⚘37. Le barbecue improvisé

17 avril 2020

          « QCM 12 : CONCERNANT LE SYSTÈME RÉNINE-ANGIOTENSINE :

A) La rénine a été découverte en 1898 par des Norvégiens.
B) La rénine est directement liée à l'augmentation de la pression artérielle.
C) La diminution de la concentration de NaCl contribue à la stimulation de la sécrétion de la rénine.
D) La sécrétion d'angiotensine II entraîne une vasoconstriction correspondant à une augmentation de la sécrétion d'aldostérone .
E) Tous les items sont vrais. »

Hum... CD. À moins qu'il ne s'agisse d'ACD, après tout la rénine a bien été découverte en 1898 mais par des Norvégiens... Hum... Je n'en étais pas certaine à cent pour cent. Dans le doute, mieux valait ne pas la mettre. Allez, prochaine question.

Le minuteur affiché par la rétroprojecteur diminuait au fil des secondes, se rapprochant dangereusement du zéro fatidique. L'épreuve d'initiation à la connaissance du médicament était la dernière de ce concours blanc, la dernière mais l'une des plus importantes pour moi, juste après la spécialité pharmacie. Il fallait que je donne tout même s'il ne s'agissait guère du concours. Et même si jamais je venais à échouer, je n'aurais qu'à travailler encore plus.

Après tout, le concours était dans un mois et demi. Par conséquent, j'avais encore pas mal de temps pour tout revoir et pour m'entraîner avec les différentes annales.

— C'est fini ! Posez vos crayons s'il vous plaît, ordonna un tuteur lorsque l'heure octroyée à l'épreuve toucha à sa fin.

Dans un soupir de soulagement, je déposai mon feutre noir près de mon surligneur rose. J'avais eu le temps de répondre à toutes les questions même si cela s'était avéré difficile vers la fin. En effet, j'avais pris un peu trop de temps pour répondre aux premiers QCM et avais dû accélérer la cadence lorsque le minuteur avait entamé la vingtaine. Mais bon, j'avais réussi à tout remplir et c'était ce qui comptait le plus.

Machinalement, j'étirai mes doigts en inspirant profondément. C'était fini, la fac, le tutorat, et tous ces bons temps chez Anh, Alizé ou encore avec Malo. Maintenant, il n'y avait plus que le concours et je pouvais être sûre de ne pas être sereine tant que les résultats ne seraient pas tombés.

Après avoir donné ma copie et m'être faite remettre l'annale d'UE 6, je rejoignis Alizé et Léopold qui m'attendaient dans le hall de la fac. Étant tous les trois dans des amphithéâtres séparés, nous avions convenu au préalable d'un endroit où nous retrouver avant de nous en aller.

Une fois arrivée à leur hauteur, je remarquai que des plaques rouges s'étaient formées sur le cou de Léo. Le doublant trépignait sur place, ses phalanges serrées autour des bretelles de son sac comme si sa vie en dépendait. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que notre ami était totalement en proie au stress. Je n'étais même pas étonnée : Léo était une vraie boule de nerfs et la moindre chose concernant ses études avait le don de lui retourner le cerveau.

De son côté, Alizé avait retrouvé ses sourires solaires et ses boucles mi-longues effleuraient doucement son pull lilas. Elle paraissait décontractée, un peu dans la lune mais avec tout de même les pieds sur terre. La blonde avait levé la main quand je m'étais approchée d'elle et je lui avais tapée en un high five plus ou moins raté.

— Je crois qu'on peut dire que ça sent la fin, déclara Léo en se mordant l'intérieur de la joue.

— Ça fait bizarre... J'ai vraiment l'impression que la rentrée était y a deux mois, répondis-je en hochant la tête.

— J'aime pas quand vous parlez comme ça, nous coupa Alizé en tapant du pied contre le carrelage. On dirait qu'on va plus jamais se voir, vous me déprimez.

Léo lâcha un rire et passa un bras autour des épaules de la blonde. Cette dernière esquissa une moue contrit lorsqu'il lui ébouriffa les cheveux mais se rebella à peine.

— Si t'as peur qu'on t'oublie, tu te trompes sur toute la ligne, Lizou !

— Même si tu vas en psycho l'année prochaine, avec Malo on fera toujours des sauts à la librairie pour vous voir, tes plantes et toi ! 

Et je le pensais vraiment. Alizé était une amie trop précieuse pour être oubliée, elle dégageait quelque chose cette petite, une aura dont on ne pouvait pleinement se défaire. Comme Anh, elle inspirait la sûreté et la légèreté : avec elle, tout semblait beaucoup plus simple, plus évident. Elle aurait pu remonter le moral de centaines de troupes rien qu'en leur adressant un de ses sourires solaires. Alizé, c'était notre petit soleil ambulant et jamais de la vie je ne voudrais m'en séparer.

C'était peut-être la première fois que je m'attachais autant à une de mes amies. À vrai dire, Alizé était peut-être la seule véritable amie fille que j'avais eu dans ma vie et rien que pour ça, je ne pouvais décemment pas la mettre au placard.

— Au fait, j'organise un barbecue chez moi demain midi si jamais ça vous dit de venir. Y aura tout le monde normalement, plus mes parents bien entendu et mon petit frère.

Un barbecue ? Demain midi ? Ça pouvait être une bonne chose avant d'entamer ce mois de révisions intensives.

— Je suis partante ! Et je pense que Malo le sera aussi dès que je lui aurai dit !

— Moi aussi ! s'enthousiasma Alizé en frappant dans ses mains telle une enfant.

— Tu veux qu'on ramène quelque chose ?

— Ramenez vos fesses, ce sera déjà pas mal, plaisanta Léo pour seule réponse.

18 avril 2020


          — IL RESTE DES CHIPO ? s'exclama Malo depuis l'autre bout de la table.

Mon meilleur ami avait à peine fini sa bouchée qu'il en redemandait encore. Léopold pouffa suite à la remarque de ce ventre sur pattes et s'empressa d'aller chercher une nouvelle tournée de saucisses et de merguez auprès de son père, le responsable du barbecue. Pendant ce temps-là, Sylvie, la mère de notre hôte, discutait avec Esther et Jasmine, sirotant un verre de limonade maison. Anh s'empiffrait de chips à même le bol sous mon regard désapprobateur et Alizé écoutait attentivement l'histoire de Nathan, le petit frère de Léopold.

Un barbecue on ne peut plus normal quoi.

— Anh ! Laisse des chips aux autres ! grondai-je en attrapant le bras du brun.

— Mais personne n'en mange ! contra mon copain avec mauvaise foi et je levai les yeux au ciel.

Heureux d'avoir remporté la victoire, Anh enfourna un énième pétale de pomme de terre dans sa bouche, se délectant du sel restant sur ses doigts.

— Chaud devant ! prévint Léo, les cheveux cendrés en pétard, portant le plat de brochettes et de saucisses du bout des doigts. Maman ! Tu peux faire de la place, s'il te plaît ?

La mère de Léopold s'excusant auprès d'Esther et de Jasmine, se leva pour dégager la table de jardin. C'était une femme plutôt grande, très menue et aux grands yeux lunaires si semblable à ceux de son fils. Ses boucles blondes retombaient en un ravissant carré autour de son minois creusé, sublimant les quelques grains de beauté ornant sa peau caramel. Elle retira habilement une bouteille d'eau à moitié vide, ainsi que le pichet de limonade, permettant à Léopold de déposer la viande sans trop de catastrophes.

Et comme tout le monde s'y attendait, Malo fut le premier à se lever, son assiette dans la main et demanda à notre ami s'il pouvait le servir. Après cela, Léo fit un tour de table pour savoir qui voulait encore de la viande et je ne pus résister plus d'un instant face aux brochettes fumantes. Aussi me resservit-il, en plus d'Anh, de Nathan et de Jasmine.

Après le repas, et après avoir aidé Sylvie et son mari à débarrasser, nous nous étions regroupés tous les sept pour une partie de Mölkky. Esther et Anh se chargaient d'installer les quilles en bois près du saule pleureur, tandis que Léopold avait récupéré un crayon et un carnet pour noter les points.

— On est combien ? demanda notre hôte en s'asseyant sur le muret délimitant le potager.

— Sept, rétorqua Jasmine avant de se frapper le front du plat de la main. Merde ! On peut pas faire des groupes de deux !

Alizé, qui comme Esther avait la solution à tout, renchérit le plus naturellement du monde :

— On a qu'à faire deuxièmes années contre PACES ?

— Oh ! bonne idée ! Et l'équipe qui perd doit payer sa tournée de bières à l'autre ! Préparez-vous à faire chauffer la carte bleue les gars, se délecta Malo en frottant ses paumes l'une contre l'autre, tel un savant diabolique.

Anh, qui visiblement avait fini d'installer le jeu, releva la tête à la mention des termes "bière" et "carte bleue". Mon copain se releva prestement, manquant de peu de se taper contre l'une des branches du saule et nous rejoignit à grandes enjambées, Esther sur les talons et l'air tout aussi intéressé.

— C'est toi qui va banquer Malo si tu continues à faire le malin. Esther, Jasmine réunion de crise : on va les écraser ces deux mille un.

— Eh ! Oubliez pas que je suis avec eux ! se révolta Léo depuis son perchoir.

Anh lui intima de se taire du bout des doigts et le blond lui tira la langue. Voyant que les deuxièmes années élaboraient un plan pour nous renverser, nous décidâmes d'en faire de même. Nous nous regroupâmes derrière l'arbre et entreprîmes d'échafauder un plan digne de ce nom.

— Ok. Tout le monde a déjà joué au Mölkky ou non ? murmurai-je tout bas.

Mes amis hochèrent la tête mais je voyais bien qu'Alizé fronçait les sourcils, l'air perdu. Aussi décidai-je de rappeler brièvement les règles, histoire de lui rafraîchir la mémoire et de voir si nous jouions tous avec les mêmes instructions. J'avais disputé bien de trop de parties de Uno pour savoir que ce n'était pas toujours le cas.

— Donc le but c'est d'atteindre 50 points, pas plus pas moins et si on fait plus on retombe à 25. Les quilles sont numérotées de 1 à 12 : si une seule tombe, le score qu'on a correspond au chiffre inscrit dessus, mais s'il y en a plusieurs, tu gagnes autant de points que de quilles tombées, rappelai-je en pointant les bouts de bois.

Alizé approuva d'un signe de tête et je poursuivis :

— Après, si tu marques aucun point trois fois de suite, tu es censée être éliminée mais vu qu'on joue en équipe, je propose qu'on revienne juste à zéro pour pas trop nous pénaliser. Ça vous va ?

— Nickel, juste faudra le dire aux trois boulets pour pas qu'ils commencent à râler et crier à la tricherie, surtout Anh : c'est vraiment un mauvais perdant celui-là, soupira Léo en levant ses iris grises au ciel.

Et comme s'il l'avait entendu, la voix chantante d'Anh s'éleva de l'autre côté du saule pleureur.

— Vous avez fini réunion Tupperware les fillettes ?! On peut commencer ?!

— Prépare-toi à mordre la poussière ! jura Malo avec conviction en surgissant du feuillage verdoyant.

— Ça, ça reste à voir Tarzan, railla Jasmine en attrapant le lanceur en bois.



On avait remporté la partie à peu de choses près et depuis, Anh ne cessait de crier à la tricherie en refusant même que je m'assois sur ses genoux.

— Je sympathise pas avec l'ennemi, se justifia-t-il en me repoussant une énième fois. Vire tes fesses sale tricheuse !

— T'exagères Anh ! T'étais le premier à vouloir nous la mettre à l'envers pour gagner ! s'exclama Léo en pointant du doigt son meilleur ami.

— Peut-être, mais vous étiez plus nombreux que nous donc vous aviez un avantage !

Malo pouffa en levant les yeux au ciel.

— Mec, on avait Alizé avec nous et elle avait jamais joué de sa vie : on avait clairement aucun avantage sur vous, c'est n'importe quoi.

Anh croisa les bras contre son polo en grommelant des propos inaudibles. Esther, qui jusque là était restée silencieuse, finit par ajouter son grain de sel à notre conversation.

— Sinon vous voulez pas parler d'autre chose ? Je sais pas, c'est bientôt le concours : on devrait profiter de nos derniers instants ensemble au lieu de nous disputer à propos d'un jeu de quilles.

J'hochai la tête, approuvant les dires de la rouquine. Pendant plus d'un mois nous allions être chacun de notre côté. Je n'allais pas avoir beaucoup d'occasion de voir Anh à cause des horaires que je m'apprêtais à m'imposer, et ne passerais sans doute plus mes après-midi chez Alizé comme j'en avais si souvent l'habitude. De même, la fac allait demeurer un vague mirage, temple d'une année de dur labeur mais aussi de fous rires et de cafés peu corsés. Avec un peu de chance, j'y retournerais en tant que deuxième année mais tant que le concours n'était pas passé, je ne pouvais me permettre de telles illusions.

— Je crois qu'il reste de la limonade, si jamais ça vous tente, proposa Léo en jetant un coup d'œil par la fenêtre de la cuisine.

Nous échangeâmes un regard, nous concertant silencieusement, avant d'hocher la tête comme un seul homme.

La limonade maison, il n'y avait rien de mieux pour pardonner les différents.


━ ⚘ ━

Arghhhh j'ai trop du mal à me dire que c'est l'avant-dernier chapitre !

J'arrive pas à croire que l'histoire est bientôt finie T-T

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