Chapitre 26
Déboussolée, Kate se réveilla dans cette nouvelle chambre avec un sentiment troublant au fond du cœur. Les décors étaient différents, l'espace bien plus imposant et le balcon donnait cette fois-ci sur un escalier qui menait au balcon voisin...celui qu'elle avait bêtement essayé d'atteindre en prenant des risques considérables. Elle se frotta les yeux puis écarta les voiles qui entouraient le lit pour en sortir. Cela faisait bientôt deux jours qu'elle n'avait pas revu le cheikh. Selon Raya, il était occupé à régler des affaires hautement urgentes. Dans son esprit elle avait terriblement du mal à y croire et songeait plutôt à son indiscrétion maladroite qui était la cause de la disparition du cheikh. Peut-être l'avait-elle énervé au point qu'il ne voulait plus la voir ?
Cette pensée se mit à lui tordre le ventre.
Elle avait l'impression d'avoir creusé un fossé entre elle et celui qui la retenait prisonnière.
- Bonjour ! S'exclama Raya en refermant la porte derrière elle. J'ai beaucoup hésité avant d'entrer je n'étais pas certaine si vous étiez réveillée ou non.
- Je le suis, murmura-t-elle d'une toute petite voix alors que plusieurs mètres de distances les séparaient encore tant la chambre était spacieuse.
- Allons quelle est cette tête ? Vous avez l'air triste.
Kate n'avait pas envie de remettre cette discussion sur le tapis au risque de dépasser encore les limites. Seulement Raya avait le don de lire en elle avec la même facilité que le cheikh lui-même.
- Je ne sais pas, mentit-elle en se levant pour rejoindre les grandes fenêtres.
- Bien sûr que vous le savez, sauf que vous ne voulez pas le dire. C'est à propos de sa majesté ?
Kate se redressa en écartant les rideaux qui flottaient silencieusement pour mieux distinguer cette forme au noir se rapprocher vers le palais. En fait, ils étaient plusieurs, remarqua Kate en longeant les longues fenêtres pour atteindre celle qui ne donnait pas sur le balcon. Des épaisses poussières tournoyaient autour des étalons, qui au galop chevauchaient le sable du désert sous un soleil couvert pas des nuages épais.
Kate sentit son cœur marteler dans sa poitrine lorsqu'elle reconnut le cheikh en tête de ses hommes qui s'approchait de plus en plus vite du grand portail qui s'ouvrait lentement.
- Qu'est-ce que vous regardé de si intéressant ? S'interrogea Raya au loin.
La bouche sèche, Kate ne trouva pas la force de lui répondre trop occupée à fixer l'approche du cheikh qui entra dans la grande cours en ralentissant son étalon. Amadh émergea du grand corridor pour l'accueillir lui et ses hommes. La première chose qui attira son attention fut les vêtements des soldats derrière lui. La couleur sablé de leur vêtements faisait ressortir une autre nuance bien plus inquiétante.
Le sang.
Ils étaient tous tâchés de sang et c'est avec le cœur affolé qu'elle s'attarda sur les mains ensanglantés du cheikh alors qu'il ôtait son keffieh, révélant alors un visage poussiéreux et sillonné par le sang.
- Que s'est-il passé ? S'alarma Kate en poussant Raya à la rejoindre.
Celle-ci s'empressa de saisir ses épaules par l'arrière pour l'éloigner des fenêtres.
- Vous n'avez pas à voir ça, venez avec moi.
La dernière chose qu'elle vit avant d'être repoussée loin des fenêtres fut cette rage qui découlait de ce visage déjà ravagé par une dureté indescriptible.
- Il s'est passé quelque chose de grave ? Demanda-t-elle pour essayer d'en savoir plus.
- J'ai pour ordre de ne jamais parler des affaires du roi sauf si c'est lui qui l'ordonne, répondit Raya en ramenant le plateau vers le petit salon. Essayez de manger quelque chose et ne vous préoccupez pas de ça.
Le sourire rassurant de Raya n'arrivait en rien à la détacher de l'image de ces hommes ensanglantés encore moins celle du cheikh.
Elle qui pensait que le pays était défait de ses ennemis craignait aujourd'hui que ce ne soit pas le cas.
Quand Raya quitta la chambre Kate eut le réflexe de retourner à la fenêtre mais il n'y avait plus personne, seulement le personnel en charge de ramener les chevaux. D'une façon incontrôlable, son pouls s'accéléra alors qu'elle se reculait des fenêtres en tortillant ses mains.
Son esprit vagabondait à une rapidité si déconcertante qu'elle sursauta quand un son entra dans son esprit en l'obligeant à revenir à la réalité. Et elle aurait voulu ne jamais le faire.
Elle poussa un hoquet en reculant derrière le fauteuil comme pour se protéger, mais savait intérieurement que ce fauteuil ne serait pas suffisant pour échapper au lion.
Sa respiration accéléra les battements de son cœur alors qu'elle devinait son regard littéralement apeuré. Hélas cela n'empêcha pas le cheikh d'avancer. Il fit quelques pas dans sa direction, alors que ses bottes de cavalier frappaient le sol avec une lenteur délibérée.
S'il cherchait à l'effrayer, alors c'était chose faite, se cria-t-elle intérieurement en peinant à soutenir son regard alors que le hâle de son visage était entaché de sang. Du sang qui par endroit semblait récent et séché. Le cœur martelant sa poitrine, elle baissa les yeux sur son poing gauche fermé et sale.
Était-ce sa punition ?
Était-ce pour lui une façon comme une autre de l'effrayer afin qu'elle puisse voir à qui elle appartenait désormais.
- Vous vouliez des réponses à vos questions au sujet de l'enquête, en voici une, déclara-t-il en restant à distance.
Kate, le corps frissonnant, releva péniblement les yeux vers les siens en essayant de fuir tout ce sang.
- Votre frère, a engagé et payé des hommes pour qu'ils débarquent ici dans un avion privé depuis l'Italie.
Sa voix regorgeait d'une colère qui n'avait pas été suffisamment nourrie. Kate sentit son visage pâlir et ses jambes vaciller.
- Ils avaient prévu de se faire passer pour des touristes et attendre le bon moment pour attaquer, poursuivit-il sur le même ton insatisfait comme s'il aurait voulu que cela dure plus longtemps. Je ne leur ai pas donné cette chance.
Elle déglutit, imaginant péniblement ce qu'il avait pu faire à ses hommes, mais son visage lui, témoignait à lui seul ce qu'il s'était passé.
- Je les ai d'abord chassé en faisant perdurer cette chasse jusqu'à ce que la nuit tombe, puis j'ai fait ce que j'avais à faire pour vous protéger.
Il s'avança, les yeux incandescents de rage puis une lueur méconnue s'alluma dans le fond de cette encre noire.
- Ainsi, vous pouvez constater par vous-même ce qu'un monstre est capable de faire lorsqu'il sait reconnaître le bien du mal, ajouta-t-il s'arrêtant là où le fauteuil bloquait son chemin.
Kate frémit, la gorge nouée en regardant difficilement le cheikh qui n'était pas venu pour la punir mais pour lui montrer toute la monstruosité dont il était capable et ainsi lui montrer le degré de protection qu'il était prêt à lui offrir.
Elle ignorait quoi dire et quand elle remua les lèvres pour parler il leva sa main pour l'arrêter.
- Votre silence est ma satisfaction, je n'ai besoin de rien d'autre de votre part, lui dit-il en abaissant la main. Rejoignez-moi dans trente minutes là où Raya sera en charge de vous emmener quand je serais prêt.
Il s'éloigna avec une démarche de conquérant dont la soif avait été satisfaite et referma la porte.
Une fois seule, Kate relâcha tout l'air bloqué dans sa poitrine et porta ses mains tremblantes à son visage.
Les trente minutes qui la séparaient d'une nouvelle rencontre avec le cheikh s'étaient écoulés trop rapidement mais pas assez pour l'empêcher de faire un constat terrible.
Paolo et Finn n'avaient pas abandonné l'idée de la retrouver. Kate savait précisément pourquoi et c'était en train de la terrifier.
Néanmoins un autre constat se dévoila bien plus terrifiant quand elle réalisa que le cheikh l'effrayait à un degré supérieur jamais ressenti jusqu'à présent.
Le cœur battant douloureusement dans sa poitrine elle suivit Raya jusqu'au salon privé du cheikh qui était déjà installé en bout de table.
Il n'y avait plus de sang sur son visage, il était vêtu d'un vêtement large qui laissait respirer ses épaules massives et avait troqué son pantalon de combat pour un autre.
Elle détourna le regard quand elle sentit le sien se glisser sur elle jusqu'à ce qu'elle prenne place en face de lui.
Deux bons mètres de distances les séparaient mais cela ne l'empêchait en rien de déceler l'assaut particulièrement dangereux qui dansait dans son regard.
- Je suis navré si je vous ai effrayé bien plus que vous l'étiez déjà mais il était vital pour moi que compreniez enfin.
- Je suis effrayée, confirma-t-elle en serrant ses mains qui reposaient sur ses genoux. À tel point que je me demande si vous n'êtes pas en train de gagner sur ceux qui ont eu des années pour m'effrayer à ce point.
- Vous n'imaginez pas à quel point je suis ravi de l'entendre, répondit-elle en laissant Kate désorientée. Savoir que je gagne du terrain sur eux et dans tout les domaines me conforte dans ma mission de prendre votre esprit jusqu'à ce que vous les ayez totalement oublié.
Sa voix gutturale avait été d'une honnêteté implacablement froide.
- N'est-ce pas la promesse que je vous ai faites quand vous ne saviez pas encore à quoi je ressemblais ? Ne vous ai-je pas promis que je ferais tout pour prendre l'ascendant sur ces deux hommes qui vous ont tant fait de mal ?
Kate s'en souvenait comme si c'était hier, tout comme son souffle chaud qui avait caressé son visage.
- Si, je m'en souviens, murmura-t-elle en peinant à soutenir son regard appuyé au sien.
- Si c'est par la peur que je dois gagner ce combat alors qu'il en soit ainsi, ajouta le cheikh avec un jeu de mâchoires. Tant que vous garder à l'esprit ce que je suis capable de faire pour assurer votre sécurité, je suis preneur.
Il s'empara du verre posé sur la table avec une lenteur délibérée et le porta à ses lèvres redoutablement dures.
- Ces hommes qui sont venus pour me prendre afin de me ramener à mon frère me confirme ce que je craignais, il ne s'arrêtera pas tant...
- Votre frère agit avec vous comme agissait votre père avec votre mère, la coupa-t-il sur un ton plus amène.
- Je ne comprends pas.
- Au contraire Kate, vous savez exactement où je veux en venir. Votre père a été diagnostiqué sociopathe violent doublé d'un comportement proche de la perversité, exactement comme votre frère.
Kate exhala un souffle tremblant alors que sa nuque était dévorée par des frissons glacials.
- Ce n'est pas un hasard si dans l'accord conclu avec Dixon, ce dernier avait ordre de ne pas vous toucher sexuellement, reprit-il rictus aux lèvres. Il vous considère depuis le début comme un jouet dont il a du se séparer pour de l'argent et son plan a déraillé au moment où il vous a donné à Dixon. Maintenant je comprends mieux cette série d'appels passée pendant que vous étiez avec Dixon. Il voulait vous récupérer pour faire languir le jeu jusqu'à franchir le dernier palier.
Les larmes aux yeux, Kate ne sentait plus son visage paralysé par la peur qui commençait à la dévorer. Le cheikh se leva pour gagner son côté et se pencha pour prendre son menton.
- Mais vous êtes tombé sur moi, et j'ai mis un terme à ce jeu, conclut-il en la dévisageant. Vous ne risquez plus rien, il ne vous atteindra pas, le jeu est terminé.
Elle hocha de la tête faiblement mais suffisamment pour lui faire comprendre qu'elle le croyait.
- Vous n'avez plus rien à craindre, murmura-t-il en détachant ses doigts de son menton.
Et alors qu'elle pensait qu'il s'éloignerait, le cheikh leva sa main vers son visage puis la laissa errer près de ses cheveux avant qu'elle sente sa paume se poser dessus.
Ce fut une simple et furtive caresse.
C'était prudent, hésitant mais rien aurait pu l'empêcher de faire ce geste qui pour la première fois depuis qu'il l'avait capturé, ressemblait à un premier contact affectueux et rempli d'une tendresse que le cheikh lui-même ne connaissait pas et refusait de connaître...
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