Chapitre 17 : Layla


 Sur le trajet, je rappelais Maman avec le téléphone des policiers. Elle décrocha aussitôt :

-Oui ? Racontez moi, qu'est-ce qu'il se passe ?

-Maman ! C'est Layla ! Où est-ce que tu es ?

-Toi, où est-ce que tu es ? Je suppose que les policiers vous ont récupérées ?

-Oui. Tu nous attends à la gendarmerie ?

-Oui, j'y suis déjà. Pitié, dis moi que ta sœur va bien !

Je souris faiblement.

-Oui Maman, Ilona va bien.

-Oh, merci mon dieu !

-Moi aussi, d'ailleurs.

-Ah. Oui oui, bien sûr, c'est bien aussi.

Je baissai les yeux sans rien dire un instant, avant de déclarer, au même moment qu'elle me demandait de lui passer Ilona :

-Bon, on se rejoint là-bas.

Et je raccrochai simplement. Je posai le téléphone sur mes genoux et soupirai. Ilona passa ses bras autour de mes épaules en pinçant les lèvres, puis se blottit contre moi. Elle cherchait à me réconforter, et comme d'habitude, ça marcha.

Je poussai un gros soupir et tournai la tête vers Brayden, qui était à ma gauche. Celui-ci avait la tête posée contre la vitre et regardait le paysage défiler dehors d'un air mélancolique. Je ne pus m'empêcher de regarder avec inquiétude sa main gauche, qu'il avait posé sur son coude droit. Celui que l'homme avait tordu tout à l'heure.

-Brayden ? dis-je doucement, Ilona toujours contre moi

Je crois que cette dernière avait besoin de relâcher la pression après ce qu'elle avait vécu.

Brayden se tourna vers moi avec un faible sourire, et je continuai :

-Tu veux pas appeler tes parents ? Ils doivent s'inquiéter.

Il me regarda un instant en perdant son sourire, puis secoua la tête.

-C'est bon, t'inquiètes.

La policière se tourna alors vers lui :

-Tu devrais les appeler, tu sais. Elle a raison, ils doivent s'inquiéter.

-Vous n'en savez strictement rien, répondit durement Brayden.

La femme pinça les lèvres d'un air désapprobateur, mais ne dis rien d'autre, et se retourna vers la route. Le conducteur n'avait toujours rien dit.

Je tendis ma main vers lui, et la referma sur la sienne. Il me regarda de ses magnifiques yeux bleu vert, puis sourit légèrement. Je posai nos mains entrelacées entre nous deux, lui sourit aussi, posai ma tête sur celle d'Ilona, qui avait désormais les yeux carrément fermés, et me concentrai sur la route.

On finit par arriver à la gendarmerie. Dès que la voiture fut garée, Brayden ouvrit la porte et sortit. Je le suivis aussitôt, avec Ilona. Seul Alessio resta dans la voiture.

Ilona se retourna vers lui et lui demanda :

-Tu viens ?

Il releva des yeux vides vers elle et répondit :

-Mais où, Ilona ? J'ai nul part où aller, Amelia n'est pas là, et je n'ai pas vu mes parents depuis quatre ans.

Elle cligna des yeux une fois, et son visage s'adoucit. Elle revint s'asseoir à côté de lui, et posa la main sur son épaule.

-Ils vont la retrouver, Alessio. Amelia va arriver avec eux. Quant à tes parents... la police va les retrouver, et vous pourrez les revoir, toi et Amelia. Pour l'instant... et bien, vous viendrez habiter chez nous, ok ?

Il la regarda un instant.

-Comment tu peux être aussi gentille avec moi ? C'est en partie ma faute si tu t'es retrouvée dans tout ça.

Je fronçais les sourcils. Je voulais comprendre la véritable histoire du jeune homme, mais il avait raconté une autre histoire à la police, et je ne pense pas que les policiers seraient ravis de l'apprendre.

-Alessio, Ilona ! intervins-je d'un ton pressant. La petite info que tu as lâché en échange de la sécurité de ta sœur n'est pas celle qui a permis au kidnapping d'Ilona, ok ?

Je passai la tête dans la voiture pour qu'ils puissent me voir et leur jetai un regard appuyé.

-On parlera de tout ça plus tard.

Ilona me jeta un regard reconnaissant, et Alessio hocha doucement la tête. Ils sortirent tous les deux de la voiture.

Une demi seconde plus tard, je vis une femme courir vers nous. Maman. Elle pleurait.

J'étais devant Ilona, en plein sur sa trajectoire, alors j'osais espérer. Un grand sourire se dessina sur mes lèvres et je tendis les bras vers elle.

Elle me contourna simplement, et se jeta dans les bras d'Ilona.

Je clignai des yeux, baissai les bras et luttai pour ne pas pleurer.

Pourtant, je sentais les larmes venir.

Ce n'était pas grave. J'avais l'habitude. Tout était normal. Ce n'était pas parce que Brayden était différent que tout le monde l'était désormais.

Et soudain, les barrières de toute une vie cédèrent violemment.

Je m'écroulai, mentalement et physiquement. Je tombais à genoux en éclatant en sanglots.

Oh, je pleurais souvent, oui. J'avais d'ailleurs souvent l'impression d'être très lâche.

Mais là...

Là, je voulais juste en finir. Peu importe comment. Je pouvais être brûlée vive, me noyer dans mes larmes, je m'en fichais.

Juste... que ça cesse, par pitié.

Ce fut à mon buste de tomber. Mon front vint doucement heurter le sol alors que je me recroquevillais sur moi même.

Je ne comprenais même pas pourquoi je réagissais comme ça. J'allais très bien il y a quelques secondes. C'était normal que ma mère me contourne, Ilona avait été absente plus longtemps. Moi, je n'avais fait que prendre tous les risques du monde pour la ramener.

C'était normal. Tout allait bien.

Tout, sauf moi.

Mon corps allait très bien, oui, mais mon âme n'en pouvait plus. Elle avait subi trop de coups, avait enduré trop de douleur.
Je n'en pouvais plus de juste ignorer, mais je ne pouvais rien faire. C'était trop tard, cette douleur là ne partirait plus jamais.

Je fermai les yeux très fort, contre le bitume, tenter de faire barrage contre les larmes. Ça ne marcha pas. Elles se frayèrent un chemin, elles coulaient dans les fissures de mon cœur brisé.

Tout va bien, Layla, tout va bien. Respire, ma belle.

Je ne fis qu'empirer les choses, en tentant de me consoler. Était-ce normal que je doive le faire moi même ? Que je doive m'encourager moi même ?

Je n'arrivais plus à respirer, je suffoquais complètement. Je me noyais vraiment, mon corps dans mes larmes, mon âme dans la douleur.

Je sentis soudain une main se poser sur mon dos, une autre sur mon épaule. Elle me redressèrent un peu, et m'attirèrent contre le torse de Brayden.

Celui-ci, le plus proche de moi quand j'étais tombé, s'était assis à côté de moi, et relevai maintenant mon menton vers lui. Il contempla mon visage plein de larmes, une infinie douceur dans le regard.

-Respire, Layla. Je suis là, tout va bien.

Je le regardai d'un air perdu, en pleurant toujours. Il me rendit mon regard, plongea ses yeux dans les miens :

-Je sais ce que ça fait d'être seul. D'avoir besoin d'aide pour rester debout, murmura-t-il, si bas que je fus la seule à l'entendre.

Je repensai à ses confidences au sujet de son frère. Évidemment, lui aussi avait vécu des choses affreuses.

Je sentis soudain une troisième main sur mon épaule. Je relevai la tête : Ilona était accroupie à côté de moi. Elle avait dans ses yeux... toute la culpabilité du monde. Je voyais ses yeux brillants, ses sourcils recourbés en une moue inquiète, et surtout, je la voyais se mordre la lèvre. Je savais qu'elle allait saigner, et ce volontairement, parce qu'elle avait l'impression que tout ce qui me tombait dessus était de ma faute.

C'était faux, mais faux...

Je lui souris :

-Eh, Ilona, ça va. Tout va bien, je suis désolée, je suis juste tombée.

C'était un mensonge tellement flagrant qu'elle fondit en larmes en secouant la tête.

-Je suis désolée, c'est... c'est de ma faute, je, j'aurais pas dû...

Mes larmes séchèrent aussitôt. Je ne supportais pas de la voir dans cet état à cause de moi. C'était une boucle infinie : elle se sentait coupable de mes larmes, et pleurait, et ensuite c'est moi qui me sentais coupable.

Je me levai d'un bond, et la tirais pour la remettre debout.

-Ça va, je te dis, riais-je.

Elle comprit que ce n'était pas le moment, pas comme ça, pas devant tout le monde. Elle hocha la tête, et essuya rapidement ses larmes.

-Désolée, c'est la pression qui descend, dit-elle aux policierx, à Maman et à Alessio.

Tous hochèrent la tête gravement, puis on repartit vers la gendarmerie, avec ma mère qui semblait ne plus pouvoir lâcher le bras d'Ilona.

Je faisais comme si tout allait bien, mais je me sentais étrange. Cette barrière en moi semblait à avoir pratiquement lâché. Je l'avais rebâtie juste à temps, devant les pleurs de ma sœur, mais... il y avait derrière une douleur terrible, qui me hanterait à tout jamais si ça venait à céder complètement, et... une rage, une rage si terrible, une telle puissance... Pendant une micro seconde, j'avais entraperçu quelque chose de si puissant que j'aurais pu me venger de tous ceux qui m'avaient fait du mal...

Mais c'était bien enfoui. Ça ne ressortirait pas. Tout irait bien, tentai-je de me persuader en rentrant enfin dans la gendarmerie.

Les heures qui suivirent furent comme nuageuses. Je m'en souvenais, mais c'était flou. Comme l'avait dit Ilona, c'était sans doute la pression qui descendait.

Ils nous posèrent des tas de questions, à tous les quatre. Alessio était le plus ciblé.

Au bout d'un moment, les policiers que nous avions vu au château rentrèrent. Bredouilles. Ils racontèrent rapidement au chef que toute trace des kidnappeurs avait disparu, qu'il n'avait pu attraper que les deux qui nous poursuivaient quand ils étaient arrivés...

En entendant cela, Alessio s'affaissa. Sa sœur n'était pas là. Elle était partie avec eux. Et sur les visages d'Ilona et d'Alessio, je vis une telle inquiétude que je me demandai ce qu'on allait lui faire subir. Et ce qu'on lui avait déjà fait subir...

Le reste, c'était encore plus flou. Alessio avait donné une plus ou moins fausse histoire sur lui, mais je ne savais pas assez de choses à son propos pour démêler le vrai du faux. Tout ce que je savais, c'est que son histoire était vraiment crédible. À quatorze ans, alors que sa sœur en avait onze, ils s'étaient rendus dans un champ seuls tous les deux, pour jouer. Tout à coup, des hommes étaient arrivés, et avaient assommé Alessio, puis Amelia. Alessio s'étaient ensuite réveillé dans un château, seul. On s'était servi de sa sœur pour faire pression sur lui : il avait dû les aider à nous kidnapper. Il ne savait pas pourquoi. Il avait passé quatre ans là bas, avant qu'enfin ils ne mettent leur plan en action et enlève Ilona. Ensuite, j'étais venue droit à eux, avec un invité surprise, alors ils nous avaient enfermés aussi. Ensuite, Alessio nous avait aidé à nous évader, et voilà. Il donna le nom et le prénom de sa mère : Adriana Vitali. Il dit aussi qu'il ne se souvenait pas de son père, partit à la naissance de sa sœur.

La police promit de tout faire pour retrouver sa famille, et puis elle nous laissa partir.

Nous venions de déposer Brayden devant chez lui. J'ignorai ce qu'allait faire sa famille, mais il m'avait promis que ça irait, et il avait l'air de vouloir gérer ça tout seul.

Désormais, avec Alessio, qui allait rester avec nous en attendant de retrouver sa mère, Ilona, Maman, et moi rentrions enfin à la maison.


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Coucou !

Alors le chapitre ?

Vous trouvez tout aussi horrible que moi ce qui arrive à Layla ?

N'hésitez pas à voter et commenter si ça vous a plu !

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