Chapitre 12




Un vent assez agréable courut sur son visage alors qu'elle écoutait depuis des heures les pépiements des oiseaux. Kate ne quittait pas ce lit sauf pour sa toilette intime par peur d'aller contre les ordres du cheikh. Seulement aujourd'hui elle était terrifiée par cette solitude qui devenait de plus en plus pénible. Chaque fois qu'un son s'élevait dans ce silence terrifiant elle cherchait d'où il pouvait provenir. Cela l'empêchait de se sentir totalement prisonnière dans cette obscurité.

Le cœur battant contre ses tempes douloureuses elle tenta de se lever malgré la douleur qui restait vive. Une fois assise, elle toucha les draps en inspirant profondément avec l'étrange sentiment de reconnaître une odeur familière.

Le cheikh la retenait prisonnière c'était un fait avéré et confirmé par lui-même. Cependant elle était tiraillée par l'incertitude qu'elle ressentait à propos de ses promesses.

Elle se raccrochait désespérément à l'une d'entre elles...précisément celle où il lui promettait de ne pas lui faire du mal.

Pouvait-elle faire confiance à cet homme qu'elle ne connaissait pas ?

Le plus terrifiant pour elle c'est de savoir qu'il n'avait pas la moindre intention de lui redonner sa liberté.

Une partie d'elle éprouvait un certain soulagement de savoir qu'elle ne reverrait plus jamais Paolo et Dixon, mais l'autre moitié était dans l'incertitude de connaître le destin qui lui sera réservé prochainement.

Pourquoi voudrait-il s'alourdir d'une femme étrangère qui n'aspire à rien d'autre que de vouloir en finir avec cette vie ?

Cela n'avait pas de sens.

Kate se mit à tortiller ses doigts nerveusement en relevant la tête en direction de ce pépiement doux à l'oreille et qui l'aidait à garder une certaine sérénité.

Allait-il la faire travailler ? Avait-il l'intention de lui faire payer à vie sa proximité avec Dixon en lui offrant une vie de labeur dans son palais ?

Kate était submergée de questions et plus elle restait condamnée dans ce noir profond et terrifiant plus elle s'enfonçait dans le désespoir.

Le cheikh ne possédait pas de visage, seulement d'une voix effrayante. Ne pas pouvoir déceler ses expressions faciales lorsqu'il s'exprimait avec fermeté l'empêchait de déterminer si elle pouvait se raccrocher à sa parole. Combien de fois Finn ou bien son frère avait usé d'une voix rassurante pour mieux se réjouir de son désespoir par la suite ?

Seulement après ces longues mois passée à se faire humilier, Kate avait fini par comprendre chacune de leur expressions afin d'anticiper la douleur qui lui serait aussitôt infligée.

Le souverain lui, n'en avait aucune...seulement cette voix...

Kate posa son pied à terre et décida de se lever seule. Sa mémoire avait finie par mémoriser le chemin que Raya empruntait pour la conduire dans la salle de bains. Alors c'est avec prudence qu'elle suivit ce chemin sillonné d'obstacles qu'elle tenta de contourner. Lorsque sa main rencontra la porte, Kate glissa sa paume jusqu'à la poignée et reconnut la forme de celle-ci. Au lieu de l'ouvrir, Kate décida de parcourir l'inconnu. D'abord elle fit en sorte de suivre le mur et faillit trébucher sur une marche qu'elle monta les jambes en coton.

Son ouïe lui permettait de se raccrocher au souffle de l'air chaud et entendit le fortement d'un tissu, le même que celui d'un drapeau hissé et confronté au vent.

Kate avait l'impression de toucher au but quand l'air devint plus lourd et plus présent. La main tendue vers l'avant, celle-ci frôla un tissu épais et délicat qui ressemblait à un rideau.

Désespérément elle chercha un moyen d'accéder à l'ouverture de la fenêtre avant qu'une main ferme et chaude se referme sur la sienne au moment où celle-ci avait enfin trouver la poignée. Kate cessa de respirer, son corps lui...fut parcourut d'un courant glacial. Une respiration assez lourde couvrit le bourdonnement dans ses oreilles. L'odeur familière se rapprocha, et le son des bottes du cavalier s'intensifia.

Sa main sur la sienne semblait lourde et très ferme, comme un étau de fer. Ce contact semblait étrangement différent des autres. La peur dévora son ventre ainsi que son visage mais elle ne bougea pas, et attendit patiemment que son nouveau geôlier décide quelle tournure allait prendre ce moment.

- Mes félicitations mademoiselle Russo pour ce parcours presque sans faute mais il doit malheureusement s'arrêter là, déclara cette voix sombre et gutturale.

Il pressa son pouce à l'intérieur de sa paume pour l'inciter à lâcher la poignée. Au touché, et à la façon dont ses doigts tenaient sa main, Kate ressentait une forte autorité s'en émaner. Elle remarqua également à la texture rêche de sa paume qu'il s'agissait d'un homme aux mains abîmées.

- Je voulais...juste respirer un peu d'air frais, tenta de se justifier Kate avec difficultés.

- Dans ce cas il faut en informer quelqu'un car derrière ces deux grandes fenêtres il y a un grand balcon et un escalier assez redoutable à descendre dans votre cas. Je sais avec précision que vous êtes proche d'un désir caché de provoquer délibérément votre mort.

Kate sursauta quand il frôla intentionnellement son dos en passant derrière elle.

- Et je compte bien vous en empêcher, conclut-il en pressant sa main sur la sienne.

La bouche asséchée, éprise de tremblements habituels Kate baissa la tête en essayant de comprendre grâce aux sons ce qu'il pouvait bien faire. C'était un homme profondément dangereux, elle pouvait le sentir tout autour d'elle.

- Venez, je vais vous conduire, laissez-moi faire, déclara-t-il sur un ton impérieux.

Partagée entre deux sentiments contradictoires, Kate hésita à avancer avec cette même impression de s'enfoncer dans l'inconnu.

Il lui tenait la main, la poussant ainsi à le suivre progressivement.

Kate sentit sous ses pieds une sensation de chaleur alors qu'un vent chaud caressait son visage à mesure qu'elle avançait dans l'obscurité.

Le cheikh lui fit poser sa main sur quelque chose qui ressemblait à une pierre lisse.

- Vous voilà sur le balcon, en toute sécurité, annonça-t-il en prenant son autre main pour la poser sur ce qui semblait être une balustrade.

Kate n'osait pas faire le moindre mouvement mais secrètement appréciait le vent et les bruits qui l'accompagnaient.

- Je vous en prie mademoiselle Russo, commença-t-il d'une voix où perçait l'accent chaud de ses origines. Dites n'importe quoi mais parlez.

Pourquoi devrait-elle parler ? Songea-t-elle en griffant la pierre chaude avec ses ongles.

- Je doute que ma voix compte désormais, osa-t-elle dire dans un murmure presque inaudible. D'ailleurs, elle n'a jamais réellement compté.

- Vous êtes libre de parler sous ma garde, je vous le répète vous n'êtes plus à eux vous êtes à moi.

- Et en quoi êtes-vous différent d'eux ? Osa-t-elle à nouveau en prenant un risque considérable. Finn et l'homme qui l'accompagnait n'ont eu cesse de dire que vous étiez considéré comme...

- Dangereux ? La coupa-t-il aussitôt. Oui je le suis et j'aime ce sentiment d'insécurité que j'exerce sur les gens. Néanmoins je ne frappe pas les femmes, je m'applique à ce qu'elles se sentent en sécurité. La guerre m'a montrée à quel point un ennemi faible est capable de faire des choses monstrueuses pour se montrer supérieur, à commencer par s'en prendre aux femmes et aux enfants.

Kate frissonna au son de sa voix égale à l'obscurité dans laquelle elle reposait depuis des jours.

- Je pensais que...qu'une prisonnière n'était pas libre de parler.

- Vous n'êtes pas libre de vous enfuir mais vous êtes libre de vous exprimer, rectifia-t-il de sa voix gutturale qui semblait si proche. Je sais que vous avez de moi une impression terrible et je ne peux pas la changer, d'ailleurs je ne le veux pas. Je préfère que vous ayez peur de moi avec la garantie solennelle que je vous protégerai. Ainsi vous pouvez vous raccrocher au fait que vous êtes sous la garde d'un homme de confiance.

Kate n'était pas rassurée mais elle devait cependant admette qu'il mettait plus d'énergie à la convaincre qu'il ne lui ferait aucun mal que de la briser comme Finn ou Paolo.

- Vous avez besoin de vous reconstruire et panser vos plaies, ajouta-t-il sur un ton étrangement plus délicat. Le travail sera long et difficile mais je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous n'ayez plus ces hommes en mémoire.

- Par pitié ? Par culpabilité ?

- Par envie féroce de vous sauver, répondit-il aussitôt. Une jeune fille en pleine fleur de l'âge ne devrait pas avoir envie d'en finir avec la vie. Vous avez encore trop de choses à accomplir.

- Je n'ai rien à accomplir, répliqua Kate d'une voix brisée. Je n'ai plus personne, je suis toute seule et prisonnière.

Nazir fixa la larme qui sillonnait tristement son nez en trompette et eut un pincement au cœur. C'était leur premier échange où la jeune femme osait enfin lui parler.

- Je préfère ça que de vous voir morte, conclut-il fermement en la soulevant pour la ramener dans la chambre.

Elle se laissa faire mais il sentit son corps se raidir comme si elle était prête à subir une violence de sa part.

Nazir ignora ce détail pour la rallonger sur le lit. Ses cheveux en bataille lui donnaient un air de sauvageonne. Sa peau d'une clarté délicate et fragile racontait à elle seule l'histoire de cette jeune étrangère.

Il se surprit à la fixer d'un regard incandescent et sentit ses mâchoires se serrer.

- Si je suis...si je suis en mesure de revoir est-ce que...je vais travailler pour vous ?

Cette question innocente l'obligea à réprimer cette sensation étrange qui n'avait de cesse de se manifester.

- Non, répondit-il sur un ton abrupte en se redressant.

- Alors que...que vais-je faire ?

Nazir dont l'expression s'était creusée resta muet quelques secondes, le temps pour lui de réfléchir à la réponse qu'il allait lui donner.

Sa respiration hachée lui interdisait le moindre faux pas. Cette conversation unique portait des airs d'un miracle et il ne fallait pas tout gâcher.

- Guérir mademoiselle Russo.

Cette réponse tardive rompit son souffle hachée et sa poitrine ralentissait déjà. Nazir se pencha en avant pour scruter la moindre parcelle de son visage délicat tout en ayant conscience qu'elle pouvait sentir sa présence. Sans voir ses yeux, le désespoir affiché ne voulait pas la quitter. Un soupir tremblant quitta ses lèvres entrouvertes et ce fut à cet instant précis que Nazir réalisa que cette jeune femme était en train d'aiguiser un peu plus sa volonté de la guérir et de lui ôter tout souvenir de ces hommes.

Seulement un détail assez inquiétant était en train de se greffer à cette volonté de vouloir la sauver.

La jeune femme troublait dangereusement ses pensées...

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