Chapitre 30
Nazir tapotait ses doigts sur la grande table de réunion en observant Amadh qui arpentait la grande salle nerveusement. Sa décision était prise et il n'avait pas l'intention de revenir dessus.
En faisant de Kate sa femme, il lui assurait bien plus que la sécurité. De plus cela allait lui permettre d'étouffer l'inquiétude du pays. Seulement, les conditions et l'avenir qu'il venait de dresser à son fidèle bras droit n'était ce à quoi il s'attendait.
- Si je résume, vous avez l'intention de conclure cette union par un divorce pour que Kate Russo soit libérée et puisse enfin vivre sa vie ?
- Oui, tu as tout compris.
- Mais à quoi cela va vous servir à vous ? Quel intérêt vous gagnez à faire ça ?
- Je gagne la paix, et bien plus que ça, je gagne la guérison de la jeune femme qui en ce moment même est pétrifiée dans mon lit. En faisant d'elle ma femme, je lui assure la protection et aussi la mort de ses ennemis. À mesure du temps elle finira par guérir et quand je serais certain qu'elle est prête, je lui rendrais sa liberté.
- Et admettons que cela prenne deux ans ?
- Alors elle demeura ma femme pendant deux ans.
- Pas d'héritier ? S'étrangla Amadh.
- Cette jeune femme était promise à se faire violer Amadh ! Tu ne penses tout de même pas que j'ai songé à ça ne serait-ce qu'une seule seconde ? Ce mariage ne sera pas consumé. Ce mariage lui ôte son statut de prisonnière et moi, il m'offre la paix. Nous avons besoin l'un de l'autre.
- Et dans l'hypothèse complètement folle dans laquelle Kate tombe amoureuse de vous ?
Nazir fronça des sourcils en ayant de la peine pour Amadh qui donnait tout pour le faire changer d'avis.
- Elle a vingt-quatre ans Amadh, c'est une jeune lys et moins un homme sans émotions ni pitié crois-tu sincèrement que cela pourrait arriver ?
- Dans ce cas il faut renoncer à cette folie qui vous fera perdre du temps !
- Je lui dois ce temps, murmura-t-il les yeux plongés dans le vide. Elle a besoin de moi Amadh, elle a besoin de se libérer de sa peur des hommes et retrouver une vie paisible.
- C'est de la folie.
- C'est ma décision, tu ne peux pas aller contre.
- Vous imaginez quelle sera la réaction de votre peuple à l'annonce de votre divorce ?
- Oui, répondit Nazir en se levant, les yeux noirs. J'ai étudié toutes les hypothèses possibles même les plus inimaginables et je ne reviendrai pas en arrière.
Pour lui cette décision était la plus réfléchie de toute sa vie. En faisant de Kate sa femme il mettait un terme aux rumeurs persistantes mais bien plus...
Paolo deviendra fou et sortira de l'ombre. Kate ne sera plus sa captive mais son épouse, lui offrant une protection royale. Quant à lui, il aura pour épouse la seule femme pour qui il était capable d'éprouver de l'affection. Mais Nazir refusait de la condamner à ce destin pour l'éternité. Il n'était pas en mesure de lui offrir ce qu'elle pouvait secrètement désire derrière toute cette douleur. Elle méritait mieux qu'un ancien prince parti à la guerre trop tôt et qui avait renoncé à ses émotions il y a bien longtemps.
- Allez-vous la mettre au courant ?
- Non, pas maintenant, répondit-il en sortant brutalement de ses réflexions. Je veux que les papiers soient préparés pour demain matin.
- Pas de cérémonie ?
- Non, elle ne comprendrait pas. Je veux seulement les papiers officiels.
Son bras droit n'essayait même pas de lui cacher ses inquiétudes seulement Nazir décida de les ignorer.
- Il se fait tard Amadh, va rejoindre ta femme, lui dit-il en pointant du menton la sortie.
Hésitant, il acquiesça tout de même puis quitta la salle de réunion. Une fois seul, Nazir inspira profondément, puis ferma brièvement les yeux. Peu importe si Amadh n'approuvait pas cette décision, Nazir savait au tréfonds de lui-même que c'était le bon choix.
La jeune Kate n'était pas seulement l'écho d'une rédemption, il voulait l'aider à ne plus avoir peur des hommes et quoi de mieux que d'être mariée avec un monstre au corps lézardé de cicatrices pour guérir ?
Nazir quitta la salle de réunion pour rejoindre ses appartements privés. Pour la première fois de sa vie il allait rejoindre sa chambre tout en sachant qu'il y avait une femme allongée dans son lit. Étrangement, Nazir n'éprouvait aucun problème à cela, ni même du dégoût.
Un dégoût qu'il avait autrefois ressenti quand cette traîtresse s'était glissée dans sa couche, essayant vainement de le séduire dans l'espoir de le détourner de son devoir.
C'était là toute la différence.
Et cette différence se confirma lorsqu'il entra dans ses appartements privés. Il s'enfonça dans ses spacieux quartiers et son regard se glissa sur son lit qui n'était pas vide. Une jeune silhouette frêle s'y trouvait, fragile, entièrement vêtue de blanc. Ses cheveux épars sur l'oreiller encadrait un visage apaisé après la bataille qu'elle avait livrée une heure plus tôt. Nazir s'approcha plus près, le regard creusé par les plis sévères de son visage. Il guetta sa respiration pour déterminer si elle dormait profondément et c'était le cas.
Le visage contre l'oreiller, le poing fermé contre sa bouche, la jeune femme dormait profondément, assez pour que Nazir décide de s'assoir sur le lit pour la contempler.
Ainsi voilà les raisons profondes qui lui confirmaient que Kate était différente. Elle n'était pas celle qui tenterait de le séduire. Elle n'était pas la femme qui chercherait ses faveurs. C'était une femme meurtrie dans ses chairs et qui avait besoin d'aide.
Nazir huma le parfum de roses qui flottait en surface et leva sa main jusqu'à son visage pour effleurer sa joue.
Il suspendit son geste, fermant le poing devant ce visage apaisé puis se leva pour s'éloigner.
Quand l'aube se leva, Nazir tourna la tête vers le lit pour guetter son réveil. Il avait passé la nuit assis dans le fauteuil à méditer sur les événements qui allaient se succéder aujourd'hui. Il fallait qu'il aborde ce sujet avec délicatesse sans lui dire réellement la vérité. Ce n'était pas honnête mais il savait qu'il n'avait pas le choix.
Elle toussa soudain, et il s'empressa de se redresser tel un chasseur prêt à se saisir de sa proie. La jeune femme se redressa sur le lit, les cheveux en bataille, cascadant sur le matelas. Quelque chose s'enflamma en lui et un sentiment d'une profonde noirceur s'empara de lui.
Ce mariage n'était pas seulement un moyen de la guérir et encore moins pour apaiser les inquiétudes de son peuple. Nazir s'était volontairement abstenu de révéler l'autre partie qui l'avait poussé à prendre sa décision.
Pour une raison dangereuse et inexplicable, Nazir la voulait pour lui tout seul. C'était égoïste mais il voyait sa captive comme une appartenance, une possession dont il refusait la moindre séparation. Cela contrastait avec la liberté qu'il voulait lui offrir au terme de ce mariage.
- Vous avez bien dormie ? Demanda-t-il en se levant pour s'approcher du lit.
À genoux sur le matelas, désorientée, elle posa un regard timide autour d'elle puis déposa ses yeux sur les siens.
- Je...où suis-je ?
- Le choc d'hier a sans doute altéré vos souvenirs. Vous êtes dans mes appartements privés. Vous ne vouliez pas que je vous laisse seule après ce qu'il s'est passé alors je vous ai emmené ici.
- Je suis désolée.
- Cessez de vous excuser Kate, c'est moi qui aurait dû anticiper mais à partir de maintenant je prends les choses en main.
Sa réaction fut comme il l'avait espéré. Elle cligna des paupières déployant ses longs cils noirs et se mit à triturer sa robe de nuit en coton.
- Je ne comprends pas.
- Vous allez très vite comprendre car à partir de maintenant vous resterez ici, dans mes quartiers. Cet endroit est strictement interdit. Je suis le seul à pouvoir décider qui a le droit ou non de franchir ces portes.
- Mais je n'ai pas le droit d'être ici, répliqua la jeune femme le teint subitement très rose.
Nazir fronça des sourcils essayant de lire dans le regard de la jeune femme et y trouva de l'hésitation.
- Que voulez-vous dire par-là ?
- J'ai...je...J'ai lu les livres, bafouilla-t-elle en évitant son regard.
- Et puis-je savoir de quels livres il s'agit ?
Elle se mordit la lèvre presque à sang tout en passant une main nerveuse dans ses cheveux.
- Les livres qui explique les coutumes de votre pays et celles qui se trouvent au palais, sur les sept dernières générations.
Intrigué, honnêtement surpris, Nazir s'installa sur le rebord du matelas tout près d'elle.
- Et en quoi vous êtes concernée Kate ? Demanda-t-il en l'obligeant à le regarder.
Il sentit sous la pulpe de ses doigts qu'elle tremblait légèrement mais ses yeux verts eux, étaient captifs des siens.
- Je n'ai pas le droit de me trouver ici.
- Vous êtes l'exception à la règle, répondit Nazir qui refusait toujours de lui dire la vérité.
Il relâcha son menton tremblant et sentit ses muscles se contracter violemment. Un désir jusqu'ici méconnu se mit à fuser dans ses veines...comme une course effrénée qu'il devait à tout prix arrêter.
- Pour votre sécurité, vous allez rester ici, et je suis certain que vous le voulez aussi.
Kate ne savait plus très bien ce qu'elle voulait et n'avait aucun moyen d'être aidée par le cheikh qui continuait de la regarder avec des yeux énigmatiques.
Elle frissonna, huma son odeur musquée en baissant les yeux sur sa robe en coton qu'elle n'arrêtait de froisser avec ses doigts.
- Je ne comprends pas ce que vous voulez réellement de moi votre Altesse, pourquoi faites-vous tout cela pour moi ?
- Parce que vous avez besoin d'être sauvée Kate, dit-il de sa voix rocailleuse. Vous avez besoin d'être protégée, mais surtout, vous méritait d'avoir une nouvelle vie.
- Av...avec vous ? Bredouilla-t-elle totalement sonnée par ses propres questions maladroites.
Il la dévisagea longuement, les muscles de ses mâchoires légèrement serrés. Kate prit le temps d'étudier le visage du roi en se demandant si choisir cette vie ne valait pas mieux que d'envisager un jour retourner à New-York. Est-ce qu'il attendait de pouvoir en finir avec son frère et Dixon pour la libérer ?
Est-ce que sa parole faisait vraiment acte de foi ?
Jusqu'ici l'homme au regard naturellement cruel avait tenu toutes ses promesses.
- Seulement si vous le souhaitez Kate, répondit-il enfin.
- Je veux...je veux que cette souffrance s'arrête, murmura-t-elle les larmes aux yeux.
- Vous avez ma promesse de la faire disparaître, répondit-il en retour.
Sa grande main abîmée se glissa dans ses cheveux et son pouce lui, se pressa sur sa pommette.
Kate lutta pour résister à la peur qui lui hurlait de reculer et se laissa happer par le regard sauvage de l'homme qui se pencha en avant pour déposer un baiser sur son front.
Ce fut piquant, chaud et rassurant. Il prit son temps, crochetant ses doigts épais dans ses cheveux comme s'il voulait l'empêcher de bouger. Un frisson courut sur sa nuque, et elle fut incapable de l'ignorer ou bien même de le réprimer.
Kate ne bougea pas, incapable de mettre un mot sur ce qu'il venait de se passer mais quand elle croisa son regard ébène, lui, semblait parfaitement le savoir...
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