Chapitre 5
Le soleil s'était couché sur le désert d'Hamza en emportant avec lui un triste et pénible souvenir. Nazir attendait patiemment dans le couloir royal de l'hôpital des nouvelles de l'inconnue. Cela faisait maintenant plus de six heures qu'elle avait être prise en charge par son équipe de médecins personnel. Amadh ne tenait plus en place, conscient que cette affaire allait faire grand bruit si jamais elle tombait dans les mains des journalistes.
Hizhrah n'était pas accoutumé à avoir sur ses terres des étrangers depuis la trahison de l'ancien souverain. À ce jour, la loi qu'il avait lui-même rédigée ordonnait à tout étranger en possession d'un visa valide de quitter Hizhrah sept jours après leur arrivée et cela concernait essentiellement des personnalités politiques.
L'inconnue n'avait ni visa ni papier d'identité sur elle.
Personne à ce jour ne connaissait réellement son identité ni même les liens qui l'a relié à Finn Dixon. L'unique information qu'ils possédaient c'est qu'elle n'avait pas voulu retourner à New York au point de vouloir y laisser sa vie.
Nazir se leva pour gagner la fenêtre de l'hôpital fraîchement bâti en essayant de résoudre lui-même ce mystère.
La jeune inconnue avait-elle un lien direct avec cet homme ?
Avait-elle été enlevée ?
Est-ce qu'elle ne voyait pas depuis la naissance ou était-ce récent ?
- Tu as demandé un test ADN Amadh ? Lança-t-il en quittant cette torpeur froide qui ne le quittait plus.
- Oui, mais je ne sais pas quand nous allons avoir le résultat, j'aimerai déjà savoir pour quelle raison c'est aussi long.
Nazir demeura impassible, forcé de garder la tête froide envers toutes situations d'urgence même les plus improbables.
- J'aurai dû voir qu'il y avait un problème dans la cellule, ajouta Amadh en se frottant le visage.
Nazir ferma lentement son poing le long de sa hanche, le regard fermé sur l'horizon éclairée par une lune pleine. Il n'éprouvait jamais de regrets mais une part de lui regrettait amèrement de ne pas l'avoir conduite dans l'ancien harem encore habitable et sécurisé. L'idée de savoir qu'elle avait dû être effrayée dans l'obscurité, dans une cage en acier le rendait coupable d'un manque de discernement.
- Nous aurions dû tous le voir et moi le premier, si ma colère ne m'avait pas rendu fou, je l'aurai mise ailleurs mais c'est trop tard, la faute est commise. Le principal désormais c'est de savoir son état de santé et de trouver son identité avant de la ramener à son pays. Elle doit bien avoir une famille, des amis qui s'inquiètent pour elle.
- Vous pensez à un enlèvement ? Demanda Amadh inquiet.
Nazir se détourna de la fenêtre pour l'affliger d'un regard qui en disait long sur l'acheminement de ses pensées.
- Elle a dit je ne veux pas y retourner, ce qui me laisse croire que c'est peut-être le cas. Cet impétueux avide de pouvoir a très bien pu l'enlever et sa présence ici m'indique qu'il la emmené ici afin qu'elle fasse ce que j'ai redouté en la voyant et l'attitude de Dixon quand j'ai refusé qu'elle nous suive. Ce qui m'indique qu'il voulait qu'elle joue un rôle dans cette négociation...de gré ou de force.
Amadh se recula contre le dossier de la chaise, l'air intimidé. Nazir ne mesurait jamais l'impact de sa voix quand celle-ci transpirait de rage et de colère mêlées.
- Pardon mon ami, dit-il simplement en guettant la porte qui venait de s'ouvrir sur son médecin personnel Jamad Maha.
L'expression grave, il s'avança vers eux et la mine extrêmement sombre qu'il arborait n'était pas le présage de bonnes nouvelles.
- Je crois que l'on ferait mieux d'aller dans mon bureau votre Altesse, déclara-t-il sur un ton qui n'avait plus rien de professionnel.
Nazir le suivit avec Amadh à ses côtés. Jamad Maha était connu pour sa bonne humeur et sa volonté suprême de sauver des vies en transmettant son savoir à la prochaine génération. Aujourd'hui la bonne humeur de Jamad n'était plus là, ni même le sourire qu'il aimait afficher même devant sa froideur personnelle qu'il connaissait bien.
- N'essayez pas de peser vos mots docteur Maha, n'essayez pas d'épargner la vérité car je la présume inquiétante à en juger votre expression.
- En dix ans de médecine je n'avais jamais été encore témoin d'un tel déchaînement de violence inouïe sur une femme. Pas même durant la guerre qui vous a opposé à l'ancien roi.
Aucun des trois hommes avait pris la peine de s'asseoir. Nazir gardait encore un souvenir limpide de cette guerre. On l'a surnommé la guerre éclaire car elle avait durée qu'un mois après l'écrasante défaite du camp adverse.
Sa plus grande réputation de chef de guerre impitoyable il la tenait à ce moment où il avait ordonné la protection des femmes et enfants que son père avait injustement utilisé comme boucliers humains.
- Cette jeune femme a été violenté cela ne fait aucun doute.
- Une femme battue par son petit-ami c'est ça ? C'est pour cette raison qu'elle ne voulait pas y retourner ? Demanda Amadh.
Jamad Maha secoua tristement de la tête, l'expression presque douloureuse.
- À ce stade là, on parle plutôt de torture, lâcha-t-il en osant à peine le regarder.
Nazir ne le quitta pas du regard, conscient qu'il devait garder cet air impassible le plus longtemps possible pour ne pas laisser la moindre émotion l'envahir.
Seulement la suite n'allait pas lui permettre de contrôler la peine qu'il allait inévitablement ressentir.
- Elle a de multiples fractures au niveau des côtes et de la cage thoracique. Le scanner a révélé des fractures antérieures à celles d'aujourd'hui ce qui me laisse aisément penser qu'elle vit cela depuis un bon moment. Elle présente aussi les hématomes d'une forte intensité sur le corps ainsi que deux brûlures au niveau des épaules comme si...
Jamad s'interrompit en osant à peine terminer sa phrase.
- Comme si quoi ? S'enquit Nazir sur un ton impérieux.
- Com...comme si on avait délibérément écraser quelque chose sur elle, une cigarette probablement.
Amadh s'enfonça alors dans la foi, récitant un morceau de prière avec l'espoir que cela apaise ce qu'il venait d'entendre. Nazir lui, éprouvait ce qu'il avait tenté de refoulé. Une peine écrasante et une effroyable culpabilité.
- Et...ses yeux, qu'en est-il de ses yeux ?
Cette fois-ci, Jamad Maha se laissa tomber dans son fauteuil en silence.
- Nous avons retrouvé des substances chimiques sur les tissus de sa gorge, les mêmes composants qui résident dans une bombe lacrymogène. Je peux vous affirmer avec certitude qu'elle en a été victime et je dirais à de multiples reprises.
Nazir aurait préféré qu'il se taise car plus il s'enfonçait dans l'explication plus ce récit devenait glaçant et insupportable à entendre.
- Sa vision a été gravement affecté mais par miracle, nous avons agis à temps. Il faut impérativement qu'elle garde le bandage sur ses yeux pendant plusieurs jours. Il faut qu'elle repose ses yeux le plus longtemps possible. Il faudra que son bandage soit refait tous les jours avec des soins.
- Donc elle va pouvoir revoir ? Insista-t-il d'une voix plus dure qu'il l'aurait voulu.
- Oui, je suis très confiant, affirma le médecin sur un ton toujours épris d'une grande peine. Je lui ai administré un calmant afin qu'elle dorme. Il faut qu'elle dorme, qu'elle ne souffre pas.
Il marqua une pause en plongeant son regard dans le vague.
- Car à son réveil, ça sera terrible pour elle, poursuivit-il en les regardant tour à tour. Je n'ose à peine imaginer la peur qu'elle va ressentir.
Nazir mesurait l'importance de ces mots prononcés avec inquiétudes.
Cette jeune inconnue dont l'identité n'était pas encore connu avait vécu un terrible enfer que même l'impitoyable chef de guerre qu'il était ne pourrait envisager de faire sur une femme même si elle représentait le mal.
Il fallait à tout prix réfléchir et vite. Maintenant, il était hors de question de la renvoyer à New York sans avoir d'autres informations sur elle et sa potentielle famille. Le problème c'est qu'elle allait se réveiller entouré de personnes qui l'avaient retenu prisonnière. Nazir avait encore un souvenir très précis de la peur qu'elle avait ressentie à son contact.
- Qu'allons-nous faire ? Demanda Amadh qui se posait sans doute les mêmes questions que lui.
- Il faut attendre les preuves ADN afin de connaître son identité. Si elle a été enlevé alors il faudra faire éclater l'affaire et la rendre à sa famille, répondit-il sur un ton impérieux qui l'aidait à refouler ses émotions.
Cependant il était confronté à une terrible question qui le hantait depuis une minute entière.
- Est-ce qu'elle a été abusée ? Lâcha-t-il en priant pour qu'il ne rajoute pas de l'horreur à l'horreur.
- Elle a des blessures dans l'intérieur des cuisses mais les examens n'ont pas révélé de preuves d'une agression sexuelle, néanmoins je ne peux vous garantir que ça n'a pas été fait dans le passé.
Nazir inspira bruyamment et quitta le bureau en claquant la porte. Il fallait qu'il marche, qu'il sorte d'ici pour cracher sa colère hors de cet endroit. La culpabilité qu'il ressentait était à son paroxysme avant que celle-ci ne se transforme en une émotion particulièrement sombre qui l'obligea à se stopper en face de cette porte qui renfermait cette jeune femme.
Il ouvrit la porte et trouva une chambre plongée dans le noir. Seule une petite lumière éclairait le lit. Il s'approcha vers cette silhouette frêle en fixant avec un rictus aux lèvres le bandage sur ses yeux.
Quand il fut à hauteur du lit, ce qu'il vit lui fit fermer le poing.
Elle tremblait même dans son sommeil, ses lèvres encore abîmées par la soif étaient serrées de douleur. Nazir sentit alors derrière son keffieh les traits durs de son visage se creuser de tristesse. Il réalisa sur l'instant qu'il ne connaissait pas réellement le visage de l'inconnue parce qu'il avait tout simplement oublié de la regarder sans que la rage déforme cruellement la vérité de ses traits qu'il devinait fins et apeurés.
- Que devons-nous faire votre Altesse ? Émit Amadh derrière lui dans un murmure.
- Ce que je sais faire le mieux mon ami, répondit-il d'une voix sombre.
Il ne dirait rien de plus car il était trop tôt pour élaborer les graves décisions qu'il allait devoir prendre.
Pour l'heure il fallait la mettre à l'abris avant qu'une presse trop curieuse s'empare de cette affaire déjà bien assez douloureuse.
- Je veux qu'elle soit rapatriée au palais sur l'heure, ordonna-t-il sans quitter des yeux les petits sursauts apeurés de la jeune femme pourtant endormie.
- Votre Majesté si vous faites ça, si jamais la presse l'apprend ils ne mettrons pas longtemps à laisser entendre que vous retenez une prisonnière étrangère au palais.
Les yeux aiguisés comme ceux d'un prédateur sanguinaire Nazir répondit :
- Alors qu'il en soit ainsi...
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