❁ Chapitre 21 : Souvenirs, souvenirs ❁

Lundi 8 février, matin

Point de vue d'Heidi :

Complètement chamboulée par ce dont je viens de rêver, je m'assois dans mon lit, encore bien au chaud sous la couette qui remonte jusqu'à ma taille.

Les détails s'enchaînent, s'imbriquent, s'enchevêtrent, se lient entre eux dans ma tête.

Je me souviens.

Je me souviens d'un des amis d'Andreas.

Je me souviens de son physique, sa silhouette, son profil et sa corpulence. Il est le portrait craché d'Einar mais n'a pas le même prénom.

Je me souviens de sa voix. Grave. Vibrante. Pareille à celle du petit ami de ma Brita.

Je me souviens.

De tout. De rien. De moitié.

Afin de me rafraîchir davantage la mémoire, je bondis sur mes jambes, file fouiller dans le fond de mon armoire et en ressors avec la plus grande fierté un carton que je m'étais jurée de laisser clos à jamais.

Bien qu'embêtée de ne pas tenir ma promesse, je suis ravie à l'idée d'y trouver probablement des réponses. D'un geste vif, je retire le scotch à tête de mort et déchire l'étiquette "défense d'ouvrir" sans la moindre précaution. De plus en plus impatiente, je soulève le couvercle avec assurance. Je redécouvre de rares lettres écrites à la main ainsi qu'un tas de photos dont les bords sont cornés.

Mon cœur se serre. Mes doigts hésitent à se saisir des clichés, se crispent autour du papier glacé.

Ce sera la première fois que je reverrai Andreas depuis qu'il a été assassiné. Et, même si l'histoire qui nous a liés durant des mois appartient au passé, j'ai le sentiment que c'est encore frais, comme si c'était hier. Je m'en veux de penser ça. Viktor serait blessé s'il avait accès à ces réflexions.

Suite à la violation de mon domicile, le dispositif de sécurité a d'ailleurs été renforcé. Des agents restent désormais également devant la porte de mon logement pour empêcher toute intrusion. Et une patrouille campe toujours dans un véhicule face à l'immeuble et derrière.

Il faut que je cesse de tergiverser, de tout mettre en œuvre pour retarder le moment fatidique. Je dois me concentrer sur ma tâche actuelle. Qui n'est pas des moindres. J'ai besoin d'être fixée.

Avant de le regretter, je prends les fameuses photographies entre mes mains et commence à jeter un œil attentif de sorte qu'aucun détail ne m'échappe. Malgré toute ma bonne volonté, plus elles défilent et plus mon espoir se dissipe, m'abandonne, devient inexistant.

C'est alors que, lorsque je songe à tout envoyer valser de rage, je l'aperçois. Là, posant aux côtés d'Andreas et aux miens, souriant jusqu'aux oreilles et dévoilant ses dents alignées à la perfection. Au soleil, vêtu d'une chemise en jean et d'un short camel. Passant un bras autour de l'épaule d'Andy, comme il aimait l'appeler, son meilleur ami depuis toujours. Le portrait craché d'Einar. Le petit ami de ma Brita qui a disparu de la circulation du jour au lendemain. Serait-ce son jumeau ?

« Plage de Vik, îles Lofoten avec Glenn »

Probablement, si je m'en réfère au prénom différent noté à l'arrière du cliché. Ou l'aurait-il changé volontairement pour brouiller les pistes ? Tant d'hypothèses possibles, une seule solution pour en avoir le cœur net. La deuxième phase peut être lancée. Je vais faire des recherches sur Internet.

Avec vivacité, je me redresse. D'une démarche déterminée, je me dirige vers la porte que j'ouvre à la volée. Le nom de famille de Glenn martèle mon crâne pour s'assurer que je ne l'oublie pas au fur et à mesure de mon avancée.

Solberg. Solberg. Solberg.

La chambre de Brita qui apparaît dans mon champ de vision me stoppe dans mon élan. Je pile et retiens mon souffle. J'ai besoin de m'y arrêter l'espace de quelques instants.

Rien n'a bougé depuis qu'elle l'a quittée pour son jogging matinal. J'ai l'impression de recevoir un énorme coup de massue. Si seulement elle avait su qu'elle ne rentrerait jamais... Si seulement elle avait pu avoir une prémonition, un signe qui lui aurait fait comprendre qu'elle ne devait pas y aller. La vie en a décidé autrement.

Les larmes me montent aux yeux et dévalent sur mes joues.

Il ne me reste plus que cette pièce qui dévoile sa personnalité haute en couleur pour me souvenir.

Son lit king size couvert par une couette vert pomme. Son pyjama polaire trônant sur le parquet. Une guirlande de luminaires en forme de papillons qui descend sur des photos de nous fixées au miroir de sa coiffeuse. Son maquillage éparpillé.

Elle me manque tellement.

Submergée par les émotions, je quitte précipitamment les lieux et cours me réfugier dans le salon qui m'apparaît tout de suite plus neutre. Je file en cuisine, me prépare un thé aux fruits rouges qui m'apaise déjà grâce à sa douce odeur, découpe une part de gâteau au chocolat préparé hier et la dispose dans une assiette fleurie.

Glenn Solberg. Solberg. Solberg.

L'heure affichée sur l'horloge disposée au-dessus du réfrigérateur ne me préoccupe pas plus que ça. J'ai pris mon lundi pour me remettre doucement mais sûrement de ma frayeur de samedi.

Me rendant compte que je suis presque venue les mains vides, je reviens sur mes pas, prends mes affaires, à savoir mon ordinateur ainsi que ma souris puis m'installe sur l'un des tabourets hauts.

Tandis que des volutes de fumée s'élèvent de mon mug, j'allume mon outil de travail et prends un morceau de gâteau avec gourmandise.

Les premiers mots-clés se soldent par un échec. Aucun Einar Solberg n'existe. Je suis confuse. Un élément doit m'échapper.

Ne me démontant pas pour autant, j'importe son visage sur un moteur de reconnaissance faciale.

Une correspondance trouvée. Glenn Solberg.

De sorte à être sûre, je télécharge une autre photo provenant des messages de Brita.

Une correspondance trouvée. Glenn Solberg.

Pour quelle raison se ferait-il passer pour quelqu'un d'autre ? Qu'y gagne-t-il ? Que cache-t-il ?

Lorsque je tape son prénom et son nom, une boule se forme dans le creux de mon estomac. J'ai un mauvais pressentiment. Et si je découvrais des choses terrifiantes ? Non, c'est ridicule. Cela fait plusieurs mois que nous avons fait connaissance. C'est un jeune homme bien sous tout rapport.

Ma vision devient biaisée avec la peur. Je dois me ressaisir. Je souffle un bon coup, ferme les yeux et pince l'arête de mon nez. J'inspire. J'expire. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je reprends.

Je me sens mieux.

De nombreux titres d'articles apparaissent à l'écran.

« Le fils unique d'Olav Solberg, Glenn, reprend les rênes de l'entreprise familiale »

« Solberg Slakte* renaît de ses cendres »

« Olav Solberg pourra compter sur son fils, Glenn, pour faire perdurer la dynastie »

Piquée par la curiosité, je les ouvre dans un onglet différent à chaque fois.

Plus j'avance dans ma lecture et plus mes poils se hérissent d'effroi. Olav Solberg a repris après le décès tragique de son père une société spécialisée dans l'abattage d'animaux à Fornebu*.

Aujourd'hui, c'est Glenn qui en hérite. Selon les journalistes, il ferait un tuilage durant de longues semaines avec Olav avant que ce dernier ne parte pleinement en retraite.

Un poignard. Un couperet de boucher. Une hache.

Les armes du crime dont Viktor m'a parlé me reviennent soudain en tête. Les victimes aussi. Emily devait avoir fait la rencontre du meilleur ami d'Andreas. Brita était sa petite amie. Tout s'imbrique.

Et si tout était lié ?

Et si c'était Glenn depuis le début ? Je dois en avoir le cœur net. C'est décidé, ce week-end je me prépare pour l'aventure. Si mes doutes se révèlent exacts, je pourrai trouver des preuves contre lui !

Il faut que je rende justice à ma Brita en aidant la police à arrêter son meurtrier. Bien évidemment, la discrétion sera de mise. Je ne me mettrai pas en danger.

Moins de personnes seront au courant, plus la chance me sourira.

Fornebu, me voilà !


*slakte : abattage en norvégien

* Fornebu : ville à douze minutes d'Oslo.


Mots de l'auteure :

Bonjour tout le monde, j'espère que vous allez bien ? Après quelques semaines à ne rien publier, me revoici aujourd'hui avec un nouveau chapitre ! 

Qu'en avez-vous pensé ? 

Bisous et à très vite ♥️


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