Chapitre 35
Alors qu'ils s'enfonçaient dans le désert, peu à peu Kate se sentait de plus en plus en confiance. Elle tenta même de cacher le sourire qui avait légèrement bordé le coin de ses lèvres. La peur se manifestait toujours mais elle était moindre comparé à l'émerveillement qu'elle ressentait. La hauteur de l'étalon était certes vertigineuse mais elle se surprit à aimer ça.
- Alors quelles sont vous conclusion ? Vous aimez ?
Elle frissonna légèrement alors que son dos demeurait toujours plaqué contre le torse massif du cheikh.
- Les paysages sont identiques mais le mystère qu'ils dégagent me fascine, admit-elle en sentant les doigts de l'homme se resserrer un peu plus contre les siens.
- C'est pour ça que le désert d'Hamza est connu pour être à la fois dangereux et mystérieux. Il n'y a rien qui le sépare d'un village ou de la capitale d'Hizhrah, expliqua-t-il en pointant l'horizon. La ligne est infinie, elle ne s'arrête pas tant que l'on a pas trouvé sa fin.
Pendant une longue seconde elle prit peur et tenta de tourner la tête pour regarde derrière eux. Ce qu'elle vit lui glaça le sang alors que sa peau brûlait sous le soleil écrasant. C'était comme un brouillard épais et qui ne permettait plus de voir nettement leur position.
- Mais...
- Je le connais, soyez son crainte, déclara-t-il en tirant légèrement sur les rênes pour ralentir son magnifique et précieux étalon.
Son cœur rata plusieurs battements parce qu'elle ignorait les raisons de cet arrêt brutal.
Le ventre noué elle se concentra sur l'horizon toujours aussi mystérieuse avant de baisser les yeux sur ses mains couvertes par le cuir de ses gants.
- Ce désert n'est pas si méconnu pour vous, cet endroit en particulier.
Incrédule, troublée, elle sentit son poids descendre du cheval alors que sa main droite tenait sa taille pour qu'elle ne perde pas l'équilibre.
Il l'aida à descendre et sa poitrine effleura son torse alors qu'il la faisait glisser contre lui jusqu'à ce que ses pieds touchent le sable brûlant.
Timidement, et alors qu'elle se retenait à sa tenue noire proche d'un style propre à un guerrier, Kate leva les yeux vers les siens. Impénétrables, ces derniers se raccrochaient aux siens avec une telle puissance qu'elle avait l'impression que ses pieds s'enfonçaient dans le sable épais et chaud.
- Je ne comprends pas, s'entendit-elle murmurer en battant des cils.
Il relâcha sa taille pour pivoter vers l'horizon silencieuse.
- Vous avez traversé cet endroit, expliqua le cheikh en lui prenant le coude pour qu'elle s'avance jusqu'au bord de la dune.
Kate s'efforça de ne pas paniquer et survola d'un regard inquiet l'étendu du désert.
- Le jour où je vous ai mise dans un taxi pour rejoindre l'aéroport, ajouta-t-il d'une voix plus sombre et énigmatique.
Alors son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine avec une force démesurée. Elle cligna des yeux, envahie par des souvenirs pénibles, presque insupportable. Sa mémoire n'avait rien oublié de ce jour-là. La peur de retourner à New-York l'avait poussée à choisir la mort. Cette chaleur brûlante touchant son visage, sa vision brouillée...assombrie...
Elle inspira bruyamment en osant à peine se retourner pour affronter le cheikh. Une peur effroyable lui serra le ventre parce qu'elle ignorait l'intérêt qu'il avait à l'emmener jusqu'ici.
- V...vous allez me laisser ici ? Lâcha-t-elle comme si cette pensée avait été trop forte pour l'empêcher de s'exprimer à voix haute.
- Non, je n'ai pas l'intention de vous laisser ici, s'empressa-t-il de dire en l'obligeant à affronter son regard.
Ses doigts rêches ne tenaient pas son menton mais toute sa mâchoire. Son cœur se mit à battre contre ses tempes, et son visage se mit à fourmiller.
- C'est ici qui je vous ai retrouvé, et c'est ici que je me suis fait la promesse de vous protéger, reprit le cheikh en décrochant ses doigts de sa mâchoire. Vous avez besoin de voir cet endroit et précisément un en particulier.
Kate craignait de l'avoir contrarié en laissant entendre qu'il pouvait la laisser ici. En disant cela, elle faisait vaciller la confiance qu'elle lui avait donné.
Il prit sa main et entama la descente de la dune. C'était effrayant car le désert était en partie recouvert d'un voile épais. C'était comme un brouillard qui ne laissait aucune opportunité de voir ce qu'il se trouvait derrière...et pourtant...
Le cheikh s'avançait d'un pas confiant et son regard aiguisé exprimait un froideur absolue.
- Quand le taxi s'est arrêté, vous êtes partie vers le nord, c'est un miracle que vous ne soyez pas tomber dans les crevasses qui se trouvent au Sud.
Kate découvrait l'endroit où elle s'était enfuie pour la première fois et c'était étrange de faire face au parcours qu'elle avait fait dans cette noirceur terrifiante.
- Mon instinct m'a poussé à suivre le Nord, puis derrière ce voile épais se trouve l'endroit exacte où je vous ai retrouvé.
Le cœur battant à tout rompre Kate était tellement happée par l'explication du cheikh qu'elle ne s'était pas aperçue qu'ils venaient de passer la barrière épaisse et venteuse. Le soleil qui jusqu'ici était couvert devint soudainement éclatant.
Kate mit sa main devant ses yeux pour s'habituer à la clarté du soleil et se mit à battre des paupières pour effacer le voile humide dans ses yeux.
Le sable avait une couleur différente, il était plus clair, et plus son regard se portait sur l'horizon plus ce qu'elle était en train de découvrir paraissait exceptionnel.
Le cheikh l'entraîna avec lui plus bas jusqu'à un merveilleux et splendide point d'eau entouré d'une végétation verdoyante.
Étrangement, ses battements de cœur se mirent à ralentir comme si elle venait de trouver une source d'apaisement au plus profond de son être.
- C'est ici, que je vous ai trouvé, déclara-t-il d'une voix étrangement soucieuse, comme si cet endroit ne lui plaisait pas malgré sa grande beauté. À plat ventre, gisant à moitié morte dans l'eau.
Kate déglutit, bouleversée de faire face au dernier endroit où elle avait lâché prise, dépourvue de force, priant pour que la mort vienne la chercher.
Une nausée la gagna.
- Un minute de trop et vous ne seriez peut-être pas là, avec moi.
Sa voix s'était assombrie, mais Kate était trop bouleversée pour essayer de la décrire et en comprendre les raisons.
- Pourquoi m'avez-vous emmené ici ? Demanda-t-elle dans un murmure presque inaudible.
- Parce que je voulais que cet endroit ne vous soit pas méconnu car c'est ici que tout a radicalement changé. Cet oasis est à la fois la narration d'un tragique moment mais aussi un miracle.
- Vraiment ? S'étonna Kate en fixant l'eau limpide et silencieuse.
- Oui, confirma-t-il en ôtant son keffieh, dévoilant la totalité de son visage assombri. Savoir que vous êtes parvenue à vous guider jusqu'ici sans voir me laisse croire que quelqu'un vous a aidé. Vous aviez une chance sur dix de tomber sur le seul et unique oasis du désert d'Hamza.
Alors il était là le miracle ?
Cet homme à la croyance féroce pensait que quelqu'un l'avait guidé vers ce point d'eau. Kate n'osait pas y croire car longtemps elle avait prié et aucune de ses prières avec été entendue.
- Si vous vous étiez évanouie dans le désert mes chances de vous retrouver aurait été considérablement réduites même si quoiqu'il arrive je vous aurez retrouvé.
Il plongea son regard dans le sien et à travers les brumes assombries qui voguaient dans ses yeux, Kate décela une chaleur nouvelle.
- C'est pour cette raison que je vous ai amené jusqu'ici, continua-t-il de sa voix rocailleuse. Je veux transformer cet endroit en quelque chose de pure afin qu'il ne garde pas les traces de ce qui aurait pu être...une tragédie.
Nazir ignorait s'il faisait ça pour elle ou pour lui avant que la réponse lui soit fatale. Il faisait ça davantage pour lui que pour elle. Il voulait effacer l'image qu'il avait d'elle gisant dans cette eau translucide. Il voulait la voir descendre la pente dans laquelle elle était probablement tombée et qu'elle s'enfonce dans l'oasis pour lui arracher cette image de la tête.
C'était à nouveau purement égoïste mais pour une fois il méritait de l'être. Après avoir passé une bonne partie de sa vie à sauver son pays, aujourd'hui il voulait s'arrêter sur ses propres douleurs et celle-ci en faisait partie.
La douleur d'avoir maltraité cette jeune femme sans savoir qu'elle ne voyait rien et de l'avoir condamné et se condamner elle-même à la mort qu'il avait réussi à tromper de justesse.
C'était sa femme désormais.
Avec une prudence électrique, Nazir qui ne s'était jamais senti aussi puissant qu'à cet instant avança sa main jusqu'à la cordelette noué sur son ventre et tira dessus.
Ses ordres avaient été limpide et Raya les avait suivi à la lettre. Dans ce silence désertique, Nazir fit en sorte qu'elle ne le quitte pas des yeux jusqu'à ce que la première couche de vêtement s'échoue sur le sable.
Avec précaution il posa ses mains sur ses épaules pour qu'elle n'ait pas la tentation de le fuir alors qu'elle ne portait plus que le coton immaculé d'une chemise traditionnelle portée autrefois par les favorites du harem.
- Je ne vous laisse pas, s'était contenté de dire Nazir il la soulevant d'un seul bras jusqu'au point d'eau.
Alors il s'enfonça dans l'eau avec elle, qui lui tenait le cou comme s'il s'agissait d'une barre de fer à laquelle elle se raccrochait pour ne pas tomber.
Kate lâcha un petit hoquet nerveux alors qu'elle était transportée dans le point d'eau. Elle se tenait au cheikh comme si sa vie entière en dépendait.
- Un jour, je vous apprendrai à nager mais ici, vous avez pied.
Kate eut un léger soubresaut quand elle sentit ses pieds nus toucher le fond de l'eau et pourtant malgré ce constat, elle était toujours accrochée à lui.
- Détendez-vous, murmura-t-il en pressant son bras ferme autour de sa taille.
Oui, songea Kate en fermant les yeux brièvement. Il fallait qu'elle se détende et apprendre à dépasser certaines peurs et celle-ci en faisait partie.
Alors elle se laissa aller, tout contre lui, et commença à apprécier ce silence apaisant. Il la relâcha doucement et s'écarta en poussant sur ses jambes. Bien sûr très vite l'équilibre n'était plus qu'un souvenir. De toute sa hauteur, l'eau lui arrivait à peine au niveau des hanches alors que de son côté elle était complètement submergée pratiquement jusqu'au menton.
- Alors ? Est-ce que vous aimez ?
- Oui, c'est agréable.
Il versa un peu d'eau sur ses cheveux qu'il détacha à sa guise pour les immerger totalement dans l'eau. Kate évitait soigneusement de regarder son vêtement de guerrier plaqué contre son torse robuste alors qu'il plaquait sa paume de main sur le sommet de ses cheveux maintenant trempés.
Kate ressentit dans ses gestes une profonde autorité qui la troubla aussitôt.
- Nous allons passer la nuit ici, j'espère que ça vous plaira.
La panique afflua et il le remarqua mais y resta insensible et poursuivit.
- Ma tente n'est pas loin, vous n'êtes pas sans savoir que j'en ai plusieurs, poursuivit-il sur un ton neutre. Nous avons besoin d'être seuls et loin de l'agitation.
- Pendant combien de jours ?
- Aussi longtemps que je le jugerai nécessaire, répondit-il sur une note impérieuse qui la fit frémir. Nous avons besoin d'intimité, j'ai besoin d'être seul avec vous pour plusieurs raisons.
Ces derniers détails la firent frémir davantage alors qu'il la fixait avec son masque impassible.
- Vous n'êtes pas obligé de faire tout cela pour moi, j'ai...j'ai l'impression que vous passez tout votre temps à vous occuper de moi alors que vous avez sans doute beaucoup à faire.
- J'accorde le temps que je désire accorder et il se trouve que j'ai décidé d'accorder l'intégralité de mon temps à ma femme.
Kate eut l'impression que son cœur venait de s'arrêter. Figée, elle dévisagea le regard aiguisé du cheikh incapable de déchiffrer les lueurs qui vagabondaient dans ses yeux.
- Qu...quoi ?
- Vous avez très bien entendue Kate, j'ai bien dit << Ma femme >>
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top