Un éclair traverse le ciel, étouffant le bruit sourd d'une porte qu'on vient de claquer et éclairant le visage tendu du vieil homme. De la folie ! C'est vraiment de la folie ! La foudre a dû s'abattre sur cet inconscient pour qu'il décide de prendre la mer, avec la sorcière bleue qui plus est ! Et lui qui croyait Anwar plein de bon sens...

                  Ce n'est pas un marin, tout juste un gardien de phare et encore ! Il doit vraiment vouloir impressionner cette fille, comment s'appelle-t-elle déjà ? Ah oui Mayssane ! Une gamine immature, prête à tout pour poser ses griffes vernies sur son apprenti.

                  Le vieil homme bouillonne de l'intérieur, transporté par la tempête de colère qui le secoue et mi-effrayé, mi-fasciné par celle qui fait vibrer les vitres de l'habitacle. S'il s'écoutait, il sortirait pour s'agripper à la balustrade et hurler à s'en déchirer les cordes vocales.

             Lui, la force tranquille, sent le désespoir s'insinuer douloureusement en lui à l'idée de disparaître tout simplement après sa mort. Personne ne sera là pour lui permettre de survivre en tant que souvenir. Cette pensée, pourtant naturelle à bien des égards, le terrifie, creusant en lui un vide beaucoup plus déstabilisant que la pire des émotions.

               Il est calme désormais, presque résigné à son sort. Il ne lui reste plus que des regrets. Et un soupçon d'amertume en se rappelant la voix d'Anwar lui demander son jour de congé tandis que les yeux indéchiffrables de la Veilleuse de l'Océan le scrutaient.