Chapitre 24


- Qu'est-ce que je vais faire, Derek ? Demanda Stiles, l'air désespéré, la tête posée sur le torse de Derek.

Il releva la tête vers le loup tout contre lui, qui le regardait déjà tout en caressant doucement ses cheveux. Déjà plusieurs heures qu'ils étaient dans ce lit à se papouiller, il fallait bien qu'ils discutent sérieusement au bout d'un moment. Sans surprise, c'était Stiles qui avait lancé le sujet. Il avait beau sembler plus posé, son hyperactivité était toujours là, obligeant son cerveau à tourner indéfiniment. C'était presque un miracle qu'il ait réussi à ne penser à rien durant ces quelques heures.

- Qu'est-ce qu'on va faire, plutôt, rectifia le lycanthrope.

- Arrête, Derek, ce sont pas tes problèmes, c'est à moi de me démerder...

Le ton de Stiles était empreint d'une résignation qui ne lui allait pas. C'était comme s'il avait déjà accepté d'affronter les choses, encore une fois, seul.

- Stiles, on va faire face à tout ça. Ensemble, précisa-t-il.

Tout en disant cela, il ne cessait de caresser les cheveux châtains de son humain qu'il gardait jalousement contre lui. Pas un ne s'était rhabillé depuis le temps, préférant rester en boxer dans le lit, le drap remonté jusqu'à leurs torses.

Stiles ne répondit rien : tenir tête à son loup ne servirait à rien. Puis dans le fond, être soutenu, c'était ce qu'il désirait plus que tout. Peut-être qu'ainsi, il arriverait à s'en sortir, à affronter ses démons et problèmes persistants. Sans doute réussirait-il à tenir le coup assez longtemps pour régler toutes ces affaires et enfin, obtenir ce repos longue durée dont il avait tant besoin. Pour l'instant, seuls ces moments passés avec Derek lui permettaient de garder la tête hors de l'eau. Avec lui, son cœur continuait de battre et sa psyché exprimait le désir de continuer à se battre pour essayer de vivre une vie normale – entouré de créatures surnaturelles.

- Oui, ensemble, murmura-t-il en fermant les yeux.

Avec un plaisir non dissimulé, l'adolescent se pelotonna contre son loup et se permit un léger sourire. Il n'était plus seul et ce fait commençait à rentrer dans son crâne. Derek était là et ne semblait pas prêt à le lâcher. Ça tombait bien, parce que Stiles n'avait pas envie de se séparer de Derek non plus. Et ce n'était pas une question de dépendance ou de besoin affectif.

Non, Stiles était juste follement attiré par l'homme contre lequel il se lovait avec une confiance absolue.

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- Mhmm, ça sent bon... Fit Stiles en arrivant dans la cuisine.

Avec une grâce féline toute relative, il s'étira. Il s'était rhabillé, enfilant juste son pantalon et son t-shirt. Derek, qui était aux fourneaux, se retourna et fut stupéfait. Stiles ne portait pas de veste et c'était un détail assez important pour être souligné. Il était si à l'aise avec lui qu'il acceptait de déambuler dans le loft ainsi, exposant ses bras nus aux yeux curieux du loup. Cette constatation fit exploser quelque chose en lui. Ni une ni deux, Derek délaissa sa préparation pour se précipiter vers Stiles et l'enlacer avec une ferveur inattendue. Il nicha sa tête dans son cou et inspira son odeur délicieuse, dépourvue de peur ou de souffrance. Pour une fois, Stiles allait plutôt bien. Et ce fait le remplit instantanément d'un bonheur incommensurable qu'il ne sut contrôler. Avec une tendresse folle, le lycan déposa une pluie de baisers dans son cou. Le son le plus beau et le plus mélodieux qu'il ait entendu de sa vie emplit alors la pièce, étouffant tous les bruits parasites alentours au point de les réduire au silence.

Stiles riait.

Derek et son loup étaient aux anges.

- Je vois qu'on est heureux de me voir, rit-il encore.

Derek ne dit rien mais la manière dont il l'embrassa par la suite fut la meilleure démonstration de son contentement.

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- J'ai bien réfléchi et je pense que... Ça va.

Derek leva vers Stiles un regard curieux. Voilà déjà dix bonnes minutes que les deux hommes mangeaient en tête à tête en discutant de tout et de rien. Comme toujours, Stiles changeait de sujet sans transition. Même si Derek commençait sérieusement à avoir l'habitude de le côtoyer de près, la chose n'en restait pas moins perturbante. Ne sachant pas de quoi il parlait cette fois, il prit un air interrogatif et attendit que son humain développe sa pensée.

- Amelia, répondit simplement l'hyperactif. Je pense que... Je suis peut-être pas... Une aussi mauvaise personne que ça.

- Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? Demanda Derek, cachant la joie de son loup d'entendre cela.

Parce qu'il détestait quand Stiles se dénigrait. Lui, il savait pertinemment que l'adolescent était tout sauf mauvais. Il avait juste peur de reproduire ce qu'on lui avait fait. Il en avait tant souffert que ne serait-ce qu'imaginer faire souffrir un enfant de la même manière le terrorisait. Bien sûr, Derek savait que ça n'arriverait pas. Stiles n'avait pas ça en lui.

Stiles mangea quelques pâtes, avant de planter ses iris miel dans ses yeux à lui. Derek pouvait y lire de l'incertitude, mais pas seulement. De la détermination teintait son regard d'une légère lueur claire.

- Je pense que... Tu ne serais pas comme ça avec moi si j'étais un connard complet.

Derek hocha la tête et attendit la suite, parce qu'il savait qu'il y en avait une.

- Et puis... Elle est seule, maintenant. Je veux dire... Sa mère est morte, elle va avoir besoin de nous, de... Des gens qu'elle connaît ici. J'en fais partie, donc... Enfin... Tu vois. Je ne suis pas rassuré à cent pour cent, mais je me dis qu'on a pas vraiment le choix. Par contre, mon dieu... Lui dire va être si difficile...

- Stiles, calme-toi, lui intima Derek.

Aussitôt, ce dernier posa sa main sur celle, légèrement tremblante, de son humain.

- Ca va aller, l'assura-t-il en ancrant complètement son regard dans le sien. On va tout faire pour qu'elle arrive à surmonter ça.

- Demain on la récupère, décida Stiles après un long silence durant lequel il ressassait les paroles du loup dans sa tête.

Derek acquiesça et caressa le dos de la main de l'adolescent tout en mangeant. Lui préférait ne pas penser à cela tout de suite. Les choses seraient bien assez difficiles le moment venu, ce n'était pas la peine de s'encombrer trop tôt de sombres pensées, elles ne feraient que gangréner jusqu'à ce que ça explose.

- Mais si un jour tu vois que... Si tu as un doute, reprit douloureusement Stiles, arrête-moi. Eloigne-moi d'elle.

Derek comprit alors que malgré ses paroles, Stiles se méfierait de lui-même jusqu'à ce qu'il ait la preuve qu'il n'était pas comme ça et cette pensée le rendit triste mais il n'en montra rien, se contentant d'hocher la tête.

xxx

Le lendemain, Stiles prit son courage à deux mains et retourna en cours. De son côté, il avait chargé Derek d'aller chercher Amelia et de rester avec elle le plus possible. Ils avaient convenu, après une longue discussion, de ne pas lui dire tout de suite pour sa mère. Pour eux, il valait mieux attendre le moment opportun. Attendre que tout se tasse un peu, que Stiles soit assez remis pour pouvoir assumer cette révélation. Bien sûr, Derek serait à ses côtés pour l'épauler, mais Stiles tenait à annoncer lui-même la nouvelle à la petite.

Derek n'avait d'ailleurs pas été très emballé lorsque Stiles lui avait dit qu'il retournait en cours parce qu'à chaque fois, il se passait quelque chose. D'abord, ça avait été Scott, puis le message de son père. Hale junior était toujours en colère contre son alpha et savoir qu'il était toujours dans sa classe ne lui plaisait pas. Il avait été honnête avec Stiles, lui avait avoué que savoir que Scott pouvait à tout moment vriller à nouveau le préoccupait.

- Ca va aller, lui avait assuré l'adolescent. Cette fois, je vais mieux, je saurai quoi répondre s'il recommence.

Parce qu'il fallait qu'il aille en cours. Il avait trop raté et était trop peu revenu. Par chance, l'on n'avait apparemment pas prévenu son père pour ses absences et ça l'arrangeait fortement. Au moins, Stiles n'allait pas au lycée dans le but d'éviter Amelia. Non, cette fois, c'était réellement pour essayer de ne pas prolonger son retard.

Comme les fois d'avant, Stiles se mit le plus loin possible de Scott dans la salle de classe de sa première heure tout comme il l'évita par la suite dans les couloirs. Suivre était difficile, mais il faisait de son mieux et arriva à avoir plusieurs moments durant lesquels il ne pensait qu'au cours. A la pause, Isaac et Lydia vinrent lui parler et il discuta tranquillement avec eux, enterrant au plus profond de lui-même ses peurs les plus intimes. Bien sûr, il ne se sentit pas très à l'aise et eut froid. Pas parce que la température du lycée était particulièrement fraîche, non. En fait, la chaleur de Derek lui manquait. Il fallait croire qu'il s'était trop habitué à sa présence et à ses étreintes qui réchauffaient jusqu'à son cœur. Et même si Isaac sentit encore l'odeur de Derek sur Stiles, il ne dit rien, gardant ses idées pour lui, sans pour autant empêcher un sourire d'étirer ses lèvres de temps à autres. En fait, leurs odeurs respectives commençaient réellement à se mélanger comme il le fallait et il savait ce que ça voulait dire.

Le midi, Stiles envisagea très sérieusement de ne pas manger. Après tout, il était toujours à sec et n'avait pas très envie de croiser Scott au self. Cependant, Lydia l'attrapa alors qu'il allait se diriger vers la grande cour où tout élève se posait lors des pauses. Sans qu'il puisse refuser quoi que ce soit, Stiles fut traîné de force au réfectoire puis assis à une table devant un plateau bien rempli. La tablée était composée de Lydia, Isaac et Jackson, en plus de lui-même. Ils avaient beau être ses amis, Stiles mit un peu de temps avant de se détendre en leur présence : ce qui le freinait, c'était sa longue absence. En plus d'avoir raté beaucoup de journées de cours, il avait été obligé de repartir quasiment à chaque fois qu'il y allait. Le sort semblait s'acharner sur lui et Stiles redoutait honnêtement qu'il arrive encore quelque chose. Sa peur expliquait sans doute ces gestes qu'il répétait sans arrêt. Il lançait de réguliers coups d'yeux à son portable, ne pouvait s'empêcher de regarder de temps à autres tout autour de lui, vérifiait si Scott était dans le coin. Parce qu'il avait peur de le voir surgir à nouveau de nulle part pour presque l'agresser, comme la dernière fois.

Si le loup, le kanima et la banshee avaient remarqué son comportement plutôt craintif, ils ne lui en firent pas la remarque, sans doute par décence ou, mieux, par amitié. En fait, chacun essayait de le mettre à l'aise sans le montrer. Il fallait que Stiles sente que tout allait bien, sans penser qu'ils le prenaient en pitié, parce que ce n'était pas le cas. Ils étaient juste inquiets pout cet ami qui multipliait les absences et dont le regard se faisait chaque jour un peu plus sombre. Même Jackson partageait cette inquiétude qui était née lors de l'assaut incompréhensible de Scott. Ce jour-là, il avait découvert une nouvelle facette de l'hyperactif. Lui qu'il avait toujours vu souriant, provoquant, sarcastique et surtout vivant avait effleuré du doigt cette carapace déjà bien abîmée. Stiles n'allait pas aussi bien qu'il le montrait et sans doute leur cachait-il bien plus de choses qu'il ne leur laissait penser. Alors, d'un accord tacite, les trois êtres surnaturels se jurèrent sans se concerter qu'ils feraient plus attention à lui et le laisseraient le moins possible seul.

Bien sûr, comme Isaac, Jackson avait remarqué ce changement de moins en moins subtil dans son odeur. Il était dans la meute depuis assez longtemps pour reconnaître l'odeur de Derek. Ce qui était inédit, c'est qu'elle ne semblait pas être posée sur Stiles. Ce genre de cas arrivait lorsqu'il y avait simplement contact avec la personne, c'était flou, à peine tangible, même si le contact en question était prolongé. Non, leurs odeurs se mélangeaient petit à petit, mais on pouvait encore les distinguer l'une de l'autre. Ensemble, elles formaient une fragrance particulière qui laissait peu de place au doute.

C'est ainsi que même Jackson comprit que Derek était bien plus là pour Stiles qu'il ne le disait. Ça ne lui fit pas grand-chose, à vrai dire, il se foutait un peu de ce fait : c'était la vie privée de l'hyperactif et loin de lui l'idée d'aller y fourrer son nez, surtout si c'était pour découvrir des détails scabreux. Non, ce qui l'intéressait, c'était ces autres choses qu'il cachait, ces choses qui le rendaient anxieux. Parce que, l'air de rien, il s'était un peu attaché à lui, comme avec tous les autres membres de la meute, à des degrés différents toutefois. Alors voir cet idiot d'hyperactif s'éteindre petit à petit, ça ne lui allait pas. Il le désignait d'ailleurs toujours sans arrêt comme « l'hyperactif » alors qu'en réalité, le jeune homme ne laissait plus paraître son trouble, donnant l'impression que celui-ci avait disparu. Il était là, caché, comme tout le reste. Bien sûr, ce n'était pas le cas et ne faisait que rajouter à l'inquiétude de Jackson, Lydia et Isaac.

Une vibration attira l'attention des jeunes gens. Stiles s'excusa en disant qu'il s'agissait de son téléphone. Il le prit et entreprit de lire le message qu'il venait de recevoir. Il se détendit en constatant que Derek en était l'auteur. Lydia se pencha pour lire, sans aucune gêne, en même temps que lui. Derek avait récupéré la petite avant que la banshee parte au lycée, si tôt que celle-ci avait été surprise en le voyant sur le pas de sa porte à sept heures du matin. Dans le SMS, le loup lui assurait que tout allait bien et que la petite s'occupait tranquillement. C'est surtout la fin de son message que retint Lydia.

- Je ne le savais pas si... Sentimental, lâcha-t-elle, agréablement surprise.

- Hé ! S'offusqua Stiles, qui n'avait pas remarqué qu'elle zieutait son écran.

- Qui est sentimental ? Demanda paresseusement Isaac, dissimulant toutefois son intérêt.

- Derek, répondit simplement la jeune femme.

D'un coup d'un seul, Lydia arracha le téléphone des mains de Stiles qui émit une protestation. Toutefois, il ne put l'empêcher de lire :

- Alors... « Stiles, au loft, tout se passe bien. Elle est adorable et s'occupe tranquillement, comme toujours. Elle n'attend plus que toi et m'a dit que tu lui manquais. Elle n'est pas la seule à être de cet avis. » (La jeune femme relève la tête vers son ami hyperactif) Il vient clairement de sous-entendre que tu lui manques !

De légères rougeurs naquirent sur les joues de Stiles qui soupira de désespoir. Ce qui surprit Isaac et Jackson ne fut pas tant le sous-entendu évoqué par Lydia que la réaction du fils du shérif : il ne niait pas, ne cherchait pas à expliquer que c'était un malentendu, que Derek avait cherché à dire autre chose. Autant connaître la vie intime de Stiles n'intéressait pas Jackson, autant apprendre que Derek était loin d'être aussi insensible et inaccessible qu'il n'y paraissait avait de quoi piquer sa curiosité. Parce qu'un mélange d'odeur, ça pouvait simplement signifier que les deux couchaient ensemble : ça ne traduisait pas forcément des sentiments. Là, ça devenait intéressant.

Les questions se mirent à pleuvoir et Stiles ne répondit que peu : son côté timide, que l'on n'avait pas l'habitude de voir, ressortait. Mais s'il ne lâchait pas beaucoup d'informations, ce n'était pas parce qu'il ne le voulait pas. La plupart du temps, il n'avait aucune idée des réponses qu'il pouvait fournir et c'était tout à fait normal. Peu à peu, le sujet dériva. Oui, Derek prenait soin de lui. Effectivement, ils étaient plutôt proches. Non, il ne savait pas ce qu'ils étaient parce qu'ils ne faisaient pas grand-chose. Oui, Derek l'hébergeait pour des raisons personnelles. Non, Stiles ne savait pas quand il retournerait chez lui. Il ne le dit pas, mais la situation était encore trop instable de son côté pour qu'il revienne chez son père. Il consentit toutefois à révéler une information qui pouvait paraître anodine, mais qui était en fait capitale :

- Un ami de mon père est à la maison et je le supporte pas. Je resterai chez Derek tant que ce mec sera pas parti.

Il avait dit cela d'un ton si plat, si naturel que l'on ne put à aucun moment deviner son réel ressenti quant à cette personne et les raisons d'une telle aversion. La seule chose palpable pour les loups, c'était cette odeur amère qu'il semblait contenir. Une odeur de laquelle transparaissaient beaucoup de choses. Isaac en eut le souffle coupé un instant mais se reprit bien vite. Jackson, de son côté, ne laissa rien paraître, même s'il l'avait bien sentie également. Avec une habileté qui lui était propre, Stiles détourna alors la conversation pour la faire partir sur un autre sujet.

Puis, plus tard, il retourna en cours avec ses amis, sans apercevoir Scott une seule fois. Il se détendit alors un peu plus et se laissa aller à quelques sourires, quelques blagues un peu nulles mais bienvenues.

Isaac, Lydia et Jackson se rendirent alors compte que Stiles leur avait manqué, réellement.

xxx

- Ta journée s'est bien passée ? S'enquit Derek en démarrant.

Il avait décidé d'amener et de ramener Stiles à chaque fois qu'il irait en cours. Il préférait cela plutôt que son humain prenne le bus. En ces temps complexes, c'était plus prudent. Derek n'avait aucune envie d'apprendre un soir que l'hyperactif avait été agressé en sortant du bus. Il ne voulait pas qu'on l'abîme plus qu'il ne l'était déjà.

- Oui, ça allait, répondit Stiles. Les cours étaient un peu longs mais ça va, j'étais pas seul.

Derek hocha la tête sans arrêter de fixer la route. Avec un naturel fou, il posa sa main libre sur la cuisse de Stiles. Pas près du genou, comme la première fois quelques semaines plus tôt, bien sur sa cuisse. Puisque son geste ne semblait pas déranger l'adolescent, Derek ne bougea pas de là. C'était même le contraire : un doux effluve de tranquillité se faufila jusqu'à ses narines. Il semblerait d'ailleurs que Stiles apprécie son contact et c'était tant mieux, parce que c'était également son cas.

- Lydia, Isaac et Jackson ne m'ont pas lâché de la journée, l'informa le lycéen. Autant Lydia je peux comprendre, je la connais, elle est assez protectrice. Isaac, je ne suis qu'à moitié surpris, je sais que c'est un agneau. Par contre, Jackson... J'avoue que je m'y attendais pas.

- Il a un cœur, semble-t-il, dit Derek, plaisantant légèrement sans toutefois sourire.

- Il est gentil en fait, concéda Stiles. C'est lui qui a arrêté Scott, la dernière fois.

Le rappel de cet épisode le fit frissonner, mais il garda la face. La présence de Derek l'aidait à accepter ce qui s'était passé. Stiles n'était pas traumatisé, néanmoins ça l'avait marqué. Alors, doucement, il posa sa main sur celle de son loup. Il eut alors un écho, une sorte de déjà-vu. Quelques semaines plus tôt, il s'était trouvé là, dans cette voiture, à cette place, pleurant silencieusement. Derek avait posé sa main sur sa cuisse près de son genou, et Stiles l'avait recouverte de la sienne. La scène était très semblable, à la différence que cette fois, la grande main était installée un peu plus haut sur sa jambe et que Stiles ne pleurait pas. Il se sentait relativement bien. Ça allait.

Néanmoins, la discussion lancée par Lydia ce midi-là trottait dans la tête de Stiles. C'est vrai qu'il n'y pensait pas, parce qu'il avait l'habitude des moments passés avec Derek. L'embrasser était devenu si naturel qu'il avait arrêté de se poser des questions depuis bien longtemps. La seule conversation qu'il avait eu avec le loup au sujet de leur relation s'était soldée par une confession de sa part sur son passé. Alors, il appréhendait un peu.

Au final, ils n'avaient jamais mis de mot sur leur relation, sur ce qu'ils étaient sincèrement l'un pour l'autre. C'était tout juste si Derek avait sous-entendu qu'ils étaient ensemble si Stiles le voulait. Leur statut n'était pas donc précis. En soi, ce n'était pas vraiment un problème, mais l'hyperactif commençait à avoir besoin de savoir sur quel pied danser. Il se sentait bien avec Derek mais l'absence de ce fait lui fit soudainement se demander quelles étaient les limites de ce qu'il pouvait faire avec lui, en accord avec la nature de leur relation.

- T'as l'air pensif.

C'était un constat, que Stiles avait d'abord pris pour un reproche avant de se raviser et de se dire que jamais Derek lui reprocherait ce genre de choses. Il n'était pas comme ça. Comme pour le lui prouver, la main se resserra légèrement sur sa cuisse. C'était un « je suis là » silencieux, un rappel du soutien qu'était le loup.

Ainsi, Stiles réussit facilement à poser la question qui le taraudait :

- On est quoi, tous les deux ?

Sans arrêter de regarder la route – Derek restait prudent, le loup haussa un sourcil mais lui répondit toutefois assez vite :

- Je t'ai déjà dit qu'on était ce que tu veux.

Mauvaise réponse.

- C'est pas précis, se plaignit gentiment Stiles.

- Parce que c'est à toi de choisir, rétorqua tout naturellement Derek.

Arrivé devant l'immeuble, il entreprit de se garer avant de mettre le frein à main et d'éteindre le moteur. C'est seulement à ce moment-là qu'il s'autorisa à tourner la tête vers Stiles, qui le regardait d'une manière indescriptible. Sa main recouvrait toujours celle de Derek, qui n'avait pas quitté sa cuisse.

- Et qu'est-ce que tu voudrais, toi ? S'enquit-il.

Derek haussa un autre sourcil, légèrement confus.

- Quel rapport ? Demanda-t-il.

- On a quelque chose, commença Stiles tout en réfléchissant. Ce quelque chose doit évoluer, mais seulement dans la direction désirée par les deux parties. Dans le cas contraire, ce quelque chose n'a pas lieu d'être. Une relation, c'est à deux. Tu comprends bien que je ne veux pas que ce qu'on a ne soit décidé que par moi. Autrement, ça ne marchera pas.

Derek cligna des yeux. En soi il avait compris : simplement, l'adolescent expliquait un peu trop la chose. Pas besoin de tourner autour du pot, autant être direct. Ce détournement fit automatiquement comprendre à Derek qu'en réalité, Stiles n'était pas serein. Il avait peur, mais ce n'était pas une peur comme il avait l'habitude d'en avoir. Il n'était pas terrifié par son avenir ou ses souvenirs. Il était simplement apeuré à l'idée de ne pas faire ce qu'il fallait, de mettre Derek dans une position inconfortable ou non désirée par celui-ci. Parce qu'il tenait à lui. Ce constat si simple fit gonfler le cœur du loup qui se détendit instantanément. Il se tourna alors un peu mieux vers le jeune homme qui attendait vraisemblablement une réponse de sa part, quelle qu'elle soit. Il était un peu tendu, comme en témoignaient les muscles de sa cuisse sous la main du loup.

Alors Derek choisit d'être honnête.

- Tu veux savoir ce que je veux ?

Stiles hocha la tête et continua de le regarder. Il était comme suspendu à ses lèvres dans l'attente d'une réponse. Son regard était plein d'espoir et de peur entremêlés. Derek attrapa la main de Stiles qui était posée sur la sienne et entrelaça leurs doigts avec douceur.

- Je te veux toi, c'est aussi simple que ça.

Il se pencha alors comme il le put et embrassa délicatement Stiles avant de se reculer et de poser une main sur sa joue. Elle était douce, en comparaison de ses mains à lui, caleuses. Il ne put alors s'empêcher de la caresser, comme pour imprimer cette douceur dans sa mémoire. Et il se perdit dans ces yeux. Ces deux orbes miel tachetées d'or selon la luminosité. Parfois, le miel devenait whisky, le whisky virait noisette avant de redevenir miel. Les yeux de Stiles étaient si fascinants qu'il pourrait les regarder durant des heures. Il aimait voir toutes ces émotions les animer. Son regard était transparent, laissait passer tout ce qu'il ressentait.

Il était vivant.

Derek eut alors besoin de plus. Sans prévenir, il se recula et sortit de la voiture avant d'ouvrir la portière côté passager. Stiles sortit à son tour sans que Derek le lui demande et se jeta dans ses bras. Sans attendre, le loup l'encercla de ses bras et le serra fort contre lui. Le nez dans ses cheveux châtains, il lui dit doucement :

- Tout ce qui compte pour moi, c'est qu'on continue d'avoir ce quelque chose. Le laisse, je te laisse gérer.

Stiles posa sa tête sur l'épaule solide de son loup et ses doigts se resserrèrent sur son haut qui le moulait si bien. La chaleur qu'il dégageait était si envoûtante que l'hyperactif se fit la réflexion qu'il pourrait passer sa vie dans ses bras. Les étreintes de Derek étaient un régal tant elles lui convenaient. Cet homme qui prenait soin de lui depuis plusieurs semaines le faisait se sentir si bien qu'il avait toujours envie d'être plus honnête avec lui. Il ne voulait rien lui cacher, ressentait toujours ce besoin de lui dire ce qui n'allait pas.

- Je sais pas, je... J'aimerais qu'on soit ensemble, mais...

Je ne veux pas être un fardeau. Parce que Stiles n'était pas bête non plus : il n'était pas vraiment un cadeau et son silence l'avait brisé au point de détruire beaucoup de choses en lui. Peut-être que certaines se répareraient d'elles-mêmes comme d'autres resteraient irrémédiablement en morceaux.

- ... Mais il y a des choses pour lesquelles je ne suis pas prêt et tu le sais, termina-t-il un peu fébrilement. Ces choses... Je ne sais pas si je pourrai te les donner un jour.

L'étreinte de Derek se raffermit sur lui. Sans être un lycanthrope, Stiles sentit tout de même l'odeur de l'homme l'entourer, se répandre partout. Un agréable frisson le parcourut et il ferma les yeux. C'était fou comme il était facile pour lui de s'abandonner dans les bras de ce loup.

- Tu sais bien que je m'en fiche de ça. On a le temps. Ne précipite pas les choses.

Sa voix était rauque mais ne perdait pas cette douceur qui faisait chavirer l'adolescent.

- Je précipite pas les choses, je suis prévoyant, grommela-t-il, pour la forme, sans lâcher le loup.

Il y eut un bruit inédit. Un bruit qui réchauffa Stiles dans son entièreté et le fit ouvrir les yeux d'un seul coup. Il releva rapidement la tête et découvrit avec stupeur le visage rayonnant de Derek qui riait.

Il riait.

C'était petit, à peine plus qu'un soufflement de nez. Derek n'était pas du genre à s'esclaffer sans retenue. Son rire était discret mais pour Stiles, c'était lumineux, solaire. C'était le son qui parvenait à ses oreilles aussi fort que le concert d'un orchestre. Parce que ça ne lui arrivait jamais de cette façon.

Et de source sûre, Stiles n'avait jamais vu Derek si détendu.

Peut-être que malgré tout, leur histoire pourrait marcher, que Stiles soit abîmé ou non. Si les deux parties le voulaient vraiment, ça irait.

xxx

- Tu m'as manqué tonton Stiles ! S'exclama Amelia lorsque Derek passa la porte, en compagnie du concerné.

L'hyperactif s'apprêtait à répondre que c'était réciproque mais il n'en eut pas l'occasion. Pour la première fois depuis qu'elle était là, la petite fut vive, imprévisible et surtout, très démonstrative puisqu'elle se jeta littéralement dans les bras de l'adolescent. Pris de court, celui-ci mit un peu de temps avant de s'accroupir pour se mettre réellement à sa hauteur. Elle passa alors ses bras autour de son cou et il eut un instant interdit durant lequel il sembla hésiter. Puis, timidement, il l'encercla dans une étreinte incertaine qui sembla toutefois la ravir. Derek un peu en retrait, regarda tendrement son homme qui câlinait fébrilement cette petite orpheline adorable. Il esquissa un petit sourire.

- Toi aussi tu m'as manqué, princesse, lâcha Stiles d'un air plus assuré qu'il ne l'était réellement.

Une vague de chaleur traversa le corps du loup. Derek avait entièrement confiance en l'hyperactif et c'était d'autant plus vrai maintenant qu'il le voyait en action, serrant délicatement la petite fille dans ses bras. Stiles n'avait pas à avoir peur de ce qu'il pourrait potentiellement faire, parce que ça n'arriverait pas.

Il remontait doucement la pente, progressait à son rythme. Et Derek était fier de lui. Ce n'était pas fini, il le savait, mais pour lui, peu, c'était déjà beaucoup.

Alors, c'est avec une joie retenue mais non feinte qu'il rejoignit les deux êtres adorables qui lui faisaient face pour les étreindre ensemble à son tour.

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