❁ Chapitre 28 : Toute histoire a une fin ❁
Mardi 20 avril, fin de journée
Point de vue de Viktor :
Ces plusieurs mois de convalescence m'ont été bénéfiques. Ils m'ont permis de me ressourcer, de réapprendre les gestes du quotidien à mon rythme, de faire de la rééducation sans trop forcer. En revanche, j'en suis venu à la conclusion que la solitude n'est pas pour moi et je suis également un homme d'action, pour qui ne pas s'occuper, glander à tout bout de champ est atroce. En tout cas, Heidi m'a été d'une aide précieuse tout du long pour mon plus grand bonheur.
Je ne la remercierai jamais assez. Elle m'a évité de sombrer, m'a relevé dès que j'avais un coup de mou, m'a sans cesse encouragé lorsque j'avais envie de baisser les bras.
Et ses petites attentions ont su me requinquer à chaque fois. De délicieux plats faits maison. De la balnéothérapie dans les meilleurs instituts de la région. Un week-end dans un chalet de montagne au milieu des fjords. Des massages californiens pour que je lâche prise, me détende, décontracte mes muscles. Je n'aurais jamais pensé qu'elle prendrait autant à cœur ma guérison. Et pourtant.
Elle a été présente pour moi. Bien plus que tous mes proches et collègues réunis. Cette épreuve a permis de nous rapprocher encore davantage. Elle m'a prouvé que dans les coups durs, elle serait là pour moi. Je sais maintenant qu'elle ne me lâchera jamais la main. Je pourrai toujours compter sur elle. Sur sa bienveillance à toute épreuve. Sur son empathie. Sur son côté dévoué.
— Je passerai te prendre ce soir, d'accord ?
— Ça me va, princesse. Tu es sûre que tes parents accepteront de dîner avec nous ?
— Certaine. Ils m'ont certifié qu'ils étaient disponibles et feraient le déplacement d'Odda. Ils ont hâte de rencontrer celui qui m'a sauvé la vie.
— Et ton frère, il n'a rien d'autre de prévu ?
— Il a réservé cette date dès que j'ai tâté le terrain et lui ai demandé de venir. Ne te tracasse pas.
Au fond, j'angoisse à l'idée de les rencontrer et d'être introduit en tant que son petit ami. Ce n'est pas la même chose qu'être présenté en tant que policier qui a juste fait son travail. Notre relation est ce que j'ai de plus précieux. Je crains qu'ils estiment que je ne suis pas assez bien pour elle. Et puis, d'après ce qu'elle m'a dit, elle a toujours vécu dans une famille aisée. Être dans les forces de l'ordre n'est pas vraiment la situation professionnelle rêvée pour un futur gendre et beau-frère.
Et s'ils refusaient que nous continuions de nous fréquenter ? Et s'ils estimaient que je ne suis pas le compagnon qu'il lui faut, qui saura l'entretenir et avec qui elle ne manquera de rien ? Et si je ne méritais pas de couler des jours heureux avec elle ?
— Tout va bien se passer, petit cœur. Fais-moi confiance. Et si jamais tu estimes que c'est trop tôt pour échanger avec eux, je peux annuler tout de suite. Qu'est-ce que tu préfères ? Je suis ouverte à tout ce que tu diras.
Dans ses qualités, j'aurais dû lister également sa compréhension. Elle se met toujours en quatre et essaie de ressentir les angoisses et émotions qui nous étreignent au plus profond de notre âme.
— Ça me fait plaisir de les rencontrer. J'ai juste peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être en capacité de répondre à leurs attentes. Je suis terrifié à l'idée de te perdre.
En douceur, elle se gare en double file sur le parking du commissariat. La mine inquiète, elle retire sa ceinture de sécurité, passe une main légèrement tremblante dans ses cheveux fins.
Sa tête pivote dans ma direction. Mon cœur menace de sortir de ma cage thoracique. Ses yeux se posent sur moi. Elle est tracassée par ce que je viens de lui avouer, je le sais. Lentement, elle saisit mes doigts entre les siens. Les porte à ses lèvres. Les embrasse avec toute la tendresse que je lui connais.
— Tu ne me perdras jamais, quoi qu'ils disent, chuchote-t-elle d'une voix rassurante. Je t'aime Vik, et rien ni personne ne pourra changer ce qu'on a tous les deux, ce que j'éprouve pour toi. Je te le promets, ils ne nous sépareront pas. Ils t'apprécient déjà beaucoup. Tu m'as sauvée, protégée de ce monstre et tu leur as évité de mourir aussi. Ils te seront éternellement reconnaissants.
— Je t'aime aussi, mon ange. Plus que tout au monde. dis-je en prenant son visage en coupe.
Ses yeux s'embuent. Ses lèvres bien dessinées s'entrouvrent.
Pour la première fois depuis le début de notre relation, j'ai réussi à prononcer ces trois petits mots lourds de sens. Elle les attendait tellement. J'en ai conscience. Pourtant, je n'y arrivais pas. C'était trop difficile pour moi de m'ouvrir autant, de briser ma carapace, de me mettre à nu après tout ce que j'ai vécu.
C'est désormais chose faite. Je me sens comme libéré de toute cette pression que je m'étais mise tout seul.
— Je t'aime, princesse. Je t'aime de tout mon cœur. répété-je avant de l'embrasser.
Si seulement le temps pouvait s'arrêter. Si seulement nous pouvions rester dans cette bulle. Notre bulle. Si réconfortante. Si chaleureuse. Si apaisante. Je m'y sens invincible. Plus rien ne m'atteint.
À l'exception de l'inspecteur qui tambourine à la vitre pour me faire redescendre sur Terre. Tel un enfant pris en faute, je sursaute, me redresse puis me retourne pour lui faire face.
— Viktor, venez vite ! Nous vous attendons ! s'impatiente-t-il, en tapant du pied.
— Je ne te retiens pas plus longtemps, je dois aller travailler aussi de toute manière, m'encourage Heidi en replaçant une mèche derrière son oreille, les joues encore rougies par l'émotion.
Prêt à tout pour la satisfaire, je m'extirpe de son véhicule et lui glisse juste avant de laisser claquer la portière, que je me languis déjà de la retrouver en milieu d'après-midi.
Le sourire chaleureux qu'elle m'adresse va me permettre de tenir ces quelques heures de travail. Il n'y a pas meilleure motivation pour moi.
Face à l'air grave d'Odd Fredriksen, je ravale mon sourire. Je ne suis pas venu pour m'amuser et il me le fait bien comprendre. Implicitement. Comme d'habitude.
Souhaitant éviter de m'attirer ses foudres, je reprends mon sérieux et lui emboîte le pas.
Tant il est frigorifié, il longe à vive allure le couloir glacial qui mène à la cage d'escalier puis monte les quelques marches en quatrième vitesse, frictionnant avec énergie les manches de son pull vert olive pour se réchauffer. Puis, pour s'assurer que je suis encore sur ses talons, il se retourne.
— Allons bon, Viktor ! Je croyais que vous étiez un sportif né ? plaisante-t-il en retenant la porte. Il faut que je vous emmène quelque part. Vos collègues vous y attendent.
Je m'engouffre à mon tour dans nos locaux inhospitaliers qui ont cependant l'avantage d'avoir du chauffage pour nous aider à affronter la rude saison. Secouant la tête de gauche à droite, je n'ose rien répliquer. L'inspecteur a toujours eu un humour très particulier et il est, bien souvent, le seul à rire à ses propres blagues...
Remarquant qu'il s'éloigne déjà en trottinant, je me lance à sa poursuite au même rythme. Et pile, une fois arrivé devant la salle dans laquelle nous nous regroupons pour les différentes enquêtes. Il me regarde, fier, puis m'intime d'y pénétrer.
Des ballons de toutes les couleurs sont accrochés aux murs blancs et une table a été dressée pour l'occasion. De nombreuses bouteilles attendent sagement leur heure et des amuse-bouches sont disposés dans des assiettes cartonnées. Budget restreint, oblige.
Stupéfait, je fais volte-face et cherche Odd. Il avance vers moi, d'une démarche solennelle. Il lutte pour ne pas se laisser submerger par les émotions, je le vois bien. Ses yeux s'embuent de larmes, son nez rougit, les veines dans son cou ressortent et ses joues s'empourprent.
Ses doigts noueux s'agrippent autour d'un petit coffret en bois verni. Il le serre tellement que la peur me tiraille l'estomac. Je crains qu'il le casse. Ou qu'il fasse une crise cardiaque.
À son âge, ce n'est pas recommandé.
— Viktor ! crie-t-il, d'une voix qui part dans les aigus. Mon cher Viktor, vous devez vous demander pour quelle raison nous sommes tous réunis aujourd'hui. Tout d'abord, nous tenions à vous saluer, et surtout à vous remercier chaleureusement pour votre acte de bravoure qui nous a sauvés la vie lors de l'interpellation du tueur en série, Glenn Solberg. Vous trouverez dans ce coffret la médaille qui vous revient de droit. Une médaille, qui a été accordée par le roi en personne, Harald V, qui s'excuse de ne pouvoir être présent. Son équipe nous a informés qu'une remise publique, devant le peuple norvégien et devant les plus grandes chaînes télé, de ce prix est prévue ultérieurement. Lorsque l'agenda du monarque le permettra.
Un tonnerre d'applaudissements retentit. Mes collègues me scrutent avec admiration. Comme j'ai pu en parler avec Heidi, j'ai le sentiment d'être à côté de mon corps. J'ai l'impression de rêver. De n'être que dans un songe tant cette situation me paraît surréaliste. Et pourtant quand je me pince, je ressens une vive douleur dans mon bras.
— Comme nous en avions discuté également durant votre séjour à l'hôpital, vous pourrez prendre ma place en tant qu'inspecteur d'ici quelques jours. Toutes mes félicitations, mon cher Viktor. dit-il avant de poursuivre. Vous êtes la preuve vivante que les jeunes peuvent aller loin. C'est avec une grande confiance que je me retire.
L'assemblée retient son souffle. Sa respiration. Et moi, je peine à réaliser ce qu'il vient d'annoncer.
L'inspecteur Fredriksen ne peut retenir ses larmes plus longtemps.
Je ne peux imaginer à quel point il doit être difficile de raccrocher les gants lorsqu'un métier nous passionne autant...
Voulant garder sa dignité à tout prix, il se sauve et court se réfugier dans son bureau. Je me doute qu'il a besoin d'être seul quelques instants dans son antre, chargée de souvenirs.
J'irais le voir incessamment sous peu, le temps qu'il reprenne ses esprits. Et, alors que nous fêtons ma promotion, le standard sonne.
Mes collègues insistent pour que je réponde, persuadés qu'il peut s'agir du roi en personne.
— Allô ?
— Bonjour, je tente de joindre le commissariat de police d'Oslo. C'est bien vous ?
— Bonjour. Oui, bien sûr. Je vous écoute. Ici, l'inspecteur Olsen.
— Bonjour, inspecteur, sanglote une jeune femme à l'autre bout du combiné.
— Bonjour, Madame, répété-je d'un ton rassurant. Expliquez-moi ce qu'il se passe.
— J'étais en train de me promener tranquillement sur une des berges du fjord d'Oslo, je viens de tomber sur un corps. Une personne noyée, je crois, mais elle a des traces violacées sur le corps. Et si elle avait été tuée, Monsieur ?
— Pouvez-vous me préciser où vous vous trouvez s'il vous plaît ? Je vous remercie d'avoir appelé. Nous allons dépêcher une équipe sur place tout de suite.
THE END
Mots de l'auteure :
Bonjour tout le monde, avant toute chose, je tenais à vous remercier d'être allés jusqu'au bout de cette histoire. Vous n'imaginez pas à quel point ça m'a fait plaisir de lire vos commentaires, vos suggestions pour que La Traque puisse être améliorée. C'est la première fois que j'écrivais un thriller/policier et je suis ravie d'avoir pu la partager et la faire vivre sur cette plateforme.
Qu'en avez-vous pensé ? Les personnages vous ont-ils paru bien construits ? L'intrigue bien ficelée ? Je suis curieuse d'avoir votre avis maintenant que vous avez tout lu !
À bientôt peut-être sur une autre de mes histoires. Prenez soin de vous ♥️
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