Chapitre 22 : Retour

  Severus faisait les cent pas dans ses Appartements. Il attendait Constanzia, qui tardait ; deux heures étaient passées depuis son retour à Poudlard, mais la jeune femme n'était toujours pas revenue. Il commençait à perdre son sang-froid légendaire, trop obnubilé par son absence. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Et si elle était restée là-bas, ou si elle s'était faite attaquer ?

  Il avait emmené les élèves de Durmstrang au sein du château. Dumbledore avait aménagé en un temps record plusieurs dortoirs dans des salles abandonnées, remises à neuf grâce à la magie. Le directeur de l'école espérait également que Constanzia accepterait d'enseigner l'anglais aux jeunes, dans l'espoir qu'ils puissent rejoindre Poudlard sous peu en tant qu'élèves.

  Enfin, il faudrait plusieurs mois pour qu'ils parlent couramment... Mais à force d'entendre l'anglais tous les jours, ils y arriveraient !

  Constanzia était longue. Il continuait de marcher de long en large dans son appartement, tête baissée, réfléchissant à toute vitesse à des tonnes de choses, et essayant de se rappeler de chaque détail de sa brève discussion avec la jeune femme.

  Il allait devenir fou si elle continuait à traîner. Cela faisait deux longues heures, éprouvantes, à attendre sans arrêt et à sursauter dès que le moindre bruit se faisait entendre depuis le couloir.

  Vingt minutes plus tard, le portrait annonça :

— Constanzia Hagedorn souhaite vous parler, Rogue.

— Faites-la rentrer ! s'exclama-t-il immédiatement.

   La porte s'ouvrit. Constanzia, couverte de poussière, se glissa à l'intérieur. Elle paraissait avoir lavé son visage, mais ses vêtements étaient toujours preuve qu'elle avait dû passer dans de nombreux couloirs poussiéreux.

— Severus, lâcha-t-elle, son regard s'allumant d'une lueur particulière.

  Pris d'une pulsion, le professeur fit quelques pas vers elle, en même temps qu'elle. Ils s'embrassèrent, avec naturel, au contraire de leurs quelques baisers maladroits habituels. Constanzia sourit une fois qu'ils furent séparés, et poussa Severus avec douceur jusqu'au canapé derrière eux. Elle resta quelques instants debout en attendant qu'il se soit bien installé, puis s'assit juste à côté de lui pour rester non loin de ses bras. Elle savait qu'à trop en faire, il se braquerait. Elle attendit qu'il passe un bras autour de sa taille, afin de la rapprocher de lui, et qu'ils puissent discuter tout en restant l'un avec l'autre.

— Où étais-tu ? demanda-t-il. Je t'ai attendu des heures durant.

— Je me suis perdue dans les passages secrets, certains ont été fermés. J'ai donc fait plusieurs passages, puis les Grindelwald m'ont attrapé à nouveau. J'ai discuté avec eux, ils m'ont demandé où étaient les cachettes, je leur ai donné de fausses informations, je me suis enfuie, ils m'ont rattrapé dans un passage secret et cela a eu lieu trois fois avant que je n'arrive réellement à m'enfuir.

  Constanzia le dévorait presque du regard, les papillons dansant une valse au sein de son ventre. Elle était si bien dans ses bras ! Elle posa la tête contre son épaule et poussa un soupir rassuré, avant de l'écouter dire :

— J'ai craint de te perdre, Constanzia.

— J'ai eu peur de ne jamais revenir non plus, répondit la jeune femme en posant la main sur la sienne. Tu as su sauver les élèves ?

  La jeune femme retint une grimace. Grindelwald, voyant qu'elle avait fait demi-tour pour tenter de retourner dans les cachettes pour évacuer les élèves, avait recommencé son manège pour lui prendre la magie. Elle s'était évanouie dans les passages secrets, Grindelwald en ayant eu assez qu'elle ne cesse de se jouer de son autorité. Finalement, après quelques minutes, elle s'était relevée et avait pris quelques temps pour reprendre ses esprits, avant de repartir. 

— Ils sont dans des dortoirs aménagés par Dumbledore, répondit Severus. Il faudrait que tu leur donnes des cours d'anglais, pour qu'ils puissent rejoindre les cours communs aux autres élèves de Poudlard d'ici quelques mois, si leurs parents acceptent.

— Bien sûr, je le ferai.

  Severus hocha la tête. Constanzia déposa un bref baiser sur ses lèvres avant de dire :

— Je te laisse, je vais aller voir Dumbledore. Je dois lui dire que je suis d'accord pour ces cours.

  Le directeur des Serpentard acquiesça. Il hésita à lui dire quelque chose avant qu'elle ne sorte mais il se retint, jugeant que ses paroles seraient beaucoup trop démonstratives – et qu'il n'avait pas à se conduire comme un adolescent bourré d'hormones. Constanzia quitta les Appartements après lui avoir souri une dernière fois, le laissant seul à réfléchir.

  Il commençait lentement à la laisser prendre plus de place dans sa vie, et cela se ressentait. Et pourtant, contrairement au début de leur relation, cela ne dérangeait plus réellement le professeur, qui ne se voyait quand même pas être plus proche d'elle que ce qu'il en était déjà pour l'instant. Peut-être plus tard... Mais ils avaient le temps, non ?

  Constanzia marchait d'un pas tranquille en direction du bureau de Dumbledore. Si seulement Severus savait qu'elle pensait à la même chose que lui... Elle avait pleinement conscience qu'il se dévoilait de plus en plus à elle, et cela la rassurait ; elle en avait besoin, à vrai dire.
C'était sans doute idiot, mais le fait que Severus ne soit pas expressif l'avait perturbé, car elle ne parvenait pas à savoir si son attitude vis à vis de lui plaisait à l'homme ou non. Cependant, le fait qu'il soit un peu plus démonstratif, même si cela restait raisonnable, la rassurait profondément.

Ne restait plus qu'à parler à Dumbledore...

  Comme prévu, elle se présenta au directeur et lui fit un bref résumé de la situation à Dursmtrang, mêlant quelques mensonges à propos de la raison pour laquelle elle était encore en vie : en tant que professeure connue au sein de l'école pour être au plus proche de Karkaroff, il était normal qu'il souhaite connaître son avis sur une telle situation. 

— Mais quel était réellement votre... Lien avec Karkaroff ? questionna le directeur. 

— Il était mon employeur, dit Constanzia, assise devant Dumbledore. Je suis entrée au conseil de direction de Durmstrang deux ans à peine mon arrivée, car Karkaroff trouvait que j'étais efficace et de confiance. J'ai en effet, dès mon arrivée, commencé à partager de nombreuses confidences avec lui, jusqu'à même m'occuper de la gestion des cours interdits par le gouvernement magique du pays où Durmstrang se trouve. 

— Des cours interdits ? 

  Constanzia accepta simplement. Dumbledore resta quelques instants songeur, puis demanda :

— Accepteriez-vous de m'en dire plus ?

— Les cours de magie noire, répondit-elle du tac au tac. Tous les soirs, à 22h, organisés chaque jour pour les années différentes. Sept jours dans la semaine, une heure de cours illégaux tous les soirs organisés par deux professeurs différents, trois en fonction des années. J'ai réorganisé le programme et les horaires seule, et c'est ce qui m'a valu la confiance de Karkaroff.

— Avez-vous fait partie des professeurs qui enseignaient cette magie noire ?

  Dumbledore avait besoin de savoir. Constanzia secoua légèrement la tête et s'enfonça dans son siège, avant de demander :

— Ma réponse peut-elle impacter sur votre souhait de me garder ou non en tant que professeure ici ?

— Non, pas si vous me promettez que vous n'avez rien appris de cette magie à mes élèves.

  Les réponses fusaient. Les deux professeurs répliquaient dans l'immédiat, prenant à peine le temps de réfléchir, comme s'ils avaient prévus la discussion depuis longtemps. 

— J'ai donné des cours de magie noire à Durmstrang, et je vous jure sur tout ce que j'ai de plus précieux, et même sur ma vie elle-même, que je n'ai jamais rien appris de tel à vos élèves de Poudlard. Et pour les élèves de Durmstrang qui sont là aujourd'hui, jamais je ne leur apprendrai un seul sortilège de magie noire. Ce type de magie n'est pas dans les mœurs anglaises, et je refuse qu'un seul élève de cette école ne se retrouve dans une situation complexe à cause de moi. Ma réputation à Durmstrang est, fort heureusement, restée à Durmstrang, et même si un élève ici me trahit, je ne pense pas avoir de problèmes.

— Pourquoi ? demanda simplement Dumbledore.

— Les parents qui râlent le plus sont ceux de sang-pur. Ce sont également ceux qui constituent le plus le Conseil d'Administration à Poudlard. Et ce sont eux qui ont hésité à mettre leurs enfants à Durmstrang pour ces fameux cours de magie noire. Personne chez les sang-mêlés et parents moldus ne viendra râler, et s'ils le font, les sang pur se mêleront de la partie et me forceront à rester à ma place, en me conseillant d'ailleurs de faire des cours illégaux. 

  Dumbledore hocha lentement la tête. C'était logique. Y avait-elle déjà réfléchi ? 
Le fait qu'une des professeurs soit d'une famille traditionnelle de sang pur le titillait. Et si elle faisait des préférences, lors de ses cours, pour les sang pur ? Ou si elle tentait de transmettre ses pensées racistes aux élèves ?

— Oh, s'exclama Constanzia, j'avais oublié de vous dire : je ne suis en aucun cas d'accord avec ces sangs purs. Mais, il faut bien faire semblant pour pouvoir arranger le mieux la situation.

  Dumbledore acquiesça pour une énième fois. Puis, il dit :

— Parfait. Acceptez-vous de donner des cours d'anglais aux élèves ? A ma connaissance, vous êtes la seule personne au sein de ce château à parler couramment allemand. Vous pourrez également tenter de leur donner quelques cours de sorcellerie, mais je préfère tout de même privilégier les élèves de Poudlard. 

— Je comprends. Très bien, je vais tenter de glisser quelques heures pour les élèves de Durmstrang dans mon emploi du temps, quitte à les prendre le soir. Ne vous en faites pas, je vais commencer par leur apprendre les règles et coutumes d'ici, pour qu'ils se fondent un maximum dans la masse. 

— Parfait. D'ici quelques semaines, une fois que tous les parents ont choisi à propos du lieu d'éducation de leurs enfants, les élèves qui resteront passeront sous le Choixpeau afin qu'une maison leur soit désignée.

— D'accord. Est-ce qu'ils ont besoin d'un uniforme spécial en attendant ? Leurs vêtements venus de Durmstrang doivent être sales, et ils ont dû tout laisser là-bas.

  Dumbledore réfléchit quelques instants, puis dit :

— Nous allons faire venir une couturière, qui va leur donner des capes et les retoucher directement sur eux afin d'aller plus vite. En attendant, l'école leur a déjà fourni de quoi se vêtir. Il est midi vingt, continua-t-il en posant le regard sur une horloge sur son étagère. Si vous souhaitez les voir, ils sont sans doute en train de manger ; vos élèves de Poudlard sont prévenus qu'ils n'auront pas cours aujourd'hui avec vous dans tous les cas, alors... Je vous conseille de prendre les élèves de Durmstrang avec vous dès cet après-midi.

  Constanzia acquiesça à son tour. Le directeur de Poudlard termina :

— En tout cas, merci pour votre investissement au sein de notre école.

— Merci à vous d'accueillir ces élèves. Je suis navrée que Durmstrang soit tombé entre les mains des Grindelwald, et j'avoue être rassurée que quelques élèves aient pu être sauvés. 

  Dumbledore esquissa un sourire bienveillant. Constanzia paraissait vraiment inquiète pour ses élèves, et, à vrai dire, elle était sincère. Elle se leva, prête à rejoindre les jeunes gens, mais fut retenue par la voix de l'homme qui disait :

— A propos des deux lanceurs d'alertes de tout à l'heure... Leurs parents sont arrivés à temps. Ils ont pu échanger quelques mots avec leurs enfants avant que... Enfin... Je suis navré. 

  Constanzia s'arrêta dans son élan. Elle prit une profonde inspiration et, dos à Dumbledore, déclara :

— Il fallait s'y attendre. Je suis tellement, tellement désolée... 

— Vous n'y êtes pour rien. 

  Une part d'elle voulait y croire. Cependant, elle savait que si elle avait fait quelque chose contre sa propre famille, n'importe quoi, dès la rentrée de septembre, elle aurait pu sauver la vie de ces deux jeunes. Elle salua Dumbledore et quitta la pièce, le cœur battant, et la gorge nouée. 
Elle était responsable. Elle aurait pu changer les choses.

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