Chapitre 4
TENTATIVE DE SUICIDE
Je suis dans la baignoire. Je pleure comme une madeleine. J'ai l'impression que je deviens tout à fait inutile. Alors l'homme qui m'a pris tout ce que j'avais , la mort l'avait déjà emporté. Si je ne peux pas me venger , je ne vois pas l'intérêt de continuer cette existence misérable que je mène . J'attrape la petite larme au bord de la baignoire. Elle est si tranchante. Je ferme difficilement mes yeux inondés de larmes .
Sans hésitation , je me tranche l'intérieur de la main. Ça fait terriblement mal mais après un moment , la douleur commence à s'appaiser et je ressens une plénitude. Tout est à présent terminé !
Naître pour perdre mes parents , grandir pour me prostituer et mourir en me suicidant.
Voilà ma vie ! Petit à petit , plus rien ne subsiste autour de moi. Je ressens étrangement une sensation de bien-être et j'ai sombré dans les ténèbres. Ce fût le néant . Que Dieu me pardonne pour cette acte odieux . Qu'il me pardonne pour tout !
J'ouvre difficilement les yeux . Où suis-je ? Tout est flou. Après un moment , la brutalité de la réalité me rattrape. Je suis à présent morte de trouille. Je regarde autour de moi et je constate que je suis à une chambre d'hôpital. Non , tout sauf pas ça ! J'ai survécu . Je pense tout de suite à Henri . Comment vais-je supporter sa colère ?
Une infirmière entre dans la chambre .
- Ah vous êtes réveillée ! Comment vous vous sentez ?
Je vais prévenir votre mari. Il s'est beaucoup inquiété pour vous .
Mon mari. Henri évidemment !
Je me contente de lui sourire.
- Préviens-le tout de suite s'il vous plaît ! Dis-je au bord des larmes.
Cette fois , je ne joue pas la comédie . Je me sens vraiment mal . Même ma tentative de suicide est un échec. Tout est un échec . Même ma vie est un échec.
L'infirmière s'exécute. Je vois Henri enter dans ma chambre. Il se précipite et me prend dans ses bras. Je pleure et lui aussi .
- Pourquoi Roxie? J'ai cru que j'allais te perdre pour toujours. Que ferais-je sans toi ?
Il est sincère. Je le sens bien . Ça me touche beaucoup que quelqu'un soit inquiété pour moi. Je ne suis pas seule. D'ailleurs, je ne l'ai jamais été.
- Henri , ne pleure pas ! Je t'en prie !
Je te demande pardon. Ça ne se reproduira plus. Plus jamais ! Je ne te causerais de peine.
Je suis sincère. J'ai plus de mal pour lui que pour moi. Je commence secrètement à développer une affection pour Henri.
- Tu es folle ! Comment as-tu osé? Qu'est-ce-qui t'a pris?
Il se détache de moi et me fait volte-face
- Je m'excuse !
C'est la seule chose que je trouve à dire. C'était idiot de ma part. Je le reconnais. J'ai abandonné comme une lâche. Je suis lâche.
- Roxie , je me fiche de tes excuses .
Que ça ne se reproduise plus jamais ! C'est compris ?
Son regard change . Il est en colère et je le comprends. Il a complètement raison. Je ne mérite pas son affection. Je ne mérite rien que de la souffrance.
- Compris ! Maintenant que j'ai compris combien je suis importante à tes yeux , je ne ferai plus de bêtises.
- Ça vaut mieux pour toi. Si tu étais quelqu'un d'autre , je te frapperais parce que tu mérites bien des baffes toi idiote .
Je sais qu'il n'oserait pas me faire du mal.
- Tu me pardonnes ?
- Bien sûr Roxie ! J'ai eu si peur en te retrouvant dans cette mare de sang . Oublions cette histoire et allons de l'avant.
- Merci , balbutie- je la tête baissée.
J'ai honte de moi. J'ai laissé ma tristesse , mon désespoir prendre le dessus et j'ai failli commettre l'irréparable.
- Rentrons chez nous ! J'en ai marre de te voir dans ce lit d'hôpital.
Il a raison . Rentrons à la maison .
Il me porte en m'entourant dans ses grands bras protecteurs. Je pose ma tête sur son torse et je verse malgré moi quelques larmes .
J'ai entendu l'infirmière qui dit "Monsieur , vous ne pouvez pas ! Elle a besoin de repos "
Et après plus rien , je sombre dans le sommeil.
Dix jours plus tard , je me sens beaucoup mieux . Assise sur la terrasse, je me gave encore et encore de nourriture . La vie commence à reprendre son cours pour moi .
Henri était au petit soin avec moi depuis ma bêtise , il exauce mes moindres caprices comme toujours. Il est à mes pieds. J'aime ça !
Mon infirmière personnelle ( Henri a insisté ) , s'approche de moi .
Elle va me faire encore la morale.
- Madame ne devrait pas manger autant. Vous risquez une intoxication alimentaire.
De quoi se mêle t-elle ? Je fais ce que je veux.
- Tu veux bien me laisser. Tu deviens trop collante. Je vais demander à Henri de te virer. Oui , j'ai plus besoin de toi.
Je la vois soudain triste , aveuglée par les larmes. Qu'avait-elle? C'est pourtant pas la première fois qu'il subisse mes boudes .
- Qu'y a-t-il ?
- Rien madame ... Murmure t-elle tristement.
Elle tourne le talon . Attends , elle n'a pas osé me laisser en plan alors que j'essaie de l'aider.
- Je suis en train de te parler. Dis-moi ce qui te mets dans un tel état.
Elle se retrourne avec fierté la tête haute.
- Madame , j'ai besoin de ce travail.
Ma mère est malade. J'ai besoin de ce travail pour payer les frais d'hôpital.
Je comprends mieux pourquoi elle me supporte depuis maintenant dix jours . Pauvre fille !
- Je vais te donner un peu d'argent.
Comme ça , tu pourras t'occuper de ta...
- Non , je ne demande pas l'aumône. Je veux travailler et gagner de l'argent à la sueur de mon front.
Quelle idiote ! Elle ose refuser mon aide.
- Que crois-tu hein? Ce n'est pas de la charité. Je vais te donner une avance sur ton salaire .
Je connais bien ce sentiment d'impuissance. Ah le manque d'argent...
- Merci madame. Merci beaucoup !
- Ne me remercie pas ! Comme tu dis , ce n'est pas de la charité.
Prends bien soin de ta mère.
Elle se retire . J'ai de la peine pour elle. Elle a un diplôme et elle est obligée de supporter mes nerfs.
Quelle vie de merde !
J'ai eu mon bac grâce à ma marraine Jade. Elle m'a obligé de finir mes études et à un moment , elle m'a même payé un professeur particulier (Quand les clients demandaient plus de temps).
Le lendemain , je me repose dans ma chambre. Je m'ennuie . J'entends quelqu'un frapper à la porte. C'est sûrement Henri. Depuis quand il frappe à la porte ?
- Entrez !
La porte s'ouvre et je vois ma marraine Jade sur le seuil de la porte.
Je souris . Quelle joie de la voir !
Jade est une femme dans la quarantaine. Belle , sereine , charismatique , elle sait imposer sa présence.
Je me lève et va à sa rencontre .
Elle me regarde le visage crispé c'est à ce moment que je reçoive une bonne gifle. Aïe , ça fait mal !
- Marraine ...
- Tu me déçois ! Je n'arrive pas à croire que tu as eu le courage de revenir ici après tout ce que tu y as vécu .
- J'ai conscience que je te déçoive encore une fois. Ceci dit c'est ce que je fais depuis tu me connais . Je ne vous demande pas de les comprendre mais j'ai mes raisons.
- J'écoute ! Donne-moi une bonne raison !
- Je suis revenue pour me venger .
Venger la mort de mes parents mais...
- Mais quoi ?
- La cause de tous mes malheurs est décédée. Je n'aurai jamais l'occasion d'assouvir ma soif de vengeance . Ne m'en veuillez pas !
- Comment t'en vouloir ? Ça ne me surprend pas . Tu as toujours voulu te venger . Comment ça ? Il est mort ? Demande t-elle en m'adressant un sourire.
Là , je me sens beaucoup mieux . Son sourire me réchauffe le cœur .
Elle prend ma main et nous allons s'asseoir sur le lit.
J'essaye de cacher tant bien que mal mon bras pansé . Apparemment , elle n'est pas au courant que j'ai voulu me suicider.
- Tu as quoi dans le bras ? Pourquoi il est bandé ?
Ohlala , je suis mal barrée là . Pourrais-je supporter sa colère ? Non , elle ne doit rien savoir . Il faut que j'invente quelque chose et vite.
- Euh ... C'était un petit accident ! Tu sais comment je suis maladroite. Je ne fais jamais attention ,ris-je mal assurée.
Elle paraît perplexe . Elle ne me croit pas . Oh mon Dieu !
Soudain j'entends une voix dire "C'est faux" C'est Henri !
- Pourquoi tu mens Roxie ?
Oh non Henri , je t'en prie. C'est tout ce que mon regard exprime.
Il ne fait pas attention à moi et continue
- Elle a essayé de se suicider !
- Quoi ? Lance Jade , incrédule.
Non , non Henri ! Pourquoi tu ne l'as pas gardé pour toi ? Je le déteste pour ça .
- Oui , tu as bien entendu. Elle voulait se venger mais elle a appris que la personne qui l'avait vendu était morte . Elle ne trouvait plus aucune raison de vivre et elle commet cette bêtise .
Je pouvais imaginer ce qui m'attend.
Ma marraine, me foudroyant du regard , contre toute attente elle me prend dans ses bras. Ouff , sauvée !
- Ne refais plus jamais cela ! Me chuchote t-elle à l'oreille. Je ne supporterai pas de te perdre.
Je suis contente . Moi qui croyais que j'allais subir sa colère. Elle comprend ma détresse . Ça ne me surprend guerre. Elle a toujours été un soutien pour moi. Je sais bien que ma mère est irremplaçable mais parfois je laisse penser qu'elle occupe une place maternelle dans mon cœur .
- C'est un geste irréfléchi quand on sait que la possibilité pour que cette information soit vraie n'est pas sûr à cent pour cent.
Je me dégage de ma marraine . Je suis étonnée . Comment ça ?
- Que veux-tu dire ? Explique-toi !
Je veux savoir ! Alors j'ai voulu mettre fin à ma vie sous une base infondée. Je suis bien une idiote. Je l'avoue .
Comment n'y avais-je pas pensé avant ?
- José Perez peut changer d'identité. Tu y as pensé ? Il peut bien simuler sa mort pour assurer ses arrières. Nous avons beaucoup d'ennemis dans ce métier . C'est une des précautions .
- J'avoue ! J'ai commis une erreur.
- Non , dit Jade. Une énorme erreur.
Tu laisses tes émotions prendre le dessus. Tu ne peux pas te venger dans ces conditions . Si on ne te tue pas , tu mettras fin à tes jours .
- Enfin ... Conclut Terrence. J'ai une idée pour résoudre son problème.
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