Chapitre 36



La joie de barboter dans l'eau comme une enfant à qui on avait privé d'être heureuse s'effondra. Une migraine latente commençait à frapper ses tempes alors que le cheikh l'observait avec attention tout en gardant son masque impassible. Le ventre noué, Kate recula dans l'eau transparente pour gagner un peu de hauteur mais hélas ce ne fut pas suffisant.

- Je ne comprends pas, dit-elle après un long...très long moment de silence.

- Vous gardez dans l'ignorance plus longtemps ne me rendra pas service et je n'aime pas le mensonge. Vous êtes en droit de comprendre et de savoir les raisons qui m'ont poussé à faire ça.

Son ton autoritaire fut aussi tranchante que la manière dont il avait quitté l'eau pour remonter la pente.

Trempée de la tête aux pieds, perdue dans ce désert aride, Kate ne pouvait ni fuir ni contourner cette discussion qui allait sans doute lui être pénible.

Kate exhala un soupir tremblant mais décida de ne pas le suivre. Elle s'attendait à ce qu'il lui ordonne de quitter le point d'eau mais au lieu de ça, ce fut lui qui descendit à nouveau la pente.

- La cohue à laquelle vous avez assisté ces derniers jours n'étaient pas contre vous, au contraire vous étiez célébrée.

- Célébrée ? Répéta-t-elle en claquant des dents comme si une bourrasque de vent glacial l'avait giflé.

- Pour votre protection j'ai décidé que vous deviez devenir ma femme, poursuivit-il sur un ton si serein qu'elle cilla. Vous ne pouviez pas rester ma prisonnière et cela ne rendait aucun service à votre protection. Mon peuple commençait à craindre le pire concernant votre captivé. De plus votre frère et son associé avaient un avantage sur moi que je devais rompre et c'est ce que j'ai fait.

Kate déglutit péniblement alors qu'il parlait avec une sérénité sans borne, sa voix était inflexible.

- Si dans l'hypothèse improbable dans laquelle Dixon ou votre frère parvenait à vous faire du mal, votre statut d'étrangère ne me permet pas d'intervenir en toute légalité si cela se passe en dehors de mes terres. Désormais en étant ma femme, je peux aisément parcourir l'Amérique et en finir sans être inquiété de faire vaciller mon autorité sur le gouvernement américain. Vous êtes officiellement protégée par la garde royale.

Kate tentait au mieux de rassembler les informations mais celles-ci arrivaient si vite qu'elle n'arrivait plus à suivre.

- Paolo est le plus fou des deux, et nous savons l'un comme l'autre pourquoi, poursuivit-il les yeux orageux. Il n'aura pas ma femme et je peux le sentir bouillir de rage que j'ai pu contrarié ses plans pathétiques.

L'idée même qu'elle puisse un jour revoir le visage de son frère l'a terrifié mais Kate ne parvenait pas à se défaire du premier passage narré par le cheikh impassible.

- C'est...vous qui...je ne peux être votre femme, je ne...pas...je ne comprends pas.

- Vous l'êtes, c'est un choix que j'ai pris avec une détermination sans faille. Vous serez protégée et maintenant mon peuple n'a plus à vous craindre de peur qu'une nouvelle attaque survienne dans mon pays.

- Donc j'avais raison depuis...

- Non vous aviez tort, la coupa-t-il aussitôt, le traumatisme de cette guerre est collectif, certains habitants sont encore touché mentalement et dans leur esprit, votre présence ravivaient les souvenirs de la tentative des américains d'envenimer cette guerre et on ne peut pas dire que la trahison de cette femme ait réellement aidé. Désormais leur cœur sont apaisé et ils connaissent les raisons de votre présence ici...toutes les raisons.

Toutes les raisons ?

Alors cela voulait dire que le pays connaissait son histoire ?

- Mais et vos projets ? Vous avez sans doute des projets ? Dit-elle sans lui masquer sa panique.

- Vous voulez dire me marier ? S'enquit le cheikh en étouffant un rire amer. N'avez-vous pas écouté l'histoire narrée par Raya ? Aurait-elle oubliée de vous citer le passage où je décide qu'aucune femme entrera dans ma vie ?

- Non et c'est justement là où je veux en venir, murmura-t-elle en s'entourant de ses bras.

- Vous n'êtes pas ces femmes vous êtes la femme que j'ai décidé d'épouser, répliqua-t-il avec force.

Il marqua une pause dans laquelle un vent chaud se mit à courir sur son visage.

- C'est différent avec vous, reprit-il toujours sur le même ton inflexible. Ce mariage est une opportunité pour vous de guérir et le jour où j'aurai la conviction profonde que vous êtes définitivement débarrassée de vos fantômes alors je vous rendrai votre liberté.

Cette dernière partie était insensée...du moins pour elle.

Espérait-il vraiment qu'elle puisse un jour retrouver une vie normale même s'il faisait disparaître tous les fantômes de ce passé ô combien proche ?

Kate prenait cette décision pour un abandon déjà programmé et elle ne le supportait pas.

Elle connaissait trop l'abandon, et ne s'imaginait pas tout recommencer à New-York dans quelques mois ou quelques années.

- Que voulez-vous dire par retrouver ma liberté ?

Son torse se gonfla brutalement comme si cette question l'agaçait plus qu'il ne voulait lui montrer.

Kate avait froid maintenant, terriblement froid mais tenait bon devant l'homme d'acier au regard impénétrable.

- Je ne peux pas me raconter d'histoire Kate, vous êtes jeune et je ne peux pas vous sacrifier dans un mariage qui ne vous conduira nulle part.

- Alors pour quelle raison vous...

- Pour vous protéger, la coupa-t-il aussitôt l'air de plus en plus agacé.

Ce n'était sans doute pas la réaction qu'il attendait de sa part. Il s'attendait peut-être à ce qu'elle le remercie mais Kate avait l'impression d'être une charge lourde pour cet homme habitué à la guerre et que ce mariage n'avait aucun sens maintenant qu'elle connaissait sa fin.

Soudain elle secoua imperceptiblement de la tête, confuse par ses propres pensées étranges. Cet homme venait de lui annoncer qu'elle était mariée à lui et la seule chose qui l'inquiétait c'était la liberté qu'il voulait lui donner.

- N'ayez pas peur de m'exprimer vos pensées Kate, insista le cheikh en la poussant à faire entendre sa voix.

Le problème c'est que Kate craignait de s'exprimer car pour la première fois de sa vie une émotion particulière envahissait son esprit.

La colère.

Kate était triste et en colère.

Elle inspira profondément et avança vers le bord pour sortir de l'eau.

- J'étais aussi protégée lorsque j'avais le statut de prisonnière, lâcha-t-elle avant de ne plus pouvoir de dire.

Sa réponse glaça l'atmosphère mais Kate tint bon parce qu'elle avait besoin de s'exprimer.

- Je vous en prie, si vous avez dans l'intention de me rendre ma liberté, je ne veux pas retourner à New-York. Expédiez-moi n'importe où mais pas là-bas, murmura-t-elle en retenant les larmes qui lui montaient aux yeux.

Une main de fer agrippa son bras pour la retenir alors qu'elle voulait désormais fuir. Les yeux sombres du cheikh n'avaient jamais été aussi ténèbres qu'à cet instant et son jeu de mâchoires indiquait qu'elle l'avait contrarié.

- Je ne comprends pas où vous voulez en venir Kate, déclara-t-il sur un ton contenu mais agacé. Ce mariage vous offre bien plus que vous ne pouvez espérer.

- Je ne le pense pas, répliqua-t-elle en soutenant son regard. Vous semblez avoir tout programmé jusqu'au divorce en oubliant un détail. Je ne pourrais jamais envisager d'être laissée une nouvelle fois. La dernière fois que je me suis sentie abandonnée au décès de ma mère, j'ai été expédié en enfer et je sais que ça recommencera.

- Pas si je les tue, siffla-t-il entre ses dents serrées.

- Et ensuite ? S'enquit Kate les larmes aux yeux. Vous allez juger si je suis guérie de l'intérieur et vous me souhaiterez bonne chance dans ma nouvelle vie ? Je n'ai même plus d'identité là-bas.

Plus la discussion avançait plus le torse massif du roi grondait d'impulsions brutales et bruyantes.

- Je ne peux pas non plus vous condamner à rester ma femme.

- Alors vous n'auriez pas dû faire ça...Vous auriez dû me garder comme captive et me garder jusqu'à la fin de mes jours dans le palais.

- Je ne suis pas un homme bon Kate, gronda-t-il sans pourtant élever la voix. Ce mariage ne peut pas avoir un avenir sur dix ans ou vingt ans. Je ne me servirai pas de vous pour satisfaire mon peuple ! Plus vous irez mieux plus vous allez vous ouvrir sur des perspectives d'avenir que je refuse de vous les arracher une fois le moment venu.

- Vous n'êtes pas dans l'avenir pour prédire ce qu'il se passera dans les mois prochains ou bien ce que je vais ressentir. Si vous savez que vous n'êtes pas un homme bon alors pourquoi ?

- Les mariages de ma famille contiennent des devoirs et des responsabilités. Je doute sincèrement que vous serez en joie d'apprendre que vous allez rester jusqu'à la fin de vos jours aux côtés d'un homme autoritaire et froid et peut-être même devoir porter son enfant. Cela reviendrait à vous condamner au même sort monstrueux auquel vous étiez destiné.

Kate frémit devant la lueur féroce qui entamait l'encre de ses yeux.

- Je veux vous donner l'opportunité d'envisager une nouvelle vie loin de tout ce qui un jour vous a blessé dans vos chairs.

- De vous ? Répliqua Kate en sentant ses forces de combats vaciller.

- On ne peut pas dire que j'ai été d'une douceur extrême avec vous, dit-il rictus aux lèvres en relâchant son bras.

Kate demeurait toujours profondément triste et en colère. Pour des raisons qui lui étaient encore méconnues elle ne voulait pas quitter ce pays et encore moins le palais...ni cet homme qui vouait une lutte acharnée pour la sauver tout en la repoussant vers une liberté fictive.

New-York était glaçant, et elle ne voulait pas y retourner parce que cette ville l'avait complètement oublié. Elle n'était plus qu'un fantôme disparu des fichiers.

- Je ne retournerai pas là-bas, murmura-t-elle les yeux baissés sur le sable chaud. Que ce soit dans un an ou dans trois semaines je préfère mourir que d'y songer.

Elle se recula quand elle sentit son approche sauvage.

Lorsqu'elle releva les yeux elle lut une profonde colère dans son regard parce qu'elle venait d'évoquer la mort à l'endroit même où celle-ci aurait pu l'emporter.

- Je vous interdis de dire ça, lui dit-il d'une voix basse mais menaçante.

- Je préfère rester aux côtés d'un homme autoritaire et froid que d'envisager une seule seconde d'y retourner, insista-t-elle en tournant les talons, trempée, la chemise collée à sa peau.

Hélas le lion la rattrapa pour l'obliger à le regarder au point même qu'il plaqua ses deux paumes sur ses joues. Son sang se glaça mais elle n'eut d'autre choix que l'affronter.

- C'est vraiment ce que vous voulez ?

- Oui et je regrette si ce n'étais pas dans vos...perspectives d'avenir.

- Je veux votre guérison, articula-t-il avec force.

- Est-ce là la seule raison qui vous a poussé à faire de moi votre femme tout en me le cachant ?

- Je voulais être certain que le monde sache que vous êtes à moi, articula-t-il à nouveau comme s'il voulait qu'elle imprime chaque mot dans son esprit.

Cet homme au regard énigmatique était en train de la torturer mais d'une façon différente de toutes celles qu'elle avait connu jusqu'ici. En restant énigmatique et si peu expressif il cachait ses réelles motivation. Mais Kate arrivait à ouvrir certaines brèches et à les maintenir ouvertes assez longtemps pour avoir un pan de ses pensées.

- Pour la première fois de ma vie je me comporte comme un égoïste et en me disant tout cela vous m'encouragez dangereusement à l'être encore plus et à vous condamner.

Il lâcha ses joues pour agripper sa mâchoires.

- Vous ignorez ce que vous êtes en train de souhaiter Kate, murmura-t-il alors qu'il avait posé sa bouche contre la commissure de ses lèvres.

Kate frémit de tout son être.

- Je souhaite rester ici et je vous supplie de ne pas me laisser partir, répliqua-t-elle, ses lèvres effleurant sa barbe alors que les siennes étaient toujours contre sa joue. Je préfère être condamnée à cet avenir plutôt que d'avoir une liberté qui n'en sera pas une

- Alors qu'il en soit ainsi, conclut-t-il en effleurant ses lèvres des siennes sans pourtant les capturer...

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