueur, c'est un monstre... Et on est pas son coup d'essai.
D'un geste tremblant, il désigna les sept photographies de l'ordinateur, projetées dans la télévision. Ces photographies, tout le monde les vit et frissonna, parce qu'elle leur rappela que cette liste était une réalité. Trois personnes étaient mortes et Stiles faisait partie de ceux encore en vie. Et il parlait, témoignait sans trop en dire, prenait sur lui pour faire éclater un semblant de vérité. Les rancœurs s'amenuisèrent, la défiance diminua, Kira et Malia s'enfoncèrent dans leur siège. Et Stiles, de plus en plus faible, continua :
- On est pas les sept premiers, ni les sept derniers...
Les jambes de Stiles lâchèrent mais cela ne se vit pas vraiment, car cela faisait déjà quelques minutes que Derek le portait à moitié. Et son visage tuméfié n'aida pas à rassurer, tant il était crispé. Stiles faiblissait réellement et ça le préoccupait vraiment, même s'il ne disait rien. En fait, si ça ne tenait qu'à lui, il aurait déjà stoppé la réunion. Si Stiles le lui avait demandé, il aurait carrément donné ces informations à la meute directement et l'aurait laissé se reposer à l'étage, avec Amelia. Mais Stiles avait tenu à être là, à raconter, à convaincre de la véracité de ses propos.
- C'est un monstre, un putain de violeur, un pédophile, un tueur...
L'hyperactif tremblait comme une feuille et ses yeux papillonnaient d'angoisse. Sous les yeux de tous, Derek resserra ses bras autour de lui et le serra fort, pour l'empêcher de le lâcher. La manche de Stiles glissa alors qu'il serrait fort l'avant-bras de Derek, dévoilant son bandage et par la même occasion, leur proximité. Il s'accrochait à lui comme à une bouée de sauvetage, ce qu'il était effectivement.
- Alors même si vous me croyez pas, même si vous pensez que je parle pour faire mon intéressant... Que je mens pour attirer l'attention... Peu importe ce que ce vous pensez, juste...
Une larme coula sur sa joue. Une larme qu'il n'avait même pas conscience d'avoir retenue. Et ses yeux se fermèrent.
- ... Aidez-moi juste à l'arrêter...
Stiles se laissa complètement tomber et ne fit plus attention à rien, pas même à Derek qui le tenait toujours contre lui et qui criait son nom, comme il n'entendit pas les petits cris autour d'eux, les pas légers mais rapides de Lydia, les appels désespérés de Scott. Son bras retomba, pendit mollement et le bandage pas très solidement attaché tomba au sol dans le silence le plus complet, dévoilant une plaie sordide montrant clairement les intentions passées de Stiles, de ce jeune homme épuisé par la vie dont l'esprit avait simplement décidé de se déconnecter.
Parce que Stiles avait tout donné et n'en pouvait juste plus. Il voulait juste se barrer loin de tout et de tout le monde. Pour l'instant, son for intérieur ferait l'affaire.
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