Chapitre 1 : Le client







Lundi 16 mars, 15 h 25

Danaé





Ça fait maintenant dix bonnes minutes que je piétine devant la porte d'arrivée du vol de Monsieur Andersson, avec un panneau à son nom dans la main. Mes talons aiguilles commencent déjà à me faire souffrir. Ce n'est pas le genre de chaussures idéales lorsqu'on fait un métier comme le mien, mais aujourd'hui nous n'allons pas arpenter les rues de la vieille ville. Je vais me contenter d'accompagner mon nouveau client à son hôtel, où nous sommes censés passer en revue le programme de la semaine. Donc, en résumé, nous allons passer l'après-midi assis à une table de réunion et c'est la raison pour laquelle je me suis permis cette petite folie vestimentaire. En plus, les talons allongent la silhouette et dans mon cas c'est appréciable car je ne suis pas très grande. Et puis, comme le dit si bien mon ami Éric, c'est la première impression qui compte. Alors, sur ses conseils, j'ai opté pour un style sophistiqué. Je porte cette jolie robe noire droite, aux manches trois-quarts avec un col bateau, achetée ce matin. J'ai relevé mes cheveux en un chignon agrémenté de mes petites barrettes fétiches à strass blanc pour faire plus chic. J'ai travaillé mon maquillage pour l'occasion avec un peu de noir pour faire ressortir mes yeux. Enfin, mon manteau beige cintré ajoute une ultime touche d'élégance à ma tenue. J'espère avoir l'air assez professionnel. C'est le client du siècle pour mon amie Suzanne pour qui je travaille aujourd'hui, tout doit être parfait, à commencer par sa guide.

Ça y est, la salle de débarquement commence à cracher son lot de voyageurs fatigués ou pressés. Un homme, qui doit avoir un peu plus de la trentaine, s'approche en me fixant droit dans les yeux. Comme il est encore assez loin de moi, je ne réagis pas tout de suite, car souvent des passagers s'amusent à vous faire croire qu'ils sont la personne que vous attendez, et au dernier moment, vous snobent avec un regard en coin et un petit sourire satisfait. C'est sans doute le résultat de vols interminables. Parfois, l'ennui a cet effet. Les gens peuvent sauter sur la moindre occasion pour se divertir, même si c'est aux dépens d'une personne consciente de son air ridicule avec son petit panneau.

L'individu s'approche et j'ai le temps de l'observer. Il n'est certainement pas celui que j'attends. Dans ma tête, Monsieur Andersson, directeur de la recherche dans je ne sais plus quel département de la société Lunixbiotech, est un petit bonhomme dans la cinquantaine. Il a les cheveux blancs et porte un costume trois-pièces avec un nœud papillon : le cliché du vieux chercheur un peu loufoque. L'homme d'assez grande taille qui s'approche de moi en tirant une énorme valise d'une démarche assurée est tout l'opposé de ce stéréotype suggéré par mon imagination. Il porte un costume sombre très bien coupé avec une chemise sans cravate ouverte au col. Ses cheveux châtains sont légèrement ondulés avec des reflets blonds, un peu comme s'il avait passé un été au bord de la mer. Il dégage assurance et classe. Ses yeux marron très sombres sont maintenant plongés droit dans les miens. Il est juste devant moi. Son regard brûlant, presque déstabilisant me sort de ma transe et je plaque un sourire sur mes lèvres. Il s'est sans doute aperçu que je le dévisageais et je sens le rouge me monter aux joues.

— Bonjour, vous devez être la remplaçante de Claire ? m'interroge l'inconnu dans un très bon français où perce un léger accent que je n'arrive pas à situer.

Il a apparemment été informé du changement de dernière minute.

— Oui, et vous devez être Monsieur Andersson ? dis-je en abaissant ma petite pancarte tout en lui tendant une main qu'il saisit fermement. Je suis Danaé Delacourt.

Son regard s'assombrit et devient interrogateur. Je lui explique alors en quelques mots la situation. Claire, son contact de l'agence d'événementiel gérant l'organisation de son congrès a eu un accident de ski il y a deux jours. Suzanne, la responsable de l'agence qui est aussi mon amie, m'a demandé de la remplacer, car elle n'avait personne d'autre de confiance sous la main pour prendre le relais. Monsieur Andersson est l'un de leurs plus gros clients et elle a pensé que j'étais la personne la plus qualifiée pour l'assister pendant son séjour de repérage. J'ai donc une sacrée pression sur les épaules.

— Je n'aime pas vraiment les surprises, Mademoiselle Delacourt, m'informe-t-il un peu sèchement.

Je reste interdite quelques secondes par cette déclaration. La semaine ne promet pas d'être facile. Mais je peux comprendre qu'un tel changement puisse être déstabilisant lorsque l'on a l'habitude de traiter avec une personne particulière. Je décide de faire comme si de rien n'était. Je peux être aussi professionnelle que la chargée de projets que je remplace au pied levé, à moi de le lui prouver.

— Par ici, dis-je en indiquant la sortie et la file de taxis où attend la voiture avec chauffeur mise à notre disposition pour la semaine par l'agence.

Nous nous installons tous les deux à l'arrière de la luxueuse berline. Monsieur Andersson se tourne vers moi en me fixant de son regard perçant et me demande :

— Bien, par où commence-t-on ?

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