❁ Chapitre 12 : La RRH ❁

Lundi 25 janvier, après-midi

Point de vue d'Heidi :

Grâce à la bienveillance à toute épreuve de Viktor Olsen et au soutien constant de Tobias, j'ai pu me remettre en douceur de cette grosse frayeur. Après l'arrivée de mon aîné, j'avais été amenée à l'hôpital pour passer plusieurs examens. Et, Dieu merci, rien d'alarmant n'avait été décelé. Hormis quelques contusions dues à mon impressionnante chute bien sûr.

Emylia Pedersen, notre RRH, n'a pas eu une fin aussi heureuse malheureusement. Ces révélations inattendues me chamboulent et tournent en boucle dans ma tête depuis maintenant trois heures.

« Monsieur et Madame Endresen, tout d'abord merci de me recevoir. Vous devez vous rappeler, je suis l'inspecteur Fredriksen. Nous nous étions rencontrés fin décembre suite à votre agression. »

Avec difficulté, je déglutis. Une boule, de la taille d'une balle de tennis, m'obstrue la gorge.

« Nos chemins se croisent à nouveau aujourd'hui pour une raison des plus macabres. J'ai toujours eu du mal pour annoncer ces choses mais Madame Emylia Pedersen, travaillant ici en la qualité de responsable des ressources humaines, a été retrouvée assassinée chez elle, le corps transpercé de cent-trente sept coups de couteau. »

Une larme roule sur ma joue. Emylia a dû avoir si peur et souffrir. Je ne le souhaiterais pas même à mon pire ennemi. Ce n'est pas un cauchemar, pourtant, j'aimerais me réveiller. C'est atroce. Cette personne s'est tellement acharnée... Pourquoi ? Quel était son mobile ?

« Mon collègue, Monsieur Olsen, avait-il repris, et moi-même aimerions vous interroger ainsi que les employés pour tenter d'avoir plus d'informations sur les circonstances de sa mort. Notamment pour savoir si Madame Pedersen avait eu récemment des conflits ou si elle semblait craindre pour sa vie. Elle aurait pu changer ses habitudes par exemple, travailler plus tard. Pour procéder à cela, pourriez-vous nous mettre à disposition une salle à l'abri des regards indiscrets ? »

Tobias avait pris le relais en me voyant pétrifiée. J'ignorais comment réagir. Je n'osais y croire. Pas Emylia. Pas elle. Depuis une discussion houleuse il y a quelques mois, notre relation était au beau fixe. Qui a bien pu s'en prendre à elle ?

— Ah ! hurlé-je, lorsque Viktor avance une photo de la scène de crime.

Faisant impasse sur l'élégance, je me jette en arrière.

Je manque de perdre l'équilibre sur ma chaise tant mon mouvement de recul est violent. Du sang a giclé sur les murs et sur le parquet de son salon. Le tapis en fourrure blanche près de la table est gorgé d'un liquide rougeâtre visqueux. Et, horreur, il manque le buste d'Emylia !

Comme si ce n'était pas assez monstrueux, sa tête trône sur le tisonnier près de la cheminée. Ses yeux exorbités et sa bouche grimaçante vont me poursuivre désormais jusqu'à la fin de mes jours.

C'en est trop. Je me précipite hors de la pièce, file à toute allure aux toilettes et vomis mon repas dans la cuvette.

Pourquoi diable m'a-t-il montré ça ? Il est complètement inconscient !

Moi qui espérais pouvoir me rappeler du sourire communicatif d'Emylia, de son carré impeccable, de son tailleur bleu marine et de son parfum discret, je vais garder en mémoire son corps mutilé à la place. De la bile remonte de mon estomac secoué, m'obligeant à tousser une nouvelle fois. Les souvenirs avec elle gravés dans ma mémoire semblent partir au fur et à mesure que je crache mes poumons.

L'odeur nauséabonde qui remonte à mes narines me provoque d'autres soubresauts.

— Madame Endresen ?

La voix inquiète de Viktor Olsen retentit dans l'espace exigu et semble se répercuter sur les murs.

Tremblant de tous mes membres, je prends appui sur le sol, me redresse dans un effort surhumain puis tire la chasse d'eau après m'être essuyée. Lorsque j'essaie d'ouvrir le verrou, il ne cède pas. Il faut que je me calme. Je ne dois pas paniquer. Je suis encore en vie. Je ne crains rien.

Une énième tentative plus tard, je parviens, les jambes flageolantes, à m'extirper de la cabine. Me retenant à tout ce que je peux, j'avance en titubant vers le lavabo. Je me rince la bouche plusieurs fois pour enlever ce goût immonde collé à mes dents puis relève le nez vers la glace. Le reflet que me renvoie le miroir a le don de m'effrayer. Je fais un bond en arrière et me cogne contre le torse musclé de Monsieur Olsen, qui, par automatisme, passe une main hésitante autour de ma taille.

Mon teint est cireux et mes lèvres complètement décolorées. Pour compléter le tableau, quelques gouttes de sueur perlent sur mon front. Mon cœur bat la chamade et ma respiration est saccadée.

— Je suis désolé. Je devais vous montrer ce cliché pour évaluer vos réactions. m'explique-t-il. Est-ce-que vous voulez un petit verre d'eau ? Comment vous sentez-vous ?

— Mal... murmuré-je.

S'il ne me retenait pas contre lui, je glisserais sur le carrelage glacé et poserais ma joue dessus. Je dois vraiment m'asseoir. N'importe où. Sauf chez Emylia. Je ne veux plus voir cette mare de sang.

À cette simple pensée, j'éclate en sanglots et enroule mes bras autour de Viktor. Pauvre Emylia.

S'il est surpris par cette soudaine proximité, il n'en montre rien et me serre contre lui. J'enfouis ma tête dans sa chemise bien repassée comme si je pouvais me protéger de cette manière. En vérité, je suis trop bouleversée pour me rendre compte que je dépasse complètement les bornes. Je me contente d'humer son délicieux parfum boisé qui caresse, enivre mes sens. Ce n'est qu'à l'arrivée de Tobias que j'ai une réelle prise de conscience. Que fais-je agrippée à Monsieur Olsen ?

Troublée, je me dégage de son étreinte et renifle bruyamment à la recherche d'un mouchoir.

Je me suis désormais métamorphosée en lapin russe. Mes yeux sont aussi rouges que les leurs.

— Je vais vous raccompagner dans la salle pour poursuivre l'interrogatoire, Madame Endresen. Je vous ramène une boisson chaude pour que vous puissiez reprendre vos esprits.

Tobias n'a toujours pas décroché un mot tant il tombe des nues. Non, ce n'est pas ce qu'il croit. Il ne s'est rien passé. J'ai juste eu un moment de faiblesse et ça ne se reproduira plus.

Me soutenant toujours, le jeune policier traverse le couloir puis m'emmène dans la pièce qui me donne des boutons. Sagement, j'attends ensuite qu'il revienne en regardant le plafond blanc. De minuscules tâches d'humidité y ont élu domicile près des fenêtres. Il faudra que j'en parle.

Je me sens déjà un peu mieux.

Le filet d'air qui passe au niveau de la vitre n'y est sans doute pas pour rien. Je n'ai pas le loisir de divaguer plus longtemps. De délicieux effluves et des volutes de fumée s'échappent d'un gobelet recyclable entre les doigts de Monsieur Olsen. Un doux bouquet amer et sucré. C'est exactement ce dont j'avais besoin.

D'un geste maladroit, il dispose le chocolat chaud devant moi avant de se réinstaller face à moi. Il parcourt les rares notes qu'il a pu prendre jusqu'ici puis redresse la tête.

Mal à l'aise, je reporte mon attention sur la boisson et souffle dessus du bout des lèvres à maintes reprises. Quitte à me brûler, j'enroule ma paume autour.

De toute manière, ce n'est rien comparé à la douleur de cette terrible annonce qui résonne, tel un glas sinistre, en moi. Chaque heure. Chaque minute. Chaque seconde.

Qui ne me laisse aucun répit depuis le début.

— Je sais que c'est très difficile pour vous mais je suis obligé de reprendre là où nous nous étions arrêtés. Vous êtes prête ?

— Oui, je le suis.

— Bien. Tout d'abord, pourriez-vous me dire si, à votre connaissance, Madame Pedersen était en conflit avec une ou plusieurs personnes ? Quelqu'un aurait-il gagné quelque chose en l'éliminant?

— Non. réponds-je sans hésiter. Emylia était une femme douce et toujours professionnelle. Il n'y a pas un jour où elle n'échangeait pas avec ses collègues. Elle était très appréciée ici.

— Comment était votre relation avec elle ?

— Nous étions proches. Vous savez, Tobias et moi-même nous entendions très bien avec elle. J'ai le sentiment que c'est ce qu'il faut entre une RH et les dirigeants. Pour avancer, nous développer, il faut impérativement que nous soyons sur la même longueur d'onde.

Tout en grattant sur le papier, il acquiesce.

— Vous a-t-elle paru plus angoissée, sur ses gardes ?

— Non, elle était comme d'habitude. Elle était même plus souriante. Elle avait rencontré un jeune homme et se voyait emménager avec lui mais ne m'en demandez pas plus, elle n'est jamais rentrée dans les détails.

— Nous allons approfondir les recherches, ne vous tracassez pas.

Le reste de l'interrogatoire se déroule mieux que je ne l'aurais pensé. Viktor ne m'agresse pas.

Il se contente de prendre son travail à cœur et d'éclaircir certaines zones d'ombres.

À bien y réfléchir, je ne sais même pas pourquoi je me suis imaginé qu'il s'emporterait contre moi. Depuis que nous nous côtoyons, il ne l'a pas fait une seule fois alors pourquoi maintenant ?

Une vibration dans ma poche m'arrache un sursaut. Au fur et à mesure que je lis le contenu, je me fige.

De : Unknown

Je l'ai fait pour toi. 🔪 Parle et tu seras ma prochaine victime.


Mot de l'auteure :

Coucou tout le monde ! J'espère que vous allez bien et que vous passez un bon week-end sous le soleil ? 

Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? J'ai hâte d'avoir votre avis ! 

Gros bisous et à la semaine prochaine ♥️


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