-XIII-


« Je suis morte. Le jour de son anniversaire. »


Il y avait deux décennies de cela, alors que ma sœur aînée n'était qu'un nouveau-né, mon père aurait combattu une épidémie mystérieuse, dont les origines et le nom étaient inconnus.

Ce que je sais de cette maladie, ce qu'elle était exclusivement féminine, et affectait le système nerveux central de manière complexe, provoquant des sautes d'humeur extrêmes allant de colères à des comportements violents.

Le virus était d'une grande incompréhension pour tout le monde.

Ses symptômes étant difficilement détectables et ses mécanismes étaient encore inconnus à cette époque. Mais il était dit que les femmes touchées étaient parfois caractérisées par une perte d'inhibition et une sensibilité accrue dues à des migraines sévères. Souvent l'évolution de la maladie était très rapide ne laissant percevoir aucune des caractéristiques d'une maladie définie.

Les hommes avaient peur, ne comprenant pas les raisons de cette contamination. Ils étaient à juste titre, inférieurs face à tout cela. Ils étaient terrorisés.

À cette époque, mon père, jeune scientifique de la trentaine avait mené des recherches approfondies sur ce virus. Il avait avancé l'hypothèse plausible selon laquelle la maladie était provoquée par un virus neurotrope qui pourrait endommager les nerfs et le système immunitaire des femmes.

Il s'avère qu'il eut raison.

En fait, les femmes les plus touchées étaient souvent dans des états de confusion mentale extrême, développant des problèmes moteurs inexorable ainsi qu'une perte temporaire de la conscience.

Cependant, mes découvertes sur les méthodes utilisées par mon père pour guérir cette maladie ont révélé une réalité encore plus effrayante. Les pratiques de mon père étaient loin d'être héroïques.

Ses expériences étaient à vous glacer le sang.

Il avait effectivement mené des expérimentations à couper le souffle. Il injectait le virus dans le corps de jeunes femmes saintes, non seulement pour étudier les conséquences, mais aussi pour évaluer leur réponse à ces contaminations.

Edgar était obsédé par la recherche scientifique à tout prix, même si cela impliquait de bafouer l'éthique médicale la plus élémentaire, traitant les femmes comme de simples cobayes pour ses expériences dangereuses et inhumaines.

C'était une horreur inimaginable.

Ces femmes qu'il utilisait comme ses cobayes humains étaient souvent issus de familles pauvres et désespérées, offrant leur corps en échange de nourriture et d'un peu d'argent. Il escomptait découvrir des médicaments pour soigner les fameuses femmes contaminées.

Près de trois ans après, moment marqué par ma naissance, l'épidémie avait finalement disparu et mon père avait été acclamé par tous comme un héros. Il avait même reçu plusieurs prix en reconnaissance de son travail acharné et de ses avancées dans la lutte contre la maladie. Cependant, ce moment de triomphe n'a duré jusqu'à la mort de sa fille ainée.

Les méthodes de mon père étaient souvent brutales et inhumaines, traitant les patients comme de simples objets de ses expérimentations. Les cris de douleur de ces gens torturés se faisaient entendre jour et nuit, et je me demande encore aujourd'hui comment mon père pouvait rester insensible à toute la souffrance qu'il infligeait. Il voulait tout découvrir, à tout prix, même s'il fallait détruire des vies humaines pour y arriver. Pourtant, mon père pensait qu'il faisait le bien. Il voulait retrouver Emi, même si cela voulait dire sacrifier des vies pour y arriver. Ses actions étaient cruelles et ne pouvaient être justifiées par ses intentions.

Son obsession pour ses recherches l'avait condamné à marcher sur le chemin de la démesure, et personne ne pouvait l'arrêter.

Et pourtant, quelques jours seulement après l'arrestation de la psychologue psychopathe : madame Jalley.

Pour tentative d'homicide volontaire.

Les deux agents de police qui l'avaient embarquée sont venus à la maison. Je ne pouvais plus protéger mon père. Lui qui était encore à l'hôpital entre la vie et la mort. Les agents sont arrivés par surprise et je n'ai pas eu le temps de cacher quoique ce soit. Cependant, quelques minutes avant leur arrivée, j'avais entendu des bruits à l'arrière de la maison. Je connaissais très bien ces bruits, car ils étaient produits par Orlando. Nous nous servions de ces bruits pour organiser des rendez-vous nocturnes avec la voiture de sa mère.

C'était donc un signal.

J'ai filé dans la véranda arrière pour tomber sur le visage d'Orlando qui m'a demandé si c'était moi qui avais appelé la police. Il me disait être inquiet, qu'en voyant les policiers il imagina que c'était peut-être lié à mon père. Il avait effectivement raison. Il me proposa son aide. Il était bien vrai que l'on ne se parlait plus. Mais on s'aimait toujours. Je lui aie dit que j'allais chercher Eren et qu'il allait l'emmener chez lui. Pour le cacher. Le temps que les policiers fouillent notre domicile. Orlando accepta le plan. De leurs côtés les agents de policiers frappèrent de plus en plus fort à ma porte. Ca été pénible de convaincre Eren de partir avec Orlando car il n'aimait pas ce dernier depuis la dispute que j'ai eu avec Orlando lui-même. Mais lorsqu'il vit les larmes dans mes yeux, c'est comme si une once d'humanité a briller dans ses yeux et il m'obéit.

J'ai immédiatement filé dans la véranda arrière et suis tombé sur le visage inquiet d'Orlando. Il m'a demandé si c'était moi qui avais appelé la police, car il avait vu leur voiture en arrivant. Il avait raison de s'inquiéter, car les policiers étaient en effet venus pour me questionner à propos de mon père.

Bien que nous ne nous parlions plus depuis un moment, Orlando et moi nous aimions toujours.

Je lui ai alors demandé s'il pouvait m'aider en emmenant Eren chez lui pour le cacher, pendant que les policiers allaient surement fouiller notre maison.

Orlando a accepté de suite.

Pendant ce temps, les agents de police ont commencé à frapper de plus en plus fort à la porte d'entrée de la maison. J'ai dû les convaincre de me laisser quelques minutes, prétextant que je m'habillais. En réalité, j'étais aller récupérer Eren, qui était réticent à l'idée de partir avec Orlando en raison d'une dispute récente que j'avais eue avec ce dernier.

Mais après avoir vu les larmes dans mes yeux, Eren a finalement obéi.

Dans ses yeux j'ai vu une once d'humanité et il sut que la situation était grave et qu'il était important de partir pour éviter d'attirer encore plus de soupçon.

Avant d'aller ouvrir la porte aux policiers, j'ai pris une grande inspiration et réfléchi à toute vitesse. J'ai réalisé que je n'avais pas pris le temps de nettoyer le laboratoire des preuves qui pourraient incriminer mon père, mais je savais que je n'avais plus de temps à perdre. Les policiers menaçaient déjà de défoncer la porte, et je savais que je ne pouvais pas les faire attendre plus longtemps. J'ai alors avalé ma salive, puis je suis allée ouvrir la porte, essayant de cacher ma peur et mon angoisse face à la situation.

Ils se sont présentés à moi avec leur insigne de police bien en vue. L'un des agents était imposant et carré, tandis que l'autre avait une silhouette plus mince. Ils m'ont demandé poliment si je pouvais répondre à quelques questions concernant les activités de mon père. J'ai accepté en feignant un air naturel pour ne pas éveiller leurs soupçons, puis je les ai invités à entrer.

Une fois à l'intérieur, ils se sont installés dans notre salon.

Le plus corpulent s'est assis à l'une des chaises, tandis que l'autre s'est tenu debout et a commencé à inspecter les décorations de la maison. J'ai remarqué que leur attitude était très professionnelle et qu'ils étaient vigilants à tout ce qui se passait autour d'eux.

Le silence régnait dans la pièce, seul le bruit des aiguilles de la pendule se faisait entendre dans cette ambiance pesante.

Les policiers ont commencé à me parler de mon père et leur admiration pour lui. Ils ont raconté que la plupart des habitants de la ville se souviennent de lui comme d'un véritable héros, car il avait trouvé un vaccin pour une mystérieuse épidémie qui avait frappé voilà vingt ans. Le policier joufflu a continué à parler en me racontant l'histoire de sa propre sœur qui avait été infectée et que c'était lui qui l'avait soignée. Ils m'ont dit qu'ils ne voulaient pas suspecter mon père sans raison, mais qu'ils devaient faire leur travail pour protéger les habitants de la ville.

C'est alors qu'ils ont présenté la situation actuelle : Camille Jalley, psychologue de renommé, n'a pas vu son mari depuis deux ans. Et cet homme n'était autre que M. Jalley, c'était Eren.

La tension est montée immédiatement. Ils m'ont alors demandé si mon père avait récemment vu Eren ou s'il avait des informations sur son absence prolongée. J'ai répondu honnêtement que j'ignorais tout de cette situation, mais que je ferais tout pour les aider à le retrouver.

Je mentais bien évidemment. Un mensonge sincère.

Les policiers m'ont demandé s'ils pouvaient inspecter le laboratoire de mon père. Ils semblaient déterminés à fouiller l'endroit.

Quant à moi, j'ai commencé à paniquer.

Je n'aimais plus mon père, mais c'était tout ce que j'avais comme famille.

C'est lui qui m'a fait grandir malgré moi, nous avions eu quelques rares moments passés ensemble autrefois, aussi infimes soient-ils, ces souvenirs me sont chers car c'est tout ce que j'ai.

Je ne voulais pas qu'il finisse en prison.

Surtout que j'avais moi-même participé à ses expériences horribles dans le passé, sans jamais les signaler. Défendre mon père signifiait ainsi me défendre moi-même. J'ai alors proposé timidement aux policiers qu'il serait peut-être préférable d'attendre que mon père se remette de ses blessures avant de fouiller son laboratoire. Tout en parlant, je les observais attentivement pour essayer de voir une réaction positive à ma suggestion.

Cependant, leur visage était de plus en plus fermé et leurs sourcils de plus en plus froncés, signe qu'ils doutaient de ma sincérité. Ils ont finalement demandé d'un ton sec si mon père avait quelque chose à cacher, quelque chose dont il ne voudrait pas qu'on découvre l'existence. Mes muscles se sont crispés, mais j'ai essayé de garder mon sang-froid et j'ai secoué la tête de manière négative.

Je savais que je n'avais pas le choix, alors j'ai donné mon accord.

J'ai regardé leur dos alors qu'ils entraient dans le laboratoire, sachant qu'il y avait des secrets sombres que je ne voulais pas les voir découvrir.

Lorsqu'ils ont finalement pénétré dans la pièce, j'ai senti la peur s'emparer de moi. Je les attendais dans le salon, le cœur battant la chamade et l'esprit envahi de doutes et de craintes.

Tout m'est apparu flou, comme si mes pensées étaient prises en otage par l'angoisse. Je ressentais un stress intérieur qui tordait mes entrailles, m'empêchant de respirer normalement. Ma gorge était nouée et je ressentais une sensation étrange, comme si j'avais avalé une grosse boule. Cette attente paraissait interminable, et plus le temps passait, plus je me sentais mal. J'ai commencé à ressentir un fourmillement dans les jambes, signalant que je ne pouvais plus rester assise.

Pourtant, je devais rester aussi naturelle que possible jusqu'à la fin. C'était ma mission, mon rôle à jouer. Mais, au fond de moi, je voulais juste m'enfuir, courir le plus loin possible.

Cependant, je savais que je ne pouvais pas abandonner, alors j'ai essayé de me convaincre que c'était ce que ferait Emi, si elle était toujours en vie. Elle aurait défendu notre père coûte que coûte. Cette pensée m'a donné suffisamment de courage pour garder la tête haute, même si cela me coûtait énormément.

Lorsqu'ils sont revenus, je ne savais pas à quoi m'attendre.

Ils m'ont alors dit qu'ils n'avaient rien trouvé de suspect dans le laboratoire de mon père, à part quelques désordres typiques d'un scientifique passionné. Ils ont même ajouté que mon père n'avait rien à se reprocher. Cette nouvelle a été un soulagement immense, mélange de joie et de confusion.

Avait-on fait semblant de ne rien voir ? Les policiers avaient-ils couvert mon père ? Ou bien mon père avait-il tout prémédité depuis le début ? Avait-il tout habilement dissimulé avant notre rendez-vous avec Madame Jalley ? Malheureusement, je ne saurai jamais la réponse à ces questions. Je n'ai jamais vérifié moi-même, en partie parce que j'étais soulagée et en partie parce que je n'avais pas le courage de découvrir une vérité peut-être plus sombre que mes pires craintes.

Mes pensées étaient confuses et désorientées, mais un seul désir restait intact en moi : retrouver Eren. Je me suis alors empressée de raccompagner les policiers et de me rendre chez Orlando, la maison d'en face, où il se cachait.

Je me souviens distinctement de ce jour-là, le dix-neuf décembre, où l'hiver avait élu domicile dans les rues.

Les passants pressés arpentaient un bitume glacé, échappant à la morsure du froid autant qu'ils le pouvaient. Et puis il y avait moi, envahie par une joie indescriptible, surtout au moment où Orlando m'a ouvert la porte.

Je l'ai embrassé.


Directement.
Passionnément.
Intensément.

Comme dans un film hollywoodien.

J'ai ensuite commencé à lui narrer avec une précision maniaque chaque détail des événements survenus plus tôt dans la journée. Nous avons ri comme des insensés, cédant à une irrationalité contagieuse. L'excitation grimpait et grimpait encore, jusqu'à ce que l'on finisse par se retrouver chez lui, murmurant des mots doux à l'oreille de l'autre. Et puis vint la soirée.

Elle était spéciale, car elle allait être le théâtre de ma "première fois".

Allongée sur son lit, je lui ai avoué que c'était mon anniversaire. C'est alors que les choses ont pris une tournure inquiétante. Il a posé sur moi un regard terrifié, martelant que ma date de naissance était en fait en mai, et qu'Emiliana était censée fêter ses vingt ans ce jour-là, si elle était encore en vie... Ce fut comme si une étrange folie s'abattait sur moi, une confusion qui brouillait le fil de mes pensées... Et puis une idée trop bizarre a surgi de nulle part... Et si j'étais Emiliana ?

Apparemment j'aurais redressé brusquement la tête, plongeant mes yeux dans les siens, avec une détermination soudaine. Alors, d'une voix qui ne m'appartenait plus, j'aurais prononcé ces mots : "Je suis Emiliana".

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