La tranquillité de l'existence
Il n'y avait pas beaucoup de bruit dans l'appartement. Les seuls sons qui pouvaient être entendus étaient les touches du clavier de Ronald et les boutons pressés de la QSQ de Draluc. Le fond sonore du jeu auquel il jouait était réduit au maximum. John dormait sur les genoux de Draluc, tranquillement. Ronald n'avait pas pris la peine de mettre des écouteurs avec de la musique, apaisé par tous les bruits de touche. Cela sonnait comme une berceuse pour son cerveau embrumé par le sommeil.
Il ne lui restait que quelques pages à écrire et il aurait fini son chapitre. Pour l'une des rares fois de sa vie, il était en avance sur son manuscrit. Il n'aurait pas le bonheur de recroiser la vierge de fer de Fukuma. A vrai dire, il aurait dû être en retard. Il avait encore sa fâcheuse manie de prendre absolument tous les boulots qui passaient, ne se posant pas plus de question. Il se ruinait la santé et le moral en acceptant tout ce qui venait et ne prenant jamais de repos.
Mais ce n'était valable qu'avant l'arrivée de Draluc. Lorsque le faible vampire avait vu dans quel état était la vie de Ronald, il avait arrêté un instant de se moquer de lui. Les autres ne pensaient pas à mal mais Ronald n'était pas le seul à pouvoir accomplir le travail, ils devaient arrêter de l'appeler toutes les quelques minutes. Draluc avait claqué la porte au nez de tout le monde et les avait tous envoyé promener. Même Hinaichi.
Ronald pouvait se concentrer sur son roman. Et il pouvait mieux prendre soin de sa santé. Ça ne faisait pas longtemps qu'ils sortaient ensemble. Tout était encore nouveau pour eux. Mais ils exploraient ensemble. Ni l'un ni l'autre n'avaient jamais été en couple, ils découvraient. Ronald avait été abasourdi quand Draluc le lui avait dit.
Mais Draluc avait pointé ses mains sur lui et les avaient agitées de haut en bas. Lui faisant signe que personne ne voulait être avec lui avec ce corps. Personne sauf Ronald visiblement. Ils n'avaient rien dit à la famille de Draluc mais ils savaient tous les deux que sa famille s'en ficherait éperdument.
Ronald sentit ses yeux se fermer pour la énième fois. Il voulait juste aller se coucher, Draluc dans ses bras, John à portée de main. Mais il ne lui restait plus grand-chose. Il fut sorti de sa léthargie par une petite sonnerie. Le portable de Draluc venait de sonner. Alors que Draluc le prenait pour le vérifier, Ronald écrivait encore quelques mots.
« Ma famille organise notre réunion de retrouvailles annuelle dans notre château familial en Roumanie. » Draluc l'informa sans lever les yeux de son portable, les pouces suspendus en l'air, attendant d'écrire une réponse.
« Si tu veux y aller, tu peux. Je ne te retiens pas prisonnier. » Ronald rigola doucement de sa propre blague, ironisant sur toutes les fois où il voulait désespérément que Draluc parte de chez lui.
« Mais tu veux venir avec moi ? Tu sais que ma famille t'a accepté depuis longtemps et ils s'attendent à te voir. Ça te fera une pause, ça fait combien de temps que t'as pas pris de vacances ? »
« J'ai pris une pause. Tu as dégagé tout le monde pour que je puisse écrire en paix. »
Draluc le regarda avec un regard très peu impressionné. Il soupira faiblement.
« Ce n'était pas une pause, tu travaillais quand même sur ton roman. Je te parle de vraies vacances. »
« Tu crois que je peux ? Mais les autres ... » Ronald était incertain, il ne pouvait pas prendre des vacances comme ça, sans préavis pour aller en Europe voir la famille de son petit-ami. Une douce chaleur se répandit en lui au moment où il pensa le mot petit-ami.
« Bien sûr que tu peux. Ils se sont bien débrouillés sans toi pendant quelques jours, ils peuvent continuer de le faire. »
Ronald continua de réfléchir quelques instants. Des vacances seraient pas mal. D'autant plus qu'il n'était jamais sorti du pays, découvrir autre chose était tentant. D'autant plus avec la famille de Draluc, ils étaient tous très calés en Histoire, ce qui n'avait rien d'étonnant et adoraient leur pays natal, ils pouvaient parfaitement lui faire faire du tourisme en dehors des sentiers touristiques. L'idée lui plaisait, il avait bien envie de découvrir ça et passer du temps avec certains des petits-cousins et petites-cousines de Draluc qui l'adoraient.
« Ok. Je t'accompagne en Roumanie. »
Draluc était ravi de la réponse et n'attendit pas plus pour préciser qu'ils avaient trois autres personnes au programme. C'était la réunion annuelle où même ceux qui ne venaient pas aux autres réunions à cause de leur travail venaient. Même Mira serait présente. Cette cousinade était importante pour leur très grande famille.
Les billets d'avions furent rapidement réservés. En première classe bien évidemment. Draus ne voulait rien de plus que le meilleur pour son fils. La guilde et le VRC furent prévenus tout aussi rapidement puisque le départ était prévu deux jours plus tard. Hinaichi allait devoir déménager du sous-sol de l'appartement pour un petit moment.
La préparation de leurs bagages fut laissée aux entiers bons soins de Draluc. Ronald n'avait jamais été doué pour ce genre de choses, pas qu'il soit déjà parti en vacances de cette manière. Draluc et John avaient l'habitude des avions et des aéroports mais pas Ronald. Il était stressé et jouait avec les bretelles de son sac à dos pour tenter d'occuper ses mains.
Il regardait partout autour de lui, sans réellement poser son regard quelque part, découvrant à chaque instant quelque chose de nouveau. Il se laissait traîner par les deux habitués qui discutaient joyeusement, commentant ce que serait leur futur séjour.
Draluc était heureux que Ronald puisse découvrir son château familial, là où il avait passé ses premières années, choyé par tout le monde et protégé comme l'être fragile qu'il était. Il aimait ce château, il aimait sa famille et il aimait Ronald. Il attrapa la main de Ronald, le guidant tout du long.
Il avait un peu de mal avec les avions, notamment au décollage et à l'atterrissage mais il se devait de faire bonne figure pour Ronald. Des trois, c'était bien John qui était le moins stressé, il gérait les choses parfaitement et avait autant hâte que Draluc de retrouver tout le monde, principalement les autres tatous. Et il était tout aussi heureux que Ronald puisse découvrir ce grand château qu'il avait retrouvé après avoir parcouru le monde.
Assis dans les immenses fauteuils, Ronald s'était placé côté hublot comme Draluc le lui avait dit. Le vampire lui avait dit que pour une première fois, c'était mieux d'être côté hublot. Ronald le croyait. Alors que l'avion décollait, Draluc mâcha un chewing-gum, essayant de faire passer les sensations désagréables. Heureusement pour le chasseur, il ne ressentait rien de particulier.
Décidant de faire quelque chose pour l'apaiser, Ronald attrapa Draluc par les épaules et le bascula vers lui. Il releva l'accoudoir entre eux pour créer un seul immense siège. Dans un entremêlement confus de membres, ils s'ajustèrent ensemble. Ronald avait pris les couvertures présentes pour faire un petit coussin contre le mur. Les bras grands ouverts, Draluc se faufila pour se blottir entre les bras forts de Ronald.
Refermant ses bras et alourdissant la pression, Draluc était au chaud et ne voulait absolument plus bouger. Les vampires ne dormaient généralement pas s'ils n'étaient pas dans un cercueil. Mais à cet instant, dans les bras confortables de son petit-ami, Draluc se surprit à lentement tomber dans le sommeil, le stress coulant sur sa peau. Pendant ce temps, John avait donné à Ronald un des casques, prenant l'autre pour lui-même et mettant un film au hasard qu'ils regarderaient le temps du trajet.
Le trajet était excessivement long. Ils auraient dû faire des escales et changer plusieurs fois d'avion. Mais il avaient simplement changé de pilotes. Ce qui laissait Draluc toujours confortablement installé contre Ronald. Ronald et John, qui, eux, avaient eu le temps de se faire un marathon des vieux films d'animation Barbie, s'endormant même en cours de route. Le casque dévia de la tête alors qu'elle basculait. Les chansons s'enchaînaient dans leurs oreilles sans qu'aucun des deux ne les entendent, John s'étant tout autant endormi que les deux hommes.
Alors qu'ils approchaient de Bucarest, une hôtesse vint réveiller le trio qui n'avait toujours pas bougé de leur position initiale. Elle avait longuement hésité, ne voulant déranger la sérénité qui les envahissaient. Mais ils allaient devoir partir de toute façon. Elle réveilla Ronald en premier, sachant qu'un vampire détestait plus que tout se faire réveiller, encore plus par des inconnus. Elle préférait que l'humain réveille lui-même son compagnon, cela serait plus acceptable.
Le trio se réveilla, baillant grandement et se levant lentement de leur position précédente. Le sommeil s'éloignait progressivement d'eux, les laissant suffisamment reposés pour pouvoir faire face à l'énergie débordante des membres du clan du Dragon.
Draus et Mira étaient venus les chercher, Draus à la limite des pleurs alors qu'il serrait son fils adoré dans ses bras, trop heureux de le voir revenir au château familial. Ronald était un gêné autour de Mira, peu habitué à sa présence. Il fallait faire encore un peu de chemin, le château était en campagne, loin des grosses villes.
Finalement arrivés sur place, Ronald n'eut pas le temps de descendre de voiture qu'il se fit assaillir de toutes parts par les enfants du clan. Draluc riait de son malheur sur le côté, le laissant tout à fait en galère. Les bagages furent amenés à l'intérieur et Ronald était à vrai dire absolument émerveillé du décor dans lequel il allait séjourner.
Devant lui, la beauté de l'architecture de l'Europe de l'est du XVIe siècle. Il n'arrivait pas à trouver tous les petits détails dans les sculptures des colonnes qui se dressaient devant lui. Le château était absolument immense, ce qui n'était pas étonnant lorsque que l'on voyait le nombre de membres de cette famille. C'était un véritable labyrinthe et Ronald était sûr que s'il n'était pas accompagné par des occupants, il se serait perdu depuis longtemps.
La famille de Draluc lui avait installé un « petit lit » comme ils avaient dit dans la chambre d'enfance de Draluc pour qu'ils puissent rester ensemble. Ronald s'attendait à un simple lit d'appoint, du genre pliant et facile à ranger. Des draps, des couvertures et un coussin, c'était tout ce qu'il demandait. Mais il aurait dû le savoir, il s'agissait de la famille riche de Draluc.
Alors qu'il passait le pas de la porte, impatient de savoir à quoi ressemblait la chambre d'enfant de son petit-ami, s'il y avait encore toutes ces balles qui dataient de l'époque où Draluc croyait qu'il ne reverrait plus jamais John. Toutes les chambres faisaient la taille de l'appartement entier de Ronald et celui-ci se demanda soudainement comment Draluc supportait de vivre dans son taudis alors que sa seule chambre faisait la taille de leur lieu complet d'habitation.
Il tourna la tête, s'attendant à voir le petit lit mais c'était toujours du clan du Dragon dont il s'agissait. Et le lit king-size à baldaquin qui l'accueillit en était une bonne preuve. Il lâcha son sac à dos par surprise. C'était ça le « petit lit » dont ils avaient parlé ? Il n'avait jamais, de toute sa vie, dormi dans ce genre de lit. Mais la seule remarque qu'il reçut fut « c'est l'occasion de découvrir ».
Il hésita un peu en s'asseyant dessus, même le matelas était incroyable et il ne voulait absolument pas savoir en quoi les draps étaient faits. John et Draluc sautèrent dessus et rebondirent, faisant légèrement sursauter Ronald, toujours en transe et passant ses doigts doucement sur les draps doux et délicats.
Il s'allongea dessus, regardant ses deux personnes préférées au monde rire en attrapant des coussins de la montagne qui trônait dans son dos, contre la tête de lit. Une mini bataille de coussins s'organisa alors, Ronald finissant par les rejoindre alors qu'il se prit en même temps des coussins lancés par Draluc et John qui le trahissait.
Aucun d'eux n'avaient sommeil, ayant beaucoup trop dormi dans l'avion. Ils entendaient le capharnaüm dans les couloirs et les autres pièces. D'autres personnes étaient en train d'arriver, la décoration finissait d'être mise, la cuisine était en ébullition. Ils finirent par sortir et se laisser mélanger à tout le reste, se lançant dans un ballet qui semblait infini à Ronald de salutations et de bises.
Ronald n'avait jamais été quelqu'un de particulièrement tactile. Sa famille ne l'était pas alors il n'avait jamais vraiment expérimenté les câlins et les accolades et en grandissant, il n'avait personne dont il était assez proche pour faire ce genre de choses. Mais les membres de la famille de Draluc le prenaient dans leurs bras si facilement que cela désarçonnait le chasseur.
Ronald finit par ne plus savoir à qui il avait dit bonjour ou pas. Les vampires commençaient à tous se ressembler mais ce n'était absolument pas raciste. Certains voyaient sa confusion et lui firent simplement une salutation de la main, sans s'attarder. Gorgona passa plus de temps avec lui, il l'appréciait mais elle restait tout de même insistante pour une prestation de pole dance même après avoir appris la vérité sur son métier.
Tout n'était qu'un mélange de bruits en tout genre. Les gens parlaient, mangeaient, buvaient, se mélangeaient les uns aux autres, ça prenait des nouvelles, ça rattrapait le temps. Ronald essayait de tout suivre mais avait un peu de mal. Même à ses séances de dédicace à Shin-Yokohama, il n'y avait pas autant de monde.
Il finit par s'écarter un peu, essayant de respirer. Il se mit dans un coin, tranquille, jusqu'à ce qu'il se fasse attaquer par une partie des enfants qui l'avait repéré et qui n'avaient pas pu le rejoindre jusque-là. Ce coin fut rapidement le leur et alors qu'une couverture fut posée sur le sol sans que Ronald ne s'en rende compte, les chaussures enlevées, ils se posèrent tous pour jouer ensemble.
Ronald jouait avec les enfants et les familiers qui les avaient rejoint. Les rires retentissaient et Ronald se sentait apaisé du bruit ambiant. Il aimait la tranquillité et le silence mais l'agitation quasi permanente que cette famille causait était nouvelle et parfois grisante.
Les enfants lui montèrent dessus, grimpant sur ses épaules. Ronald les regardèrent, ne voyant que de simples enfants s'amusant. Il s'étonnait toujours que ces petits vampires ressemblaient à des enfants humains mais avaient en fait son âge voire plus pour certains. Mais des enfants restaient des enfants. Et Ronald le remarquait bien.
Les petits vampires s'épuisèrent finalement, jouant avec moins d'énergie qu'auparavant. Cela laissa le temps à l'écrivain de regarder l'immense pièce dans son ensemble. La réunion de famille avait lieu dans la salle de bal, pour qu'ils puissent accueillir tout le monde. Tout le monde avait sorti son meilleur costume, on se pavanait, on s'amusait. Le bonheur rayonnait dans la pièce.
Ronald repensa rapidement à son propre chez-lui. Du plus loin qu'il se souvienne, ses parents n'étaient jamais chez lui. Lorsque ses souvenirs commençaient vraiment, son frère aîné avait déjà commencé son travail de chasseur et n'était pas aussi présent qu'il l'aurait voulu. Lorsque sa petite sœur fut là, il devait s'en occuper avec Hiyoshi. Elle était calme et ne faisait pas de crise contrairement à lui.
En grandissant, elle s'éloigna de lui. Il faisait trop de bruit pour cette maison. Hiyoshi restait simplement pour s'occuper d'eux parce qu'ils étaient encore mineurs. Il n'y avait jamais d'activité, tout le monde était dans son coin.
Ils n'avaient jamais vraiment été famille. Ce n'était qu'eux trois dans la famille Kinoshita. Ronald n'avait jamais fait de réunion de ce genre, il n'était même pas sûr d'avoir déjà rencontré des tantes, des oncles ou des grands-parents. En regardant tout autour de lui, son cœur se serra. Il avait du mal avec tout ça.
Draluc était né et avait grandi dans cette immense famille qui s'agrandissait toujours plus, avec même parfois des membres qui n'étaient pas de leur sang, adoptant tous ceux qu'ils aimaient et qui en avaient besoin. C'était une famille très élargie qui ne prenait même pas en compte le sang. Et Ronald venait d'y être ajouté. Les autres membres le considéraient comme un des leurs, il était invité à ce genre d'évènement, on lui parlait comme s'il avait toujours été là.
Ses scènes de ménage avec Draluc les faisaient rire, même s'ils étaient tous très protecteurs avec le plus faible de tous les vampires supérieurs. Parce qu'ils savaient que Ronald aimait Draluc et qu'il ne lui ferait jamais réellement de mal. Et cette simple connaissance faisait de lui un membre du clan du Dragon. Le simple fait qu'il aime ce vampire rachitique, absolument doué en jeux vidéos et cuisine mais tellement nul dans tout le reste lui avait ouvert les portes de ce fabuleux monde.
Traînant son regard dans toute la pièce, il finit par atterrir sur l'objet de ses pensées. Draluc. S'il avait su qu'il lui suffisait de détruire un château dans une autre préfecture pour avoir tout ce qu'il avait aujourd'hui, il l'aurait sans doute fait plus tôt.
Draluc riait à une blague de l'un de ses cousins, faisant sauter ses maigres épaules. Même à cette distance, même recouvert par toutes les autres discussions qui inondaient la pièce, il était certain d'entendre ce rire qui l'avait fait tomber amoureux sans même qu'il ne s'en rende compte.
L'homme aux cheveux bizarrement naturellement blancs sentit le coin de ses yeux piquer. Il était un peu émotionnel. Ce n'était pas une mauvaise chose, il l'avait appris avec cette famille aussi. Il l'avait l'habitude de tout cacher et de tout rejeter en bloc mais cette famille lui avait montré qu'il pouvait être un homme et pleurer s'il le voulait. C'était une bonne chose de se relâcher de temps en temps, cela faisait du bien.
Il s'effondra sur le dos, contemplant le plafond. A ce moment-là, il sentit une myriade d'enfants grimper à nouveau sur lui pour se caler. Certains sur ses bras, ses jambes, son ventre. Il ne pouvait plus bouger, les petits vampires s'endormant plus ou moins rapidement. Une larme roula sur sa joue sans qu'il ne le veuille. Il savait ce que cela voulait dire que ces enfants puissent s'endormir sur lui. Ils lui faisaient confiance.
On lui faisait confiance dans sa vie, bien sûr. Mais il s'agissait toujours de travail, ce n'était jamais des enfants vampires, dans une pièce remplie à ras-bord d'autres vampires, qui s'endormaient sur un humain, sans leur cercueil. Ronald réfléchit que c'était sans doute lui qui leur faisait le plus confiance. Son cou était à disposition pour n'importe lequel d'entre eux et il les laissaient s'endormir sur lui.
Fermant les yeux, il se laissa envahir par tous les sons, captant dans un coin, certains des oncles et tantes de Draluc qui essayaient de dissuader le patriarche de lancer un nouveau jeu mortel. Laissant couler quelques autres larmes, Ronald se dit simplement qu'il était bien ici et qu'à cet instant, il était en paix et heureux, recouvert d'enfants, dans une salle de bal du XVIe siècle avec des vampires en tenue de soirée, tous au courant de son métier de chasseur.
Bien qu'il aurait pu s'endormir, il ne le fit pas, trop réveillé par sa sieste interminable dans l'avion. Il entendit soudainement des pas qu'il était sûr qu'il reconnaîtrait même en pleine guerre. Les pas étaient légers et auraient été imperceptibles pour n'importe qui d'autre que lui ou un membre de cette famille. Draluc se rapprocha de lui et Ronald entendit les vêtements se froisser et les genoux craquer alors que le vampire s'accroupissait.
« Tu t'es endormi, gorille ? » Le son était doux, comme s'il avait peur de le réveiller s'il était vraiment endormi.
Ronald pencha alors sa tête en avant, faisant signe à Draluc. Signe que Draluc comprit immédiatement. S'agenouillant, le chroniqueur de jeux vidéos pourris installa la tête de Ronald sur ses genoux. Draluc était maigre, très maigre. Ronald l'avait vu déshabillé plusieurs fois, il connaissait le contour des côtes et la finesse des bras. Ses genoux n'étaient pas ceux d'une grande sœur plus âgée aux gros seins et aux cuisses généreuses.
Ronald ne ressentait que les os. Mais il n'avait en fait pas vraiment envie de ressentir autre chose que les os. Il sentit subitement des mains dans son cuir chevelu. Cela faisait un moment que Draluc ne lui avait pas fait ça. Il sentit le grattage des ongles qui aurait réellement pu l'endormir s'il n'avait ne serait-ce qu'une once de fatigue en lui.
Draluc avait enlevé ses gants et Ronald se rappela que le dernier vernis qu'il avait mis était une teinte de bordeaux qui ressemblait à son vin de sang préféré. Draluc n'enlevait jamais ses gants à Shin-Yokohama, excepté dans la sécurité de leur appartement moisi. Leurs amis dans le quartier n'avaient jamais vu les longs doigts fins et les ongles vernis, Ronald était le seul. Et la connaissance le ravit de contentement. A part sa famille, Ronald était le seul à avoir vu les ongles peints le plus souvent en rouge.
La tête sur des cuisses osseuses, les cheveux parcourus par des doigts maigres et des ongles coupés courts, le corps envahi de toute part par des enfants à différents stades d'endormissement, les oreilles remplies de conversations qui se superposaient, Ronald le Grand, écrivain célèbre et chasseur de vampires de son état était heureux et se sentait abreuvé d'une tranquillité de corps et d'esprit qu'il n'avait jamais ressenti de toute sa vie auparavant.
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Je voulais un truc simple, mignon, sans prise de tête et c'est exactement ce que j'ai fait.
Je dois dire qu'après mon hannigram, "les ponts s'effondrent, les phares s'éteignent", je voulais écrire quelque chose de beaucoup plus court (en même temps, c'était pas compliqué) et tranquille, sans grande effusion de sentiments dramatiques.
J'ai eu l'idée en écoutant "Shiver" de Lucy Rose qui est l'un des openings de Mushishi. C'est une chanson extrêmement tranquille et j'ai immédiatement eu en tête cette scène dans la grande salle de bal où Ronald regarde cette réunion de famille où tout le monde fout plus ou moins le bordel en se disant qu'il n'avait jamais connu ça chez lui, que c'était la première fois et que ça le rendait foutrement heureux.
J'ai seulement développé un peu plus pour que ce soit logique autour. La scène dans l'avion, ça faisait un moment que je l'avais imaginé mais elle s'intégrait dans une autre fic ronadora à laquelle je pensais. Mais elle s'insère également parfaitement ici alors c'est très bien.
J'aime écrire des fics longues, dramatiques, où ça pleure dans les chaumières. Mais écrire une fic plus courte, toute mignonne et sans prétention aucune, ça fait du bien aussi. Alors même si c'est pas la plus fabuleuse de mon compte, eh ben j'en suis quand même contente.
Playlist écriture : - "Shiver" Lucy Rose
Sinon, comme d'habitude, en espérant que vous avez aimé ^^
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