Chapitre 13 : Layla
Je me réveillais en sursaut. Je m'étais endormie, roulée en boule sur le sol. À côté de moi, sur le dos, les bras croisés derrière la tête, Brayden dormait encore. Je me redressai et m'assis en tailleur, endolorie. Je n'avais pas passé la nuit la plus agréable de ma vie.
Je me frottai les yeux, puis tournai la tête vers Brayden. Je l'observai. En, fait, me rendis-je compte, je n'avais jamais pris le temps de vraiment le regarder.
Là, j'avais tout mon temps, alors je laissai mes yeux courir sur sa peau bronzée, sa bouche entrouverte. Ses cheveux blond cuivré, légèrement bouclés, qui avaient poussé et ne formaient plus cette coupe affreuse qu'il avait quand on s'était parlé la première fois.
Il était beau, réalisai-je. Je ne comprenais pas comment j'avais fait pour ne pas le voir plus tôt.
Il commença à se réveiller, en clignant des paupières. Je détournai aussitôt les yeux, et au bout de quelques secondes, il était dans la même position que moi.
-Salut... Ça va ? me demanda-t-il d'une voix endormie.
-Oui, et toi ? répondis-je avec un petit sourire.
Il hocha la tête, et je ne pus m'empêcher de me remettre à le contempler, alors que lui fixait ses baskets.
Il aime Ilona, me rappela alors une petite voix mesquine dans ma tête.
Je perdis immédiatement mon sourire. Évidemment, comme tout le monde. Ça ne devrait même plus me surprendre. Je le savais, que tout le monde préférait Ilona.
Et pourtant, ça faisait toujours aussi mal. Il y avait toujours cette petite douleur, là, au milieu de la poitrine, qui me donnait envie de tout arrêter.
J'avais beau l'ignorer, elle était toujours là.
Je me levai d'un bond, et me mit à faire les cents pas d'un geste pressant. J'avais besoin de mon crayon et de mon carnet.
-Il faut qu'on sorte de là, gémis-je. J'en peux plus...
Brayden se leva.
-Je sais bien, Layla, je sais bien. Mais pour l'instant, on ne peut qu'attendre. Notre meilleure chance, c'est Alessio, même s'il est fou. On doit attendre qu'il revienne.
-Je sais... murmurai-je.
Je refusais de pleurer devant lui pour la troisième fois en deux jours.
Je continuais à marcher pendant une minutes, puis Brayden me lança :
-Action ou vérité ?
-Quoi ? fis-je en me tournant vers lui.
-Action ou vérité ? répéta-t-il en souriant.
Je réfléchis, puis choisis action.
-Fais cinq fois le tour de la pièce à cloche pied, me défia-t-il.
Je ris et commençais, mais je me rendis compte au deuxième tour que cinq, c'était beaucoup.
-J'ai le droit de changer de pied ? demandai-je en riant.
-Non !
-Tu parles... répliquai-je, essoufflée, toi t'es toujours ... assis hein !
-Allez, t'en as presque fait trois !
Je terminai mes cinq tours et m'écroulai :
-Plus... jamais ! haletai-je.
Toutefois, je souriais.
-T'es toute décoiffée, se moqua-t-il.
-La faute à qui ? Bon, à toi : action ou vérité.
-Action, par soucis d'équité, fit-il avec un ton de philosophe.
-Mouais... Et bien par soucis d'équité, tu sais quoi, tu vas faire comme moi, sauf qu'entre chaque tour tu feras dix pompes !
-Quoi ? protesta-t-il. Mais c'est pas juste !
Je haussai les sourcils :
-T'es un mec en pleine adolescence. C'est vous, les gars, qui répétez que vous êtes plus forts que les filles, prouve le !
Il se leva en grommelant faussement, et commença. Quand, au bout du premier tour, il commença les dix pompes, ça avait l'air facile. Cependant, au bout du troisième tour, il ne se baissait plus pour les faire : il s'écroulait.
Quant à moi, je me tenais les côtes tant je riais.
Les cinq tours terminés, il s'affala à côté de moi, en haletant. Je ne pouvais m'arrêter de rire.
C'est fou, cet effet qu'il me faisait. Deux minutes plus tôt, j'étais au bord des larmes, et maintenant je m'étouffai de rire.
Soudain, la porte s'ouvrit. On se tourna tous les deux d'un coup vers...
-Mila ? m'écriai-je.
Mais qu'est-ce qu'elle faisait là ?
-Salut Layla, salut Brayden, nous dit-elle avec un pâle sourire.
Je me levais d'un coup :
-Mais qu'est-ce que tu fous là ? Me dis pas qu'ils t'ont kidnappé aussi ?
Je crois que Brayden comprit avant moi :
-Layla, je suis pas sûr que...
-Je suis avec eux, me dit doucement Mila.
J'écarquillai les yeux.
Elle... elle avait aidé ces gens à kidnapper Ilona.
-Tu... tu...
-Ilona le sait ? demanda Brayden, très calme.
Elle hocha la tête, puis se tourna vers moi :
-J'ai déjà reçu ces insultes, j'ai pas besoin des tiennes. Je suis venue vérifier que vous foutiez pas le bordel.
Et elle partit.
Brayden et moi nous regardâmes en clignant des yeux. Je n'arrivais pas à y croire. Mila avait trahie Ilona. Comme ça avait dû la blesser quand elle l'avait découvert ! Elle aimait tellement Mila...
Il fallait que je lui parle. J'avais besoin d'elle, elle avait besoin de moi.
Mais pour ça, il fallait qu'Alessio fasse quelque chose, et il n'était pas là, alors j'acceptai mon sort et me rassit en soupirant.
-Bon alors, parle moi de toi, déclarai-je.
Brayden fronça les sourcils.
-Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Je haussai les épaules.
-Je sais pas, raconte moi des trucs importants pour toi, qui ont marqué ta vie.
Il hésita :
-Y a pas grand-chose, tu sais.
Je le regardai longtemps, avant de dire :
-Y a tout le temps quelque chose.
Il soupira puis dit :
-Ok... alors, ma mère a eu quatre enfants : mes deux petits frères, moi, et... mon grand frère. Victor. Jusqu'à mes douze ans, ça a été le meilleur grand frère du monde. Il me laissait venir avec lui voir ses potes, les grands, il m'aidait pour mes devoirs... Quand j'ai eu treize ans, il est sorti avec une fille super sympa, Lucy. Elle était vraiment gentille, avec lui, avec moi, avec mes parents... Je l'adorais. Ils sont sortis ensemble trois mois, puis Victor a commencé à voir une autre fille. Sans quitter Lucy. Je l'ai appris quand je l'ai vu embrasser cette Cassie, alors que je savais qu'il sortait encore avec Lucy. J'ai gardé le silence pendant deux jours, avant de lui avouer que je savais. C'est à partir de là qu'il a commencé à changer. Il m'a ordonné de ne rien dire à Lucy, ou... il ne savait pas ce qu'il ferait, mais je le regretterais. Alors, comme c'était mon frère, j'ai fermé ma gueule. Ça a duré cinq mois, et au fur et à mesure, Victor devenait plus méchant avec moi, plus violent avec Lucy. Et je suis allée la voir, et je lui ai tout raconté.
Je l'écoutais sans un mot.
-Je n'oublierais jamais la peine dans ses yeux, reprit-il, le front plissé. Elle m'a remercier, m'a dit que ça irait, et elle aller parler à Victor. Au début, j'ai entendu des cris, je n'osais pas monter, mais j'ai fini par le faire. Pour voir Victor frapper Lucy, qui était toujours sa copine. J'ai crié sans le vouloir, et il s'est retourné et m'a vu. Il a...
Il fit une pause.
-Péter les plombs. Vraiment. Il s'est avancé vers moi, il m'a poussé vers les escaliers, et je me suis cassé le bras. J'avais quatorze ans, tout juste, et c'était la première fois qu'on m'agressait comme ça.
Sa voix tremblait.
-Victor a vu que je souffrais mais... il n'a rien fait, il est descendu, et en passant devant moi, a donné un coup de pied à mon bras cassé. J'ai hurlé, Lucy aussi. Dans la maison, il n'y avait qu'elle, Victor et moi, personne d'autre qu'elle pour m'aider. Victor a continué d'avancer, et elle est venue m'aider à me relever, et on a suivi Victor. Je pleurais, je hurlais, je ne comprenais pas ce qui venait de se passer. On est arrivé dans le jardin, on a vu Victor monter sur sa moto, et...
Sa voix se brisa.
-Pour mes quatorze ans, mes parents m'avaient offert un chiot. Il était trop mignon, je l'avais appelé Carmen. Il était là, sur le chemin de Victor... Alors mon frère a accéléré, et il a foncé dans mon chien.
Il cligna des yeux, et les larmes brillaient dans ses yeux. J'étais dans le même état.
C'était... même pas imaginable.
-Et Carmen... Bah il est mort sur le coup, mais j'oublierais jamais son corps pratiquement coupé en deux, ni nos voix qui criaient, à Lucy et moi.
Sa voix s'éteignit.
-Après ça, on a plus eu aucune nouvelle de Victor.
Ma bouche s'entrouvrit.
-Seigneur, Brayden, c'est...
-Je sais, sourit -il faiblement. C'est affreux, c'est inimaginable, tout ce que tu veux. Mais t'inquiètes, ça fait quatre ans, j'ai eu le temps de m'en remettre.
-Mais comment tu peux... te remettre d'un truc pareil... ?
Il me regarda longtemps, avant de déclarer :
-Il faut bien, Layla. Comment on fait, sinon ?
Je restai muette face à la vérité contenue dans ses paroles. Comment faire, si on n'était pas capable de se remettre.
-On vit tous des trucs difficiles, ajouta-t-il doucement. La plupart du temps, on ne le partage pas, mais il y a toujours quelque chose, une part d'ombre dans ton passé. Dès fois, ça finit par nous contaminer à notre tour. La part d'ombre de Victor, c'était Cassie. A mienne, c'est Victor. Je suis sans doute celle de quelqu'un. On fait toujours du mal aux gens, même sans le vouloir. Des fois, ces gens réussisse à se relever, à ignorer la douleur, mais des fois, ça finit mal.
Un léger frisson me parcourut, et je relevai mes yeux mouillés vers lui.
-Il y aura toujours quelque chose qui, si tu ne te défends pas, si tu le laisses faire, te rendra mauvais.
Je ramenai mes jambes contre moi et posai mon menton sur mes genoux.
-Mais comment on fait pour lutter ? demandai-je dans un souffle.
Il eut un pâle sourire, et murmura sur le même ton faible :
-À toi de me le dire, Layla. Tu es la personne la plus courageuse que je connaisse. Montre moi comment oublier...
Je l'observai, avec l'envie soudaine de tout savoir de lui : ses joies, ses peines, ses malheurs, tout ce qui constituait ce garçon si gentil avec moi.
Ce fut à ce moment là que ça m'arriva pour la première fois. Mes yeux se révulsèrent, et je me sentis tomber.
Je me tenais debout dans mon jardin. Il faisait nuit. À mes pieds, la tombe de mon chien. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, je tremblai tellement que mon bras cassé me faisait mal malgré le plâtre. Comment, mais comment avait-il pu devenir fou à ce point ?
Je le revis donner un coup de pied dans mon bras tordu, un sourire méchant au lèvres. Je le revis appuyer sur l'accélérateur, Carmen en face de lui. Je le revis s'éloigner en vrombissant, laissant derrière lui un chien mort, un frère souffrant, et une copine brisée.
Je me mis à sangloter, et m'écroulai devant la tombe de mon chien.
Il avait six mois, juste six mois. Et il avait été tué tellement cruellement.
-Pardon, pardon... murmurai-je dans le noir.
Il n'y avait pas de lune ce soir.
Je sentis une main se poser dans mon dos. Je ne sursautai même pas. Je savais que c'était Lucy. Elle venait souvent à la maison, encore plus qu'avant. On était unis, tous les deux. On avait vécu ça ensemble.
-Il... il... tentai-je de lui dire.
-Je sais Brayden, je sais.
Elle s'assit à mes côtés, et nous restâmes dans le silence. Il n'y avait pas de mots pour décrire ce que nous ressentions.
Je revins à moi dans une grande inspiration. J'étais par terre, les jambes étendues sur le sol, et le buste dans les bras de Brayden, qui avait l'air inquiet.
Je le dévisageai.
-Qu'est-ce qui s'est passé ? me demanda-t-il, pressant.
Je fronçai légèrement les sourcils.
Je n'en avais pas la moindre idée.
______________
Coucou !
Alors le chapitre ? Vous trouvez ça aussi horrible que moi, ce qui est arrivé à Brayden ? (j'étais vraiment en train de pleurer en écrivant, je suis trop sensible TT)
Et les visions ? Comment elles marchent à votre avis ?
N'hésitez pas à voter et à commenter si ça vous a plu !
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