❁ Chapitre 15 : L'enquête ❁
Vendredi 29 janvier, matin
Point de vue de Viktor :
À peine ai-je commencé mon service que me voilà déjà sur les rotules.
Grâce au témoignage des parents d'Emylia Pedersen, nous avons appris d'autres éléments. Et pas des moindres. Suite à ces révélations inattendues, l'inspecteur Fredriksen est d'excellente humeur. Il faut dire qu'elles incriminent davantage Madame Endresen... L'aubaine donc pour lui qui veut la faire tomber à tout prix. Pour ma part, je préfère toujours ne pas tirer de conclusions hâtives.
Même si cela paraît un peu gros en y songeant, Heidi pourrait juste jouer de malchance. Force est de constater que, bizarrement, cet appel soudain a fait pencher la balance en sa défaveur.
Comme si l'on cherchait à la toucher de près ou de loin. Encore et encore.
Qui pourrait y gagner au fond ? Qui pourrait avoir une dent contre elle ? Qui pourrait la détester au point de vouloir l'abattre ?
Bien que tout suggère qu'elle est coupable, le mode opératoire me laisse toutefois dubitatif.
La jeune femme ne semble pas avoir la force adéquate pour abattre quiconque mais le mensonge qu'elle a fait en me regardant droit dans les yeux n'arrange pas son cas.
Pourquoi avoir sciemment dissimulé ces informations ? Pour se protéger ? Par peur d'être accusée et de se retrouver en pôle position dans la liste des suspects ?
J'ai bon espoir que ces questions ne restent pas sans réponse bien longtemps.
L'inspecteur Fredriksen m'a sommé de venir avec lui pour interroger Heidi Endresen. Pendant que je regarde la route défiler, la mâchoire contractée, il conduit en sifflotant gaiement et me jette des coups d'œil appuyés de temps à autre, un sourire goguenard sur la figure.
Il me provoque, cherche à me faire sortir de mes gonds mais je suis résistant. Bien plus qu'il ne lui est possible d'imaginer. Et, comme si j'étais né sous une bonne étoile, le trajet se termine.
Avec souplesse, je m'extirpe du véhicule et suis mon supérieur jusqu'à l'accueil de l'entreprise des Endresen. La secrétaire arque un sourcil en nous voyant arriver puis s'empresse de retrouver un air avenant.
— Bonjour Messieurs, que puis-je faire pour vous ?
Dès l'instant où elle me fixe, le rouge qui lui monte aux joues et ses cils qui battent la mesure ont le don de m'agacer au plus haut point. Mes muscles se crispent.
— Bonjour, Freyja. l'apostrophe Odd. Nous souhaiterions nous entretenir avec Madame Endresen. Est-elle disponible ? C'est important.
Bien que sa soudaine familiarité me surprenne, je ne pipe pas mot. Ce n'est pas le moment que je m'attire davantage ses foudres. Je me contente à la place de l'observer, atterré.
— Elle va vous recevoir d'ici quelques minutes. Je vous laisse patienter dans le petit salon ?
— Très bien, merci. Venez, Viktor.
Sur ces dernières paroles, il tourne les talons et m'entraîne, tel un vieil habitué, à l'endroit précisé par Freyja. Des magazines cornés trônent sur une petite table en bois clair entourée de fauteuils à l'évidence confortables. Les murs crèmes apportent une touche lumineuse aux locaux récents.
La voix grave d'Odd Fredriksen me coupe dans mon examen approfondi de l'environnement qui nous entoure. À regret, je reporte mon attention sur lui.
— Souvenez-vous, c'est moi qui parle. Contentez-vous d'analyser ses réactions. Elle se trahira à un moment donné.
Puis, avec un sourire faux, il se précipite en direction d'Heidi qui descend les escaliers avec grâce.
Le temps semble s'arrêter. Ses cheveux fins et longs tombent en cascade sur son épaule droite. Ils suivent le moindre de ses mouvements, l'accompagnent de la plus belle des manières. Vêtue d'un pull en laine torsadée lavande qui s'arrête au-dessus du nombril et d'un pantalon en cuir noir près du corps, elle ressemble à une déesse tout droit sortie du Paradis. Ses yeux océan rencontrent les miens, son nez se retrousse et ses lèvres s'entrouvrent lorsqu'elle s'arrête à notre hauteur. Je suis à la limite du raisonnable, à deux doigts de baver. Ma respiration se bloque dans ma gorge. Je sens mes jambes se transformer en coton et les battements désordonnés de mon cœur entonnent une symphonie endiablée. Que se passe-t-il ? Vais-je m'écrouler contre le sol froid, raide mort ? Il faut que je me reprenne. Illico. Presto.
— Bonjour. Je vous en prie, suivez-moi. murmure-t-elle d'une voix aussi douce qu'une plume. Des nouveaux éléments depuis hier ?
M'arrachant un sursaut, l'inspecteur éternue du plus fort qu'il le peut alors que nous gravissons les marches. Toutefois, sa tentative pour m'empêcher d'entendre ce qui a été dit est tombée à l'eau.
Stupéfait, je me stoppe en pleine ascension.
— Pardon ? m'enquiers-je.
— Monsieur Fredriksen est venu ici pour faire suite au deuxième meurtre, m'explique-t-elle. Je l'ai reçu dans mon bureau. Je ne vais pas être originale, nous serons dans la même pièce aujourd'hui.
Les yeux hors de la tête, je toise mon supérieur. Il ne s'en était pas vanté... J'hallucine ! Contrarié, je les rattrape en remarquant qu'ils ont pris de l'avance. S'il décide de poursuivre sur sa lancée, ce sera considéré comme du harcèlement. Ce n'est plus possible. Il est complètement inconscient et aveuglé par cette soif de vengeance, cette joie de la faire tomber...
La mâchoire encore plus contractée qu'à notre arrivée, je pénètre dans l'espace de travail d'Heidi.
Après avoir refermé la porte derrière nous, je me poste dans le coin correspondant au rangement. Épuisé par ces non-dits, je m'accoude à un meuble contenant des dossiers de toutes les couleurs. D'environ un mètre-cinquante de haut, il longe l'un des pans grenat et file jusqu'à la large fenêtre qui donne une vue imprenable sur le centre d'Oslo.
— Madame Endresen, je ne peux plus vous le cacher, nous savons que vous avez menti sur votre relation avec Emylia Pedersen. Il y a quelques mois, une violente dispute a éclaté entre vous. Que s'est-il passé ? Et pourquoi l'avoir omis quand Monsieur Olsen vous a interrogée ?
Aussitôt, son visage se décompose. Elle déglutit avec difficulté et passe ses doigts tremblants sur ses cheveux pour y remettre de l'ordre. Sans l'ombre d'un doute, elle est nerveuse.
— J'ai paniqué, admet-elle. Je craignais d'être soupçonnée si vous l'appreniez.
Son regard apeuré cherche le mien. Probablement inquiète d'y voir de la désapprobation, elle me sonde. J'aimerais lui crier que je sais qu'elle n'est pas coupable, que je la crois mais impossible de le faire devant mon chef. En priant pour qu'elle comprenne, je lui adresse un demi-sourire que j'ai peu l'habitude de décocher. J'espère que cela suffira.
Je crois que cet échange discret aura eu l'effet escompté.
Elle adopte une posture plus assurée sur son siège, joint ses mains devant elle, prête à répondre à la poignée de questions que lui a réservé Odd.
— Quel était le sujet de votre altercation ? Vous avait-elle annoncé quelque chose de contrariant? Nous avons découvert que les deux meurtres étaient liés, je ne vous demande que la vérité. Nous savons qu'Andreas Johansen et Emylia Pedersen se connaissaient.
Le soupçon d'assurance qui l'entourait vole en éclats. Elle se recroqueville sur elle-même. À cette simple pensée, à ce souvenir, ses yeux se parent d'un voile de tristesse.
— Andreas avait une liaison avec Emylia. Lorsque j'ai retrouvé une de ses boucles d'oreilles sur la table de chevet de mon petit ami, j'ai décidé de la confronter.
— De quelle façon ?
— Elle était au courant de ma relation avec lui et n'a pas hésité une seconde à me rabaisser en ne se gênant pas pour se moquer. Elle disait que je m'étais faite avoir comme une bleue. J'ai voulu simplement qu'ils arrêtent de se voir, qu'elle s'excuse pour tout le mal qu'ils m'avaient fait tous les deux parce que, oui, j'estime qu'ils étaient tous les deux responsables.
— Le jeune homme avec qui elle envisageait d'emménager dont vous aviez parlé à mon collègue, était-ce Monsieur Johansen ? rebondit l'inspecteur.
— Oui, soupire-t-elle désemparée. J'ai conscience que ce que je vous raconte n'arrange pas mon cas mais je suis fatiguée de toute cette histoire. J'aimerais que vous trouviez le meurtrier pour une nouvelle fois dormir sur mes deux oreilles. Je ne les ai pas tués. J'ai quitté Andreas et je me suis dit avec du recul que s'ils étaient heureux tous les deux, ils méritaient que je n'interfère plus entre eux.
— Les aviez-vous menacés ? Vous étiez-vous livrée à une personne de confiance ?
— Non, après cette dispute je suis rentrée chez moi et de l'eau a coulé sous les ponts. Treize jours plus tard, tout s'arrangeait. J'avais pris le temps de digérer la nouvelle.
— Je vous remercie pour toutes ces informations, Madame Endresen. Cette affaire s'éclaircit mine de rien peu à peu. Nous n'allons pas vous déranger plus longtemps. Faites bien attention à vous.
Sur ces mots, il se relève et m'invite à le suivre.
Je suis si surpris par son comportement, que j'oublie presque de saluer Heidi. Rapidement, je me retourne vers elle et lui adresse un signe de la tête.
Une fois dans le couloir, mon supérieur se mure dans un silence inquiétant.
À en juger l'expression, les traits tirés de son visage, il semble réfléchir. Et, alors que je commence à désespérer, il reprend la parole quand nous sommes dans sa voiture.
— C'est bizarre. Tout coïncide. Elle a le mobile, a menti. Pour autant, je doute que ce soit elle. J'ai peut-être été plus vite que la musique. Je me sens dépassé par cette histoire.
— Cela paraît en effet trop facile.
— D'ailleurs, que font les légistes ? Nous n'avons toujours pas de rapport permettant d'établir de profil pour le tueur. Je vais leur mettre la pression la semaine prochaine si nous n'avons rien reçu.
Mots de l'auteure :
Coucou tout le monde, me revoilà avec un nouveau chapitre ! J'ai tellement la tête ailleurs en ce moment que j'ai failli oublier de le publier ! 😱
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? J'attends vos avis avec impatience !
À la semaine prochaine ♥️
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