John Corwin

Son prisonnier ouvrit enfin les yeux.

-Alors, bien dormi ? lui demanda John pendant qu'il lui soufflait dans le visage la fumée de sa cigarette.

-Mais relâchez moi ! C'est quoi ce délire, putain ! s'énerva sa victime.

John l'épingla de son regard perçant.

-Ça, ça va être à toi de me l'expliquer lui répondit le détective.

Le prisonnier répondit avec un silence buté. John soupira.

-Ne m'oblige pas à employer la méthode forte, ça risque de salir mon manteau.

Un crachat atterrit sur son imperméable. Le détective crispa sa mâchoire et doucement relâcha ses mains agitées de spasmes.

-Ok, de toute façon je suis pressé. T'appelles-tu Finn Isaac, âgé de 27 ans et domiciliant dans cet immeuble ? demanda le détective en agitant nonchalamment la carte d'identité trouvée dans la poche de son prisonnier.

Ce dernier ne répondant toujours pas, John s'approcha et presque négligemment, heurta de son poing fermé le ventre du taciturne intrus. Le supposé Finn eût un grognement de douleur et tenta de se libérer. Tentative qui fût soldée d'un échec et d'un deuxième coup, dans les genoux cette fois-ci.

-C'était pour vérifier tes réflexes lui expliqua aimablement le détective. Donc reprenons le cours de notre petite discussion. Vrai ou faux ?

Notant l'absence de réponse du blessé, John sortit de sa poche d'imperméable le revolver de sa victime. Une lueur de crainte naquit dans ses yeux.

-Un Walther P38, un classique. Juste dommage que le numéro de série soit limé. Cela dit je reconnais que tu as très bon goût en matière d'arme.

Le détective s'interrompit, enleva la sécurité de l'arme et la pointa sur son prisonnier.

-Dernière fois je que le répète, dit-il d'une voix plus tranchante qu'un rasoir. Es-tu bien Finn Isaac ?

-Putain, mais t'es un malade mec ! Oui je suis bien Finn Isaac !

Un sourire aussi glacial que l'Antarctique dévoila les dents du détective.

-Tu vois que tu peux parler avec un peu de motivation ! Donc maintenant que tu me prends au sérieux, je te laisse exactement 3 minutes pour m'expliquer ce que tu fais ici et pourquoi tu avais et les clés et une arme. Les trois minutes ont commencées, termina t-il en lui désignant sa montre du menton.

-T'es un grand taré toi ! Je suis le fils de la concierge, c'est normal que j'ai les clés de ma mère ! bafouilla Finn précipitamment.

-Et donc tu prends un flingue à chaque fois que tu vas chez ta mère ? Un peu tendue les relations familiales, non ? ironisa John.

-C'est parce que quand les voisins avertissent qu'un inconnu à crocheté la porte de votre mère, dans un quartier comme celui-ci on prend des précautions, se justifia Finn.

-Je suppose que cela explique aussi pourquoi le numéro de série est limé. Une jolie petite fable que tu me contes là mais vois-tu, le problème, c'est que je n'y crois pas. Le fils modèle qui vole au secours de sa vieille mère alors que la moquette de cette dernière est encore imbibée de sang, cela est un peu gros, déclara le détective en tirant sur sa cigarette de sa main gauche.

Une bouffée de nicotine cacha momentanément le regard d'acier du détective à celui de plus en plus affolé de Finn.

-C'est la vérité j'vous jure ! Si vous me croyez pas, attendez que ma mère rentre, elle confirmera tout !

-Et elle rentre dans combien de temps ta mère ? Le même temps qu'il lui a fallût pour se vider de son sang avant d'être traînée dans une poubelle ? se moqua John tout en se levant de sa chaise pour s'approcher de son prisonnier.

-C'est pas elle qui a clamsé, c'est Rex !

Le détective s'immobilisa et dévisagea attentivement Finn.

-Me dirais-tu que, par un hasard quelconque, ce serait un chien qui aurait répandu cette quantité tout bonnement impressionnante d'hémoglobine et que, en plus, par un cliché incroyablement stéréotypé vous l'auriez appelé Rex ?

-C'est un berger allemand alors maman trouve que son nom lui va bien ! Enfin allait maintenant puisque ce salopard l'a buté...

John pinça son nez et souffla lentement.

-Reprenons, veux tu ? Tu es le fils de la concierge, qui doit donc s'appeler Mme Isaac...

-En fait non, elle ne s'est jamais mariée et, l'interrompit Finn.

-Ferme-la et hoche la tête de haut en bas pour oui, et de droite à gauche pour non, Ok ? déclara le détective d'une voix polaire tout en agitant le revolver afin d'appuyer son propos.

Le fils de la concierge déglutit bruyamment puis hocha la tête de haut en bas.

-Et ne t'avise plus de m'interrompre, c'est clair ? Je suis déjà passablement énervé et...

John n'avait pas fini sa phrase qu'un bruit de clef résonna, aussitôt suivit d'un claquement de porte. Il orienta son revolver vers la sortie du couloir et attendit avec une patience toute relative l'arrivée de ce nouvel intrus.

Intrus qui se révéla être une intruse de petite taille mais doté d'un visage extrêmement similaire à celui de Finn. Comprenant qu'il était enfin face à la concierge qu'il cherchait depuis plus d'une heure et demie, le détective soupira.

-Madame, je vous prie de garder votre calme et de ne surtout pas...commença John.

Un hurlement suraiguë retentit dans tout l'immeuble.