Chapitre 46
Plusieurs heures venaient de s'écouler et Kate dormait toujours. Le médecin avait affirmé qu'elle se portait bien et que la blessure à son front n'était pas aussi si grave qu'il le pensait. Nazir avait mis plus d'une heure à se débarrasser du sang qu'il avait sur lui, l'obligeant à rester à l'écart de la jeune femme. Désormais plus présentable, il était assis sur le rebord du lit et surveiller sa respiration, tout en portant quelques fois son poignet à ses lèvres. La rage elle, n'était toujours pas redescendue. Quelque chose en lui était toujours animé par une aura sombre. Tuer Paolo lui avait offert la satisfaction que plus jamais il serait en mesure de lui faire du mal. Seulement Nazir prenait conscience qu'il aurait pu la perdre.
- Votre Majesté, commença Amadh en restant à distance. J'ai établi le rapport, l'annonce de la mort de Paolo Russo a été officiellement annoncé.
- Est-ce que les américains vont être un ennui dont je n'ai pas besoin ? Demanda-t-il sombrement.
- Non, répondit-il aussitôt. J'ai expliqué que Paolo ainsi que les hommes qui l'accompagnaient ont violé la sécurité de nos frontières fermées. Il s'agissait d'une attaque orchestrée qui avait pour but de tuer Kate. Le pire fut quand je leur ai expliqué qu'une enfant avait été prise en captivité.
Amadh marqua une pause puis reprit :
- Ils ont espoir que cette affaire n'affectera pas nos liens, conclut-il.
- Bien, dit Nazir sans quitter des yeux sa femme toujours endormie.
- Elle va bien votre Altesse, tout est fini maintenant.
- Je sais que derrière ce ton serein se cache un peu de dégoût, n'ai-je pas raison ?
- Je ne suis pas sûr de bien comprendre, répondit Nazir légèrement déstabilisé.
Nazir détacha son regard de Kate pour se tourner vers son bras droit, son ami.
- Je me suis conduit comme un animal, je l'ai tué de la pire des manières, j'ai failli à ma promesse de la laisser le confronter.
Amadh s'empressa de secouer la tête en rejetant ce qu'il venait de dire.
- Nous étions ensemble et nous avons entendu ce que ce monstre a dit. Je savais que quoiqu'il puisse arriver, la fin serait sanglante.
Amadh s'approcha doucement, le regard confiant.
- Ce qu'il a dit sur Kate était monstrueux, vous avez fait le bon choix en mettant fin à ce cauchemar, reprit-il. Je ne pense pas que revoir cet homme à l'origine de sa souffrance l'aurait aidé à vaincre ses peurs. Vous avez pris la bonne décision.
- J'ai agi comme un monstre Amadh, murmura-t-il en reportant son regard sur Kate.
- Vous avez agit comme un homme capable de tout pour protéger sa femme. Les horreurs que cet homme a pu dire laissaient entendre le pire. En réalité il nous a projeté la vie de Kate si elle n'avait pas croisé votre chemin. Une vie monstrueuse et cruelle.
Nazir n'arrivait pas à s'ôter de l'esprit le reflet que lui avait renvoyé le miroir et il craignait qu'elle se réveille avec cette image en tête.
- Vous l'avez sauvé, ajouta Amadh.
- Non, tu te trompes mon ami, murmura Nazir en caressant le poignet de la jeune femme. J'ai passé ma vie entière à me battre pour mon pays. Je pensais que je finirai ma vie ainsi Amadh. Je pensais que c'était mon destin de donner ma vie pour mon peuple et que ma place était sur un trône de fer, glacial, inspirant aucune pitié et vide.
Nazir marqua une pause et sentit ses mâchoires se contracter sous la pression de ses muscles.
- J'étais vide de l'intérieur, reprit-il plus bas en dévisageant le visage de Kate. Je ne ressentais plus rien. Mon âme à la noirceur indéniable n'éprouvait plus rien jusqu'à ce que...
Il rompit sa voix gutturale qui s'éraillait d'émotions.
- Jusqu'à ce que je la sorte de cette voiture pour la jeter en prison. À ce moment-là quelque chose s'est passé mais je me suis empressé de l'éteindre pour me concentrer uniquement sur ma vengeance. Malgré mes efforts à vouloir réduire ce sentiment, il n'a jamais cessé de grandir jusqu'à m'envahir entièrement.
Nazir inspira profondément en passant une main dans les cheveux de Kate et déclara avec force :
- À la vérité, c'est elle qui m'a sauvé, articula-t-il d'une voix vibrante.
Les confidences qu'il dressait devant Amadh n'étaient pas un aveu de faiblesse mais d'une force acquise en apprenant à aimer. Grâce à elle, Nazir ressentait enfin des émotions qu'il pensait ne plus jamais ressentir depuis la mort de sa mère.
- Elle m'a sauvé, répéta-t-il encore sans la quitter des yeux.
- Alors dans ce cas, ne regrettez pas ce que vous avez fait pour elle ce soir votre Altesse, déclara Amadh en s'effaçant sur cette note qui ne lui permettait plus de répliquer.
Quand les portes se refermèrent, la jeune femme remua la tête et enfin, ses cils se mirent à papillonner.
- Habibti, chuchota-t-il en caressant sa joue.
Elle sursauta, comme si la réalité venait de la rattraper et c'est avec un geste vif mais délicat qu'il retint cette main qu'elle voulait porter à son front.
- Ne touche pas, tu es légèrement blessée.
- Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante en embrassant la chambre d'un regard inquiet.
- C'est fini ma chérie, tout est fini...
Ses grands yeux verts se mirent à le dévisager alors il se sentit obliger d'argumenter et de lui présenter les fais.
Ce fut long et éprouvant de regarder les larmes couler le long de ses joues pâles. Il craignait qu'elle puisse lui en vouloir de l'avoir empêché d'affronter Paolo, mais il ne regrettait pas d'avoir fait ce choix.
- Je ne regrette pas Kate, ajouta-t-il en saisissant sa main dans la sienne. Il était inconcevable que je le laisse t'approcher.
- Il...il est mort ? Murmura-t-elle comme si elle avait du mal à y croire.
- Oui, lui confirma-t-il en ramenant sa paume de main à sa bouche.
Sa respiration se mit à vaciller comme si elle manquait d'air. Ses yeux se perdirent sur le plafond et une lueur impossible à déchiffrer s'alluma dans ses prunelles.
- Dis-moi n'importe quoi Kate mais je t'en prie parle-moi.
Les larmes aux yeux, Kate fixait le plafond alors que toute sa vie était en train de défiler devant elle. La douleur, l'humiliation, la mort, l'espoir...
Sa respiration devint lourde avant de subitement s'apaiser. C'était comme si un poids lourd venait de disparaître, comme si cette vie de cauchemar s'effaçait lentement.
- Est-ce qu'il...est-ce qu'il a dit quelque chose sur moi ? Demanda-t-elle soudain en arrimant son regard vers le sien.
Bien que le cheikh savait parfaitement comment se montrer impassible, Kate lut dans son regard qu'il s'apprêtait à lui mentir pour l'épargner.
- Je t'en prie Nazir, n'essaye pas de m'épargner.
- Au contraire, à mon humble avis je pense que c'est inutile que tu prennes connaissance de ce que cet homme a pu dire avant que je le tue.
- Je sais très bien ce qu'il a pu dire tu sais, rétorqua Kate en essuyant sa joue.
- Alors pour quelle raison t'infliger ça ? À quoi bon vouloir savoir ce qui est sorti de la bouche de ce psychopathe ?
Il avait raison, ça serait plutôt douloureux que bénéfique pour elle, mais elle n'était pas dupe et les souvenirs commençaient à se raviver. Une image assez précise de Nazir courrait dans sa tête comme un flash. Son visage ensanglanté, l'odeur de rouille, ses mains couvertes de sang.
- Je devine aisément qu'il n'a pas eu une mort sans douleur et je le sais parce que tu étais...
- Il a laissé entendre qu'il allait te vendre à nouveau, la coupa-t-il brutalement, les yeux noirs de colère. Il avait ce sourire lubrique et cette voix excitée. Je lui ai bondi dessus et je l'ai dépecé comme un animal.
Kate retint sa respiration, les yeux rivés sur ses mâchoires carrées qui étaient contractées violemment. Un frisson courut sur son visage alors que la douleur de l'entaille à son front commençait à lui faire mal.
- Est-ce que ça te soulage de le savoir ? Demanda-t-il sombrement.
Kate essaya de se relever mais il pressa ses épaules pour l'en empêcher.
- Je ne peux pas m'empêcher de me dire que si...
Kate déglutit difficilement en fermant brièvement les yeux, incapable d'exprimer la suite.
- Je t'écoute habibti.
- Est-ce c'est mal de se dire que...je ne regrette pas d'avoir souffert dans cette voiture où tu m'as trouvé ? Parce que si je n'étais pas passé par cette souffrance jamais je...
Incapable de continuer elle sanglota.
- Ce n'est pas mal, mais c'est difficile à entendre, admit-il en essuyant la larme qui roulait sur sa joue. J'aurai aimé te rencontrer dans une autre circonstance.
Kate accrocha sa chemise propre comme si elle avait peur qu'il s'en aille.
- En réalité, tu es plus forte que je le pensais, reprit-il les sourcils froncés comme si une douleur le tenaillait. Je t'ai sous-estimé Kate. Après tout ce que tu as vécu, jamais je n'aurai pensé que tu t'en sortes toute seule.
- Je n'étais pas toute seule, tu étais là et il y avait Raya et Amadh.
- Les spécialistes que j'ai consulté m'ont dit qu'il te fallait un suivi et que sans ça, tu allais probablement sombrer dans les abîmes. J'étais persuadé que ça serait le cas mais à la vérité...
Il s'interrompit pour prendre son visage en coupe.
- À la vérité tu es la femme la plus forte que j'ai jamais connue. Tu es mon miracle Kate. Tu m'as sauvé la vie. J'étais mort de l'intérieur et tu as su déceler ce que personne d'autre avant toi n'était parvenu à voir.
- Quoi ?
- Mon cœur, murmura-t-il en pressant sa bouche contre la sienne.
Cet aveu lui comprima le cœur d'une émotion intense.
- Tu m'as demandé si je t'aimais, comment ça pourrait en être autrement ?
Il passa son bras dans son dos pour la surélever et la prendre dans ses bras.
- Je t'aime Kate, murmura-t-il en caressant ses cheveux.
Une nouvelle respiration vit alors le jour. Elle était pure, comme si enfin, elle était libérée de ses chaines. Ses pieds et ses mains liées depuis des années étaient enfin libre. Le plus important de ses combats n'était pas la mort de son frère mais l'homme qui était devant elle. Il était le symbole de sa lutte, de sa peur des hommes.
Il se trompait en laissant entendre qu'elle s'était battue seule car sans lui, jamais elle n'aurait pu songer à livrer bataille.
- Je t'aime aussi, murmura-t-elle en s'accrochant à ses épaules.
Elle avait autrefois appelé la mort et c'est la vie qui était venue à elle.
Et il était maintenant temps de la célébrer...
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