10. Conclure

       Je ne m'étais même pas encore remis du bisou que m'avait donné Anatole que maman m'avait réveillé le lendemain matin à onze heures moins le quart en me proposant de les accompagner, l'amant Fred et elle, se balader à la mer. À contre cœur j'avais accepté. Passer la journée avec les deux tourtereaux, mais quelle idée saugrenue ? Maman et sa bonté d'esprit m'avaient tout de même proposé d'inviter Anatole à notre petite sortie mais j'avais refusé. Anatole m'avait dit qu'il avait des choses à faire ce jour-là alors ça n'avait pas été la peine de forcer. En plus, je ne savais pas si j'étais prêt à le revoir si vite. Notre dernier échange m'avait bien chamboulé, mais j'avais quand même dormi comme un loir qui aurait passé sa journée à danser la samba.  

Lorsque nous étions arrivés à la mer, nous avions marché sur la plage en regardant les vagues s'échouer dans un calme presque effrayant. Elles semblaient vouloir venir caresser le sable mais, trop timides pour aller plus loin, elles repartaient aussi vite qu'elles étaient venues. Alors elles se fondaient à nouveau dans la masse et elles disparaissaient.

Maman et Fred avaient marché longtemps devant moi et je les avais regardé, main dans la main à se dire des mots doux, des mots drôles, des mots beaux. 

Je m'étais senti vide cet après-midi là. À plusieurs reprises Maman avait tenté de m'introduire dans leur conversation mais je n'avais pas cherché à faire d'efforts, je ne lui avais répondu que mécaniquement. Je n'étais pas arrivé à penser à autre chose qu'à ce qu'il s'était passé dans la soirée d'hier, à Ani, à ma paire de converses que je lui avais donné et à la sienne que j'avais mise à mes pieds. Ses converses rouges dont chaque salissures semblaient contenir un souvenir contre mes converses blanches, si basiques et vierges.

Je crois que c'est en regardant pour la centième fois ses baskets que je m'étais rendu compte que le théorie avait peut être fonctionné. Car rien ne me semblait plus comme avant. C'était comme si j'avais réussi à voir le monde dans le sens inverse, que tout s'était retourné.

- Tu as l'air ailleurs, aujourd'hui, m'avait dit maman en venant s'asseoir sur le rocher où je m'étais perché. 

- C'est mes chaussures, je crois qu'elles sont tombées amoureuses, avais-je murmuré un peu pour elle, mais surtout pour moi. 

- C'est plutôt une bonne nouvelle, tu ne crois pas ? 

- Oui. Mais c'est la première fois alors elles se sentent toute bizarres. 

Maman avait désigné les converses que j'avais à mes pieds. 

- C'est cette paire-là qui a conquis leur cœur ? 

- Oui, avais-je répondu. 

Elle avait embrassé mon front avant de se lever pour rejoindre Fred qui tentait de faire des ricochets sur la mer. De plus en plus désespérant. 

- Tu verras mon Loulou, tes converses ne pourront qu'être heureuses. 

Puis elle m'avait laissé seul face à la mer et le soleil couchant. Tous ces tons d'orange m'avaient fait penser à Ani. Et intérieurement, j'avais souri. J'avais repensé à la bière qu'il s'était pris dans le front par ma faute, à la morve qui avait coulé de son nez lorsque je l'avais surpris dans les toilettes morbides du collège, à son jus d'ananas, à ses vêtements trempés de vase, aux pansements de l'âge de glace, à sa passion pour les nems, les hamsters, Naruto et les dessins de Totoro. Puis j'avais pensé à ses converses, et j'avais souri de l'extérieur. 

Quand le soleil avait fini par disparaître, emportant avec lui toutes les lueurs rousses qui s'étaient réfléchies sur la mer, quelque chose s'était réveillée en moi, j'avais pris ma décision :  il fallait que je lui parle, que j'avoue à Ani que je lui avais menti et qu'il avait raison, sa théorie n'était sans doute pas des conneries. Peut-être qu'on ne l'avait pas résolue, peut-être qu'il nous manquait encore pleins d'éléments pour la comprendre, mais j'avais les preuves au fond de moi qu'elle existait car je n'étais plus le même. Et ce jour-là, j'avais compris ce que pouvait ressentir un chercheur face à une théorie inexpliquée : j'avais eu plus que jamais le désir d'en savoir plus.

         Le lundi matin, je m'étais préparé à toute vitesse pour arriver le plus tôt possible à l'école. Toute la nuit je n'avais pensé qu'à ça et j'étais déterminé à annoncer à Anatole que j'étais prêt à continuer et à découvrir les secrets que renfermait la théorie avec lui. Il ne fallait pas qu'il abandonne, et encore moins qu'il prenne une pause pendant les vacances de Noël. Pour le moment j'avais la certitude que nous n'avions découvert que la boite. Il nous manquait encore la clé et alors nous aurions été prêts à découvrir le trésor qu'elle renfermant. Ses baskets contre mes baskets. De savant fou à savant fou.

Quand j'étais arrivé au collège, j'avais guetté devant le portail la silhouette d'Ani. Je l'avais attendu, je l'avais cherché. J'avais patienté jusqu'à la sonnerie de huit heures, puis j'avais fait durer l'attente jusqu'à la deuxième sonnerie. Je l'avais cherché à la récré du matin, à la cantine, puis à la deuxième récré. J'avais de nouveau fait le guet devant le portail à la fin de la journée. Ce lundi-là plus que jamais, il me fallait  le trouver.

Mais je n'ai jamais revu Anatole Franklin. Ce jour-là, le jour suivant, et bien des autres jours encore.

Lorsque j'avais demandé à Léontine si elle l'avait vu, elle m'avait appris qu'il était parti, qu'il avait changé de collège et qu'il était allé dans un internat loin d'ici, loin de moi, loin de tout.

Au départ je ne l'avais pas crue, pensant qu'elle se moquait de moi, qu'elle voulait me faire une blague ou qu'elle voulait s'imaginer l'un de ses fantasmes : voir ce crétin d'Anatole loin d'elle. Mais mes professeurs me l'avaient confirmé, son départ était prévu depuis longtemps. Mon ventre s'était tordu. Lorsque j'avais ensuite voulu lui envoyer un message, je n'avais même pas pu, c'était comme si Anatole n'avait jamais eu de compte instagram.

Jamais je ne m'étais senti aussi vide de ma vie.

Quand j'y repense, je me dis que ce jour-là j'aurais pu attraper mon skate et rouler à toute vitesse jusqu'à chez lui pour lui demander des explications, pour comprendre comment le savant qu'il était avait pu quitter son assistant comme ça, sans une explication. Alors que le monde entier avait semblé être mis au courant, sauf moi. 

À la place j'étais rentré chez moi, tel un zombie vidé de vie.

- Loulou ? Ça va ? s'était inquiétée maman.

- Hum, je lui avais répondu en me dirigeant vers ma chambre.

- Il y a une boite pour toi sur ton lit, je l'ai trouvée devant la porte en rentrant tout à l'heure, m'avait-elle informé d'une voixtendre.

Je m'étais enfermé dans ma chambre et je m'étais approché de la boite.

C'était une boite à chaussure, toute la surface avait été peinte de petits montres, de créatures bizarres, de Naruto et de Totoro. Et sur le dessus, il y avait marqué en grosses lettres rouges et blanches : Pour Louison.

Le cœur battant, j'avais ouvert la boîte.  

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Are you ready pour la fin ? 😋
Ne m'assassinez pas d'ici là ...

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