Comme chaque matin, Nazir ouvrit les yeux brutalement comme s'il n'avait jamais dormi et son regard aiguisé survola sa vaste chambre silencieuse. Il inspira profondément en tirant sur ses jambes pour réveiller ses muscles endormis. Ce matin n'était pas comme les autres et l'odeur fruité qui flottait autour de lui en était la preuve. Son bras, encore allongé vers la droite témoignait qu'il n'avait pas changé de position mais quand il écarta son pouce, il n'y trouva pas les mèches de cheveux qu'il avait effleuré la veille.
Il tourna la tête sans mouvement brusque et sa dernière pensée avant de s'endormir avait pris forme dans la nuit.
Sa femme, s'était inconsciemment rapprochée de son côté et sa tête était nichée contre ses côtes. Recroquevillée, sa main n'était pas fermée poing ni logée contre sa bouche. Elle reposait sur le matelas, paume retournée.
Elle dormait encore profondément et la lenteur de ses respirations indiquaient qu'elle était apaisée.
Nazir referma son bras sur elle prudemment, mais n'avait pas pu s'empêcher d'effleurer ses cheveux.
Elle remua légèrement mais rien ne semblait vouloir entacher son sommeil. Nazir se surprit à apprécier ce silence et la petite lenteur de ses respirations. Ce réveil était définitivement différent et unique tant pour son calme que la douceur qui en émanait.
Prudemment, il se redressa sur le lit sans la quitter des yeux. Sa tête bougea puis ses longs cils se mirent à tressauter. L'éclat vert de ses yeux se révéla dans les premiers rayons du soleil. Un geste irréfléchi s'ensuivit.
Nazir posa sa paume de main sur le sommet de ses cheveux jusqu'à ce que son regard perdu et endormi trouve le sien. Elle ne sursauta pas, n'essaya pas de se braquer, elle resta immobile, ferma les yeux pour mieux les rouvrir. Saisi par sa beauté, il capitula le temps d'une seconde et se pencha pour embrasser son front chaud. Elle bougea légèrement la tête mais ne tenta pas de le fuir.
- Bonjour, murmura-t-il en s'armant de prudence.
- Bonjour, lui répondit-elle timidement.
- Vous avez bien dormi ?
Kate était encore dans les brumes du matin mais n'avait pas oublier la veille où elle s'était endormie au côté du cheikh. Sa position légèrement recroquevillée de l'autre côté du matelas indiquait qu'elle avait bougé...un peu trop même, au point d'envahir l'espace personnel du cheikh.
Elle n'osait pas bouger, le cœur martelant sa poitrine alors les yeux d'aigle du cheikh étaient posés sur les siens.
- Vous n'avez pas à vous sentir gêner Kate, ce n'est rien, lui dit-il comme s'il avait deviné ses pensées.
Il se leva du lit pour passer un tee-shirt et elle en profita pour se redresser. Troublée, elle sentit quelque chose dans son esprit s'alléger comme si un poids mort venait de lui être retiré.
- Je vais recevoir notre déjeuné, rejoignez-moi dans le salon quand vous serez prête.
Kate suivit le lion des yeux jusqu'à ce qu'il referme les deux portes qui séparaient la chambre du salon privé.
Elle inspira profondément en quittant ce lit majestueux qui cette nuit lui avait offert une tranquillité d'esprit qu'elle n'avait pas connu depuis si longtemps. Cependant elle était en partie consciente qu'elle vivait dans les appartements du roi et que la prudence était requise.
Elle se coiffa les cheveux et les tressa avant de se passer un peu d'eau sur le visage.
Lorsqu'elle quitta la salle de bains elle perçut la voix rocailleuse du cheikh et celle-ci semblait encore plus rêche que d'habitude.
D'un pas hésitant elle s'approcha jusqu'aux deux portes fermés et essaya d'écouter. C'était mal et elle le savait mais son instinct toujours en survie lui ordonnait d'être sur ses gardes.
Seulement, avant qu'elle n'est pu tendre l'oreille, les deux portes s'étaient déjà ouverte sur l'homme qui par sa simple hauteur, dominait l'espace ô combien spacieux.
- Je...suis prête, bafouilla-t-elle par crainte qu'il la soupçonne.
- Venez, j'espère que vous avez faim.
Il s'écarta pour la laisser passer et posa une main autoritaires dans son dos pour la guider jusqu'à la chaise.
Malgré les odeurs délicieuses qui flottaient au-dessus de la table, Kate ne put s'empêcher de constater les traits rembrunis du cheikh.
- Est-ce que tout va bien ? Vous avez l'air contrarié ?
Non au contraire il ne l'était pas, songea Nazir en prenant place en face d'elle. Il était au contraire satisfait des nouvelles qu'il venait de recevoir de bon matin. Dorénavant sa femme, la jeune femme était officiellement protégée par sa force armée et l'information de leur mariage venait de faire le tour du monde.
S'il n'avait pas aussi peur d'effrayer la jeune femme, Nazir aurait probablement esquisser un sourire machiavélique pour célébrer cette information.
Il savait désormais que ces ennemis étaient conscient que la situation venait de prendre un virage qui allait tout changer. Il eut un léger tressaillement au niveau des mâchoires à la simple idée de savoir Paolo Russo fou de rage.
Pour l'heure, Nazir décida de mettre de côté son plan diabolique pour se concentrer sur la jeune femme assise en bout de table.
C'était sa femme désormais et s'il avait eu le malheur d'assister au mariage désastreux de ses parents, Nazir savait en la regardant que tout allait être différent avec elle.
Étant petit garçon il avait su déceler et ressentir toute la froideur de son père pour sa défunte mère partie trop tôt. Par la suite, Amadh lui avait narré ce mariage ainsi que celui de son grand-père qui un jour avait accédé au trône.
Il n'y avait pas de compassion ni même un soupçon d'affection dans ce genre de mariage et bien que son père avait amèrement regretté d'avoir contribué au destin tragique de sa mère, les mariages de la royauté d'Hizhrah n'étaient pas des plus heureux.
Cependant, à cet instant précis, Nazir ressentit un profonde affection pour Kate, mais aussi quelque chose de nettement plus puissant. Il avait l'envie dévorante de la protéger, de la mettre à l'abris du moindre danger même le plus infime. Sa douleur se répercutait sur lui avec une telle puissance que la rage ne mettait pas longtemps à se manifester.
Sa promesse de la rendre heureuse n'avait jamais été aussi réelle qu'à cet instant.
Nazir se frotta la barbe pensivement tout en observant la jeune femme qui attendait sans mot dire l'autorisation pour manger.
Ce constat terrible remplissait déjà ses yeux d'une noirceur orageuse.
- Prenez ce qui vous fait envie, l'encouragea Nazir sur un ton légèrement autoritaire.
Elle se laissa aller comme si l'ordre qu'il venait de donner l'avait tout simplement aidé à se guider. Nazir eut alors l'impression de revenir au départ de leur relation, précisément le jour où penché au-dessus de son lit, il lui avait fait la promesse qu'il ferait disparaître ces voix dans sa tête pour les remplacer par la sienne.
- Est-ce qu'il fait toujours soleil ici ?
Sa question innocente aurait presque pu le faire sourire s'il n'avait pas à l'esprit cette image d'elle, les yeux bandés, les larmes coulant sur ses joues froides et abîmées.
- Il arrive parfois qu'il y ait des perturbations météorologiques, mais la plupart du temps, le temps reste figé.
- Et est-ce qu'il y a des tempêtes de sable ?
- Oui, plus souvent que la pluie, elles sont dangereuses.
Ses yeux verts narraient une curiosité qui le fit sourire intérieurement.
- Après le déjeuné nous partirons en balade, décréta-t-il soudain.
- En balade ? Répéta-t-elle en abaissant la main.
Nazir n'était pas doué pour ça et le savait. Si une autre femme avait été placé devant lui, revendiquant être sa femme, Nazir l'aurait ignoré et se serait levé pour reprendre le travail. Mais avec Kate il voulait essayer...tout simplement essayer d'être un mari attentif. Seulement derrière ce désir secret, un mensonge commençait lentement à naître.
Kate ignorait qu'elle était reine, qu'elle était l'épouse du roi alors que le monde le savait.
- Oui à cheval, j'ai pensé que ça vous fera du bien de sortir un peu.
- Je ne peux pas monter à cheval, je ne sais pas comment faire.
- Vous serez derrière moi, lui assura-t-il en se levant soudainement pris par une envie indomptable de se placer derrière sa chaise.
Il pouvait déceler son pouls battant contre ses veines. Ses joues se mirent à rosir et sa poitrine se souleva d'une respiration irrégulière.
- Vous n'êtes pas obligée d'accepter, c'est une simple balade dans le désert d'Hamza mais jamais je ne vous forcerai à venir avec moi si...
- Je le veux, j'ai juste peur de tomber de cheval, le coupa-t-elle en agrippant les rebords de la table.
- Je serai là, vous n'avez aucune inquiétude à avoir.
Nazir sentit ses paumes de mains brûler alors que ses phalanges étaient sur le point d'effleurer ses cheveux tressé.
- Dans ce cas, nous partons dans tente minutes, je vais demander à Raya de vous préparer.
Kate exhala un soupir tremblant en sentant l'odeur virile du cheikh s'envoler dans la pièce quand il quitta sa position derrière sa chaise.
Terriblement nerveuse elle redoutait cette balade autant qu'elle l'attendait. Raya l'aida à se préparer et quand ce fut l'heure de partir, Kate frissonna. Le visage du cheikh était couvert, laissant seulement son regard visible.
Les palpitations de son cœur se mirent à frapper ses tempes mais il ne lui laissa pas le temps d'avoir peur. Ses deux mains fortes agrippèrent sa taille et elle se retrouva perchée sur son étalon.
- Je vous tiens, déclara cette voix sombre alors que celui qui la détenait montait à son tour.
Prise d'un vertige elle se raccrocha à la selle avant que deux mains fermes s'emparent des siennes. Elle ne se tenait pas dernière lui, mais devant. Son torse heurta son dos ce qui rendit l'exercice encore plus compliqué pour elle. L'une de ses mains se posa sur son ventre pour l'aider à se redresser. S'il s'agissait d'un exercice alors pour l'instant le seul gagnant était le cheikh car elle n'avait aucune possibilité de fuir. Elle était prisonnière de son emprise avec la complicité de son étalon.
- Tenez les rênes, comme ceci, dit-il en la guidant. N'ayez pas peur je vous tiens.
Leurs doigts entremêlés sur le cuir des rênes étouffèrent certaines de ses craintes. La chaleur lui monta aux joues quand le cheikh exerça une pression autoritaire sur son épaule pour qu'elle se colle à lui.
Nazir donna un léger sursaut en avant pour que son étalon entame cette longue traversée. Il avait besoin de se retrouver seul avec sa femme, il avait besoin qu'elle sente qu'elle était en parfaite sécurité avec lui mais surtout il ressentait le besoin de s'éloigner pour être dans l'intimité.
- Où allons-nous ? Demanda-t-elle en vacillant légèrement sur la selle.
Ses yeux aussi perçants qu'un vautour fixa son cou gracile et fragile puis saisi par un besoin vital qui le troubla il passa sa main ganté de cuir dans ses cheveux.
- Je vous emmène dans un endroit qui vous aidera dans la guérison que je vous ai promis, murmura-t-il en serrant ses doigts contre les siens alors qu'ils se dirigeaient vers cet endroit où tout avait basculé.
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