Chapitre 9 : Pierre

  Constanzia prit une profonde inspiration. Elle tapa trois coups secs à la porte du bureau de Rogue, puis attendit quelques instants qu'il daigne dire d'une voix traînante :

— Entrez.

 La professeure se glissa à l'intérieur. Rogue poussa un soupir, alors qu'elle fermait la porte derrière elle.

— Désolée de vous déranger, Monsieur, mais je devais vous poser une question.

— Vous n'auriez pas pu la poser lors du repas ? Je vous supporte assez de temps par jour pour qu'en plus vous ne veniez pas dans mon bureau pour me faire perdre mon temps !

  Constanzia se sentit sourire. Un semblant d'amitié s'était formé avec Severus, finalement, et elle appréciait se chamailler avec lui de temps en temps. Le professeur s'enfonça dans son siège et posa le regard sur celui en face de lui, avant de le reposer sur elle. La jeune femme le prit comme une invitation à s'asseoir, ce qu'elle fit expressément.

— Je suis en train de m'entraîner à faire des potions, commença la femme. Et je souhaitais faire une potion de soin qui nécessite l'emploi d'un pustule de Mimbulus Mimbletonia. J'en ai cherché partout, mais je n'en ai trouvé nulle part. Et comme vous me répétez dès que nous nous voyons que vous êtes maître des potions, je me suis dis que vous en possédiez sans doute un.

— Un pustule de Mimbulus Mimbletonia ? répéta-t-il, sourcils froncés.

  Son regard s'assombrit. Il tenta de pénétrer dans son esprit, mais elle le repoussa aisément.

— Quelle potion de soin, exactement ?

— Une potion de soin afin de guérir la myopie. Ce n'était encore qu'un projet, mais je connaissais un maître des potions qui travaillait dessus jusqu'à sa mort.

— Je vois.

  Il hésitait. Il était surprenant que Constanzia se mette à faire des potions, mais elle lui avait déjà dit qu'elle appréciait découvrir toutes les formes de magie existantes, alors... Rogue demanda :

— Est-ce un nouvelle passion de votre part ?

— Les potions ? Je tente juste de m'améliorer, afin de ne pas donner raison à mon professeur de Dursmtrang qui disait que j'étais vraiment misérable dans cette matière...

— Et vous commencez par une des plus complexes.

— J'ai commencé à m'entraîner bien avant mon arrivée à Poudlard.

  Rogue hésita encore quelques instants, avant de se lever et de se diriger vers une porte à la droite du bureau. Constanzia le suivit du regard, le cœur battant à une vitesse folle. Il l'avait observé quelques instants ; elle avait eu l'étrange impression qu'il parvenait à lire à travers elle. Son estomac était noué, pour une raison qu'elle ignorait.

  Il revint quelques minutes plus tard et tendit un bocal avec le pustule à l'intérieur. Un rictus sur le visage, il lâcha :

— Attention à ne pas vous tuer avec le pus, quoique... Cela me soulagerait de ne plus vous voir chaque jour.

— Merci, répliqua Constanzia en prenant l'objet. Je ferai attention, je n'ai aucune envie de vous gâcher votre seul contact avec des adultes de la journée !

  La jeune femme lui sourit et se leva. Severus haussa un sourcil surpris, mais n'eut rien le temps de  répondre car elle quitta la pièce après l'avoir salué.

  Constanzia marchait le plus rapidement possible vers sa chambre, le bocal en main. Rogue avait été, fort heureusement, coopératif. Elle s'attendait à ce qu'il lui pose des dizaines de questions et qu'il refuse, mais le professeur avait dû croire en la bonne foi de la jeune femme. Tout le monde à Poudlard paraissait avoir oublié qu'elle avait enseigné la magie noire à Durmstrang...

  Elle entra en trombe dans ses Appartements et ferma la porte. Grindelwald attendait patiemment devant le chaudron, posé au sol en train de chauffer. Constanzia se mit en tailleur juste en face, prit son sac avec les ingrédients et son grimoire, puis commença la potion, sans un mot pour son aïeul.

  Cela dura, comme prévu, quatre heures. Gellert la laissa seule, plongée dans un profond silence coupé seulement par le bruit de la flamme sous le chaudron qui chauffait la mixture.

  Quatre longues heures. Pendant les quelques instants de répit de la jeune femme, où elle ne devait pas mélanger ou rajouter des ingrédients, elle préparait ses cours ou lisait des livres en rapport avec ceux-ci.

  Grindelwald lui aurait reproché de tant s'investir. Après tout, elle venait à Poudlard pour l'aider à revenir au pouvoir ! Mais, Constanzia trouvait que ses élèves n'avaient pas à rater des cours à cause de son égoïsme. Ainsi, chaque minute de son temps libre était dédié à reprendre ses cours de Durmstrang pour en ôter la magie noire qu'elle enseignait là-bas. A vrai dire, dans l'école de l'Europe de l'Est, personne ne faisait attention à quel sortilège était de magie noire ou non. Les magies se mélangeaient sans que personne ne prenne garde à leur réelle origine et à leur puissance.

  Quatre longues heures. Enfin, Constanzia put éteindre le petit feu et prendre un flacon de la potion. Son arrière grand-père arriva à côté d'elle, puis lâcha :

— Parfait ! Prenez la pierre, et videz le contenu de ce flacon dessus.

  La jeune femme acquiesça. Elle prit la pierre en main, la mit sur une assiette, puis versa la potion. A peine eut-elle fini de tout verser que sa tête se mit à tourner à cause des vapeurs qui s'échappaient du dessus de la pierre.

— Prenez la pierre en main ! s'écria Grindelwald derrière.

  Constanzia, dans un automatisme, tendit la main et s'empara de l'objet. Dès l'instant où elle entra en contact avec la pierre, la professeure se sentit aspirée par celle-ci. Que se passait-il ?

  Tout était noir. Soudainement, Constanzia se sentit tomber sur un banc. Elle balaya les alentours du regard en hâte, apeurée. Comment une pierre si petite pouvait contenir tant de magie ? Normalement, elle était tombée dans une pièce telle une Pensine, qui allait lui envoyer des images. A moins qu'elle ne soit bloquée dans la pierre ?

  Une femme apparut face à elle. Une blonde, âgée de trente-cinq ans à peine, qui lui ressemblait étrangement.

— Mais... C'est moi... murmura Constanzia.

  Ses traits étaient tirés par la fatigue. Ses bras, couverts par les cicatrices, tentaient d'être cachés par de longues manches épaisses, sans succès : celles-ci étaient déchirées par endroits.

— Severus, je t'en prie ! s'écria le double blessé de la jeune femme.

— Non, Constanzia, vous en avez trop fait. Vous avez trop tué, vous avez trop manipulé, comme votre ancêtre.

  Dumbledore avait répondu à la place du professeur de potions. Constanzia jeta un regard paniqué à Rogue, qui détourna le regard. Elle insista :

— Severus, tu es le seul à pouvoir m'aider. Tu sais que je ne voulais pas, tu sais que je n'ai pas eu le choix ! Dis-leur, je t'en prie !

— J'ai déjà essayé, Constanzia, nul ne pourrait les convaincre. Ta liste de meurtres est trop importante, tu vas aller à Azkaban, et tu n'as pas le choix.

 Constanzia secoua la tête. Des Aurors, les militaires sorciers, s'approchèrent de la jeune femme qui fit quelques pas en arrière. Finalement, elle se retrouva au bord du vide, étant au bord d'une falaise.

— Où est Gellert ? demanda la jeune femme.

— Il est mort.

— Et mes parents ?

— Morts aussi.

  Constanzia restait muette. Les Aurors se rapprochaient, Severus l'observait d'un air si désespéré, alors qu'elle restait immobile à espérer que tout s'arrête. Son double observait toujours la scène, bien qu'elle l'ignorait.

— Jamais je n'irai à Azkaban, s'exclama la femme. Jamais !

  La blonde échangea un dernier regard avec Severus, avant de sauter dans le vide. Elle hurla tout en chutant, puis tout redevint noir.

  Constanzia, celle assise sur le banc, avait fermé les yeux. Non, non, cela ne pouvait pas être une vision du futur. Gellert et elle triompheraient, et jamais elle ne se ferait prendre comme une sotte si proche d'une falaise. Jamais ! La pièce se ralluma soudainement. Un homme, debout, entièrement vêtu d'une cape noire qui lui masquait même le visage.

— Cette pierre était auparavant sur la Couronne des Quatre Fondateurs que vous cherchez sans doute. Le seul moyen d'obtenir la relique sacrée serait d'aller parler à la tante du mage noir qui a failli s'emparer du monde qui compose votre sang.

  La pièce replongea dans le noir. Constanzia restait immobile, le cœur battant, gardant son calme. Elle ne devait pas paniquer, garder son masque, à chaque instant !

  Enfin, il lui parut qu'elle revenait sur Terre. Elle se sentit aspirée dans le sens inverse, et reprit enfin ses appuis en arrivant dans ses Appartements à Poudlard. Derrière, son arrière grand-père attendait, debout les bras croisés.

— Vous avez été longue, lui reprocha-t-il.

  Constanzia manqua s'étouffer. Il était sérieux ? Elle n'en tint pas rigueur et expliqua, après avoir repris ses esprits :

— Je vais mourir, et vous aussi. Je vais me suicider en me jetant d'une falaise.

— Impossible ! Cette pierre vous a juste envoyé la scène que vous craignez de vivre, voilà tout. Quoi d'autre ?

— Il faut que j'aille parler à votre tante. J'ignorais même que vous en possédiez une, vous êtes assez vieux pour que j'aie pensé que tout le monde de votre génération soit mort.

— Pas encore. Allez, demain, vous irez voir cette chère Batilda.

— Non ! s'opposa la jeune femme. Demain, je me repose ! Je cours depuis une semaine après tout ce que vous voulez, entre mes cours et cette fichue pierre. Je viens d'apprendre la probable manière selon laquelle je vais mourir, et je n'ai aucune envie de passer mon temps à votre solde alors que je suis épuisée !

  Constanzia se jeta sur un fauteuil, tremblante. La scène qu'elle avait vue était horrible, et... Non, elle ne parviendrait pas à courir encore le lendemain elle-ne-savait-où pour rencontrer une vieille grand-tante. Grindelwald poussa un soupir, puis disparut, laissant la professeure souffler.

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