❁ Chapitre 23 : Surprise, surprise ❁
Samedi 13 février, début d'après-midi
Point de vue d'Heidi :
Après un repas copieux dans un restaurant du coin, j'arrive enfin à Fornebu. Heureusement.
De violentes bourrasques de vent me font me déporter sur la route et m'obligent à tenir le volant avec fermeté. La tempête qui fait rage au dehors me donne envie de rebrousser chemin mais en y réfléchissant bien, il est inconcevable pour moi de repartir les mains vides alors que je suis si près du but... M'armant de courage, je brave les éléments déchaînés et file me garer sur un parking un peu plus loin.
Mes épaules s'affaissent de soulagement. La détective en herbe que je suis va pouvoir mener son enquête afin de faire tomber le responsable de ces actes de barbarie qui lui ont gâché la vie.
Malgré la pluie qui tombe à seau, je sors de mon Audi et enfile la capuche de mon long ciré jaune poussin. Pour la discrétion, on repassera. En plissant les yeux, je distingue une maison à proximité de l'entreprise familiale de Glenn. C'est vraiment trop facile. Les doigts dans le nez. Je vais finir la mission que je me suis fixée en moins de deux. Viktor sera fier de moi. Et ma Brita de là-haut aussi ! Et ça, ça n'a pas de prix.
À première vue, la bâtisse ne paye pas de mine. Sa façade, d'un gris triste, va de pair avec celle de Solberg Slakte. Le jardin paraît abandonné. Des herbes hautes et inégales recouvrent le sentier en pierre menant au perron. Des buissons mal taillés complètent le tableau.
Bien que je me sente observée, je décide de ne pas jouer les poules mouillées. Je m'avance vers l'habitation qui hante mes pensées depuis plusieurs nuits. D'un pas déterminé, je longe la façade, fais le tour du propriétaire, m'assure qu'il n'y a personne à l'horizon, me convaincs que je ne risque rien. Tel un aigle fondant sur sa proie, je fends l'air à la vitesse de l'éclair dès lors que j'aperçois des rideaux transparents flotter au gré du vent. C'est ma chance. Mon ticket d'entrée.
J'enjambe le mur, glisse un orteil à l'intérieur, me contorsionne et pénètre dans ce qui s'apparente au salon, motivée comme jamais. Mieux vaut battre le fer tant qu'il est encore chaud. Je risque de me dégonfler bien vite autrement.
Je retiens un cri. Mes yeux s'arrondissent comme des soucoupes. Mes poils se hérissent.
Face à moi, un animal empaillé effrayant semble me scruter et montre ses crocs acérés.
Avalant ma salive avec difficulté, je prends mon courage à deux mains et me force à avancer. Tout est glauque ici : les tapis en peau de bête sur lesquels restent quelques traces rouges séchées, du parquet dans un piteux état, du papier peint jaune pisse qui tombe en lambeaux ou est recouvert par de l'humidité et des moisissures. Ma respiration se bloque dans ma gorge.
Je ne me sens pas en sécurité. Il est trop tard pour reculer cependant. Je poursuis mon examen et me saisis d'un couteau de cuisine dont la lame a tôt fait de m'impressionner. Juste au cas où.
Les minutes défilent avec lenteur, les secondes s'égrainent, restant suspendues dans l'atmosphère et la bâtisse qui me font froid dans le dos. En apesanteur. Éternellement. Semblables aux aiguilles figées d'une vieille horloge ayant rendu l'âme. Mes muscles se crispent. Mes doigts resserrent leur emprise autour du manche en chêne de mon arme improvisée.
Seul le bruit de mon cœur affolé qui cogne dans ma poitrine brise ce silence lourd et pesant.
La mâchoire contractée et constamment sur la défensive, je continue mon épopée. Je rentre dans une chambre, fouille dans une grande armoire en bois vieille d'un siècle et une commode puis en ressors les épaules voûtées en constatant que rien d'intéressant n'y est caché.
Bien que cette recherche ne démarre pas sur les chapeaux de roue, je ne me départis pas de mon optimisme. Je vais bien finir par trouver un objet ou une lettre qui va le faire tomber.
Prenant garde de ne laisser aucune empreinte, je m'oblige à ne pas laisser courir la pulpe de mes doigts sur la rambarde couverte de poussière en empruntant les escaliers qui mènent à l'étage. Ici aussi, des portes closes me chuchotent de les ouvrir et me narguent en me disant que je vais faire chou blanc. Peut-être. Très certainement même. Mais au moins, j'en aurai le cœur net.
Curieuse comme une pie, je vérifie qu'aucun mécanisme n'est accroché aux poignées puis, j'ouvre le plus discrètement possible avant de m'infiltrer à l'intérieur en quête d'indices.
Quels qu'ils soient. De préférence les armes de ces terribles crimes ou des aveux. Ou les deux. Je ne suis pas difficile.
Toutefois, malgré toute ma bonne volonté, la salle de bain et les deux chambres ne savent pas me satisfaire. Je n'y trouve rien non plus d'anormal. Je redescends alors, la mine sombre. Et alors que je m'apprête à repartir, le moral dans les chaussettes, mon pied droit bute dans une masse dure sous un des tapis. Faisant impasse sur l'élégance, je tente de me retenir à quelque chose, je cours ensuite sur plusieurs mètres, réussis à placer mes mains en avant pour limiter l'impact avant de me prendre le mur de plein fouet – ou presque – devant les marches que j'ai quittées il y a une seconde à tout casser. Furieuse après moi, je me maudis moi et ma maladresse, m'assure que je ne me suis pas blessée et surtout, que je n'ai alerté personne avec ce vacarme qui aurait même fait entendre un sourd...
Puis, réalisant qu'il y a eu plus de peur que de mal, je soulève, pleine d'espoir, le large tapis beige tâché d'une substance marron séchée. Sûrement du chocolat chaud.
C'est alors que, pour mon plus grand bonheur, une trappe qui doit mener à la cave apparaît. Vite, je secoue la tête de gauche à droite, reprends mes esprits. Un sourire en coin se dessine sur mon visage. Chargé de malice. De perspective. Il s'agit là de ma dernière chance.
Je saisis le manche en bois du crochet repéré quelques instants plus tôt après avoir rangé le petit couteau emprunté – quel euphémisme – dans la poche intérieure de mon ciré. Cela fait, je tire de toutes mes forces vers moi et soulève l'épaisse zone de plancher.
Comme si le temps m'était compté, je dévale ensuite les quelques marches vermoulues en faisant attention de ne pas chuter. L'atmosphère humide me cloue sur place, me colle à la peau, s'infiltre sous mes vêtements, me procure une sensation désagréable.
Les murs froids pour seuls compagnons, j'essaie de m'habituer à l'obscurité et balaie la pièce d'un regard aussi perçant que celui d'un faucon.
Un craquement lugubre perce le silence. Mes yeux s'écarquillent d'horreur.
Mots de l'auteure :
Coucou tout le monde ! Me revoici avec un nouveau chapitre. La fin de La traque approche doucement mais sûrement ! J'espère que vous aimez toujours autant !
À bientôt ♥️
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