Partie 5
Mayssane ne se retourne pas en s'éloignant. Malgré la tournure surprenante et plutôt agréable qu'a prise l'interruption inopportune, elle bout encore de colère envers le jeune homme. Elle allait enfin connaître la réponse et lui a tout gâché ! Peut-être qu'elle ne saura jamais après cela... Et si c'était sa dernière chance de savoir qu'il vient de lui ravir ?
Elle n'est pas sûre de pouvoir vivre sans comprendre au moins ça. Même elle qui s'est résignée à ne jamais savoir tout le reste ne peut se résoudre à cette dure éventualité. Elle est consciente de son ignorance implacable, palpable dès lors que certains événements viennent remettre en cause les belles certitudes acquises par des heures de bourrage de crâne intensif.
Elle a connu ces moments où plus rien ne semble vrai, où la barque de la vie prend l'eau et où même en écopant de toutes ses forces ont ne peut que retarder l'inévitable. Mais elle s'en est sortie, elle le lui devait. Faillir n'était alors pas une possibilité.
Et quelques rares fois, il lui arrive de jalouser les ignorants qui pensent savoir, vivant ainsi sans fardeau en se berçant de douces illusions, loin d'une vérité qu'ils ne peuvent tout simplement pas voir. L'ego humain a cela de démesuré qu'il croit que par le biais des divers enseignements qu'il a reçus et des informations qu'il a engrangées au fil des ans, il est capable de saisir l'incroyable complexité du tout.
Comme cet homme, gonflé d'orgueil et fier de sa soi-disant différence...
La jeune fille marche sans savoir vers où, s'éloignant non seulement de l'inconnu qui ne doit plus qu'être qu'une tâche floue au loin, mais aussi de la seule chose lui permettant de repérer son bout de plage auto-attribué du reste de la grève. Le phare ne se limite pas à son rôle de guide pour embarcations maritimes, il éclaire aussi de son jet de lumière les âmes noctambules dont Mayssane fait partie depuis son chavirement.
Elle n'est ni perdue, ni retrouvée... Errante alors ? Sûrement car elle ne fait qu'avancer sans réel entrain, cela fait tellement longtemps qu'elle ne sait plus pourquoi elle continue. Au début, elle s'était battue car il le fallait et elle a réussi. Elle s'est remise d'aplomb, enfin c'est ce qu'elle croyait avant de comprendre que le combat de l'esprit peut parfois se révéler plus périlleux que celui du corps.
Mayssane n'a jamais vraiment guéri et la plaie ne s'est jamais refermée. Elle a essayé tant bien que mal de faire comme si de rien n'était mais certaines choses ne peuvent pas être mises de côtés. Elle nous ronge de l'intérieur. On est-ce nous qui nous rongeons en nous plantant des couteaux dans le dos au nom de la culpabilité ?
Mayssane retient ses larmes. Elle voudrait hurler, mais c'est trop tard, elle a tout gardé en elle. Elle n'a pas assez parlé d'elle et de ce qu'elle était qu'en elle vivait encore. Maintenant c'est trop dur. Elle n'existe plus qu'à travers sa mort et tout ce qui lui reste d'elle c'est sa voix qui répète inlassablement que c'est de sa faute...
Car oui, tout est de sa faute.
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