Chapitre V : Rien n'échappe...

15h58
2ème jour
Salle de contrôle

Les pas précipités et les discussions animées fusaient dans la vaste salle. Au centre de la pièce, sur un piédestal de métal reposait la miniature de l'arène. Les petites pièces y étaient représentées, tout comme les combats qui s'y déroulaient en temps réel. Quel fantastique chose que le progrès ! Les âmes échauffées arguaient d'arguments et de graphiques, cherchant à deviner qui serait le choix du jour. C'était là bien le rôle des Contrôleurs. Il y avait, réunis ensembles, les diverses castes de cette large catégorie qu'était les Contrôleurs. Les Speakers étaient en bas de la liste. Simon en faisait parti. Au dessus d'eux se trouvaient les Ingénieurs. Ils étaient en charges du contrôle de tout le processus, ainsi que de son bon fonctionnement. Leurs supérieurs étaient les Managers. Eux s'occupaient de l'aspect économique de ce jeu qu'était la Traque, mais aussi de l'aspect social. Choisir les bons prisonniers, s'attendre aux réactions du public et surtout, prévoir les pensées qu'auraient les spectateurs. Ils se devaient de trouver qui serait le canard boiteux, et qui serait le fer-de-lance de leur partie.

Au fond de la pièce, dans un coin sombre, le Game Master écoutait attentivement les paroles de chacun. Pour ainsi dire, personne ne savait qu'il était là, hormis quelques Managers, les plus haut gradés. Personne ne l'avait remarqué. Personne ne l'avait jamais vu. De ses yeux perçants, il scrutait la table. Son esprit analysait avant les autres les résultats, il avait déjà en tête les gagnants. Cela était bon, pour son plan.

Simon, quant à lui, examinait distraitement les éléments qui se présentaient à son regard. Tout était trop... technique à ses yeux. Prévoir ce n'était pas son rôle, non. Lui, il devait agir et exalter les foules. Ses yeux parcoururent la grande salle de contrôle. Tout était trop compliqué ici, songea-t-il, alors que son regard s'attardait sur un fauteuil qui tournait le dos à la cohue. Intrigué, le bonhomme haussa un sourcil. Comme personne ne prêtait attention à un petit Speaker, il s'approcha lentement, intrigué. Alors qu'il allait faire un pas supplémentaire, un cri le tira de sa contemplation, le ramenant à la réalité.

« Dysfonctionnement en salle 5 ! »

Les Ingénieurs entrèrent alors en scène. Au nombre de sept, il sortirent leurs outils, tripatouillant les ordinateurs centraux avant de pincer de leurs gants métalliques l'image de la fameuse pièce. Un agrandit apparu, illuminé d'un voyant rouge en son centre. Un simple bug, rien de plus simple à corriger. L'un d'entre eux tapota rapidement sur les touches du clavier tandis qu'un autre vérifiait les constantes. En seulement cinq minutes, l'alerte avait été jugulée. Simon haussa les épaules, tournant de nouveau la tête vers le fauteuil. Trop tard, celui-ci était tourné face à lui, vide. Le dossier se balançait encore légèrement, signe que quelqu'un était bien assis dedans. Mais qui ?

Le présentateur entendit alors son nom à travers la salle et il rejoignit son collègue. Il devait faire son boulot, applaudir une de ses pauvres souris de laboratoire qui s'était échappée de sa salle. Il éprouverait presque de la pitié pour eux, si ils n'avaient pas été ce qu'ils étaient. Des rebuts de la société, des échecs. Et ce jeu, oui ce jeu qu'avait créé leur chef était une idée lumineuse. Si les paroles ne servaient à rien avec la jeunesse actuelle, alors autant utiliser la peur. Seule la peur parvenait à inculquer le savoir-vivre à ces gamins incultes.

Une fois sa tâche achevée, Simon jeta un œil aux managers. Ces pingouins en costume l'agaçaient tellement... Ils se pensaient supérieurs aux autres castes, ce que cela pouvait être énervant. Poussant un énième soupir, il se rendit dans la salle de détente, allant directement se servir un café. L'odeur âcre et douce de la boisson emplit ses narines, le faisant sourire. Ah le café, il n'y avait que ça de vrai... Alors que, sa tasse brûlante en main, il se préparait à retourner dans la pièce principale, un échange qu'il surpris le fit sursauter.

« Alors tout est prêt vous dites ?

— Bien sûr Monsieur ...

— Bien bien bien ... Répondit la voix aux sonorités nasillardes. Je veux que le plan entre en action dès demain. »

A peine Simon eut le temps de se dissimuler derrière un mur plein que l'interlocuteur passait en flèche, remettant sa cravate d'un geste sec. Le présentateur le reconnut comme étant Monsieur Drueux, le chef des Managers. Haussant un sourcil et se préparant à sortir de sa cachette, il ne sentit qu'une légère piqûre, là, derrière l'oreille. Et cette même voix grinçante qui soufflait lentement.

« Rien n'échappe au Game Master, Simon. Rien... »

Puis, s'effondrant avec lenteur, ce fut un voile rouge qui tomba sur les yeux du speaker avant qu'il ne s'étale au sol, inconscient...

« Le Game Master voit tout... »

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