❁ Chapitre 10 : Métro, boulot, dodo ❁

Lundi 18 janvier, matin

Point de vue de Viktor :

Bien que je ne l'aie pas croisée depuis deux semaines, Heidi Endresen reste dans mes pensées. Je sais que si j'en parlais, ça ferait très nian-nian mais je crois que pour la première fois de ma vie, j'ai eu un coup de foudre. Un vrai de vrai. Comme dans les livres ou dans les films.

Derrière mon air de gros dur se cache un cœur aussi tendre qu'une guimauve mine de rien. Si l'on m'avait annoncé ça il y a un mois, je me serais fâché et j'aurais pu être saignant. Maintenant, je ne sais pas quelle serait ma réaction. Sûrement un mix entre un Rottweiler enragé qui essaierait de se prouver qu'il n'est pas aussi mou qu'une chique et un agneau apeuré face au grand méchant loup qu'est l'amour.

Il faut dire que ma dernière relation ne m'a pas laissé de très bons souvenirs. J'en ai bavé. Même si je n'étais pas fou d'elle.

Et je mâche mes mots. Ruth m'a jeté comme un malpropre par SMS après avoir trouvé l'amour. Je n'étais, je cite, qu'un plan temporaire pour assouvir ses besoins en attendant. Maintenant, elle est aux bras d'un riche homme d'affaires qui a l'âge d'être son père et qui l'entretient.

Mon salaire d'agent de police ne pouvait bien sûr pas rivaliser avec ce qu'il pouvait lui apporter. Il n'y a pas de doute : elle avait un porte-monnaie à la place du cœur.

Et moi, j'étais trop bon, trop con pour m'en rendre compte.

Toujours dans mes pensées, je manque d'écraser mon chef sur le parking souterrain du poste qui passe devant mon véhicule pour atteindre l'ascenseur. Après avoir sauté de côté, il m'adresse une œillade assassine et se stoppe pour m'attendre.

— Excusez-moi, patron. Je ne comptais pas vous renverser, m'empressé-je de me justifier.

Je prends ma sacoche contenant mes effets personnels d'une main tremblante puis verrouille ma voiture de fonction.

— Déjà dans la lune, Olsen ? C'est un comble compte-tenu du métier que vous exercez. Ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Je ne suis pas dupe. Vous étiez ailleurs.

La mâchoire contractée, je n'ajoute rien. Contrairement à lui, je prends la cage d'escalier et arrive au rez-de-chaussée avant que les portes métalliques de l'ascenseur n'aient le loisir de s'ouvrir. Cet exercice physique de bon matin m'aura remis les idées en place. Tant mieux. Je me sens plus apte à affronter ce début de semaine avec mes collègues.

— Tu as un date avec la petite sœur de Tobias ? m'accueille Magnus, d'un air goguenard. Tu t'es fait beau aujourd'hui...

Amusé, je lève les yeux au ciel.

Dès que nous sommes seuls, il n'en loupe pas une pour me mettre en boîte. J'oublie toujours que c'est le meilleur ami de l'aîné des Endresen et qu'il a organisé cette fameuse soirée du Nouvel An qui m'a permis d'échanger avec Heidi.

À ce simple souvenir, mes joues, ces traîtresses, rosissent.

— Je ne vois pas de quoi tu parles... nié-je tout en bloc.

— Oui, bien sûr. Je te crois. Sérieux, à d'autres, Vik' ! J'ai bien remarqué ce qui s'est passé, ne me prends pas pour un imbécile.

Avec difficulté, je déglutis. Peut-être pourra-t-il éclairer ma lanterne parce que, moi-même, je ne parviens pas à mettre de mots dessus ?

Mes doigts nerveux dézippent la fermeture de mon manteau comme si de rien n'était. Je saisis le cintre dans mon casier, feignant l'assurance, et l'y accroche. Puis, je prends mon uniforme plié à la perfection disposé sur l'étagère et file dans une cabine pour me changer.

Ce n'est qu'à couvert que je me risque à reprendre la parole d'une voix posée.

— C'est-à-dire ? Qu'as-tu vu de si spécial ?

— Le courant est direct passé entre vous. C'est comme si vous vous connaissiez depuis toujours.

Il se tait. Des bruits de pas qui se rapprochent de plus en plus parviennent à mes oreilles. Nous ne sommes plus en petit comité. Un autre collègue vient d'arriver dans les vestiaires. Il déverrouille le cadenas qui nous empêche d'avoir accès à ses affaires et m'imite. Ses habits de civils tombent par terre dans la cabine d'à côté alors que je ressors.

Magnus me fait signe d'approcher et me chuchote la suite de ce qu'il voulait me dire. J'apprécie sa discrétion à toute épreuve.

— J'ai vu vos regards, l'alchimie qui se dégageait. Vous étiez sans cesse attirés l'un vers l'autre. Je ne veux pas me vanter mais je suis un expert dans le domaine. On aurait cru voir deux planètes en train de graviter dans le système solaire, luttant irrémédiablement pour ne pas s'entrechoquer. Il y avait des étincelles, Viktor. Ce sont des signes qui ne trompent pas. D'autant que tu imagines que suite à ce qu'elle avait subi, elle pouvait ne pas être emballée de sortir. Vous étiez le yin et le yang et je n'exagère pas. Tu aurais vu son sourire, son visage habité par une lueur d'espoir. Et tu aurais vu ta tête de niais. Vous étiez vraiment dans votre bulle.

Les battements de mon cœur s'affolent et ma respiration se bloque dans le creux de ma gorge. Je suis vraiment piqué.

Moi qui ai toujours eu du mal à m'attacher, ça me surprend. Ça ne me ressemble tellement pas.

Je suis tombé dans ses filets sans même ressentir l'envie de me battre.

Heidi Endresen m'a ensorcelé.


Point de vue d'Heidi :

Ne digérant toujours pas d'avoir fait chou blanc concernant le possible vol de brevet, je reprends mes recherches depuis mon appartement.

Je suis censée profiter du télétravail pour avancer sur certains dossiers de l'agence mais je préfère d'abord me concentrer sur ce sujet épineux qui me taraude l'esprit depuis plusieurs jours.

Je me connais. Je ne serai performante qu'après avoir tiré cette histoire au clair.

D'un geste sûr, je remonte mes cheveux en un chignon brouillon. Ma nuque dégagée me permet de mieux me concentrer. Sur une feuille de papier vierge, je note quelques mots-clés qui viennent dès que je commence à réfléchir pour être certaine de ne pas les oublier.

Rien ne doit être laissé au hasard.

Les yeux rivés sur l'écran, j'enroule mes doigts autour de l'anse de mon mug et porte à mes lèvres un délicieux thé aux fruits rouges d'où s'échappent encore d'élégantes volutes de fumée. Je mets mes lunettes pour ne pas m'abîmer la rétine avec les lumières bleues. Ça y est. Je suis fin prête.

Telle une pianiste virtuose, mes doigts caressent les touches – différentes par bien des aspects de l'ivoire – et courent sur mon clavier.

« Vol de brevet + société énergie renouvelable et technologie + Odda »

Aucun résultat trouvé.

« Harald Endresen + brevet + Odda »

Aucun résultat trouvé.

Agacée, je soupire. Je voulais l'éviter à tout prix mais il semblerait que je n'ai plus le choix. Je vais abattre ma dernière carte sur la table. Si je n'ai rien de concluant, je ne saurais plus que penser.

Mon père serait-il responsable malgré tout ? Ou innocent ?

Aura-t-il ordonné de supprimer des preuves probantes pour que l'on ne remonte pas à lui ?

Ou était-ce simplement une invention de ce pauvre homme rencontré devant le supermarché ?

Quelle prise de tête. Je m'empêche de cogiter plus longtemps. Il faut que j'en ai le cœur net mais comment y parvenir ? Comment démêler le vrai du faux ? Je vais finir par m'arracher les cheveux.

Je bascule en navigation privée et passe du côté obscur de la force. Je me rends sur le Dark Web.

« Vol de brevet + incendie + Odda »

Deux correspondances trouvées.

« Terrible drame dans la ville d'Odda : incendie et meurtre non élucidés »

« La victime était une femme enceinte : que s'est-il passé le samedi 11 septembre 2021 à Odda ? Ce que nous savons »

Plus j'avance dans ma lecture et plus je me mortifie. Les articles stipulent certains éléments dont il m'avait parlé quand nous avions échangé. En revanche, impossible d'affirmer à cent pour cent que mon père est derrière là-dessous mais je dois reconnaître que toute cette histoire ne pouvait que lui profiter. Grâce à cette affaire, il a pu s'enrichir, bâtir un empire indétrônable.

Il a été considéré comme un pionnier mais comment aurait-il pu y arriver sans l'aide de quelqu'un de qualifié ? D'un ingénieur par exemple ? Comment aurait-il pu avoir cette idée scientifique sans un seul diplôme à son actif ?

Un message d'erreur s'affiche au moment où j'essaie de faire des captures d'écran. Puis, un autre, plus menaçant encore remplace les différentes phrases. Je me liquéfie sur place.

« Parle, et tu mourras dans d'atroces souffrances. Te voilà prévenue. »


Mots de l'auteure : 

Bonjour tout le monde, quel plaisir de vous retrouver aujourd'hui avec un nouveau chapitre qui ne se termine pas de la meilleure des manières 😱

Heidi semble se rapprocher d'informations compromettantes et commence à être en danger. Va-t-elle arrêter là les frais ? Ou au contraire, continuer sa petite enquête en ne prenant finalement pas au sérieux cette menace ? 

Qu'en avez-vous pensé ? Dites-moi tout ! 

Je vous dis à la semaine prochaine ♥️



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