8.
Yoo ma
C'est à ce moment précis que je me suis mise à regretter ce que j'avais fait. J'ai perdu ma seule vraie amie à cause de mes enfantillages.
Une année s'est écoulée, mais je n'arrive toujours pas à l'oublier...
—Yoo ma, réveille toi. Tu vas être en retard pour l'école.
La voix de mon père m'extirpe de ma rêverie.
Je sors de mon lit. La main posée sur mon armoire, je me dévisage dans le miroir. L'éclat qu'il y avait dans mon yeux a disparu, un peu comme si j'étais morte à l'intérieur. Je me détourne et commence à me préparer pour l'école.
—Papa, j'ai fait des cupcakes pour toi et tes collègues, dis-je en passant devant mes parents et en me dirigeant vers la porte principale de la maison. Ils sont dans le frigo.
—Ah merci, je ne manquerai pas de les leur donner, l'entends-je crier de l'intérieur, alors que je continue de marcher sans m'arrêter.
Tout comme moi, plusieurs élèves sont en route pour le lycée, mais je me retourne et prends la direction opposée. Sur le chemin, je pique une rose blanche du jardin d'un inconnu et après quelques minutes j'arrive enfin au cimetière.
Je la trouve assez rapidement. Une pierre avec le nom Park Young Ji incrusté dessus. Je place la rose sur la pierre et je me tiens là en silence.
—Je suis désolée, murmuré-je les yeux fermés avant de m'éloigner.
Quand j'atteins le portail du lycée, les mêmes scènes se déroulent devant mes yeux. Je passe devant des membres de l'équipe de foot durant leur séance de jogging matinal ; dans les couloirs, plusieurs élèves discutent en face de leurs casiers, certains d'entre eux me saluant avec respect.
Arrivée à ma destination, la salle du conseil des étudiants, j'y trouve Mlle Areum occupée à écrire des consignes pour nous au tableau. L'une d'elle capte mon attention :
Si vous êtes fatigués après les cours, vous pourrez venir me rejoindre plus tard pour boire un thé.
Très gentil de sa part...
Je m'éclaircis la gorge :
—Bonjour Mlle Areum.
Elle sursaute. Absorbée par ce qu'elle écrivait, elle n'avait pas remarqué ma présence.
Elle se retourne et affiche un sourire timide :
—Yoo ma ! Tu es toujours la première à arriver. Pas facile d'être la présidente.
Elle tire une chaise de la longue table rectangulaire qui se trouve au centre de la pièce et la rapproche du tableau afin de continuer à écrire en étant assise.
—Je m'y suis fait, je lui réponds avant de m'asseoir sur la chaise située à l'extrémité de la table.
De mon sac, je sors des documents et un stylo. Mon rôle est de reporter toutes les activités des étudiants intra-muros. Par exemple, quelques instants plus tôt, j'ai vu l'équipe de foot en pleine séance d'entraînement. C'est quelque chose qui doit figurer dans mon rapport.
J'écris presque inconsciemment, mes yeux dardant furieusement à droite et à gauche. J'ai l'impression de gribouiller simplement sur le papier et de le remplir d'encre noire.
Lorsque je sors de ma transe, je reste muette de stupeur. Au lieu d'avoir écrit mon rapport habituel, je me rends compte que j'ai dessiné une sorte de créature sinistre. Elle a la forme d'une personne mais en même temps semble n'avoir aucune forme définie, un peu comme une ombre flottante. La créature n'a pas de traits faciaux sauf deux yeux ronds et extrêmement blancs.
Je soupire. Je décide de m'arrêter là pour aujourd'hui. Je quitte la salle et vais me changer les idées.
Par une malheureuse coïncidence, je me retrouve dans la même classe que tous les anciens détracteurs de Young Ji : Fei, Irène, Joon et tout le reste.
Ils sont tous là, toujours aussi bruyants et machiavéliques. Certains sont en train de se moquer d'un élève binoclard, lequel est devenu leur nouveau soufre douleur. D'autres prévoient de verser un seau d'eau sur le professeur, juste pour s'amuser.
—Quelle folie..., murmuré-je avant de me diriger calmement vers mon table-banc.
Je m'assois doucement, dépose mon sac en dessous de la table et sors un manuel. Je feuillette les pages en essayant d'ignorer le vacarme autour de moi. Je trouve un paragraphe qui m'intéresse, m'apprête à le lire, quand soudain une voix s'exclame :
—Oh ! c'est vrai ! Aujourd'hui c'est l'anniversaire de la mort de Young Ji !
Je lève les yeux. Il s'agit de Fei. Elle tape des mains en balayant la classe du regard, sûrement pour voir la réaction des autres. Mais ils ont tous l'air perplexe.
—Young Ji ?
—Qui est-ce ?
—Jamais entendu parler d'elle.
Fei est assénée de questions. Apparemment ils ne se souviennent vraiment plus de Young Ji. Bien que j'avais déjà anticipé leurs réactions, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont en train de lui manquer de respect.
—C'est pas vrai ! Vous ne vous rappelez pas ? répond Fei. C'est la fille pitoyable qui s'est suicidée dans les toilettes des filles. Quelle idiote, ajoute-t-elle en gloussant.
Et soudain, comme par magie, la mémoire leur revient.
—Je me rappelle maintenant ! dit Joon en claquant des doigts, un grand sourire scotché sur son beau visage. C'est l'une des mes ex !
J'essaie de retenir les vagues de colère qui déferlent en moi. Ces semblants d'êtres humains devraient juste fermer leurs gueules.
Je me lève brusquement :
—Est-ce que vous pouvez vous taire ? dis-je d'un ton dur. J'essaie de réviser.
—Ah c'est vrai que tu étais sa meilleure amie, intervient Hye Mi en me détaillant de la tête aux pieds. La meilleure amie qui n'a pas essayé de l'aider, ajoute-t-elle, ce qui me met encore plus en colère.
—C'est très intrépide de ta part d'essayer de me provoquer, petite conne. Je croise les bras et les regarde tous avec des yeux revolvers. Vous pouvez tous aller vous faire foutre! Et tant que vous y êtes, pourquoi ne pas célébrer l'anniversaire de la mort de Young Ji puisque vous aimez tellement martyriser les autres?
Ils sont tous choqués par ma vulgarité. Pour cause, je suis connue pour être plutôt calme et pour avoir toujours la tête dans mes bouquins.
—Tu jures trop, dit Fei, essayant de maintenir une attitude hautaine.
—Et toi tu respires trop, salope, ferme ta gueule !
Tout le monde me dévisage avec stupeur, y compris Fei.
—Hey hey hey calmez-vous, ça ne servirait à rien de se battre, dit Hana, la chef de classe.
Elle vient se mettre entre nous pour nous séparer, mais Fei et moi continuons à nous regarder en chiens de faïence.
—Vous vous disputez pour une fille qui n'est même plus là. Je ne crois pas qu'elle aimerait ça, même si je ne l'ai pas connu pour savoir ce qu'elle aimerait ou pas.
Celui qui vient de parler s'appelle Minho. C'est un élève qui vient d'être transféré dans notre classe. Ce qui s'est passé l'année dernière lui est donc totalement étranger.
—Oh laisse moi te dire quel genre de fille elle était, déclare Hye Mi pendant qu'elle s'attèle à appliquer du mascara sur son visage. Une fille misérable, toujours à s'agripper au bras de Joon, à provoquer des scandales ou à tous nous faire chier — les profs y compris — avec sa personnalité agaçante. En fin de compte, elle a mis fin à ses jours dans les toilettes. Pathétique, n'est-ce pas ?
Tout comme Fei précédemment, elle se met à glousser tout en m'observant du coin de l'oeil. Elle cherche sûrement à me faire sortir de mes gonds. Je choisis de l'ignorer.
Ce n'est certainement pas la réaction à laquelle elle s'attendait puisqu'elle continue :
—Et Yoo Ma qui voilà l'a juste laissée souffrir, sans montrer le moindre signe de sympathie à son égard.
—Tu peux garder tes reproches pour toi et les ravaler avec ta bouche retouchée au bistouri, sale pute artificielle, rétorqué-je en la toisant. Tes sourcils sont fake, ton nez est fake, même tes seins sont fake. Tout chez toi est fake. Si tu m'emmerdes encore, je t'arrache le nez. Comme ça tu pourras aller pleurer chez ton docteur, ajouté-je, contente de pouvoir l'exposer au grand jour.
—Comment oses-tu... ?! s'exclame-t-elle en se levant de sa chaise.
Au moment où elle s'apprête à se jeter sur moi, la porte de la classe s'ouvre brusquement, révélant un professeur essoufflé, comme s'il venait juste de courir un kilomètre sans s'arrêter.
—Lee Hye Mi ! crie-t-il en respirant par à-coups. La concernée se retourne et le dévisage. Viens avec moi une seconde.
—Quoi ? Je ne sors pas avec les vieux, répond-elle en examinant ses ongles, oubliant par la même occasion sa colère envers moi.
—C'est sérieux ! Tes parents ont eu un accident !
Hye Mi se fige sur place, les yeux écarquillés. La classe toute entière devient silencieuse.
—Ils sont à l'hôpital en ce moment, et... leur condition est critique, poursuit le professeur. Dépêche toi d'y aller pendant qu'ils sont encore en v-
Il n'a pas terminé sa phrase que Hye Mi le pousse sur le côté —ce qui le fait tomber sur le sol— et sort précipitamment de la pièce. De la classe, on entend ses talons aiguilles résonner dans le couloir. Elle court à une vitesse folle.
—Young Ji, dit soudain une voix. C'est l'œuvre de Young Ji.
Un silence de cimetière accueille ses paroles. Un châle de peur enveloppe la classe.
—Haha. Très drôle. Elle est morte, je te rappelle, dit quelqu'un d'autre, sans réussir à masquer la nervosité dans sa voix.
—Réfléchis. Hye Mi s'est moquée d'elle et regarde ce qui lui est arrivée. Peut-être que...
Mais sa phrase reste en suspens, interrompue par le son des ampoules qui s'éteignent une à une, plongeant toute la classe dans les ténèbres.
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