Partie 2

                 Dans une des petites maisons blanches parsemées le long de la plage, une de celles faisant affront aux marées qui ne peuvent les atteindre, une lumière est encore allumée, insignifiante comparée à celle du phare dont le faisceau balaie la surface capricieuse de l'eau. 

                  Une seule personne se tient près de la fenêtre de la chambre d'hôte où une ampoule blafarde résiste encore à l'obscurité qui semble avoir avalé, en même temps que le jour, les bruits continus dont résonnaient les allées citadine.

                 Mayssane regarde l'océan qui apparaît et disparaît dans le sillon de l'éclairage artificiel. Elle ne se lasse pas de ce spectacle qu'elle a admiré tout au long de la journée. Seulement, depuis ce poste d'observation-ci, il n'y a plus le vent pour jouer avec ses mèches bleues et, Mayssane le sait, le charme de la mer c'est avant tout ses bourrasques qui vous font ressentir le déchaînement de l'océan et sa capacité à vous emporter loin de tout.

                 La jeune fille n'a pas besoin d'être happée par les courants pour ressentir cela, l'ivresse née du silence et de la solitude lui suffit... Et puis, cette impression de liberté que rien ne peut entraver, de ne faire qu'un avec la brise froide et puissante qui caresse la grève.

                 Rien qu'elle comme en ce moment-là. Seule dans l'obscurité mais surtout dans le silence qui en résulte. La nuit a cela de commun avec les vagues, l'aptitude à faire naître, non le mutisme, mais l'absence de paroles prononcées. Car, il ne faut pas s'y tromper, Mayssane ne se tait pas quand elle est sur la plage. Elle parle mais sans bouger les lèvres, sans geste superficiel qui n'ajouterait rien au dialogue qu'elle a avec l'océan.

                  Un débat acharné qu'elle mène à chaque instant sans même en connaître l'issu, une discussion qui peut-être ne se terminera jamais, mais le temps est compté pour Mayssane alors qu'il ne l'est pas pour la mer... L'adolescente n'a que la période des vacances estivales pour lui soutirer la réponse alors que les antres maritimes, elles, n'ont tout simplement pas conscience de chaque seconde qui s'écoule.

                  Mayssane est venue, contre l'avis de tous, passer son dernier été en tant qu'adolescente dans ce lieu appartenant plus à l'océan qu'au continent, nullement découragée par la possibilité de perdre son temps en s'obstinant à s'aventurer dans ce qui, peut-être, n'est qu'une impasse. 

                  Mais la jeune fille n'a écouté que son cœur et son intuition, c'est ici et nulle part ailleurs qu'elle doit préparer son entrée dans le monde adulte comme l'oisillon qui secoue ses plumes ébouriffées avant le premier envol.

                 Pourtant, Mayssane a l'impression qu'elle s'est déjà envolée, sans attendre rien ni personne, simplement poussée par une envie insatiable de fugue. Une fuite en avant, une de celles qui vous mènent bien au-delà de vous-même et des présomptions qui ont auparavant régi chacun de vos actes. Il lui a fallu boire la tasse pour découvrir comment nager, être dépassée par les évènements, qui lui ont rappelé son ignorance, pour enfin pouvoir l'accepter.

                  Mayssane s'est envolée, a migré d'une terre à l'autre, s'est perdue pour finir ici, dernier acte de son périple qui lui dira si oui ou non elle s'est trouvée. A-t-elle réellement sa place dans ce monde prêt à implosion, peuplé de copies conformes sans libre arbitre véritable entassées dans un enclos trop étroit ? A-t-elle vraiment sa place dans ce monde où elle n'est plus ?

                La jeune fille se tourne vers l'océan et elle se répète cette phrase qui s'est révélée être la seule réponse à peu près satisfaisante à son interrogation la plus chère. La seule, malgré ses failles, à cette question que personne ne peut éviter, mais dont rares sont ceux qui ont le courage de se lancer en quête de la réponse.

                 Elle entortille une mèche bleue autour de son index tout en murmurant d'une voix forte, nuancée cependant d'un sentiment qu'elle ne peut définir, du doute, ou du regret peut-être :

-Je suis L'Étrangère d'Albert Camus...

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