Chapitre 37
Nazir sentait que ses forces à résister étaient en train de céder. Il ressentait un mélange voire un tumulte d'émotions contradictoires le gagner. En lui révélant qu'elle était sa femme, Nazir s'était attendu à tout sauf à une réaction aussi étrange de la part de la jeune femme. Elle n'était même pas préoccupé par le fait d'être sa femme mais plutôt de comment ce mariage allait se finir. En lui révélant ses plans, Nazir avait créé une réaction négative de la jeune femme qui refusait catégoriquement ses choix. Pire que ça...
Elle aurait voulu garder sa place de captive.
Nazir ne s'était jamais senti aussi en colère que lorsqu'elle lui avait dit qu'elle préférait la mort plutôt qu'une liberté retrouvée.
Alors tous ses objectifs qu'il s'était donné pour but d'atteindre s'étaient effondrés comme un château de cartes. Kate ne voulait pas retourner à New York et le suppliait presque de rester ici à tel point qu'elle se disait prête à rester sa femme jusqu'à son dernier soupir.
Le cœur serré mais l'esprit envahi de frustrations, Nazir avait alors senti son cerveau pulser si fort qu'il avait pris une décision qui n'aurait probablement jamais de retour en arrière possible.
Lui, cet homme aux mains ensanglantées, froid et austère était consumé par un égoïsme monstrueux poussé par l'appel désespéré de la jeune femme.
Peut-être qu'au fil du temps, Kate changerait son regard sur la première option qu'il venait de lui offrir mais pour l'heure, c'est l'autre qu'elle avait décidé de choisir.
- Promettez-moi que vous ne me laisserez jamais retourner là-bas, dit-elle dans un souffle si inaudible qu'il eut peine à l'entendre.
- Je vous le promets, articula-t-il avec force alors qu'il s'était reculé légèrement.
Son visage à l'expression triste acheva de marquer cet instant comme une promesse qu'il n'avait pas le droit de détruire.
Les mâchoires serrées, il se retenait de l'embrasser pour capturer ce moment et le figer dans le temps. Il devait résister mais comme n'importe quel homme, Nazir sentait ses résistances vaciller de plus en plus. Lui qui n'avait jamais été inquiété par l'absence de désir ou du plaisir charnel était envahi par l'impulsion d'un désir vorace.
Il baissa les yeux sur cette chemise en coton et son esprit prit une tournure licencieuse qu'il tenta d'arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
- Venez, la tente est juste là, s'empressa-t-il de dire en tournant les talons vers celle-ci.
L'esprit accaparé par le fantastique point d'eau Kate n'avait même pas remarqué la tente qui se trouvait à seulement quelques mètres. L'étalon du roi était déjà près de celle-ci, s'abreuvant d'eau et de nourriture.
Les lèvres tremblantes, elle le suivit et toucha l'endroit où il avait posé ses lèvres. Tout ce qui était en train de se passer était hors du temps et différent de tout ce qu'elle avait connu jusqu'ici. Après la violence dont elle avait été victime, Kate aurait dû accepter l'offre du cheikh pour partir loin de cet homme presque animal et impassible. Seulement elle était poussé vers lui avec une puissance qu'elle n'expliquait pas et qu'elle ne voulait surtout pas comprendre.
Elle avait besoin de lui, elle avait l'impression d'oublier à ses côtés. Comme si peu à peu il la rendait amnésique de toutes les souffrances qu'elle avait dû endurer.
Son ventre se mit à palpiter de sensations étranges alors qu'elle fixait sa stature s'avancer vers les pans ouverts de la tente.
Était-ce un crime de vouloir vivre aux côtés de cet homme qui avait fait d'elle sa prisonnière puis sa femme ?
Son esprit trop longtemps torturé lui répondit non comme si l'évidence était marqué au fer rouge.
- J'espère qu'elle vous plaira, autant que la première.
Kate entra émerveillée par le style épuré mais aussi par sa grandeur. Il posa sa main dans son dos pour la faire voyager dans les pièces jusqu'à la chambre entourée d'un voile blanc. Son cœur se mit à palpiter à une allure déraisonnable.
- Nous dormirons ensemble, annonça-t-il en déposant le sac à côté du lit.
Kate acquiesça sans dire un mot parce que son esprit était trop occupé à tenter l'impossible...
Analyser le cheikh derrière son arme redoutable qui ne permettait pas de traduire ce qui dansait dangereusement de son regard.
- Parce que nous sommes mariés, ajouta-t-il en plissant des yeux sans doute parce qu'il avait découvert ses joues rouges.
- C'est donc pour ça que vous avez rejoins votre lit la nuit dernière.
- J'ai rejoins ma femme dans le lit conjugale, je ne l'aurai pas fait si nous n'étions pas mariés.
Il fit le tour du lit pour la rejoindre.
- Mais je ne vous toucherai pas, ajouta-t-il d'une voix rauque. Pas tant que je n'ai pas été invité à le faire.
Kate déglutit difficilement en glissant ses doigts sur la chemise en coton trempé.
- Est-ce que...je....
Les joues en feu, pour la première fois de sa vie, Kate ne savait plus où aller ni où se mettre.
- Je vais retourner nager.
- Nager ? Répéta-t-il en dressant son épais sourcil noir.
- Oui.
- Kate vous ne savez pas nager.
- Si...enfin non, mais je...
- Est-ce que je vous ai mis mal à l'aise ?
Oui, tellement mal à l'aise qu'elle n'arrivait pas à maîtriser son corps qui ne semblait plus vouloir obéir à son esprit, songea-t-elle en cherchant la sortie.
Nazir observait les joues enflammées de la jeune femme en peinant à retenir un sourire. Embarrassée elle fouillait avec ses grands yeux verts la tente à la recherche d'une issue de secours.
Elle la trouva, et se faufila rapidement entre les tentures sans lui demander son avis. Nazir la laissa faire et se contenta de la suivre de pas voilés et silencieux puis écarta à son tour les tentures pour la regarder marcher jusqu'au point d'eau.
Tout semblait différent maintenant qu'il connaissait le point de vue de la jeune femme et son refus catégorique d'être abandonnée.
Elle ne voulait pas du chemin qu'il avait choisi pour elle.
Elle voulait prendre un chemin bien plus sinueux mais surtout méconnu tant pour lui que pour elle.
Avec une respiration assez brutale, il s'éloigna un instant pour ôter ses vêtements trempés et les troqua pour une chemise ample et un pantalon moins étouffant.
Son ouïe, ne la quittait pas.
Il écoutait chaque son provenant de l'extérieur incapable d'envisager une seule seconde de la laisser trop longtemps seule dehors.
Il quitta la tente et son regard d'acier se planta sur l'oasis et la petite silhouette qui se dessinait dans l'eau. Elle se cachait comme une enfant et fuyait clairement la situation qui n'avait de cesse de changer au fil du temps.
Cependant, Nazir était trop fasciné et trop possessif pour envisager de la laisser encore une minute de plus loin de lui. Ce mariage était en train de changer et il devenait réel à tel point que pour lui, le vouvoiement n'était plus de rigueur.
- Est-ce que tu comptes me fuir jusqu'à ce que le soleil se couche ?
Nazir s'était accroupi en haut de la pente tout en observant le dos de la jeune femme. Elle se retourna au ralenti, le visage toujours enflammé.
- Si j'avais voulu fuir, j'aurai tenté de monter sur l'étalon.
- Et je t'aurai rattrapé même à pieds, répliqua Nazir avec un léger sourire amusé.
Le tutoiement du cheikh troubla Kate à tel point qu'elle en frissonna. Était-elle en train de le fuir ?
Kate ignorait ce qu'elle fuyait réellement. Était-ce ses propres émotions qu'elle fuyait ? Était-ce les sensations que son corps ressentaient pour la toute première fois et qu'elle ne maîtrisait pas ?
Ou bien c'était la honte de les ressentir ?
Les yeux posés sur l'eau bleue et magnifique Kate se mordit la lèvre en peinant à relever les yeux.
Elle avait peur que si jamais elle s'autorisait à ressentir une émotion autre que la peur elle serait punie pour ça.
- Je n'en doute pas un seul instant, murmura Kate pour seule réponse.
- Allons, dis-moi ce qui te préoccupe tant.
- Tout ce que je ressens en ce moment même, est la peur d'être punie pour cela.
Il se rembrunit, et se redressa de toute sa hauteur.
- Viens, sors de l'eau, dit-il en tendant sa main.
Kate sortit du point d'eau à nouveau mais cette fois-ci elle n'était pas hésitante ni craintive de le rejoindre malgré son regard assombri. Elle avait désespérément besoin de cette amnésie qu'il lui faisait ressentir chaque fois qu'elle était à son contact.
" Je te supplie de trouver un homme doux et patient "
Les paroles éraillées de sa mère avant de quitter ce monde se mirent à mordre son cœur car elle progressait lentement vers l'inverse. Nazir était l'opposé mais pourtant c'est avec lui qu'elle se sentait en sécurité.
" Vous êtes jeune "
C'était principalement l'argument qu'il mettait en avant pour se justifier mais Kate n'avait pas l'esprit d'une jeune femme de vingt-quatre ans parce qu'elle connaissait les côtés les plus monstrueux que la vie pouvait offrir comme un cadeau empoisonné.
Alors elle prit sa main sans aucune hésitation.
- Tu ne seras pas punie, tu as le droit de ressentir n'importe quelle émotion même de la colère. Tu es restée trop longtemps enfermée sur toi-même pour survivre, mais c'est fini maintenant. Je ne laisserai plus personne te faire du mal.
Il s'était exprimé avec gravité mais ses paroles résonnèrent en elle comme le salut qu'elle avait besoin pour avancer un peu plus dans sa guérison.
Il plaqua sa paume de main sur le sommet de son crâne et fronça des sourcils d'inquiétude.
- Ça suffit pour aujourd'hui, ta tête est brûlante, il faut te mettre à l'abris.
- Comment a réagi ton pays à l'annonce de ton mariage ? Demanda Kate incapable de retenir les diverses questions qui brûlaient ses lèvres.
- Notre mariage, rectifia-t-il en refermant l'ouverture de la tente. Ils attendaient ça depuis trop longtemps et l'ont célébré comme le début d'un nouveau chapitre pour l'histoire du pays.
- Et personne ne s'est posé la question de savoir comment j'étais et si je suis une bonne personne ?
- Ils ont eu un bref aperçu de ton visage, assez pour te décrire comme une jeune femme magnifique.
Kate déglutit en prenant le verre d'eau qu'il lui tendait.
- Et ils savent que tu es une bonne personne.
- Et comment ?
- Parce qu'ils savent pertinemment que j'étais fermement opposé à l'idée de me marier surtout après la trahison de Jamila. Savoir que c'est moi et moi seul qui ait décidé de te prendre pour femme est suffisant pour eux.
- Alors c'est pour ça que tu m'as emmené ici ? Pour suivre le cours des cinq jours.
Un sourire...oui...un sourire se forma sur la commissure de ses lèvres. C'était la première fois qu'elle le voyait sourire.
- Tu ne t'es pas contenté de lire les livres, je constate que tu les as dévoré.
- Oui, en effet et maintenant que je suis au milieu de nulle part dans une tente nuptiale je me dis que j'ai bien fait.
Il lui prit son verre d'eau des mains pour le poser sur la table.
- À l'origine l'oasis était ma première bataille parce que je ne supportais plus l'image sinistre que j'avais en tête. Ensuite je me devais de te dire la vérité. Tu es ma femme et la confiance mutuelle est la meilleure des armes.
Il marqua une pause dans laquelle il posa ses doigts rêches sur son menton.
- Pour le reste, le palais a communiqué notre départ comme il est coutume de l'annoncer. Notre lune de miel dure cinq jours.
Progressivement, Kate sentit son cœur frapper sa poitrine alors que le cheikh l'observait avec attention tout en glissant ses doigts vers sa gorge.
- Et comme tu l'as décidé, tu restes avec moi, pour le meilleur et pour le pire.
- Oui, confirma-t-elle en cédant peu à peu à une autre émotion autre que la peur.
- Un jour peut-être tu te réveilleras avec d'autres perspectives d'avenir que de rester marié avec moi.
- Aucun risque que cela arrive, répondit-elle aussitôt d'une voix décousue alors que ses doigts continuaient leur ascension jusqu'à sa gorge.
- Tu as peur de moi et j'aime ça, c'est un sentiment troublant et affreux.
Un rictus se forma sur ses lèvres comme s'il détestait autant qu'il aimait déceler ses petits frissons.
- C'est cette peur qui me maintient encore en vie car je sais que si jamais je ne la ressens plus, ça voudra dire que je suis loin d'ici et loin de toi.
- Kate...
C'était un aveu volontaire et assumé. Mais allait-elle assumer ce qui allait suivre ? Elle lut dans les yeux du cheikh un tourbillon impénétrable et sombre. Ses mâchoires étaient serrées comme s'il luttait contre impulsion qui fut plus fort que lui. Sa bouche ombragée captura la sienne. Sans la serrer, il tenait sa gorge comme s'il en était le propriétaire. Kate frémit, le cœur martelant sa poitrine de coups désordonnés alors que les lèvres du cheikh s'exprimaient sur les siennes sans douceur. Kate sentit alors le souvenir des lèvres perverses de Dixon sur les siennes s'effacer lentement. Le dégoût et le recule qu'elle avait eu pour se défaire de ce baiser forcé commençait à s'effondrer laissant place à l'impénétrable emprise du cheikh. Son inexpérience semblait lui plaire car il explorait à sa guise sa bouche en remontant sa main pour la glisser dans ses cheveux.
Mais le roi bien qu'impulsif et déterminé s'arracha de ses lèvres pour s'assurer qu'elle allait bien. Son souffle animal contrastait avec l'inquiétude qu'elle pouvait lire dans ses yeux. Il caressait sa tête comme s'il voulait contrôler l'angoisse qui pouvait se montrer à tout moment. Seulement Kate n'était pas angoissée ni même en proie à la peur. Elle passa sa langue sur ses lèvres pour ressentir encore les dernières bribes de ce baiser et laissa sa tête tomber contre son torse massif.
Avec l'espoir que ce simple détail suffise à lui faire comprendre qu'elle ne regrettait absolument rien de ce baiser.
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