- LA VALLÉE POURPRE.
"— PARFOIS, L'AMOUR FAIT SE RENCONTRER DEUX ÊTRES AU DÉTOUR D'UNE ALLÉE."
Aujourd'hui, je suis au cimetière. Je me trouve dans ce lieu si triste et pourtant si apaisant pas parce que je viens voir quelqu'un.
En réalité, je ne connais personne ici, enfin, je crois.
J'ai besoin d'aller dans un cimetière puisque j'ai un devoir à faire. Oui, c'est étrange. Je dois écrire un texte, peu importe soit-il pour répondre à la question : « comment vous sentez-vous en vie et où ressentez-vous cela ? ». J'ai réfléchi plutôt longtemps à cette question et je dois avouer que la réponse n'est pas aussi facile qu'on peut le penser. Je pense donc qu'être confrontée à la mort de cette façon pourra m'aider.
Ce devoir doit être réalisé avec soin mais surtout avec honnêteté. Elle se ressent bien plus que le mensonge, même à travers de simples mots. Je dois utiliser les mots les plus justes et les plus sincères pour toucher mon prof, lui faire transmettre ce que je ressens. Et ainsi avoir une bonne note.
Je me balade donc dans les allées, observant les tombes. Je lis les noms qui appartiennent au passé, je m'arrête, je change de rangée, passant des tombes où la moisissure dévore le marbre à celles resplendissantes et remplies de fleurs aux mille couleurs.
Je me balade avec mon carnet, et note ce que je sens, ce que je vois et les sensations que ce lieu me procure. Au loin, je vois deux personnes rentrer et prendre un arrosoir. Je me reconcentre vite et continue mon petit chemin.
Je passe devant le monument aux morts et là, les émotions sont poignantes. Ce que je ressens est inénarrable, je ne pourrais pas mettre de mots dessus. Je m'efforce de lire les noms des soldats pendant que les émotions me submergent. Je me sens définitivement, en vie. Je continue de capter l'ambiance durant quelques secondes, le vent dans les cheveux. J'ouvre mon petit carnet jaune et j'écris. J'écris la sensation de l'air frais, du soleil sur ma peau mais surtout des frissons qui assaillent ma peau. Ils arrivent sur mes avant-bras puis remontent, passant le long de mes bras pour venir se loger dans ma nuque.
Je note rapidement mais avec soin tout ce que je perçois. Mon intention fut bonne : c'est au près des morts que je me sens vivante.
Je continue d'arpenter les allées, faisant crisser mes chaussures sur les gravillons. Je passe devant un nombre infini de tombes quand j'entends sur ma droite, des pleurs.
Je me retourne discrètement et observe un jeune homme. Il possède une coloration blonde et est accroupi devant un bloc de marbre. Sa tête est enfouie dans ses bras et par conséquent, ses yeux sont cachés. Il paraît seul, devant une tombe qui est toute neuve et joliment accompagnée de bouquets.
Je réfléchis quelques instants et songe à ce que j'aurais aimé qu'on me fasse. Aurais-je préféré rester seule ou qu'un inconnu vienne me voir pour me consoler, désespérément ? J'aurais voulu être seule mais dans ce genre de situation, le mieux, c'est d'avoir quelqu'un qui nous sorte la tête de l'eau. Sinon, on se noie. Et ça peut être interminable, long et très douloureux.
Alors, le regard droit, je continue d'avancer, un pied devant l'autre et inversement. Lorsque j'arrive au bout de l'allée, je tourne à droite et continue mon chemin. J'observe et lis les noms écrits pour la plupart en or et je ne lâche pas un regard pour l'inconnu qui pleure. Quand j'arrive à son chevet, ne me tenant pas trop près de lui, je regarde la tombe droit devant moi. Je ne le voit pas dans mon champ de vision. J'estime que c'est plutôt bien pour le déranger le moins possible.
″— Tu savais que les requins pouvaient perdre jusqu'à trente mille dents au cours de leur vie ?″
Aïe, je crains que ce soit la meilleure phrase pour réconforter quelqu'un. Je reste immobile m'apprête à m'agenouiller pour m'excuser et partir. Cependant, j'entends un petit rire.
″— Non, je ne savais pas.″
Je me risque à tourner la tête sur le côté et croise son regard. Des yeux jaunes. De beaux yeux jaunes. Il s'est relevé et a sûrement dû essuyer ses yeux avant de me répondre.
″— Tu es venue voir quelqu'un ?″
C'était une question à oser. Surtout dans ce lieu où la tristesse règne et où les cœurs sont meurtris.
″— Je ne connais personne ici. J'ai un devoir à rédiger sur la vie, en gros.″
Je n'ajouta rien et ne lui retourna pas la question. La cicatrice provoquée par la mort de l'être en face de lui est bien trop récente pour que je puisse m'aventurer à l'ouvrir davantage. Je jette un rapide coup d'œil aux inscriptions notées sur le marbre, devant lui. ″Osamu MIYA 1995-2012″. Il est mort très jeune, seize voir dix-sept ans à peine. Ce blond, est-ce son ami ?
″— C'est mon frère, jumeau. Il est mort il y a six mois.″
Comprenant qu'il a vu la direction dans laquelle je regardais et gênée d'avoir été ainsi [démasquée] ; je me reconcentre à regarder droit devant moi, je peine à avaler ma salive. Il a perdu sa moitié il n'y a pas longtemps alors. La cicatrice doit être tellement plus grande que ce que j'ai pu imaginer. Elle doit être tellement, tellement voir infiniment grande.
″— Je suis désolée.
— Tu n'y est pour rien. C'est quoi ton devoir précisément ?
— Je dois répondre à la question « comment vous sentez-vous en vie et où ressentez-vous cela ? », et j'ai pensé que ce lieu m'aiderait.
— C'est marrant, tu te sens en vie ici. Et moi, je me sens mort. Sans mon frère, la vie n'a plus aucun goût, plus aucune valeur.″
Non, ce n'est pas marrant. Je suis tellement chanceuse comparé à toi. Je ressens comme si tu as perdu l'entièreté de ta raison d'être en vie. Comme si tu étais un enfant seul, perdu au milieu du désert. Sans famille, sans repère, sans raison d'avancer.
″— Je m'appelle T/p, T/p T/n.
— Atsumu Miya, enchanté.″
On se regardait désormais dans les yeux, face à face. Je ne savais pas quoi dire. Avais-je seulement des mots pour pouvoir réconforter ce jeune Miya ? Je nota quelques phrases qui me venaient en tête après cette rencontre et cet échange. Je tourna alors les pages de mon carnet pour pouvoir écrire sur la dernière. Je sentis le regard du garçon sur moi tandis que j'arrachais la page. Je la plia en deux et lui tendis.
″— Tiens, si tu as besoin d'aide ou si tu souhaite te changer les idées, envoie-moi un message.
— Merci beaucoup T/n.
— C'est la moindre des choses, Miya.″
Je n'attendis pas plus longtemps pour reprendre mon chemin dans les allées. Je salua le gardien en sortant et je rentra chez moi. Cette rencontre m'a fait changer d'avis sur ce que ce lieu peut apporter à quelqu'un. J'ai aussi compris que ce devoir est très personnel et propre à chacun. Et donc que les réponses de toute ma classe seront très différentes et toutes aussi intéressantes. Je trouve ça assez passionnant.
Durant les temps qui suivirent, j'échangeai beaucoup avec Atsumu. On s'entendait plutôt bien et j'avais découvert que nous étions dans le même lycée. Seulement, il y a tellement d'élèves que personne ne peut retenir tout le monde. Je l'ai sûrement déjà vu, mais mon cerveau n'as pas dû se souvenir de lui puisque je ne le connaissais pas. Je retiens les visages que je croise souvent et les visages que j'associe à des noms et prénoms mais les autres, je ne m'en souviens pas le moins du monde. Il est donc en deuxième année et moi en troisième. Ce qui est la seconde raison pour laquelle je ne me souviens pas de l'avoir potentiellement vu.
Nous avions mangé une fois ensemble au lycée, un jeudi. Et le feeling était le même que derrière nos écrans. Bien qu'il soit plus jeune, je commençais à développer des sentiments. Mon cœur d'artichaut ne pouvait supporter son sourire radieux et y être insensible. Sale traître. J'avais assisté à un de ses entraînements de volley-ball parce qu'en plus, monsieur faisait du sport. J'avais pu découvrir qu'il était assez populaire, surtout au près de la gente féminine puisqu'il était bon au volley et que sa beauté ne laissait pas les filles de marbre. Et malgré toutes ces filles plus belles les unes que les autres, c'était à moi qu'il envoyait très régulièrement des messages et c'était moi qui connaissait sa facette la plus vulnérable.
Bien-sûr, il avait été dur d'étouffer la mort du jeune jumeau Miya et tous les premières et sûrement l'entièreté du lycée avait été au courant -sauf moi apparemment-. Difficile de cacher l'absence d'une vedette du club de volley et la disparition de deux élèves. Depuis quelques temps, l'histoire s'était tassée.
Tout ça pour dire que c'était moi qui lui avait proposé de l'aide, et ce, pas pour sa beauté. Mais aussi parce que notre relation avait commencée d'une manière différente. Je n'étais pas sa groupie et j'ai su voir au dessus de son physique. Toutes ses demoiselles ne sont là que pour ses performances dans le club, son visage et la pitié déclenchée par la mort d'Osamu. Ces conclusions et réflexions me faisait espérer que j'étais incomparable avec elles. Égoïstement, j'espérais sortir du lot.
Aujourd'hui, samedi, je vais au musée. Avec Atsumu. Il m'a proposé il y a quelques jours, prétextant qu'il n'avait pas de matchs et qu'il fallait en profiter. Il sait que je m'intéresse beaucoup à l'art et en particulier à la peinture. Mais moi, je sais que les musées ne le passionnent pas grandement. Je suis donc particulièrement touchée qu'il ai proposé ce lieu.
″— Oh ! Regarde ! Tu savais que cette peinture était ma préférée ?
— Elle est belle, mais je préfère celle avec les horloges là, tu sais ?″
Je continuais mon chemin tout en acquiesçant en pansant à la peinture de Dali. Alors comme ça, il ne s'intéresse pas à l'art mais il sait quelle peinture il préfère ! J'avoue que la Persistance de la Mémoire est jolie. Puis j'en vis une énième.
″— Par contre, elle, à droite, elle est trop moche !
— Elle ? T'as raison de fou.″
Un peu plus tard, nous étions assis sur un banc, en face de vieilles statues sculptées. J'aurais voulu lui demander pourquoi il avait préféré venir ici avec moi plutôt qu'aller faire du volley avec ses amis. Mais j'eus vite ma réponse.
″— T/p, tu veux sortir avec moi ?″
J'étais surprise, il avait fait preuve de si peu de tact et sa question était si soudaine ! En public en plus ! Des rougeurs arrivaient sur mes joues de manière très rapide. Le fait qu'il me fixais n'arrangeait rien. J'attendais alors qu'il continue sa phrase, qu'il dise le pourquoi du comment, mais rien ne vient. L'égo probablement. Je pris donc la parole pour le titiller.
″— Tu ne dira jamais la suite parce que tu as trop de fierté, je me trompe ? Je marque une pause. Je ne peux pas accepter si tu ne me dit pas pourquoi.″
Un sourire compétitif prit place sur mon visage. Je maintins son regard pendant que j'avais l'écho de ma voix joueuse qui résonnait dans mes oreilles. Je n'avais répondu ni méchamment ni attristée mais plutôt d'un air qui semblait dire « j'accepte à condition que tu m'avoues tes sentiments ».
″— Tu sais que je ne le ferait pas, alors accepte sans broncher, T/p.″
Il avait bien insisté sur mon prénom. On se cherchait et j'étais bien déterminée à ne pas perdre ce duel. Je prenais le risque que cela n'aboutisse à rien si ce n'est qu'on s'éloigne mais j'étais prête à jouer le jeu. Je ne perdrais pas face à lui. Ces groupies n'ont fait que gonfler la taille de ses chevilles et j'espère bien qu'elles dégonflent. Ne serait-ce qu'un peu.
″— Puisque nous avons fini notre tour du musée et que tu ne sembles pas ouvert à la discussion, je vais rentrer chez moi. J'ai mon concours de piano à préparer.″
Je me levais du banc, avec l'intention qu'il me suive ou qu'il fasse n'importe quoi d'autre pour me retenir. Je connaissais déjà mon morceau par cœur et n'avais pas réellement besoin de m'entraîner d'avantage. Il attrapa ma manche et je me rassi immédiatement. Victoire.
″— T/p, je t'aime. T'es contente ? Eh ! Mais arrête de sourire là !″
Je vins alors me lover dans ses bras, trop honteuse, les joues pourpres.
″— T'as voulu jouer et maintenant tu fais la timide, j'aurais tout vu.″
Et il rigola. D'un rire éclatant comme je n'ai jamais entendu passer la barrière de ses lèvres. Un rire témoignant d'une joie, qui me fit sourire. Même l'espace d'un après-midi, je l'ai rendu heureux.
″— Allez, c'est ton tour de piétiner ta fierté.
— Bien-sûr que je veux sortir avec toi, Atsumu.
— Parce que tu.. dis-le, tu..
— Je t'aime. Arrêtes de me taquiner maintenant.″
J'étais toujours dans ses bras, rouge de honte et je me cachais les joues avec mes deux mains. Quelqu'un passa derrière nous et continua son chemin. Atsumu m'encercla de ses bras et je sentis qu'il souriait et j'étais certaine qu'il avait du rose sous les yeux.
Et voilà comment notre histoire commença.
Assis dans les escaliers, cote à cote, nous dégustons notre repas. La nouvelle avait circulé au sein des premières et des terminales, faisant des jalouses. Beaucoup de jalouses. C'est notre petit rituel de manger dans les escaliers. Aux heures du repas, il n'y a généralement pas beaucoup d'élèves dans les couloirs. Ce qui est un bon point pour nous.
″— C'est quoi ça ? Je peux goûter ? Ça l'air bon.
— Ça l'est, c'est à base de riz et de sauce soja.″
Il prend alors ses baguettes entre ses doigts et attrape un bout de ma nourriture.
″— Mais me chipe pas ma bouffe !
— J'ai entraînement ce soir et le riz c'est pas mal alors laisse-moi prendre ma part !
— Y'a rien qui t'appartiens dans ma boite ! Rends-moi ça !″
On se chamaille vraiment comme des enfants, mais derrière ces attitudes joueuses et mes froncements de sourcils, on est au paradis. Vraiment.
Quelques jours plus tard, il m'avait invité pour dormir chez lui. J'ai pu découvrir sa chambre. Qui est, soit dit en passant, un vrai capharnaüm. J'ai aussi rencontré ses parents, qui sont très gentils. Vers minuit, pendant que nous regardions le générique d'un film qui était en train de se terminer, il se mit à pleuvoir. Atsumu m'a alors entraîné dehors, sortant par la fenêtre de sa chambre. Il commença à courir sous la pluie, me tirant par la main. J'étais réticente à l'idée d'aller sous l'eau à une heure pareille en raison des multiples conséquences.
″— Met tes pieds dans la flaque là, c'est super chaud !″
Je fis ce qu'il me dit, hésitante. L'eau est vraiment chaude et plutôt claire. Alors on reste debout, se regardants dans les yeux, mains dans les mains. La pluie tombe inlassablement sur nous, me mouillant les cheveux et mes maigres habits.
″— T'es trop belle..
— Je sais ! T'es jaloux ?
— Je suis pas plus beau que toi avec mes cheveux plaqués, comme ça ?″
Alors je m'approcha de lui pour venir l'embrasser. Je plaide coupable ! C'est vrai qu'il est beau. Vraiment très beau. Je comprends toutes les pimbêches qui lui servent de fan.
Le lendemain matin, pendant que j'attendais que la machine à laver se termine, habillée avec les vêtements -trop grands- d'Atsumu, je pus lui jouer un morceau de piano. Sa mère, une très belle femme possédait une jolie pièce qui faisait des sons merveilleux. Je faisais glisser mes doigts sur les touches noires et blanches, sans m'arrêter.
″— Pourquoi tu continues de prendre des cours alors que tu joue si bien ? Je rigole même pas.″
Je lui rétorqua alors que ça ne marchait pas comme ça et je commença à jouer un autre morceau. Il ne semblait pas se lasser de me voir jouer. Quoique, je suis pareille. Je ne me lasserait sans doute jamais d'entendre les sons produits par de simples pianos. Jouer à répétition, à en avoir mal aux doigts, à avoir du mal à les bouger, à avoir mal au dos. C'est ça, l'amour que je ressens pour cet instrument. Ce doit être semblable à ce qu'éprouve Atsumu pour le volley-ball. Peut-être même que, ses sentiments pour ce sport sont plus fort que les miens pour la musique. C'est beau, la passion. Sans doute que ses sentiments étaient plus forts avant, quand son frère était toujours là. Sans doute que le volley n'est plus qu'un mélange de sentiments amères et de regrets. C'est fort possible.
Il n'est plus que tout seul, alors qu'il était un duo. Qu'ils étaient un duo. Atsumu avec Osamu ; Osamu avec Atsumu. Ça marchait comme ça. Par paire, comme une chaussure va avec une autre, comme un frère va avec son jumeau. C'est triste.
Des fois, j'ai envie de pleurer. Pleurer la solitude et le sentiment d'abandon que ressent Atsumu, au plus profond de son cœur. Pleurer la tristesse qui empli Atsumu. Pleurer pour lui, parce que lui ne le fait pas, sauf quand il est certain d'être seul. Ou au cimetière. C'est ici que nous sommes aujourd'hui. Au cimetière.
Pour voir le défunt Osamu Miya, décédé il y a huit mois.
″— Désolé T/p, c'est pas très joyeux.″
Il se tourna à demi, pour me regarder. Comme dans les scènes clichées. Mais il n'y a pas de pétales qui tombent ou de vent qui fait bouger frénétiquement ses cheveux. Seulement quelques larmes qui se bousculent sous ses yeux, et déjà, des rougeurs sur sa peau.
″— Je le savais avant de venir.″
Soudain, l'ambiance changea. Un frisson me parcourra le long de ma colonne vertébrale. Commençant par mon coccyx, puis mes disques et enfin, ma nuque.
Changement d'atmosphère. Étrange.
Vraiment bizarre.
Atsumu me regarde, plus aucune larme n'orne ses yeux. Il n'est presque plus triste, on dirait. Il semble, plutôt neutre.
″— Il faut que je t'avoue quelque chose. Est-tu prête à l'entendre ? Je suis bête, tu es plus que prête, le moment est venu, donc.″
J'ai rapidement le temps de paniquer. De quoi veut-il parler ?
Un son sourd me perce les tympans. Une sorte de bip très douloureux et très long, interminable. Que m'arrive-t-il ? Je ne sens plus mon corps, que ce soit mes bras ou bien mes jambes, je ne sens rien. Plus rien. Le son ne cesse d'augmenter.
″— Ce n'est pas mon frère qui est enterré au cimetière. C'est...″
Je n'entend pas la suite. Que vient-il de m'avouer ? Son frère n'est pas mort ? Mais, et les photos ? Les dates, la tombe ? Tout ça, c'est quoi ?
″— T'as entendu ? C'est ta tombe. C'est toi qui est enterrée ici, à cet endroit même. Regarde, ils ont déjà creusé.″
Ses mots me font l'effet d'un poignard tant je suis sous le choc. Un poignard qui me transperce la peau et vient se loger dans mon cœur.
Et mon sang couleur pourpre coule, sur mes vêtements suite à ses aveux. Et mon sang gicle, et se répand sur mes pieds.
Il tache le sol et les environs. Il colore la vallée, juste à côté de moi. Mais.. quelle vallée ?
Ne sentant toujours pas mes membres, et ne comprenant pas cette situation d'autant plus étrange, je tombe. Je m'effondre. À même le sol.
˟˟˟
″— Vous étiez présent au moment de sa mort ? C'est ce que l'infirmière m'a dit.
— C'est ça, j'étais là.″
Assis sur une chaise, face à face dans cette salle sombre.
″— Pouvez-vous me raconter ce qu'il s'est passé, jeune homme ?″
Il se retint de laisser s'échapper la moindre larme et releva les yeux. Ses yeux, trahissant son choc, son traumatisme. Sa surprise.
″— Je venais voir T/n, puisqu'elle a un cancer. Je suis dans sa classe depuis le début de l'année, et, étant son camarade, je suis allé lui rendre visite. Elle devait se sentir plutôt seule et j'ai voulu la voir. Lui parler, lui faire oublier ne serait-ce que peu de temps son cancer. Simplement. J'ai vu qu'elle commençait à pleurer et à pâlir. Elle ne me répondait plus, et j'ai pris peur. Elle m'a remercié, les joues envahies de torrents. Et elle à ajouté « merci pour ces deux mois ». Je n'ai pas compris ses paroles et quand je me suis approché, c'était fini.″
Un discours d'une traite, témoignant d'une fissure profonde. Et d'un traumatisme qui marquera.
″— Très bien jeune homme, merci d'avoir appelé. Bon courage.″
Une réponse simple, sans émotion, due au rouage cruel de l'habitude et des années qui s'écoulent. Au fil du temps, on s'y fait, et, voir des morts, parler à des âmes seules, ne fait plus rien. Ça devient presque normal, comme une tradition jamais comprise mais suivie.
Le faux blond se lève, lentement et sort de la salle, dans un silence religieux. Il continue, marche dans le couloir, des images plein le cerveau. Des images de la jeune fille, morte dans son lit d'hôpital. Morte devant lui et l'indifférence. Quand il pousse la porte menant à l'extérieur, son frère se jette dans ses bras.
Pas besoin de mots, seul les regards et les gestes parlent pour eux. Osamu, celui qui saura aider Atsumu mieux que quiconque. Celui qui saura relever, toujours plus haut son jumeau. Parce qu'Atsumu sans Osamu, ça n'existe pas. Même dans un cauchemar. Ils sont comme une seule et même personne dans deux corps.
En rentrant chez lui, accompagné de son frère et de ses parents, Atsumu se demande pourquoi T/p l'a remerciée.
Sûrement devait-elle être dans une dimension parallèle, sans Osamu.
Fin.
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