Chapitre 16




Le pépiement de l'oiseau demeurait jusqu'à présent sa seule boussole pour savoir s'il s'agissait du levé de soleil. Toujours éprise d'une épuisante fatigue, Kate cacha son visage dans l'oreiller encore humide par le flot de larmes qu'elle avait déversé avant de sombrer dans un sommeil profond. Son premier geste fut de porter ses doigts à son visage tout en fermant les yeux très fort. Un écran lumineux se filtrait à travers ses yeux fermés et elle fut forcée de mettre sa main devant son visage pour se cacher. C'était comme si un soleil éblouissant essayait de passer à travers ses paupières fermées. Soudain, son cœur se mit à tambouriner très fort dans sa poitrine alors qu'elle venait d'enfouir son visage dans le creux de l'oreiller. Timidement elle glissa ses doigts vers sa joue puis remonta lentement vers le bandage.

Il n'était plus là.

La respiration coupée, Kate tourna la tête hors de l'oreiller alors que ses paupières tremblaient. Elle les souleva à plusieurs reprises en se cachant de la clarté intense qui l'empêcher d'ouvrir totalement les yeux. Était-ce la fin ? Allait-elle enfin pourvoir revoir ?

Est-ce que le bandage s'était défait accidentellement ? Quelqu'un lui avait-il enlevé délibérément ?

N'ayant plus d'espoir en elle, Kate souleva ses lourdes paupières et la première chose qu'elle vit fut un morceau de drap blanc. Elle sanglota mais cette fois-ci d'un soulagement infime car elle résistait à l'idée inespérée qu'il puisse s'agir de la réalité.

Était-elle tout simplement en train de rêver ?

Pour le savoir elle se redressa sur le lit en gardant les yeux fermés et grimaça à la douleur vive de ses côtes encore fragiles.

La respiration légèrement saccadée, elle ouvrit les yeux à nouveau et vit la totalité des draps. Elle eut alors un soupir de soulagement mêlé à un fugace sourire en avançant ses mains devant elle. Sa vision était encore un peu floue mais plus elle se frottait les yeux plus l'image devenait nette.

Des larmes de joie se mirent à courir sur ses joues avant que la réalité ne la rattrape. Kate leva les yeux pour survoler cet endroit jusqu'alors méconnu. La pièce était baignée dans une lumière chaude, teintée de lueurs rougeoyantes. Il s'agissait d'une chambre spacieuse aux murs crépis d'une couleur rouge indescriptible tant elle comportait plusieurs nuances. Le lit dans lequel elle se trouvait était recouvert de draps blanc et d'une soie orangé. Les montants de la structure était fait d'un bois massif comme un lit à baldaquin. La vision encore fragile, Kate souleva timidement les draps pour sortir du lit. Son regard se tourna automatiquement vers cette porte un peu plus loin qu'elle avait plusieurs fois franchie. Dans son imagination, Kate l'avait imaginé telle qu'elle se présentait sauf que la poignée était recouvert d'or. Puis son regard se glissa vers le fauteuil recouvert d'un noir profond et sentit des frissons courir sur sa nuque. Elle imagina alors la forme noire qui représentait le cheikh dans son esprit installé dans le fond de ce fauteuil en train de l'observer.

Son cœur sursauta mais elle s'avança vers ce dernier avec le besoin de le toucher. Une odeur parfumé lui monta au nez alors qu'elle survolait la bibliothèque disposée dans un petit salon près des grandes baies vitrées. Kate s'approcha vers ces dernières en manquant de rater les deux marches qui la séparaient du paysage de ce pays dont elle ignorait tout jusqu'ici.

Elle tira l'un des rideaux et fut éblouie par le soleil qui surplombait un paysage hors de temps et loin de ce qu'elle s'était imaginée.

Un soupir d'appréhension quitta sa bouche entrouverte créant une légère buée sur la vitre. Il s'agissait d'une véritable forteresse, entourée par des murs sécurisés infranchissables. Derrière ses murs, on pouvait voir avec une netteté à couper les souffles un sillon de dunes identiques. Le palais de son geôlier semblait haut, et interminable. Il n'y avait pas l'ombre d'une maison dans cette infinie de dunes de sable. Juste une étendue qui n'avait pas de limite. Réalisant avec désespoir que sa mission de s'enfuir semblait vouer à l'échec avant même de tenter de s'échapper, Kate tenta d'ouvrir les fenêtres du balcon et fut surprise de les trouver ouvertes. Un vent tiède l'accueillit et lorsqu'elle s'approcha de la rambarde en marbre son cœur fit un bond dans sa poitrine.

Les hectares de terrain ne semblaient pas avoir de fin. Le bruit de la fontaine qu'elle avait tant de fois entendu l'avait en réalité trompée avec ses ruissellements différents, car elles étaient nombreuses sur le domaine. Une rangée de palmiers indiquaient l'entrée du palais fermée par d'immenses grilles de plusieurs mètres de haut. Kate porta ses doigts à sa bouche en réalisant que s'enfuir ne serait pas sans conséquences. C'était presque impossible. Cette forteresse était loin d'être celle qu'elle avait imaginée et l'idée de rencontrer le visage de son propriétaire la fit trembler.

Perdue dans un nuage de confusions elle rentra dans la chambre en tortillant ses mains avant de réaliser trop tard qu'elle n'était plus seule. Une femme d'environ une cinquantaine d'années se tenait près du lit rayonnante de bonheur.

- Je vous en prie dites-moi que vous me voyez ?

Il s'agissait de Raya.

Kate acquiesça timidement en n'osant plus bouger.

- C'est formidable ! Je suis si heureuse pour vous mon enfant ! S'exclama-t-elle en la rejoignant pour l'enlacer dans ses bras.

L'enthousiasme de Raya aurait dû la pousser à sourire mais elle n'y parvenait pas. Lorsqu'elle s'écarta, Kate dévisagea les traits délicats de Raya. Il s'agissait d'une belle femme au visage bienveillant et elle comprit alors pourquoi elle lui avait fait tant confiance.

Timidement, elle baissa les yeux avant qu'une paire de mains s'empare de ses joues pour quelle relève la tête.

- Vos paupières sont encore violacés mais ça à l'air de s'estomper, lui dit-elle avec un léger sourire. Vos yeux verts sont magnifiques.

- M...merci, murmura-t-elle en essayant de baisser la tête.

- Allons mon enfant, vous n'êtes pas heureuse de revoir enfin ? S'enquit Raya en fronçant légèrement les sourcils.

Si elle l'était, mais ce fut de courte durée car elle n'oubliait pas qu'elle était prisonnière. Très vite elle avisa la porte entrouverte avec le pressentiment que bientôt elle allait se refermer en la laissant condamner à jamais.

- Si je suis contente mais je...

- Que diriez-vous de prendre un bon bains chaud ? La coupa-t-elle en jetant un regard qui voulait tout dire sur ses cheveux emmêlés.

Kate s'empressa d'acquiescer cette proposition avec un geste timide de la tête et s'éloigna vers la salle de bains. Elle entendit la porte se refermer et le désespoir s'empara à nouveau d'elle. Le pire fut quand elle rencontra son reflet dans le miroir. Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'elle portait ses mains à son visage creusé. Ses paupières étaient sillonnées par des marques violacés et son cou portait encore les traces des mains de Finn Dixon. Un sanglot lui échappa alors qu'elle se glissait dans l'eau tiède après s'être mise nue sans toute fois explorer son corps abîmé. Elle ne voulait pas le regarder ni même y faire face. Alors elle se contenta de se laver les cheveux qui étaient restés enfermer dans un chignon désordonné pendant plusieurs jours.

Une fois propre et les cheveux enfin libérés et coiffés, Kate quitta la salle de bains les mains jointes devant son ventre, le souffle court alors qu'elle s'approchait de la porte fermée. Un tremblement parcourut son corps lorsqu'elle posa sa main fébrile sur la poignée de porte avec l'angoisse de l'actionner.

Elle ferma les yeux en abaissant la poignée et rompit sa respiration quand celle-ci s'ouvrit. Un pas puis un autre, une brève hésitation avec le besoin de retrouver sa liberté, Kate s'avança dans le couloir avant que le choc s'empare d'elle.

- Seigneur, s'entendit-elle murmurer en dévisageant l'immense couloir au plafond creusé comme la forme d'une arche. Le sol était couvert d'un carrelage marron glacé et les murs silencieux tapissé d'une couleur sablée. Il faisait sombre mais plus loin elle pouvait apercevoir un filtre lumineux éclairer un fragment du sol.

Prise d'une angoisse terrible Kate leva la tête sur l'immense plafond puis sur les nombreux passages que semblait abriter ce couloir.

- C'est impressionnant n'est-ce pas ?

Elle réprima un sursaut en pivotant les talons et sut tout de suite que l'homme vêtu des vêtements traditionnels de ce pays n'était autre que Amadh en personne.

- Je suis ravis de vous rencontrer mademoiselle Russo. Est-ce tout va bien ?

L'homme sage avança d'un pas vers elle et d'instinct Kate recula.

- Vous n'avez aucune raison d'avoir peur, lui dit-il sur un ton rassurant.

- Je vous en prie, il faut que je parte, tenta-t-elle de dire dans un murmure désespéré.

- Et pour aller où ? S'enquit Amadh en s'approchant un peu plus près. Où iriez-vous exactement ? Ici vous êtes en sécurité.

- Je suis retenue prisonnière, je ne vous connais pas et je...votre...

- Croyez-moi jeune fille, si vous partez d'ici dans l'hypothèse que cela ait lieu, vous serez bien plus exposée au danger que si vous acceptez la protection du cheikh.

Un larme solitaire coula le long de sa joue et elle s'empressa de l'essuyer. L'idée d'être confrontée à l'homme qui la retenait ici l'empêchait de raviver une respiration plus paisible.

- Nous avons pris soins de vous, en aucun cas vous êtes en danger ici, ajouta-t-il avec bienveillance.

- Et je...je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez fait pour moi, mais je ne peux contrôler cette peur qui me dicte que ni votre maître ni cet endroit est bon pour moi. Je...j'ai entendu le cheikh, j'ai pu sentir sa force sur moi, il...non je sais que tout peut basculer. Je ne suis pas en sécurité ici. Il faut que je parte aussi loin que possible.

- Les agissements du cheikh Al-Hassan lors de votre captivité ont été dictés par sa fureur, à partir du moment où il vous a sauver, son Altesse s'est pliée en quatre pour votre guérison. Cependant, je ne peux nier la cruauté du cheikh mais celle-ci est toujours aiguisée pour l'ennemi. Vous n'êtes pas un ennemi.

Alors qu'elle sanglotait en le suppliant du regard, l'homme sage posa une main affectueuse sur son épaule.

- Vous n'avez plus d'identité, vous êtes comme morte aux yeux du monde. Vous n'aurez aucun moyen de vous loger ni même de trouver un travail.

Kate renifla affligée par les remarques d'Amadh qui disait vrai. Tout ça, elle en était consciente.

- Le cheikh à très bien compris où cela vous mènera. Soit Finn Dixon remettra la main sur vous en récoltant des informations précieuses sur les passagers qui débarqueront depuis la compagnie aérienne qui fusionne avec nous, soit vous allez vous laisser mourir au bord d'une ruelle sombre et froide, exactement comme vous l'avez fait dans le désert d'Hamza.

Kate ferma les yeux en essayant tant bien que mal à se retenir de pleurer. Ce qu'il oubliait dans ces deux scénarios qu'elle avait hautement évalué c'est que dans les deux cas, le cheikh encore sans visage l'effrayait autant que la mort elle-même. Quelque chose dans son aura lui soufflait de s'enfuir même après tout ce qu'il avait fait pour elle.

- Le cheikh a déjà donné ses ordres mon enfant, et nous les respecterons. Et j'espère qu'un jour vous serez en mesure de réaliser que malgré l'apparence froide du cheikh, ce dernier a tout de même un cœur.

- Même si lui-même est persuadé du contraire, ajouta-t-il avant de s'effacer dans le couloir.

Démunie, peinée mais éprise d'une faible confiance à l'écoute de ces mots confiés avec sérieux, Kate fit quelques pas dans le couloir sans quitter des yeux Amadh qui s'effaçait dans les profondeurs du palais.

Soudain, quelque chose sur le côté attira son attention. D'abord par les bordures incrustées d'or, puis son regard se leva sur la grande peinture enfermée dans un imposant tableau. Celle-ci représentait un homme sur un cheval. Masqué, seul son regard était visible et les sombre couleurs choisies pour peindre ce tableau lui donnèrent une décharge de frissons alors qu'elle faisait face à une représentation figé du cheikh Al-Hassan.

Et le plus étrange c'est que ce portrait ressemblait trait pour trait à celui que son esprit avait imaginé...

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