Chapitre 36
- Merci, souffla Stiles en prenant la tasse que Scott venait de lui tendre.
C'était du chocolat chaud comme il les aimait. L'hyperactif esquissa un faible sourire et en but une petite gorgée. Chaque goutte qui s'écoulait dans sa gorge le brûlait et pourtant, c'était à peine si son chocolat chaud était tiède. Scott était assis en face de lui et ne le quittait pas des yeux. Il était mort d'inquiétude et le visage bouffi de Stiles ne le rassurait pas le moins du monde. Sa pommette et son cou qui bleuissaient non plus. C'était lent mais ça commençait à se voir.
Face à lui, Stiles déposa la tasse sur la table dans un mouvement si mesuré qu'il donnait l'impression d'avoir peur de la casser. Il ramena ses mains vers lui et détourna le regard, sec depuis quelques minutes seulement. Il ouvrit la bouche, puis la referma. Ses yeux étaient encore rouges des larmes qu'il avait versées durant tout le trajet jusqu'à chez Scott.
- Je crois que... Que ça fait un moment que je ne suis pas venu ici, commenta-t-il faiblement.
La dernière fois, c'était lorsque toute cette histoire avait commencé : ce soir où Derek avait amené un Stiles brisé chez Scott. Stiles retint un sanglot et s'efforça de ne pas penser à son loup. C'était trop douloureux.
- Ouais, ça fait longtemps...
Et Scott eut envie de se frapper tant sa réponse était nulle, stérile. Elle ne servait à rien. Il pensa à quelque chose. C'était la première fois depuis leur altercation qu'il se retrouvait face à Stiles. Et cette fois, ils étaient seuls. Peut-être était-ce le moment... Il voulait attendre, mais...
- Stiles écoute, je suis désolé pour... Commença-t-il.
- Je t'en ai jamais voulu, avoua faiblement Stiles.
Scott releva le regard vers son meilleur ami. Même s'il disait la vérité, ce que vit le loup lui brisa le cœur. Stiles se forçait à sourire. Enfin il se forçait à essayer. Il n'y arrivait même pas et les commissures de ses lèvres tressautèrent légèrement, comme s'il allait se remettre à pleurer d'un instant à l'autre. L'hyperactif baissa le regard et dit :
- Je pensais que toi, tu m'en voulais.
- Non, bien sûr que non ! De quoi je pourrais t'en vouloir ? Non Stiles, c'est moi qui ai merdé, je me suis emporté parce que...
- Parce que tu sais, le coupa Stiles.
Scott resta sans voix, complètement désarçonné. L'hyperactif avait compris. Intérieurement, le loup se gifla : bien sûr que Stiles avait compris ! Il avait une longueur d'avance sur tout le monde. Il se gratta l'arrière de la tête, gêné. En la présence de son ami, il ne savait pas quoi dire. Peut-être que sa tristesse apparente ne l'aidait pas. L'alpha avait peur de le brusquer, de mal choisir ses mots, de le faire se renfermer sur lui-même. Depuis son coup de chaud de la dernière fois, il avait peur de l'erreur et ne voulait plus jamais faire peur à Stiles.
- J'aurais dû t'en parler, continua fébrilement l'hyperactif. Je sais... Je sais que j'aurais dû le faire mais... J'y arrivais pas...
- T'en fais pas Stiles c'est... L'essentiel c'est que tu...
- Non, j'aurais dû, c'est tout, le coupa Stiles, même si de toute manière, je ne pense pas que tu aurais voulu savoir tout ce qu'il m'a fait.
Scott hocha la tête. Stiles marquait un point. Depuis qu'il était au courant, il ne cessait d'y penser et de s'en vouloir. Il n'avait jamais rien vu pourtant, le jeu de l'hyperactif n'avait pas pu être parfait en permanence.
- Certes mais si tu savais comme je m'en veux, soupira douloureusement l'alpha. Si je retrouve ce fils de pute, je...
- Scott, arrête de t'en vouloir, s'il te plaît. Tu m'as sauvé la vie tu sais.
Stiles se frictionna les bras. Scott n'aimait pas sa manière de parler : il semblait chuchoter, comme ce fameux soir durant lequel Derek l'avait amené. C'était comme s'il avait peur de parler trop fort. Scott demanda des précisions à Stiles car même s'il avait vraisemblablement compris ce qu'il voulait dire, il avait besoin d'en savoir plus. L'hyperactif refusa cependant de continuer les confessions, c'était encore trop tôt et il estimait avoir vécu assez de choses éprouvantes aujourd'hui. Se « réconcilier » avec Scott n'était pas rien. Ce qu'il avait vécu juste avant... Stiles se mentalisa. Il ne devait surtout pas y penser. Il fallait qu'il fasse comme il avait toujours fait : ignorer le problème jusqu'à ce qu'il disparaisse. Il était doué pour ça... Non ?
- Tu sais, à propos de tout à l'heure, tu... Commença Scott.
- Scotty, je... Tu penses que je peux emprunter ta douche ? Le coupa soudainement l'hyperactif sans augmenter son volume sonore. J'ai besoin de me doucher...
xxx
Scott soupira. Déjà une vingtaine de minutes que Stiles était monté après qu'il lui ait passé une serviette et des vêtements propres à lui. Sa demande l'avait surpris et il fallait avouer qu'il ne comprenait pas trop. Une douche à presque treize heures... C'était beaucoup trop tôt. En plus, il n'avait réussi à obtenir aucune information sur ce qui lui était précisément arrivé dans la matinée. A part son nez qui avait saigné, sa pommette qui bleuissait tout comme son cou, Scott ne savait rien. Seule son odeur parlait pour lui, restait toujours la même : piquante, douloureuse, lancinante. Au fond, il comprenait le refus de ne rien dire de Stiles : il lui avait peut-être pardonné, ce n'était pas pour autant qu'il lui refaisait confiance. L'alpha était bien loin de la vérité, mais il ne pouvait pas s'en douter. Stiles était... Stiles.
Scott revint dans la cuisine et s'arma de son portable qu'il avait laissé là. Ses yeux s'ouvrirent en grand en voyant le nombre de messages affichés. Il regarda en priorité le message de sa mère qui l'informait qu'elle restait finalement manger à l'hôpital. Le reste provenait de Lydia, Isaac, Jackson et Liam. Le sujet était le même : Stiles. On lui demandait s'il l'avait vu, s'il savait où il se trouvait, s'il allait bien... Et pour gagner du temps, parce qu'il savait qu'elle transmettrait tout de suite l'information, il répondit à Lydia que Stiles était chez lui. Le reste attendrait. Alors qu'il allait reposer son cellulaire, celui-ci se mit à vibrer de façon continue. On l'appelait. Sans regarder de qui il s'agissait, Scott décrocha.
- Comment ça, il est chez toi ? Qu'est-ce que tu as fait ? J'espère que tu t'es excusé et que...
- Lydia, stop, calme-toi, tout va bien ! La coupa l'alpha.
- Réponds-moi d'abord, Scott, j'ai besoin de savoir.
- Tout va bien et je ne lui ai rien fait si ça peut te rassurer...
Que l'on puisse penser qu'il soit capable de lui refaire du mal le blessait mais il l'acceptait. Après tout, il avait bien déconné la dernière fois.
- Je me suis excusé et on a fait la paix, je crois, reprit-il. Tu ne pouvais pas attendre que je te dise ça par message au lieu de m'appeler directement ?
- Non.
Scott ouvrit les yeux en grand. Cette voix masculine, ce n'était pas Lydia. Non, ce ton froid et pourtant si chaleureux, c'était bien Derek. Sans doute avait-il pris le cellulaire de la main de la banshee. Cela voulait-il dire qu'il se trouvait au lycée ? Pour quelle raison ? Stiles n'avait prévenu personne et Scott n'avait pas informé grand-monde non plus. En fait, tout s'était passé assez vite.
- Derek, je... Commença-t-il, hésitant.
Avoir au téléphone la personne qu'il avait mal jugé c'était... Malaisant. Pire que ça, il avait honte. Honte d'avoir cru que Derek aurait pu faire du mal à Stiles alors qu'il s'agissait sans doute d'une des personnes les plus droites qu'il connaissait. Celui qui l'avait formé au boulot d'alpha et qui l'avait soutenu non pas en tant que mentor, mais bien en ami. Alors non, il n'était pas à l'aise à l'idée de lui parler directement, ce qui n'était pas arrivé depuis son altercation avec Stiles.
- Il va bien ? Le coupa le bêta.
- Je... Oui et non, répondit Scott.
Parce que Stiles semblait ne pas aller trop mal, mais qu'il savait cacher ses faiblesses. Et en même temps, son masque était instable. L'alpha n'oubliait à aucun moment les marques sur sa pommette et son cou. Alors, il changea sa réponse.
- Pas vraiment, en fait, avoua-t-il douloureusement.
Il entendit le souffle presque tremblant de Derek à l'autre bout du fil.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? S'enquit Isaac, que Scott entendait de loin.
- On verra après, on y va, répondit Derek d'un ton qui n'appelait aucun refus.
Et il raccrocha au nez de Scott qui n'avait pas eu le temps d'en placer une.
xxx
Stiles arrêta l'eau une bonne dizaine de minutes plus tard et Scott leva les yeux de son téléphone. Assis sur le canapé du salon, il écoutait les bruits à l'étage et autant dire que le rythme cardiaque de son meilleur ami l'inquiétait. Il était très rapide et ne semblait pas se calmer. Pour être honnête, ça l'inquiétait. Déjà, il peinait à se rendre compte du fait qu'il avait potentiellement retrouvé son meilleur ami mais qu'en plus, celui-ci était chez lui et se douchait alors même qu'ils n'avaient pas encore mangé.
Lorsque Stiles apparut, Scott vit très aisément le rouge sur sa peau. Les vêtements qu'il lui avait prêtés étaient un peu larges, dénudant partiellement ses épaules et mettant à jour son cou, totalement rougi. L'alpha n'eut pas de mal à imaginer le corps de son ami entièrement rouge. Il s'était frotté et particulièrement fort. Plusieurs fois. Sans doute s'était-il également douché avec une eau particulièrement chaude. Ça se voyait, se sentait également.
- Stiles, tu... Commença Scott en se redressant.
- Je suis fatigué, tu... Tu penses que je peux me reposer un peu ? Le coupa distraitement Stiles sans s'en rendre compte.
Complètement décontenancé par l'hyperactif qui regardait dans le vide, Scott ne put rien faire d'autre que répondre par la positive, espérant ainsi que son visage affiche autre chose. Tout lui paraissait mieux que cette neutralité étrange. Il préfèrerait presque voir ses traits se déformer par la colère, aimerait que Stiles lui crie dessus. Une émotion. Cette indifférence apparente ne lui allait pas du tout et ne camouflait en rien son odeur extrêmement épicée, d'une négativité sans pareil. Il vit alors Stiles s'allonger sur le canapé face au sien et il se leva aussitôt pour aller lui chercher un plaid, quelque chose pour lui tenir chaud. Il avait vu les frissons courant sur sa peau un peu trop rouge. Stiles le remercia mollement et ferma les yeux. Scott sortit du salon et le laissa seul à contrecœur mais il sentait que c'était la seule chose à faire. L'hyperactif semblait tout, sauf en mesure de parler, de l'éclairer sur la situation et Scott ne comptait pas le forcer. Plus tard, peut-être. Pour l'instant, c'était encore trop tôt. Malgré ses paroles, l'alpha était persuadé que Stiles lui en voulait un peu et, à défaut de lui refaire complètement confiance, il acceptait néanmoins de le laisser se rapprocher un peu. Et Scott ne comptait pas gâcher la seconde chance que son ami lui accordait implicitement.
Alors qu'il venait de se poser à nouveau dans la cuisine sur son téléphone, Scott entendit la sonnette de l'entrée résonner, puis des coups retentir contre la porte. Derek était-il sérieux quand il avait dit qu'il venait ? Un sourcil haussé, l'alpha partit ouvrir et tomba nez à nez avec Derek, Lydia et Isaac. Malaisé en leur présence, Scott s'écarta pour les laisser passer mais les avertit toutefois :
- Stiles se repose dans le salon.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Lui demanda directement Lydia.
Scott referma la porte après qu'ils furent tous entrés et expliqua à voix basse qu'il avait probablement empêché un kidnapping. A la fin de son cours récit des évènements, il vit Derek serrer les poings. S'il semblait calme, ses phalanges blanchies et son regard empli d'une ire folle le trahissaient. Il contenait sa colère d'une main de maître.
- Tu penses que c'est le tueur ? S'enquit Isaac en regardant son ancien alpha.
- A quoi il ressemblait ? Demanda plutôt Derek d'un ton froid, sans faire attention au bouclé.
Scott sembla réfléchir un instant puis hésiter à répondre. Parce qu'il venait de comprendre quelque chose.
- Tu te souviens de la description que tu as faite à Parrish l'autre jour, quand on a commencé nos recherches ? Demanda-t-il presque timidement.
Alors que Lydia et Isaac ne comprenaient pas à quoi il faisait référence, Derek hocha la tête et inspira profondément.
- Pourquoi tu l'as pas amené au loft ? Siffla-t-il entre ses dents.
Scott s'attendait à cette question, puisqu'il n'avait lui-même pas compris le choix de Stiles.
- Stiles ne voulait pas, lui apprit-il. Il a refusé quand je lui ai dit que je te ramenais au loft.
Derek perdit un peu de sa froideur et sembla on ne peut plus déconcerté. Scott lui décrivit brièvement l'attitude troublante de Stiles qui avait semblé le supplier pour qu'il ne l'emmène pas au loft Hale.
- Il faut que je le voie, décida-t-il soudainement.
- Non, attends, il... Tenta de le retenir Scott sans terminer sa phrase.
Mais Derek s'était déjà élancé sans faire attention aux trois adolescents qui le regardaient, sentant l'odeur si piquante de Stiles. Il le découvrit rapidement, dans le salon, allongé sur le canapé, un plaid étendu sur lui. A l'intérieur, son loup hurla. La douleur dans les yeux noisette de Stiles était évidente. Ce qui enrageait son loup tout autant qu'il se déchirait en lui, c'étaient les traces autour du cou de son humain et sa pommette amochée, qui étaient d'un bleu foncé presque violacé. Instinctivement, Derek se rapprocha, voulant être aux côtés de Stiles. Pour sa plus grande surprise, l'hyperactif se redressa rapidement et se recula au maximum dans le canapé.
- D-Derek... Balbutia-t-il.
Le loup se figea. Pourquoi semblait-il si peu heureux de le voir ? Percevait-il... De la crainte dans son geste ? Non, il ne pouvait pas avoir peur de lui, c'était impossible. Il savait qu'il était incapable de lui faire du mal et qu'il n'aspirait qu'à l'aimer, le rendre heureux.
- Stiles, qu'est-ce que...
- Ne t'approche pas de moi, s'il te plaît...
Les yeux ronds, Derek regarda son humain, qui avait baissé la tête.
- Amelia, elle...
- Elle n'est pas seule, j'ai fait venir Peter, l'informa le loup, devinant sa question non formulée. Stiles, il faut qu'on parle, que tu me dises ce qu'il s'est passé.
Son air était grave et se voulait toutefois doux. C'était difficile pour Derek, qui avait bien du mal à contenir son loup déchiré entre deux idées : aller assassiner ce fumier qui avait osé agresser son humain et cajoler ce dernier jusqu'à faire taire cette douleur sourde qui le tuait à petits feux.
- Je ne veux pas parler, Derek.
Son cœur rata un battement. Le signe du mensonge fut capté par le loup et lorsqu'il le regarda dans les yeux, Stiles se rappela qu'il ne pouvait pas lui mentir. C'était impossible. Et pourtant, il se protégeait tout autant qu'il protégeait Derek. En fait, ce qu'il ressentait était particulier. Parler, il en crevait d'envie, parce que ce qui s'était passé le tuait déjà de l'intérieur. Le gouffre s'était rouvert à la différence que, cette fois, il avait une échappatoire. Du soutien. Quelqu'un à qui se confier. Mais cela, loin de le rassurer, le poussait à se renfermer sur lui-même. Parce qu'il avait honte, bordel. Honte à un point inimaginable. Emile avait eu beau ne pas être allé jusqu'au bout, il avait tout de même réussi son pari : briser sa volonté une deuxième fois. Stiles n'avait plus cherché à résister lorsque la ceinture était lourdement tombée sur le sol de ce petit bureau. Il s'était laissé faire. Et dieu sait à quel point il s'en était voulu. Emile avait trouvé le moyen de le paralyser et de l'obliger à obéir à ses envies lubriques. Stiles pesta contre lui-même, contre sa faiblesse. Il ne s'en était pas rendu compte, mais ses mains tremblaient.
De grandes mains chaudes les recouvrirent soudainement dans une étreinte douce. Stiles releva les yeux vers son loup qui s'était accroupi face à lui et retira aussitôt ses mains.
- Ne me touche pas ! S'exclama-t-il un peu trop fort avant de soudainement baisser le volume. Je suis dégoûtant, ne me touche pas...
Stiles regardait ailleurs, dans le vide et pourtant, sa douleur transparaissait toujours dans son regard détruit. Alors, il ne vit pas la façon dont il avait blessé Derek, ni la manière dont celui-ci ne laissa ses émotions peupler son regard avant de tout effacer. Il ne l'entendit même pas soupirer avant de prendre une grande inspiration. Il fallait qu'il soit fort, pour Stiles. Il fallait qu'il sache même s'il commençait à avoir sa petite idée sur la question et qu'il savait que la suite risquait de ne pas lui plaire. Il n'abandonna donc pas et reprit les douces mains de Stiles dans les siennes, les regardant un moment. La pensée fugace d'un Stiles jouant de la musique refit son apparition dans son esprit. Elle l'apaisa un peu, assez en tout cas pour lui permettre de ne pas perdre pied et de ne pas se faire submerger par l'odeur piquante à souhait de Stiles qui semblait prendre un malin plaisir à lui torturer le nez de par les émotions négatives qu'elle contenait.
Stiles voulut à nouveau retirer ses mains, mais Derek l'en empêcha en resserrant ses doigts sur elles.
- Derek, s'il te plaît... Je veux que tu me lâches...
- Non Stiles, tu n'en as pas vraiment envie, rétorqua calmement le loup.
Il avait perçu ce nouveau raté dans son cœur. Stiles ne voulait en réalité pas le lâcher, pas être séparé de lui, mais il était terrifié.
- Parle-moi, Stiles, le supplia-t-il.
Et dieu sait qu'entendre Derek supplier était un évènement rare.
- Je suis là pour toi et tu le sais, Stiles.
- Derek... Arrête de me toucher, je suis sale...
La voix de Stiles avait tremblé, sans doute autant que ses mains. Ce qui brisa le cœur de Derek, ce furent les larmes que son humain tentait vainement de retenir, mais dont certaines s'étaient enfuis de ses yeux rougis. Stiles était lentement en train de craquer. Ça lui faisait mal et en même temps, c'était bon signe. Parce qu'il allait parler. A contrecœur, Derek creusa.
- Stiles, mon ange, ne fais pas comme il y a sept ans. Ne t'enferme pas dans le mensonge. Cette fois, tu n'es pas seul. Alors s'il te plaît, mon cœur, parle-moi.
La voix de Derek était profonde et emplie d'amour. Parce qu'il l'aimait putain et savoir qu'on lui avait fait du mal le tuait. Si l'adolescent continuait, c'est son mensonge qui le tuerait. Et cette fois, il risquait de ne pas se relever. Alors il fallait qu'il parle, qu'il se livre, qu'il ne se mure pas dans ce silence destructeur. Lorsque Derek vit son humain éclater en sanglots et se laisser glisser par terre dans ses bras, il sut qu'il avait réussi. Il étreignit son hyperactif dans ses bras fort tandis que celui-ci s'accrochait à lui comme s'il s'agissait d'une bouée de sauvetage. Et c'était le cas. Derek était celui grâce à qui il tenait encore debout, celui qui l'avait fait sortir du mensonge dans lequel il était muré depuis sept longues années, celui qui lui avait apporté l'espoir. Mais que faire de l'espoir quand celui-ci se retrouvait piétiné avec violence ? Stiles était à bout. Traumatisé.
Une petite voix dans sa tête lui souffla qu'il était perdu à jamais. Pourquoi continuer d'essayer d'avancer ? Il n'avait plus envie de se battre, il était épuisé. Emile était là, il l'avait à nouveau touché et même s'il n'était pas allé jusqu'au bout de son acte, c'était largement suffisant pour lui faire imaginer le reste. Ce qui l'attendait, Stiles ne voulait pas le vivre. Il avait assez donné. Et pourtant... Une autre petite voix le suppliait de résister encore un peu. Le combat entre les deux poussa Stiles à faire une demande douloureuse à son loup.
- Empêche... Empêche-moi de faire une connerie... Souffla-t-il, les joues mouillées de larmes.
Le sang de Derek se glaça alors qu'il ne pouvait pas voir le visage de son humain, caché dans son cou. Qu'est-ce que... ?
- Je suis à deux doigts de me trancher les veines... Murmura Stiles. Alors empêche-moi de faire ça, je t'en supplie...
La révélation, précédemment déguisée, continua de briser avec violence le cœur de Derek. Parce que Stiles n'avait sans doute jamais été aussi sincère de toute sa vie et ça le terrifia soudainement. Non, c'était impossible, il ne pouvait pas... Non. Il resserra douloureusement son étreinte sur le jeune homme qui se colla le plus possible contre lui, par terre. Et il lui promit qu'il l'empêcherait de faire quoi que ce soit, qu'il était là. Croyant qu'il ne pouvait pas souffrir plus, Derek fut complètement désarmé lorsque Stiles raconta, en pleurs, ce qui lui était arrivé. L'hyperactif lui narra avec difficulté le piège tendu par Emile avec le surveillant, son enfermement avec lui dans cette si petite salle, la violence dont il avait fait preuve envers lui, puis...
- Est-ce qu'il t'a... Articula difficilement le loup en lui caressant les cheveux.
- Pas complètement...
Derek retint une plainte douloureuse et Stiles continua. Il lui parla des attouchements, des baisers violents, de la manière dégoûtante dont le quadragénaire l'avait léché. Il lui récita presque mots pour mots les menaces et paroles dégradantes de son agresseur. L'hyperactif décrivit avec une précision impressionnante le bruit que fit la boucle métallique de la ceinture lorsqu'elle était tombée sur le sol. Le changement d'attitude du prédateur. La manière qu'il avait eue de l'obliger à s'exécuter.
Puis il y avait eu ce moment où Stiles était tombé à genoux, devant un pantalon baissé. Un membre fièrement érigé. Là, toute sa résistance avait volé en éclat. Plus Derek, plus d'Amelia. Lorsque le policier avait enfoncé d'autorité son engin dans la bouche de sa victime, celle-ci avait tout abandonné. Et elle avait été forcée d'avaler, cette victime. Quelques minutes plus tard, c'était le pantalon de Stiles qui avait été baissé, son boxer également. Les doigts l'avaient brûlé de l'intérieur et ses plaintes étaient étouffées par la main dégoûtante d'Emile qui avait pris le soin d'y aller avec une violence inouïe. Lorsque son membre s'était regonflé, il s'était tout naturellement masturbé contre ses fesses alors que le visage de Stiles était écrasé contre le bureau, le regard vide, vaincu. Enfin, il l'avait fait se rhabiller puis sortir, dans le but de l'emmener à l'intérieur de ce qui serait sa dernière demeure dans laquelle il comptait bien le faire sien pour la septième fois et ultime fois.
Et Scott l'avait sauvé. Il l'avait vu, s'était débrouillé pour le sortir de cette situation avec une technique plus ou moins subtile qui lui avait permis de régler la situation sans avoir à sortir les griffes.
Si les larmes de Stiles commençaient à se tarir malgré sa voix toujours plus tremblante, les yeux de Derek, eux, rougissaient à vue d'œil. Son cœur était définitivement brisé, torturé par le malheur de Stiles. Le câlinant comme il ne l'avait jamais fait, il le garda contre lui de manière à ce qu'il ne voie pas ses larmes naissantes. Oui, Derek pleurait et ce, sans un bruit. Parce que la douleur de Stiles était la sienne. Parce qu'il l'aimait. Parce qu'ils se liaient.
Des années qu'il n'avait pas lâché une larme. Depuis la mort de sa famille, en fait.
Dans le couloir, Lydia contenait ses sanglots avec peine, tantôt enlacée par Scott, tantôt par Isaac. A préciser que les deux loups n'étaient pas en très bon état non plus, profondément choqués par les propos qu'ils n'auraient pas dû entendre. La jeune femme, complètement sous le choc, se laissa même glisser contre le mur du couloir, jusqu'à finir assise sur le sol.
Dans le salon, Stiles resta un long moment dans les bras de Derek, les joues mouillées, épuisé. Il ne s'endormit pas mais somnola, éreinté par sa journée et ses révélations semi-involontaires. Tremblant, il demanda misérablement à Derek si celui-ci voulait toujours de lui ou s'il voulait le laisser – précisant qu'il pouvait, mais qu'il fallait qu'il y aille doucement. La voix enrouée, Derek répondit tout simplement « Je t'aime... ».
Ce fut là sa seule réponse mais elle suffit à l'humain qui se lova fébrilement contre lui. Si Derek était là, s'il l'aimait, s'il était prêt à rester avec lui malgré tout... Il pouvait essayer, non ?
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