Chapitre 21
- Et si tu nous expliquais ton comportement de merde ? Commença Isaac en croisant les bras sur son torse.
- Je pense qu'on a effectivement besoin d'explications, renchérit Lydia, un air réprobateur collé au visage.
Jackson et Liam, eux, restaient silencieux, mais pas pour les mêmes raisons. Le premier restait sur ses gardes, au cas-où que son idiot d'alpha pète à nouveau les plombs tandis que le second était simplement désemparé. C'était non seulement le plus jeune du groupe, mais aussi et surtout un loup depuis pas si longtemps que ça. Sans oublier qu'il vouait une admiration sans borne à ce latino qui ne manquait pas de courage, jamais : il était toujours là pour aider, sans cesse prêt à se sacrifier pour aider ceux qu'il aimait.
Mais il avait terrorisé son propre meilleur ami et avait laissé son loup agir à sa place.
Tout le monde se souvenait de l'attitude de Stiles, complètement perdu, confus, en pleurs. Et personne, à part Scott, ne l'avait jamais vu pleurer auparavant. Pour Lydia qui le connaissait depuis bien longtemps, Stiles était une machine à sourire, distributrice de joie et de bonne humeur. Stiles avait une bonté sans borne et savait toujours quoi dire pour aider les autres, même s'il était maladroit. Là, l'hyperactif leur était apparu complètement défait, désemparé.
Il y avait beaucoup de choses qui n'allaient pas avec lui et une grosse partie de la meute le savait : Stiles avait multiplié les absences en cours ces derniers temps et tout le monde l'avait remarqué. Même certains professeurs commençaient à se poser des questions. Lors de la soirée meute de la fois dernière, l'on avait bien sûr trouvé étonnant de savoir que Stiles était le premier déjà sur les lieux, avec Peter, Isaac et Derek. Derek. Scott l'avait mentionné et avait sous-entendu à plusieurs reprises qu'il aurait commis quelque chose d'impardonnable envers Stiles. Sauf que lorsque les trois loups et la banshee l'avaient vu arriver, le Hale avait semblé plus inquiet qu'autre chose et la manière dont il avait pris Stiles dans ses bras... Définitivement, il ne lui voulait pas de mal, surtout que Lydia avait parfaitement remarqué la manière dont l'hyperactif s'était totalement laissé faire. Le loup était le seul dont il avait accepté le contact.
Les voilà donc tous retranchés chez Scott, parce qu'ils avaient refusé d'aller en cours tant que cette situation n'aurait pas été réglée. Merde, même Jackson Whittemore se sentait concerné, parce qu'il avait intercepté Scott et qu'il avait dévié son attention, rien que pour permettre à Stiles de souffler et aux autres de l'aider. Parce qu'il avait également bien vu l'effet de l'aura d'alpha de McCall sur Lahey et Dumbar. Et que l'affolement du cœur de Stiles, son odeur de peur insupportable l'avait sauvé de la paralysie de son propre alpha. C'était à ça qu'il s'était raccroché pour ne pas céder à Scott.
Voilà maintenant que ce dernier était avachi sur son canapé, l'air complètement absent, entouré de ses amis. Il n'avait pas décroché un mot depuis sa prise de conscience, bien trop brutale. Il se revoyait en train de presque menacer Stiles. Il entendait seulement maintenant les tremblements du corps de Stiles alors même qu'il n'était plus là.
- J'ai déconné, dit-il seulement, la voix rauque.
- Le mot est faible, se moqua presque Jackson.
- Peux-tu enfin nous expliquer ? S'impatienta Lydia, à qui la constatation ne suffisait pas.
Scott ferma les yeux et soupira longuement, très peu sûr de lui. Il savait par avance qu'il tairait certaines informations parce qu'il ne se sentait pas capable de dire les choses crûment, pas alors qu'il peinait à réaliser l'ampleur de l'horreur de ce qui était arrivé à Stiles.
- J'arrive pas à l'accepter, lâcha-t-il après avoir hésité.
- De quoi, l'odeur de Derek ? S'enquit Isaac.
Scott secoua la tête. Bien qu'il n'arrive effectivement pas à accepter certaines choses, il savait qu'il était pris au piège et que s'il voulait pouvoir sortir de cette situation, il devait se livrer un peu... Sans pour autant dire les mots. De plus, il s'en voulait, sincèrement. Stiles ne méritait pas ça, bien au contraire. Et, bordel, Scott n'arrivait toujours pas à croire qu'il s'était comporté ainsi avec lui. Il l'avait effrayé au point qu'il en avait fait une crise. D'après Lydia, ce n'était pas une crise de panique, mais autre chose. Une crise d'elle ne savait quoi. Et Scott aurait dû savoir qu'être... Violent – parce que c'était le mot – n'allait pas l'aider, surtout en ce moment. Il était fragile émotionnellement.
Scott en vint à la conclusion qu'en plus de faire des raccourcis trop énormes pour être vrais, il avait laissé son loup prendre le dessus.
Quel monstre.
Et pourtant, il sentit une main se poser sur son épaule et la serrer doucement, comme pour lui montrer son soutien. Sans même tourner la tête, il reconnut l'odeur de Liam. Et ça lui donna le courage de commencer à se livrer.
- J'ai récemment appris quelque chose sur Stiles, quelque chose que je n'arrive toujours pas accepter, avoua-t-il, mesurant ses mots. Derek l'a appris en même temps que moi. Je lui faisais confiance et je... Je sais pas. Ce matin, quand j'ai senti son odeur aussi forte sur Stiles, j'ai... J'ai cru qu'il lui avait fait quelque chose et j'ai vrillé.
La voix de l'alpha commençait à trembler, tout autant que ses mains et c'est là que l'on comprit que Scott n'allait pas bien. Pas bien du tout. Il avait fait comme Stiles, s'était muré dans le silence et explosait au moment où il ne le fallait vraiment pas. Le loup-garou mit une main devant ses yeux, cachant les larmes qui commençaient à poindre.
- J'me suis jamais rendu compte de rien. C'est mon frère, ça l'a toujours été et... Et j'ai rien vu, putain... Rien !
- Calme-toi, lui enjoignit Lydia en s'accroupissant devant lui, posant ses mains sur ses genoux.
- Mais Lydia, c'est mon frère ! S'emporta Scott avant de redescendre brutalement. Et il m'a caché ça... J'ai jamais rien vu, jamais rien su...
- Qu'est-ce qu'il t'a caché ? S'enquit doucement Liam en pressant son épaule, encore une fois.
Scott secoua la tête et garda la tête baissée, la main sur ses yeux.
- J'peux pas vous le dire, il sait même pas que je le sais, soupira-t-il. Je veux... Je veux juste pas qu'on le fasse à nouveau souffrir, pas après ce qu'il a vécu.
Sa voix trahissait tout autant sa douleur personnelle que la colère qui ne le quittait pas depuis qu'il savait.
- Et tu penses vraiment que Derek lui aurait fait du mal ? Demanda rhétoriquement Isaac.
Le bouclé avait longtemps habité avec le loup-garou bourru et mis à part les entraînements qui étaient parfois quelque peu... Violents, Isaac savait que c'était pour son bien. Il devait apprendre à se contrôler et à survivre, surmonter les blessures autant physiques que mentales causées par son défunt père. Mis à part ces petits inconvénients, Derek avait toujours pris soin de lui, comme s'il s'agissait de son propre frère. Et c'était l'impression qu'Isaac gardait au fond de lui. Celle d'un frère. Un peu comme Scott avec Stiles, à la différence qu'une grande zone d'ombre entourait cette histoire. Mais c'était encore trop sensible et c'était pour cette raison que le bouclé avait empêché Lydia d'insister en prenant la parole. Parce qu'Isaac se doutait bien que Scott ne parlait pas des brûlures de cigarettes, chose qu'il avait appris des Hale en venant à l'avance à la soirée de meute. Le blondinet était persuadé que ce qu'avait appris son alpha allait plus loin que ça, et ça le tendait d'avance. Il aimait beaucoup Stiles, c'était quelqu'un d'adorable même s'il était un peu fou sur les bords et que son hyperactivité était parfois fatigante au possible. Ça restait quelqu'un de fiable et de loyal, sur qui l'on pouvait toujours compter.
Voyant que Scott ne répondait pas, Isaac soupira et se décida à lâcher une certaine information qu'aucun de ses amis présents n'avait :
- Tu sais Scott, le matin de la soirée meute, j'ai croisé Peter à une supérette. Je te passerai les détails sur la manière dont je me suis retrouvé à porter tous ses sacs de courses. Quand on est rentrés, Stiles était sur le canapé, avec Derek.
Il s'avança et l'obligea à le regarder. Ses yeux embués de larmes ne firent que confirmer à Isaac qu'il avait raison de raconter cette anecdote. Scott était terrifié, à sa manière et il avait besoin d'être rassuré. Son inquiétude pour Stiles était réelle et la relation fraternelle qu'il entretenait avec lui, couplée à ce qu'il disait avoir appris récemment rendait presque sa réaction compréhensible. Presque. En fait, Scott était perdu et gérait ça comme il pouvait. Cette fois, Stiles n'était pas là pour l'épauler, puisqu'il n'allait lui-même pas bien du tout.
- Stiles dormait dans ses bras, continua le loup bouclé avant de rire doucement, et Derek nous a grondé dessus pour qu'on ne fasse pas de bruit. Il avait peur qu'on le réveille.
Lydia haussa un sourcil, pas mécontente pour un sou d'obtenir cette information. Jackson n'en avait cure et Liam continuait de fixer Scott, attendant sa réaction. L'alpha garda un visage fermé mais semblait attentif.
- Derek tient aussi à lui, tu sais, continua Isaac. Si tu veux mon avis, s'il y a bien quelqu'un à qui tu peux faire confiance, c'est bien lui.
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- Je vous déconseille de faire du bruit, les informa Peter en ouvrant la porte aussi doucement que possible.
Lydia et Isaac haussèrent un sourcil mais obtempérèrent. Les deux amis, bien après l'explication bancale de Scott laissé aux soins approximatifs et magnifiquement maladroits de Liam, avaient décidé de rendre visite à Stiles tandis que Jackson était retourné en cours. Le jeune homme ne cessait de les inquiéter ces derniers temps et l'épisode qui avait eu lieu en début de matinée n'était pas pour les rassurer.
Isaac remercia doucement Peter et celui-ci lui fit un sourire étrange sans cesser de le fixer. Lydia, désireuse de ne pas attendre plus longtemps, prit son ami par le bras et s'avança, dépassant Peter. Elle aussi avait besoin de voir Stiles. Et Isaac eut presque une impression de déjà vu en pénétrant dans le salon et en voyant les deux silhouettes sur le canapé, étroitement entrelacées. Il eut un sourire et ne vit pas le regard envieux de Peter, toujours posé sur lui.
- Venez dans la cuisine, il vaut mieux éviter de les réveiller, leur chuchota l'oncle en se rapprochant.
Lydia mit du temps à hocher la tête, perdue dans la contemplation des deux endormis. Ils étaient en cuillère et Derek serrait Stiles contre lui, formant littéralement un cocon protecteur. A cela s'ajoutaient leurs jambes entrelacées, leurs cheveux en bataille et cet air on ne peut plus détendu qui faisait plaisir à voir. Derek ne l'était jamais, du moins pas à sa connaissance alors le voir ainsi le faisait paraître plus jeune. Et Stiles... Lydia aimait voir qu'il dormait bien et semblait apprécier l'étreinte de Derek. Elle se souvenait parfaitement des pleurs et des tremblements du jeune homme, ses cris aussi et elle n'arrivait pas à superposer les deux images. Stiles paraissait si bien, endormi comme il l'était, qu'il était difficile d'imaginer son moment de faiblesse précédent. En tout cas, il y avait une sacrée différence entre le Stiles qu'elle connaissait et celui de la matinée. Et ça lui tordait le ventre.
La seule chose qu'elle trouvait positive et rassurante dans cette situation, c'était de constater que Derek prenait soin de Stiles, comme l'avait dit Isaac. Nul doute qu'il l'avait calmé avant de s'endormir à ses côtés, sur ce canapé un peu étroit mais suffisant pour deux personnes collées l'une contre l'autre. La crise du jeune homme hantait la banshee.
Dans la cuisine se trouvait une petite tête toute mignonne qui mangeait une tartine de Nutella sans doute un peu trop grande pour elle et son petit estomac. Néanmoins, ce fait ne semblait pas déranger le moins du monde la petite Amelia qui croquait dans le pain tout en regardant de ses grands yeux noisette les deux nouveaux arrivants qui accompagnaient Peter. Elle était curieuse mais ne dit rien. Lydia la salua chaleureusement, lui faisant un petit câlin et Isaac se contenta de la regarder et de lui dire vaguement bonjour. La dernière fois, il ne l'avait pas remarqué, mais ses yeux ressemblaient un peu à ceux de Stiles, du moins pour la couleur. Peter les invita à s'asseoir tandis qu'il prit place à côté de la petite. Ses yeux bleus se posèrent sur la tartine trop grande et trop fournie de la petite.
- Fais attention à ne pas en mettre partout, lui dit-il d'un ton sérieux. Je m'occupe de toi parce que les deux autres idiots dorment mais je tiens à ne pas rajouter le ménage à mes corvées.
Amelia hocha la tête tout en mâchant son petit-déjeuner et Isaac ne manqua pas le regard presque rieur de Peter. Il faisait l'insensible mais l'on voyait bien qu'une présence plus jeune au loft lui faisait du bien. Ça bouleversait son petit traintrain quotidien.
Lorsque la petite eut terminé, elle s'en alla naturellement faire sa toilette à l'étage avant de partir lire dans sa chambre, ce qui étonna Lydia et Isaac. Peter leur expliqua qu'Amelia savait être une gamine surprenante quand elle le voulait. Il la soupçonnait même d'être en avance sur son âge.
Le regard éternellement inquiet de Lydia fit rapidement dériver la discussion sur Stiles et Isaac raconta au loup psychopathe l'épisode de la matinée, qu'il écouta étonnamment religieusement. Il se fit plaisir en termes de commentaires, critiquant ouvertement Scott sans toutefois être méchant et ne fut pas le moins du monde surpris de l'arrivée rapide de Derek. Lydia exposa alors ses inquiétudes mais pas ses suppositions, n'ayant pas encore assez confiance en Peter pour cela. Ce dernier, presque touché par ces confessions, consentit à les informer du fait que Derek et Stiles étaient plus proches qu'ils ne le pensaient. Il leur apprit également qu'il leur arrivait, de temps en temps, de faire quelques petites siestes en journée car leurs nuits n'étaient pas des plus reposantes. Peter ne comptait pas le nombre de fois où il entendait Stiles se réveiller, paniqué et où il avait entendu Derek le rassurer. Il grimaça en se rappelant de cette mièvrerie.
Les trois êtres surnaturels continuèrent de discuter un moment et finirent par s'en aller, poussés par Peter qui leur enjoignit fortement d'aller en cours. Isaac informa toutefois le loup, avant de partir, qu'il repasserait amener les cours à Stiles.
Ils s'en allèrent donc en catimini, pour ne pas réveiller les deux endormis.
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- Tu penses que je suis une bonne personne ? S'enquit Stiles en revenant de la chambre d'Amelia, qu'il venait de coucher.
Derek leva un regard dubitatif sur Stiles, perplexe quant à cette question. Il était déjà confortablement installé dans le lit et n'attendait qu'une chose : que l'hyperactif le rejoigne. Sa présence dans son lit était devenue plus que familière et le coucher était en train de devenir son moment préféré de la journée. Parce que dans ces moments-là, Stiles se déshabillait, ne gardant que son t-shirt et son boxer et venait se glisser sous les draps, à ses côtés. Sa présence était réconfortante alors même qu'il était sans doute le plus torturé des deux en ce moment. Le jeune homme gardait ce côté stabilisant, rassurant qui apaisait sans s'en rendre compte le loup en Derek. Car malgré les déboires de la matinée de la veille et l'état émotionnel instable du jeune homme, c'était ce petit quelque chose en lui qui gardait l'animal de Derek particulièrement calme. Autrement, Derek aurait déjà déboulé chez Scott pour lui refaire le portrait. Il en avait eu envie mais s'était abstenu, Stiles avait accaparé toute son attention. Il n'avait pas fait exprès, simplement... Le loup en l'humain avait ses priorités. Et Stiles en était une. La principale.
- Bien sûr que t'es une bonne personne, lui répondit-il en fronçant les sourcils.
Stiles sembla douter de la réponse du lycan puisque ses yeux étaient fuyants et qu'il se mordait la lèvre inférieure. Derek avait également remarqué qu'après leur réveil en fin de matinée et tout le reste de la journée, Stiles avait presque évité Amelia. Il s'en était occupé lorsqu'il le fallait mais avait fait le strict nécessaire, comme la nourrir le midi, le soir et la coucher. Il avait bien demandé à Peter de s'occuper de mettre la petite au lit mais ce dernier avait refusé et Stiles n'avait pas pu négocier. Derek se demanda alors si son comportement avec la fillette avait un lien avec sa question et il ne put s'empêcher d'en conclure que oui, c'était sans doute le cas. Il observa longuement l'hyperactif qui mettait un temps fou à se déshabiller. Là, il commençait à peine à retirer ses chaussettes et son pantalon, comme s'il retardait le moment d'aller dormir.
- Moi j'en suis pas sûr, rétorqua finalement l'adolescent après une bonne minute d'un silence pesant.
Derek fronça d'autant plus les sourcils. Enfin, Stiles enleva sa veste et posa le tout sur la chaise près du petit bureau dans un coin de la chambre. Encore une fois, il gardait son t-shirt et Derek voyait toujours les bandages ornant ses bras. Il se fit la réflexion qu'au vu de la manière dont guérissaient ses blessures, l'adolescent pourrait arrêter d'en mettre d'ici peu de temps. Actuellement, s'il lui refaisait toujours bandages et pansements, c'était surtout pour son confort personnel. En soi, il n'en avait plus vraiment besoin, mais sa peau était encore un peu trop sensible là où il avait été brûlé. Les sensations de frottement gênaient Stiles, mais il allait falloir qu'il s'habitue à cela, sachant que l'inconfort diminuerait encore au fil des jours, jusqu'à disparaître.
Stiles finit par se glisser sous les draps, aux côtés de Derek. En y repensant, Stiles n'avait pas reparlé de l'incident de la matinée après leur petite discussion puis leur séance de câlin, suivie de leur sieste bien méritée. Il n'y avait refait allusion à aucun moment, comme si ça ne s'était jamais passé. C'était sans doute sa manière à lui de digérer les choses et Derek espérait juste que ça ne cachait rien. Très vite, alors que Stiles s'installait contre son lycan, la main de ce dernier s'égara distraitement dans les cheveux châtains. Il ne disait rien, attendant que le plus jeune exprime sa pensée.
- Je veux pas faire de mal à Amelia, finit par avouer Stiles, sans regarder Derek.
Cette simple phrase suffit à faire comprendre au loup qu'il avait vu juste.
- Et tu ne lui en feras pas, lui répondit-il simplement, complètement convaincu.
Stiles n'était pas quelqu'un de mauvais et ça, Derek le savait. Ses attitudes, ses mots, ses inquiétudes... Tout hurlait la sincérité. Le loup décela la peur dans l'odeur de l'adolescent qui se décrispa progressivement, se laissant doucement aller contre lui, sa tête sur son épaule forte. Ce n'était pas la même terreur que ce matin, ça, Derek en était certain.
- T'en sais rien, rétorqua Stiles.
L'adolescent avait commencé à s'interroger sur ce sujet seulement après leur réveil. Le pire était qu'il s'en voulait de ne pas y avoir pensé avant. Stiles était cassé et il avait sous sa responsabilité une enfant, à peine plus jeune que lui lorsqu'il avait subi l'impensable. Et il se rendait compte que ça le terrorisait. Parce qu'étant hyperactif, il avait beau agir de manière plus calme en ce moment, son cerveau tournait toujours à plein régime et faisait parfois surgir des questions au grand jour. Des questions qu'il ne devrait pas se poser, mais c'était trop tard. Maintenant que c'était là, Stiles était obligé de faire avec.
Derek continua de froncer les sourcils en regardant l'hyperactif, comme autrefois. Pour le coup, il ne comprenait pas vraiment où il voulait en venir, mais nul doute qu'il le saurait bientôt. Connaissant Stiles, il était clair qu'il avait envie de lui parler, de lui faire part de ce qu'il ressentait. A force, il commençait à avoir l'habitude et ce n'était pas pour lui déplaire car après tout, il encourageait toujours l'adolescent à lui parler. Derek savait mieux que quiconque à quel point le silence pouvait être destructeur.
- Je te connais, dit-il simplement, comme si c'était une évidence.
- Moi aussi, je pensais connaître le meilleur ami de mon père, rétorqua Stiles, amer. Avant ça, c'était comme un oncle pour moi, ma famille.
Et Derek commença à toucher du doigt la vérité, ce que Stiles voulait dire sans employer de mots crus, sans énoncer les choses simplement, telles qu'elles l'étaient : comme au tout début de cette histoire, Stiles distillait quelques indices par-ci par-là, dans la moindre de ses paroles. Parce que l'adolescent n'était pas toujours capable de parler directement. Parfois, il se préparait le terrain ou bien quémandait de l'aide pour se confier. Pour le coup, il s'agissait de la première option.
- Tu veux dire... Que tu as peur de lui faire ce qu'on t'a fait ?
L'hypothèse hérissait les poils de Derek qui, même après formulée à voix haute, n'y croyait pas plus pour autant. Il se recula un peu brusquement, éloignant Stiles de lui. Il le regarda, effaré en voyant que l'adolescent ne répondait pas... Sciemment. Il l'avait entendu, parfaitement entendu. Il choisissait juste de ne pas parler, car il trouvait ça inutile : pour lui, la réponse était évidente. C'était pour ça, qu'il refusait toujours autant de regarder Derek dans les yeux et qu'il avait été un peu moins proche que lui que d'ordinaire.
- Stiles, t'es pas sérieux ?
Nouveau silence de la part de l'adolescent, parfaitement démonstratif de ce qu'il pensait. La seule variable fut son corps, à nouveau crispé. Celui de Derek se tendit également.
- Tu sais, fit Stiles d'un air absent, parfois, tu reproduis des choses que tu n'aurais jamais imaginé faire, pour la simple et bonne raison qu'elles se sont passées durant l'enfance, quand tu étais petit, que tu te construisais.
Le cœur de Derek rata plusieurs battements. Il savait que Stiles était brisé, mais n'imaginait pas qu'il l'était au point de douter de lui-même de cette manière. Au point de croire qu'il pouvait être ce monstre-là. Un être capable de perpétrer ce qu'on lui avait fait subir non pas parce qu'il en avait envie, plutôt parce qu'il s'agissait d'un schéma malsain qui avait, semble-t-il, duré. Et parce que Stiles avait tant souffert et avait été si peu aidé par son propre père qu'il n'avait plus vraiment confiance en lui. Qu'il pouvait être devenu monstrueux et n'en savait absolument rien.
Mais ça, Derek n'y croyait pas une seule seconde.
- Stiles, lui dit-il d'un ton plutôt ferme, tu n'es pas comme ça.
- Vivement que Meadow revienne la chercher, finit par lâcher Stiles d'une voix douloureuse en changeant à moitié de sujet.
Stiles ne regardait toujours pas Derek. Ce dernier ne pouvait détacher ses yeux de cet adolescent cassé, abîmé au point de penser être autre chose que ce qu'il était réellement. Quelle mouche l'avait piqué pour qu'il pense à cela ? Derek comprit cependant qu'en ce moment, trop de choses rappelaient à Stiles ce qu'il avait vécu et qu'il avait, très souvent, peu de temps pour se remettre de ce qui lui arrivait. En fait, l'adolescent était doucement en train de sombrer et leurs moments à deux étaient, semble-t-il, les seules choses capables de réellement lui vider la tête. C'était son répit à lui. Cependant, ses démons le hantaient, son passé le rattrapait et les évènements négatifs se multipliaient.
Stiles n'avait plus le temps de se reposer, de continuer à vivre son adolescence comme n'importe qui d'autre. Celui que l'on avait laissé pourrir enfant était en train, lentement, de perdre pied, se raccrochant à ce qu'il pouvait avec plus ou moins de succès.
Conscient de tout cela, Derek sut qu'il ne devait rien dire, pour l'instant. Il éteignit la lumière et prit Stiles dans ses bras, le serrant fort contre lui alors qu'il sentait une amertume particulièrement piquante parfumer l'odeur de Stiles.
Il pleurait sans un bruit, mais Derek savait. Il prit néanmoins sur lui, mis ses propres états d'âme de côté et s'arma de patience.
La nuit promettait d'être longue.
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